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Musiques - Page 8

  • Ophélie Gaillard sous les auspices de Ginastera et Piazzolla

    Ce sont des histoires de tangos que nous propose Ophélie Gaillard dans son dernier double album, Cello Tango. Voilà qui peut paraître surprenant de la part d’une violoncelliste abonnée au répertoire classique, que ce soit Fauré, Bach, Chopin ou Brahms. C’est par contre oublier que la musicienne s’intéresse à la création contemporaine depuis des années et ne dédaigne pas faire des passerelles entre les différents genres.

    Ophélie Gaillard confie que l’idée de ce projet vient de son idée de mettre en lumière le répertoire du compositeur argentin Alberto Ginastera (1916-1983), présent dans plusieurs œuvres, La Puneña n°2 op.45, La Pampeana n°2 op. 21 et deux chansons (Canciones op. 3).

    Commençons donc avec ces œuvres dont le modernisme, certes sombre ("Harawi", Puneñas n°2), pourra désarçonner dans un opus consacré au tango. Ophélie Gaillard offre une entrée passionnante dans l’œuvre du compositeur argentin relativement peu connu dans nos contrées. On ne taxera pas la musicienne de facilité. Alberto Ginastera mérite cependant que l’on se penche sur son œuvre. Il a su s'inspirer de la musique de son pays tout en l’ancrant dans la modernité, avec des rythmes carnavalesques à la fois endiablés et désespérés menés par une Ophélie Gaillard solide et et expressionniste ("Wayno Karnavalito", Puneñas n°2). Plus mystérieuse encore est la Pampeana n°2, avec son court mouvement Lento rubato, précédant un Allegro au rythme de tango revisité et fiévreux. La musicienne qui se met au service d’un compositeur disparu il y a plus de 40 ans et, pourtant, tellement actuel ! Une nouvelle preuve s’il en est avec le pathétique Lento ed esaltato, en forme de chant funèbre. N’est-ce pas l’Argentine abîmée par la dictature militaire des années 60 à 80 qui s’exprime ? Alberto Ginastera a d’ailleurs vécu la censure puis l’exil. Le court Allegro vivace vient clore cette Pampeana, un mouvement sombre mais qui se veut aussi un appel à la vie et à la liberté. Comment rester indifférent au travail et à l’art d’un musicien argentin contraint de suivre de loin les affres de son pays ? Nahuel di Pierro vient interpréter dans le second CD deux chansons des Canciones op. 3 d’Alberto Ginastera. La nostalgie et la mélancolie cachent mal mal la douleur du déchirement natal (Canción al árbol del olvido), même si le désespoir ne peut se cacher trop longtemps (Canción a la luna lunanca).

    La danse la plus sensuelle et en même temps la plus existentielle qui soit

    Le tango, la danse la plus sensuelle et en même temps la plus existentielle qui soit, est représentée dignement par Astor Piazzolla. Inévitable. L’album rassemble des standards de tangos du célébrissime compositeur. Ophélie Gaillard aurait eu bien tort de ne pas s’en emparer, que ce soit Milonga for Three, Fuga y misterio derrière lequel se cachent les influences de Bach, le délicat Viage de bodas ou encore le désormais classique air de María de Buenos Aires, "Yo soy María", interprété avec conviction et tempérament par Inès Cuello. L’auditeur découvrira sûrement ce singulier titre de Piazzolla qu’est Vayamos al diablo, faisant se rejoindre tango traditionnel, rythmiques traditionnelles et facture moderne. Il faudra tout autant s’arrêter sur l’ambitieuse pièce Las Cuatro erstaciones Porteñas : Otoño porteño. Ces Estaciones porteñas constituent une suite en quatre parties, appelées "Saisons" – été, printemps, automne et hiver. Une œuvre réaliste et un hommage à Buenos Aires par le génie argentin. 

    Piazzola est présent dans le second disque du double album, avec le magnétique Milonga sin palabras, l’irrésistible et sensuel Regreso al amor, le sombre La Muerte del Angel et le désormais classique Oblivion, arrangé par William Sabatier et qu’interprète Agnès Jaoui.

    Hormis Ginastera et Piazzolla, on retrouvera dans ce convaincant opus de tangos des œuvres d’autres compositeur et compositrices. L’enregistrement débute d’ailleurs avec le pianiste argentin Osvaldo Pugliese (1905-1995) avec sa Negracha arrangée par William Sabatier.

    Le Volver d’Alfredo Gardel et d'Alfredo Le Pera est présent, comme de juste, mais singulièrement sans ses paroles, ce qui permet de s’arrêter sur la qualité de la composition musicale – et en particulier sur le dialogue entre le violoncelle d’Ophélie Gaillard et le bandonéon de Juanjo Mosalini.

    L’auditeur ou auditrice découvrira sans doute la compositrice Rosita Melo (1897-1981), présente dans l’album avec un de ses airs, la séduisante et mélancolique valse Desde el alma. Une autre compositrice a les honneurs de l’enregistrement, Mercedes Sosa (1935-2009). Celle que l’on surnommait "La Negra" est connue en Argentine comme chanteuse s’intéressant au folklore de son pays. Elle est présente dans l’album dans une de ses pièces, La Zafrera, ici interprétée en instrumental avec le violoncelle vibrant et vivant d’Ophélie Gaillard.  

    Dernière découverte de ce côté de l’Atlantique, celle de Julián Plaza (1928-2003), homme à tout faire du tango, proche d’Osvaldo Pugliese, musicien admiré, bandonéoniste, arrangeur génial, chef d’orchestre et ici compositeur. Avec Nocturna, arrangé par Juanjo Mosalini, il suit les pas de Piazzolla, mais tout en gardant son identité propre. Cette pièce séduit par sa liberté, son espièglerie mais aussi son attachement aux rythmes et musiques traditionnelles argentines.    

    L’album ne pouvait se terminer que par un standard – avec un grand "S" –, à savoir La Cumparsita de Gerardo Matos Rodríguez. Quelques coups de talons rythmés pour saluer ce programme argentin, séduisant et revivifiant ! Merci, Ophélie Gaillard, qui répondra très prochainement et en exclusivité, aux questions de Bla Bla Blog !

    Ophélie Gaillard, Cello Tango, Aparté, 2025
    https://www.ophelie-gaillard.fr
    https://www.facebook.com/opheliegaillard.cello
    https://www.instagram.com/ophelie.gaillard
    https://apartemusic.com/fr/album-details/cello-tango

    Voir aussi : "Histoires de tangos par Lucienne Renaudin Vary"

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  • Liza by Lucile

    On peut élever une statue à La Boîte à Pépites, un éditeur qui a courageusement choisi de mettre à l’honneur des compositrices oubliées – un euphémisme, hélas ! Pour cet album consacré à Liza Lehmann (1862-1918), née anglaise d’un père allemand, Lucile Richardot, la mezzo-soprano française réclamée dans le monde entier, vient donner de sa voix et de sa sensibilité pour sortir de l’ombre 24 chansons. La diva est accompagnée par Anne de Fornel au piano. L’enregistrement contient également des interprétations  du baryton Edwin Crossley-Mercer, de la soprano Marie-Laure Garnier et de la violoniste Manon Galy.  

    Chanteuse renommée à son époque, soutenue par Clara Schumann en personne, Liza Lehmann doit son passage à la composition à un problème de santé puis à un mariage qui la pousse à se retirer de la scène lyrique alors qu’elle n’a que 34 ans. C’est la composition qui a maintenant ses faveurs, avec en particulier la musique de chambre (Trois Valses de Sentiment, Album Of  Ten Pianoforte Sketches, Good Night, Babette!, pour ne citer que ces opus). Mais c’est avec la mélodie qu’elle perce réellement.

    Sa "première composition sérieuse" est In A Persian Garden, un cycle de 22 mélodies pour quatre voix et piano qui lui assure un incontestable succès. Ce cycle est salué à son époque comme la meilleure pièce jamais écrite par une compositrice. L’album contient deux morceaux de cet opus, Ah! Moon of my Delight et Ah! Not a Drop. Il y a du néoromantisme dans ces deux extraits, plus occidentaux qu’orientalisants – ce qui contredit le titre de l’œuvre.

    Hormis ces deux extraits d’In A Persian Garden et la charmante mélodie You And I sur un texte de Mary Atnold Childs (1897), l’enregistrement propose des airs du XXe siècle.

    Compositrice prolifique, Liza Lehman a écrit en tout plus de 350 mélodies, un genre particulièrement prisé en Angleterre. On imagine le choix cornélien de devoir choisir 24 pièces, témoignant de l’inspiration et du travail d’une compositrice sensible et engagée car l’artiste a défendu toute sa vie l’égalité entre hommes et femmes, à une époque où ce combat semblait perdu d’avance.

    Le tact de Lucile Richardot sert des mélodies au romantisme certain inspiré des lieder du XIXe siècle (The Beautiful Lady), sur des textes brillants (The Lake Isle Of Innisfree de W.B. Yeats). Le classicisme de la compositrice anglais ne l’empêche pas d’affirmer sa personnalité (Dusk In The Valley). Londonienne d’origine, Liza Lehmann rend hommage à la campagne (A Bird In The Sky) et aux traditions en s’inspirant des traditions folkloriques, à l’exemple d’un extraits de ses chants folkloriques bretons (I Dreamt My Love Was Singing).

    Une compositrice sensible et engagée

    Lucile Richardot excelle dans cette découverte de ce patrimoine musical anglais qui sait toucher aux cœurs (Echoes). William Shakespeare n’est pas absent dans l’album. Edwin Crossley-Mercer interprète avec Lucile Richardot un extrait du Marchand de Venise (le somptueux How Sweet The Moonlight Sleeps Upon This Bank). Restons au XVIe siècle avec Ben Johnson, un contemporain de Shakespeare, dont la compositrice anglais a mis en musique un de ses poèmes, The Lily Of A Day, aux paroles qui résonnent plus que jamais en 2025 :  "Ce n'est pas en croissant comme un arbre / En masse, que l’homme devient meilleur… / En de petites proportions, nous voyons de véritables beautés ; / En de courtes mesures, la vie peut être parfaite".

    On saluera le travail mélodique sur un texte d’Evelyn Young, In The Watches Of The Night, ou encore sur la chanson The Guardian Angel, écrit par Edith Nesbit. Beaucoup de femmes sont du reste mises à l’honneur dans ce très bel album, que ce soit Constance Morgan (Evensong), Marguerite Radclyffe Hall (le délicat The Silver Rose), Ethel Clifford (l’onirique By The Lake) ou Christina Rossetti (le funèbre When I Am Dead, My Dearest, composé quelques semaines avant le décès de Liza Lehmann).

    L’originalité de la compositrice étincelle également dans l’enlevé Good Morning, Brother Sunshine! écrit par J.W. Foley ou dans l'extrait du cycle à succès The Daisy-Chain datant de 1901 (Il No One Ever Marries Me). L’auditeur pourra être subjugué par ce singulier song tiré d’un superbe texte – traduit de l’azéri – de Mirza Shafi, Oh, Tell Me, Nightingale ("Ô dis-moi, Rossignol, doux oiseau, / Pourquoi ta voix ne se fait plus entendre, / Emplissant nos âmes de ravissement"). Lucile Richardot sert encore le mélange de puissance évocatrice et de subtilité lorsqu’elle interprète un poème amoureux de Robert Browing (Love, If You Knew The Light), lorsqu’elle déclame un amour avec tendresse et romantisme (Thoughts Have Wings) ou lorsqu’elle se fait onirique (When The Shadows Fall Tonight).

    Pour beaucoup, Liza Lehmann sort enfin de l’ombre. Grâce à La Boîte à Pépites, donc. Gros Big up pour cette maison, infatigable dans son projet artistique !     

    Liza Lehmann, Songs, La Boîte à Pépites, Lucile Richardot et Anne de Fornel, 2025
    https://citedescompositrices.com/la-boite-a-pepites-label
    https://www.opera-comique.com/fr/lucile-richardot

    Voir aussi : "Rita Strohl en robe de chambre"

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  • Bastien David, compositeur "palmé" et à suivre

    Bastien David (né en 1990) recevra ce17 mai à Munich un Prix de composition décerné par la prestigieuse Fondation Ernst von Siemens. Cette année, le Grand Prix sera remis au chef d’orchestre Simon Rattle. Bla Bla Blog avait parlé de ce compositeur il y a moins d'en an, à l'occasion de la sortie d'un album de la violoncelliste Marie Ythier.  

    Le musicologue Ulrich Mosch, membre du jury de ce prestigieux prix de composition, commente ainsi la récompense du compositeur français : "Ce n'est pas seulement son imagination sonore qui est spéciale, mais aussi sa conception du temps, la façon dont il structure une œuvre, la dramaturgie qui le distingue de beaucoup d’autres".

    Bastien David figure également cette année parmi les coups de cœur de l’Académie Charles Cros avec son disque monographique Nuées d’encre consacré à ses œuvres pour accordéon autour du musicien Vincent Gailly. Il est le directeur artistique de la Compagnie Les Insectes, dédiée à l’instrument de percussion, le Métallophone au 12ème de ton, dont il a finalisé la création lors de sa résidence à la Villa Médicis.

    Il travaille actuellement à une nouvelle œuvre Nous sommes Orage, qui rassemblera l’Ensemble Intercontemporain et les Insectes. Imaginée comme une soirée de transe acoustique, cette nouvelle partition mettra en jeu de nouveaux instruments conçus spécialement pour l’évènement. A découvrir à l’automne 2026 à la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris !

    Le jeune compositeur Bastien David distingué
    par la Fondation Ernst von Siemens et l’Académie Charles Cros
    https://www.bastiendavid.com
    https://evs-musikstiftung.ch/en/composer-prize/bastien-david
    http://charlescros.org

    Voir aussi : "Marie Ythier, sans l'ombre d'un doute"

    Photo : Fondation Ernst von Siemens © Rui Camilo

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  • Des amis, de la poussière, du diesel et du rock

    Il souffle un souffle de rock dans Out Of The Blues, le nouvel album de Salah Khaïli, plus rapide que le vent, pour reprendre un de leur – court – titre (le bondissant Faster Than The Wind).

    Salah Khaïli, en featuring avec le chanteur Eric D. Larsen pour son nouvel opus, arpente les terrains du rock américain et anglais avec une belle audace et un sacré savoir-faire. Car, oui, il faut un  sacré aplomb pour se frotter au rockabilly (Dolly) avant de s’attaquer à du rock-blues, à l’instar de la session live Hey ou du formidable Happy Duck qui sent bon le foin séché, le diesel et la poussière du Tennessee. Au chant, Eric D. Larsen impose sa patte dans un album où il se fond avec bonheur.

    Ses ballades rock et blues sont un bel hommage au sud américain (Speechless), ce qui n’empêche pas Salah Khaïli et ses amis – Eric D Larsen, donc, au chant, à l'harmonica, et à la guitare, Emmanuel Sunee à la basse et Christophe "Tito" Taddei à la guitare – de proposer des titres rock originaux et d’une belle facture, à l’image du scintillant et pop-rock No Borders. Irrésistible. 

    Ça sent bon le foin séché, le diesel et la poussière du Tennessee

    Out Of The Blues recèle des perles sombres aux étranges éclats. On pense à l’instrumental Hit The Sack et surtout à Avalanche, un titre rock mêlant talk-over, riffs de guitares, batterie entêtante et échos inquiétants. Pas de demi mesure pour Salah Khaïli qui n’hésite pas à lorgner vers du rock bon et dur, avec un Eric D. Larsen comme en lévitation (Macadam). Une preuve supplémentaire s’il en était besoin avec la ballade acoustique Speechless, l’un des plus beaux morceaux de l’opus.  

    Dans Where Are My Schoes, le rock rugit et menace. Les guitares dominent, riffent et renvoient aux plus belles heures des seventies, lorsque le genre faisait la pluie et le beau temps. Salah Khaïli domine son sujet et offre l’un des plus beaux hommages à une musique que l’on a envie d’espérer immortelle.   

    Salah Khaïli, Out of the Blues, feat Eric D Larsen, Rock'n'Hall / Dixiefrog, 2024
    https://salahkhailimusic.com/out-of-the-blues
    https://www.facebook.com/salah.khaili
    https://www.instagram.com/salah_salator_khaili
    https://www.larsenblues.com

    Voir aussi : "Experience rock of the Salator"

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  • Lumio et le soleil

    Qu’on ne s’y trompe pas. En dépit des roulements rock de guitares entêtantes de Dust qui ouvre l’album Staring At The Sun, Lumio entend proposer un opus pop d’une fort belle facture. La voix caresse gentiment les oreilles, les mélodies ont été travaillées avec soin, le musicien ne se prive pas d’électronique et la prise de son est à saluer pour sa qualité et sa pertinence.

    Derrière Lumio, se cache Niko Gamet qui propose ici son nouvel opus, après deux albums sous son nom, Le signe du cœur en 2014 et Leaving Tomorrow en 2016. C’est naturellement vers les États-Unis que se tourne le regard du musicien, auteur, compositeur et interprète. Que l’on pense à ce double hommage à la Route 66 et au groupe mythique Guns N' Roses dans le morceau Road & Rose, d’une facture pop très actuelle.

    Nous parlions d’influence US. C’est de nouveau entendable avec Grateful, singulier retour vers les Beach Boys et son génial leader et inspirateur Brian Wilson car nous sommes clairement ici du côté de la Californie.

    L’art de surprendre et de prendre l’auditeur à froid

    D’invention, Lumio n’en manque pas, avec l’art de surprendre et de prendre l’auditeur à froid, à l’instar de By Your Side, avec cette guitare entêtante mêlée à des sons électroniques inquiétants, ce qui n’empêche pas le musicien de se laisser à de jolis titres pop. On pense au magnétique Nowhere derrière lequel se cache un artiste que l’on sent écorché vif ou encore à Rising Moon, sombre et poétique morceau s’agençant avec autant que précédant le tout aussi étrange Secretly. Nous sommes ici dans un esprit seventies lorsque les morceaux s’émancipaient joyeusement des règles commerciales pour créer des concepts albums.

    L’ambition est bien là, dans cet opus imaginé et conçu avec soin. La voix est feutrée et touchante et les inventions sonores parsèment l’enregistrement sans jamais le cadenasser (This Precious Day).

    Pour Another Life, Lumio fait le choix de la ballade et de la simplicité. Le musicien chante l’attente et la fatigue au cours d’une nuit où il espère un signe ("I wait for a sign that something’s gonna happen with us").

    Et si l’album n’était pas juste un appel à la méditation ? Voilà ce que l’on peut se dire à l’écoute de Staring At The Sun qui vient conclure l’opus. Un instant magique qui fait disparaître nos peurs, sécher nos larmes et rendre nos chants d’amour bien plus forts. 

    Lumio, Staring At The Sun, Hacienda Records, 2024
    https://lumioproject.com
    https://www.facebook.com/Lumioproject
    https://www.instagram.com/lumioproject

    Voir aussi : "Livralbum"

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  • Aventures mozartiennes, une suite

    Revoilà la pianiste française Elizabeth Sombart dans la suite de ses aventures au Pays de Mozart. Nous l’avions découverte sur Bla Bla Blog avec les Concertos 20, 21, 23 et 27. Elle revient ce printemps avec deux œuvres plus précoces du compositeur autrichien, à savoir le Concerto n°9 "Jeunehomme" – tout attaché – et le Concerto n°12 en la majeur.

    Nous sommes en 1777. Mozart a 25 ans lorsqu’il écrit ce fameux Concerto "Jeunehomme" en mi bémol majeur K 271. Seulement 25 ans et déjà 25 ans, dirions-nous, tant le musicien a fait preuve de précocité exceptionnelle. À six ans, il compose ses premières œuvres – et son premier opéra à 11 ans.

    Du nom "Jeunehomme", les experts ne sont pas entièrement d’accord sur ses origines. Il semblerait que son appellation vienne du nom d’une jeune pianiste strasbourgeoise - tout comme la pianiste, d'ailleurs - à qui était destiné ce concerto. Un hommage ou un crush ? C’est d’autant plus possible que Mozart fait de cette œuvre un opus pétillant, éclatant dès les premières attaques du piano (Allegro). Chez Mozart, la lumière est aussi présente que l’obscurité. La preuve avec le second mouvement Andantino, lent et d’une grande expressivité, comme si les ténèbres n’étaient jamais éloignés des couleurs chatoyantes exprimées par Mozart et son interprète Elizabeth Sombart. Le jeune mais déjà expérimenté Mozart fait preuve dans le troisième mouvement Allegretto d’une pétillance irrésistible. On se trouve propulsé dans une scène mêlant fête galante, humour et élégance. Champagne, Mozart ! La pianiste strasbourgeoise et le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet ne boudent par leur plaisir à proposer ce "Jeunehomme" avec toute la luxuriance et la générosité qu’il mérite. 

    Un hommage ou un crush ?

    Le Concerto n°12 en la majeur K 414 a été écrit un peu plus tard, entre 1782 et 1783. Ce sont des années heureuses. Libéré de ses contraintes à Salzbourg, Mozart s’installe à Vienne avec sa jeune épouse, Constance Weber, qu’il a précisément rencontrée dans la capitale autrichienne.

    Les lignes mélodiques du concerto tourbillonnent dès le premier mouvement Allegro. La richesse harmonique, toute mozartienne, n’est pas dépourvue de ces moments presque intimes. Il semblerait que ce soit un Mozart amoureux et heureux qui s’exprime. Pour autant, Mozart ne cherche pas la difficulté ni la virtuosité. Il veut avant tout "plaire" à l’aristocratie viennoise, comme il le dit- lui-même et proposer un opus jouable facilement et partout. Enfin, "facilement", façon de parler !

    L’Andante capte les oreilles dès les premières notes. "C’est une des pages les plus belles et les plus nobles de son auteur", avouait Olivier Messiaen. Et on ne peut que lui donner raison. Il est vrai qu’il y a à la fois de la noblesse et une mélancolie bouleversante dans ce mouvement lent qu’Elizabeth Sompart interprète avec une grande pudeur.

    Le dernier mouvement Allegretto de ce douzième concerto pour piano de Mozart est le plus court de l’opus – un peu moins de 7 minutes – mais aussi de l’album. Vif et enlevé, cette partie se veut éclatante et joyeuse. Il faut toute la virtuosité d’Elizabeth Sombart pour proposer cette page jaillissante qui devait au départ être un rondo, publié à part après la mort du compositeur (K 386). On ne peut que remercier Mozart d’avoir fait le choix d’un Allegretto espiègle. Celui des années viennoises heureuses et amoureuses d'un génial jeune homme.       

    Wolfgang Amadeus Mozart, Concertos pour piano 9 & 12,
    Elizabeth Sombart au piano, Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet, Rubicon, 2023
    https://www.elizabethsombart.com
    https://www.facebook.com/elizabethsombart
    https://rubiconclassics.com/release/mozart-piano-concerto-9-12

    Voir aussi : "Rien que de plus classique"
    "Du côté de chez Mozart"

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  • Sans contrefaçon

    Tout renaîtra différente : voilà un très beau titre pour un album à la fois délicat et puissant, simple et aux sinuosités vagabondes, sobre et aux riches compositions. La Reine Garçon, c’est un projet autant qu’un duo – Floé Guidollet et Delphine Passant – en forme d’accomplissement personnel… et artistique. Le documentaire Puissance Deux suit cette aventure à la fois privée et artistique.

    Différente, qui ouvre l’album, parle justement de transformation, de transition – de Floé, justement – et d’acceptation de soi et des autres : "Et ne me compare pas à la fille de tes rêves / Car moi je serai différente". Pas si simple de faire cette révolution intérieure autant qu’extérieure. Floé ne le cache pas dans Je n’existe pas, en forme de prière : "Laisse-moi une chance car ici / je n’existe pas".

    Liberté d’être, de vivre et d’aimer, malgré les doutes (Monstre). La Reine Garçon le chante sans cri de révolte (Lâche) ni sans moralisation mais avec subtilité et un son folk à la Joni Mitchell.

    Sans cri de révolte ni sans moralisation mais avec subtilité et un son folk à la Joni Mitchell

    La voix délicate de Floé accompagne les guitares avec une poésie irrésistible dans l’un des plus beaux titres de l’album, J’ai vu les chevaux sous la mer. Un morceau en forme d’allégorie : l’eau symbole de renaissance et de source vitale et les chevaux fiers et libres.

    Tout renaîtra différente est aussi un joli album en forme de déclaration d’amour, celui d’un couple touchant ("Berce-moi / J’ai besoin de toi / Tout près là / Viens dans mes rêves", Donne-moi). Plie mon cœur est une autre invitation à l’amour et à vivre à deux : "Plie mon cœur / Au plus profond de toi / Pour voir quand viendra l’heure / S’il poussera".

    La pop-folk épurée de La Reine Garçon n’est pas sans rappeler le génial et regretté Nick Drake. La puissance évocatrice, les écorchures de la vie et l’hypersensibilité (Cœur de louve, avec un son plus pop-rock). On aime tout autant ce retour à l’une des figures les plus anciennes de la poésie occidentale : le pâtre. La nature, le silence, l’isolement, la compagnie des animaux et de la musique, simple et sans ornement : "Moi je m’en vais, je m’évade / Je me faufile dans la vague / Où souffle la flûte du pâtre / Une marguerite aux dents" (La flûte du pâtre).

    L’opus se termine dans le très beau dépouillement de Ni une ni une, et c’est ce dépouillement qui fait toute la beauté et la singularité d’un album pop-rock. Une vraie belle révélation.  

    La Reine Garçon, Tout renaîtra différente, Horizon Musique / La Grange aux Belles, 2025
    https://www.facebook.com/lareinegarcon
    https://www.instagram.com/la.reine.garcon

    Voir aussi : "Livralbum"

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  • Beethoven, un jeune compositeur très ambitieux

    Œuvres de jeunesse de Ludwig van Beethoven, les six premiers quartets du compositeur allemand sont catalogués comme son opus 18. Ils ont été composés entre 1799 et 1801. À l’époque, Beethoven, âgé d’une trentaine d’années, entreprend de revisiter un genre archi-classique que dominaient son maître Haydn et Mozart, mort quelques années plus tôt. L’ambition de Beethoven est patente et le natif de Bonn ne va pas manquer de confirmer son talent par la suite. L’histoire raconte que Beethoven répond à une commande du Prince Lobkowitz et que le compositeur allemand est en concurrence avec… Haydn lui-même qui n’a finalement pu honorer l’écriture de ces quartets. L’enregistrement en 3 CD de ces six quatuors est proposé par le Calidore String Quartet, avec Jeffrey Myers et Ryan Meehan (violons), Jeremy Berry (alto) et Estelle Choi (violoncelle).

    Beethoven surfe encore à l’époque sur le classicisme XVIIIe siècle. Il y a ces envolées et ces lignes mélodiques mozartiennes de l’allegro con Brio du Premier Quartet en fa majeur. Le Beethoven génial sort pourtant de son cocon dans un deuxième mouvement Adagio affettuoso e appasionato préromantique. Il y a de l’expressivité et de l’enthousiasme (Allegro) dans ce premier quatuor écrit en 1799.

    Beethoven se pare des costumes du XVIIIe siècle (Allegro du 2e Quartet en ré majeur) pour mieux s’approprier cette musique de chambre. Les notes virevoltent dans une construction beaucoup plus sophistiquée qu’il n’y paraît. Beethoven happe l’auditeur avec ses mouvements mêlant passion romantique et enthousiasme (le vibrant Adagio cantabile du 2e Quartet), sans oublier la légèreté (Scherzo et Allegro, 2e Quartet) et l’insouciance de l’Allegro molto, quasi presto de la même pièce.  

    Beethoven fait sortit la musique de chambre des salons bourgeois

    Le 2e CD contient les 3e et 4e Quartets, toujours opus 18. C’est un Beethoven enthousiaste et juvénile qui est à l’œuvre, toujours fidèle à une fibre classique (Allegro du 2e Quartet), mais non sans tensions ni moments pathétiques.

    Romantique, Beethoven l’est dans le 3e Quatuor, élégant, touchant et avec une évidence qui en fait l’un de ses chefs d’œuvre. L’ensemble Calidore String Quartet joue à l’unisson sans qu’aucun instrument ne prenne le dessus (Allegro). L’Andante con motto, méditatif, n’est sans légèreté. Beethoven avait à cœur, disent les musiciens de l’ensemble, de ne pas composer que pour une élite mais pour toute la population. Après un court mouvement Allegro plein de rondeurs, Beethoven nous embarque dans un Presto révolutionnaire dans son essence, tourmenté et d’une grande modernité.

    Le 4e Quartet en do mineur commence Allegro, telle une série de danses. Compositeur populaire, Beethoven fait sortir la musique de chambre des salons bourgeois et aristocrates. L’Andante scherzoso quasi Allegretto s’écoute comme une jolie digression amoureuse, avant un Menuetto revisitant une danse typique typique du XVIIIe siècle. Beethoven en fait un mouvement nerveux et aux assauts répétés. Pas de demi-mesure mais du sentiment, de la passion et une soif de vivre. L’Allegretto Prestissimo vient conclure cette pièce et le 2e CD dans la fougue et des rythmes de danses dont s’empare avec enthousiasme le Calidore String Quart.Le 3e CD complète l’enregistrement de l’opus 18.

    Avec ces pièces de musique de chambre, Beethoven a revigoré un genre. L’Allegro du 5e Quartet en la majeur virevolte. Il faut toute la virtuosité de l’ensemble new-yorkais pour venir à bout d’un mouvement aussi tonique. Beethoven a beau revenir à ses "classiques" – l’élégant et non moins majestueux Menuet –, il s’affirme dans ses élans romantiques irrésistibles avec un mouvement Andande cantabile se permettant même une cavalcade réjouissante et redoutable… pour les interprètes. Incroyable de modernisme pour l’époque. Le Quatuor en la majeur se termine avec un Allegro tout aussi vif, semblant faire le lien avec classicisme mozartien et romanisme.

    Le 6e Quartet en si bémol majeur vient clore le 3e CD et le coffret de cet opus 18. Beethoven y fait preuve du même tempérament enthousiaste (l’éclatant et alerte Allegro con brio). L’Adagio de ce quartet se distingue par son élégante ligne mélodique comme par son raffinement qui nous renvoie aux salons allemands de la fin du XVIIIe siècle. L’auditeur sera séduit par le court (3 minutes 12), coloré et nerveux Scherzo et Allegro. Le coffret et les six premiers quartets se terminent par le singulier et bouleversant mouvement Malinconia, suivi de son Allegro. La Malinconia s’écoute comme le dialogue entre deux personnages, l'un mélancolique et hésitant, l'autre jovial et entreprenant. Un troisième personnage (Allegro) vient s’immiscer entre les deux premiers, donnant à ce mouvement incroyable l’aspect d’une pièce de théâtre tragi-comique.

    Ces quatuors "de jeunesse" furent très probablement composés dans l'ordre suivant : 3, 1, 2, 5, 4, 6. En proposant un ordre à la fois logique (1, 2, 3, 4, 5, 6) et inverse des dates de composition, le Calidore String Quartet entend terminer par le mouvement le plus spectaculaire et le plus théâtrale. Pour appuyer ce choix, le livret repend à son compte une citation de TS Eliot dans son recueil Quatre Quatuors : "Ce que nous appelons le début est souvent la fin / Et faire une fin, c'est faire un commencement / La fin est l'endroit d'où nous commençons". Voilà qui est " tout à fait beethovénien" !

    Beethoven, The Early Quartets, Calidore String Quart, Signum Classics, 2025
    https://www.calidorestringquartet.com

    Voir aussi : "Haydnissimo !"
    "Le trio Sōra vous souhaite un joyeux anniversaire, M. Beethoven"
    "À Beethoven, l’humanité reconnaissante"

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