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  • Et pop !

    Saluons cette excellente bande dessinée de Michele Botton au scénario et Marco Maraggi au dessin qui se sont attaqués à celui qui reste l’un des artistes les plus incontournables et les plus populaires de la deuxième moitié du XXe siècle (éd. Larousse).

    L’américain Andy Warhol, pape du pop art, a vu ses œuvres archi diffusées, commercialisées, montrées et souvent copiées, faisant dire parfois qu’il est entièrement identifié au pop art.

    Ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur de faire connaître l’artiste et l’homme, ce dernier étant souvent effacé derrière ses boîtes de soupe Campbell ou ses sérigraphies iconique autour du visage de Marylin Monroe.

    Suivant la chronologie, les auteurs suivent la vie d’Andy Warhol de son enfance à Pittsburgh où le garçon timide se tenait à l’écart des autres enfants jusqu’à son décès en 1987, quelques temps après celui de son ami Jean-Michel Basquiat.

    Pape du pop art

    C’est avec la mention de biographie "non officiel et non autorisé" que se présente cette "bio graphie". Ce qui ne veut pas dire que Michele Botton et Marco Maraggi osent l’impertinence à tout crin et le fantasque. En réalité, voilà une sérieuse biographie qui se distingue autant par le soin de sa vulgarisation que par les dessins et les couleurs – très pop, justement.

    L’introduction de l’ouvrage insiste sur le terme de "pop", justement, renvoyant au mot "populaire", ce qui dit beaucoup sur les intentions des artistes de l’époque, à commencer par Warhol lui-même. L'artiste ne cachait d'ailleurs pas son ambitieux de faire une oeuvre à la fois originale, populaire et commercialement monnayable. Réussite totale !

    Le récit de son parcours, de l’école où il était sérieux, en passant par la publicité puis finalement la Factory, le lieu où il accueillait les artistes new-yorkais, dit beaucoup sur les intentions de Warhol : créer des œuvres et faire de l’argent.

    L’artiste archi célèbre de son vivant, le plus commenté et imité depuis les années 60, reste toutefois un inconnu, tant Warhol s’est dissimulé derrière un personnage. Voilà une belle occasion de le découvrir, en attendant de se précipiter pour découvrir d’un nouvel œil ses œuvres entrées dans le patrimoine de l’humanité.  

    Michele Botton et Marco Maraggi, Warhol, La bio graphique, éd. Larousse, 2024, 192 p.
    https://www.editions-larousse.fr/livre/warhol-la-bio-graphique-9782036065956

    Voir aussi : "Bordeaux en images"
    "Fantasy à lire et à rire"

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  • Autour de Nougaro

    L’amoureux du jazz qu’était Claude Nougaro n’aurait pas craché sur ces revisites d’Yvan Cuijous et Louis Winsberg. Leur projet musical, 1 Voix, 6 Cordes, maintenant sur disque, c’est 10 chefs d’œuvre de Nougaro, du "Cinéma" à "Toulouse", en passant par "Armstrong", " À bout de souffle" ou "Cécile ma fille".

    Pour cet album hommage, Yvan Cujious et Louis Winsberg se sont entourés de featurings prestigieux – et parfois locaux. Francis Cabrel vient chanter "Cécile ma fille", gardant la douceur et la tendresse de la version initiale. Thomas Dutronc rejoint Yvan Cujious et Louis Winsberg pour une jolie version colorée et jazzy d’"Armstrong". Anne Silla s’empare, quant à elle, de "Rimes", un titre moins connu du poète et chanteur toulousain. L’auditeur y découvrira une superbe œuvre que magnifie la voix veloutée de l'une de nos meilleures chanteuses du moment. 

    Les Toulousains Big Flo & Oli ne pouvaient pas être en reste 

    L’auditeur découvrira ou redécouvrira "La pluie fait des claquettes", visitée avec un joli naturalisme et avec presque rien : des cordes pincées et une rythmique jazzy, donnant du lustre et une nouvelle lecture de la version originale. "Dom Juan" fait, de son côté, le pari de l’humour et de la légèreté. "Pour "Le jazz et la java", c’est le nom de Django Reinhardt qui vient en tête. Yvan Cujious & Louis Winsberg reprennent avec émotion "Une petite fille", sans toutefois la même noirceur et le désespoir originels de Claude Nougaro. La virtuosité demandée pour ces revisites est évidente, à l’instar de la belle énergie de "À bout de souffle".

    Les Toulousains Big Flo & Oli ne pouvaient pas être en reste et c’est bien évidemment le tube "Toulouse" que les deux rappeurs interprètent pour clore l’opus. Le duo n’abandonne pas leur style urbain et rap. Ils offrent à Nougaro une déclaration d’amour slammée résolument moderne et s'écartant beaucoup de la version connue. La mélodie de "Toulouse" est gardée mais le texte original est abandonné. Une autre manière de rendre hommage au Grand Claude. 

    Yvan Cujious & Louis Winsberg, 1 Voix, 6 Cordes, De Claude à Nougaro
    avec Francis Cabrel, Thomas Dutronc, Anne Sila, Bigflo et Oli
    Baboo Music, 2024
    https://www.1voix6cordes.fr
    https://www.facebook.com/1voix6cordes
    https://www.instagram.com/1voix6cordes

    Voir aussi : "Regarde Andrea Ponti"
    "Qui êtes-vous, Nicolas Réal ?"

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  • Jisbar, Yamaha et la Fnac célèbrent 70 ans d’innovation

    Pour célébrer le double anniversaire de la Fnac, leader de l’équipement sonore, et de Yamaha, référence mondiale en matière de hi-fi, l’artiste pop-street internationalement reconnu JISBAR s’associe à ces deux icônes pour une collaboration unique. À cette occasion, Jisbar personnalisera à la main 70 platines Yamaha MusicCast VINYL 500, chaque pièce étant signée et numérotée, créant ainsi de véritables œuvres d’art fonctionnelles.

    Ces 70 modèles personnalisés seront distribués exclusivement dans une dizaine de magasins Fnac en France et sur Fnac.com, permettant aux amateurs d’art et de musique d’acquérir une pièce unique. Le lancement des célébrations se fera à la Fnac Ternes à Paris, où une sélection de ces platines sera présentée lors d’un événement spécial.

    L’artiste pop-street français Jisbar a présenté ses œuvres le 3 octobre 2024 au magasin Fnac Ternes lors d’une soirée de lancement. Cette soirée marque le début d’une exposition qui se tiendra tout au long du mois d’octobre, permettant au public de découvrir cette fusion innovante entre art et technologie.

    Jisbar, Yamaha et la Fnac célèbrent 70 ans d’innovation
    70 platines Yamaha customisées par Jisbar, disponibles en exclusivité à la Fnac
    https://www.jisbar-art.com
    https://www.fnac.com
    https://fr.yamaha.com/fr/products/audio_visual/index.html

    Voir aussi : "L’occase de Noël"

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  • Rita Strohl en robe de chambre

    Depuis quelques années, la musique classique revoit de fond en comble son catalogue avec un objectif remarquable : découvrir, redécouvrir et mettre en lumière des compositrices que l’histoire a oubliées. Parmi celles-ci, il y a Rita Strohl (1865-1941). La Boîte à Pépites s’est penchée sur cette musicienne française en proposant de nouveaux enregistrements via une série de coffrets.

    Sa musique de chambre fait l’objet d’un deuxième volume (il en comportera trois), avec des interprètes passionnés qui se sont penchés sur une œuvre rare mais d’un très grand intérêt. Il convient de citer les - jeunes - musiciennes et musiciens (car quelques hommes sont aussi de la partie) qui se sont attelés à la tâche de ressusciter une compositrice oubliée. Citons ces interprètes qui se sont lancés dans cette belle aventure : les violonistes Raphaëlle Moreau, Shuichi Okada, Alexandre Pascal, les altistes Léa Hennino, Claudine Legras, les violoncellistes Héloïse Luzzati, Edgar Moreau, Aurélien Pascal, la contrebassiste Lorraine Campet, le clarinettiste Nicolas Baldeyrou, les pianistes Célia Oneto Bensaïd (dont nous avons déjà parlé sur Bla Bla Blog) et Tanguy de Williancourt, avec également le Quatuor Dutilleux pour être complet.

    À la lisière du XIXe et du XXe siècle, la carrière de Rita Strohl épouse à la fois le classicisme français, le romantisme finissant (La Grande Fantaisie sur le premier CD) et le modernisme révolutionnaire qui est certes peu présent dans ce deuxième coffret. Une vraie belle découverte que celle de Rita Strahl qui nous fait dire que décidément parler de "sexe d’une œuvre" n’a pas grand sens. Le Moderato de La Grande Fantaisie nous entraîne, sous forme d'une valse, dans les salons français, encore tout imprégnés de classicisme mais aussi d’influences folkloriques qui en font une singulière composition. Rita Strohl n’oublie pas Bach, comme pour remettre l’église au milieu du village.  

    L’intimité le dispute à la légèreté dans le Septuor en ut mineur de 1890, avant une Romance surfant sur le mystère, l’onirique et la langueur. Cela fait de ce mouvement un joyau à ne surtout pas manquer et digne de figurer comme un des futurs grands tubes de la musique classique – on se plaît à rêver de l’utilisation qu’en ferait un réalisateur pour une BO. 

    Rita Strohl n’oublie pas Bach, comme pour remettre l’église au milieu du village

    Il y a de la légèreté, de la grâce et de l’enfance dans cet autre opus nommé Arlequin et Colombine. Les instruments se répondent avec une harmonie au service d’un discours amoureux (Allegretto quasi andantino) teinté de mélancolie (Andante).

    Rita Strohl soigne un univers musical bien à elle passant, dans le Quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano (2e CD du coffret), du pathétique au romantique, avec des envolées jeunes et joyeuses (Scherzo), de la virtuosité enthousiasmante et où la patte de Bach ressurgit (Thème et variations – Andante).

    L’auditeur sera capté par la texture soyeuse du Deuxième Trio en ré mineur admirablement servi par Raphaëlle Moreau, Edgar Moreau et Tanguy de Williencourt (Andante sostenuto – Allegro). L’auditeur découvrira tout autant le prenant Andante, "très mystérieux" comme l’indique ce deuxième mouvement. Plus romantique que cela, il n’y a pas. C’est un final coloré qui vient conclure ce formidable Trio, une vraie belle et géniale découverte de Rita Strohl.

    La violoniste Héloïse Luzzati et la pianiste Célia Oneto Bensaïd apportent un supplément d’âme supplémentaire à ce deuxième CD avec Solitude, une Rêverie pour piano et violoncelle datant de 1897. L’ombre de Gabriel Fauré plane sur cette courte pièce à la puissante mélancolie. On est là au cœur de la musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. La belle prise de son saisit au mieux la rondeur du violoncelle et le jeu tout en contrastes et en densité de Célia Oneto Bensaïd.  

    C’est singulièrement sur le CD 3 que l’on retrouve le Premier Trio pour piano, violon et violoncelle date de 1894. La compositrice a choisi de nommer les deux premiers mouvements, en plus des indications habituelles. Le premier mouvement, "Les adieux et le départ", est joué allegro. Voilà une scène d’adieu inhabituellement joyeuse. Invitation à se revoir ou bien plaisir de se retrouver seul ? On  laissera l’auditeur choisira ce que Rita Strohl souhaitait mettre en musique. Le deuxième mouvement, Adagio cantabile, est intitulé "Prière". Il est vrai que le contraste avec la partie précédente est saisissant. Les notes glissent et montent avec grâce, servies par une mélodie au majestueux classicisme.

    Le Quatuor Dutilleux est à la manœuvre pour nous faire découvrir le délicat Quatuor à cordes daté de 1885. Après le très court et grave Allegro ma non troppo, nous voilà partis dans un thème et des variations (Moderato) qui nous séduisent par le choix d’un mouvement passant de la séduisante mélopée aux accents baroques à la joyeuse danse devant des esprits capricieux. Voilà qui fait de ce passage un écart de la compositrice française vers la modernité.

    Celia Oneto Bensaïd vient conclure ce très beau coffret consacré à la musique de chambre de Rita Strohl avec la Musiques sur l’eau datant de 1903. L’ombre de Debussy plane sur cet opus en trois mouvements (Jeux de naïades, Barcarolle et Orage). Le jeu de la pianiste française séduit par sa simplicité, sa grâce et ses ondulations pleines de finesses, de naturel… et de naturalisme. Voilà qui permet de clore en beauté une rétrospective passionnante sur une compositrice trop vite oubliée et qui renaît aux oreilles de l'auditeur de 2024, 80 ans après sa mort. 

    Rita Strohl, Une compositrice de la démesure, Volume 2,
    Musique de chambre, La Boîte à Pepites, 2024, 3 CD

    https://elleswomencomposers.com
    https://www.presencecompositrices.com/compositrice/strohl-rita

    Voir aussi : "Album univers"
    "Résurrection"

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  • L’indicible en musique

    Il y a près de 15 ans, sortait l’incroyable, dense et terrible roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes. Multirécompensé, Prix Goncourt quasi indiscuté, ce récit implacable à la première personne d’un SS racontant ses années de guerre, et en particulier sa participation au génocide juif, à la Shoah par balles et aux chambres à gaz, sur fond de drame antique et de rappels mythologiques (les fameuses Bienveillantes, ces déesses de la justice et de la vengeance, mis en scène il y a plusieurs siècles par Eschyle dans Les Euménides), ce récit terrible donc fait aujourd’hui l’objet d’un opéra composé par Hèctor Parra, sur un livret en allemand de Händl Klaus.

    Avec cette commande de l’Opéra Ballet Vlaanderen suggérée par le metteur en scène Calixto Bieito, nous voilà plongés dans une création ambitieuse, baroque et puissante, ne serait-ce que parce qu’elle nous rappelle le pouvoir hypnotique et expressif – pour ne pas dire expressionniste – de la musique contemporaine. La maison de disques b•records propose ici une captation datant de mai 2019 à l’Opéra de Gand. Pourquoi une œuvre lyrique sur Les Bienveillantes et pas une adaptation cinéma ou télé ? Le livret dévoile "le désir impérieux [de Jonathan Littell] de réserver la représentation visuelle des Bienveillantes aux seuls spectacles vivants".

    Dès les premières mesures, l’auditeur se trouve entraîné dans les mots du narrateur et personnage principal, Maximilian Aue. La musique volontairement dissonante, les attaques des cordes et le récitatif musclé de Peter Trantsits lancent un opéra à la fois très actuel mais puisant dans des sources musicales classiques ou plus modernes – Bach (les mouvements Toccata, Courante, Sarabande, Gigue), Chostakovitch (la Symphonie "Babi Yar") ou Berg. La dernière partie de la Sarabande ("Ich tat es") est à cet égard éloquente. Dans le livret complet et passionnant, on pourra y trouver de la main du compositeur un plan musical de l’opéra montrant le substrat musical utilisé, de Bach à Zimmermann, en passant par Berg, Bruckner ou Chostakovitch, justement.  

    C’est du reste Alban Berg qui vient le premier en tête dès l’écoute des premières notes. Rugueux et saisissant comme le roman, l’opéra d’Hèctor Parra prend aux tripes par sa dimension universelle : "Frères humains, laissez-moi vous raconter comment c’était", débute ainsi l’œuvre en allemand (le roman a été écrit en français, la langue qu’utilise couramment le personnage après la guerre). Des ombres terrifiantes planent au-dessus de cette histoire, à l’exemple du chœur de l’Allemande I & II, "Ein Leichengebirge", puissante et quasi insoutenable évocation des exécutions par balles lors de la première phase de la Shoah dans l’Est de l’Europe. 

    Opéra exigeant, impitoyable mais aussi aux multiples influences intellectuelles et artistiques

    Mais Les Bienveillantes c’est aussi le récit personnel de Maximilian Aue où l’inceste et le crime prennent une place importante (Courante). Nous entrons là au cœur des Bienveillantes, avec ces références à la tragédie grecque, à Oreste, à Électre, aux Érinyes et aux Bienveillantes (Euménides).

    Les influences musicales et littéraires d’Hèctor Parra sont nombreuses, comme le souligne le riche livret. Il fallait un certain sang-froid pour mettre en musique et sur scène un récit aussi sombre s’étalant sur environ mille pages. Pour ce faire, le compositeur s’est nourri de sources parfois anciennes : la Passion selon s. Jean de Bach dans la structure – l’auditeur pourra penser au début de la Courante, avec le viol d’une femme pendue. On avait parlé de Berg (Wozzeck, Lulu). Le compositeur s’est aussi inspiré de chansons populaires allemandes, voire des comptines pour enfants. Le Crépuscule des Dieux de Wagner apparaît également au début de la Gigue.

    L’opéra exigeant, impitoyable mais aussi aux multiples influences intellectuelles et artistiques est exactement à l’image du personnage principal, un nazi cultivé et féru de Rameau ou Bach. Voilà qui en fait un homme complexe, "polyvalent" pour reprendre un terme du livret. Il faut toute la souplesse en même temps que la puissance du ténor Peter Tantsits pour incarner ce "frère humain" aux tourments intérieurs bien présents en raison et surtout en dépit des atrocités indicibles qu’il commet au nom d’une idéologie absurde. Une interprétation incroyable et d’une exigence absolue.

    En parcourant l’Europe en guerre, des fosses de Baby Yar à Berlin, en passant par Stalingrad et Auschwitz, Benjamin Littell, puis Hèctor Parra avec son adaptation lyrique, font des Bienveillantes une cruelle et tragique fable sur l’humanité et l’inhumanité. Les souvenirs d’enfance, les traumatismes, les frustrations et finalement la mort – celle de la mère et du beau-père de Maximilian – apparaissent comme de singuliers contrepoints tragiques mais qui viennent d’autant faire des Bienveillantes une authentique tragédie à la fois personnelle et universelle.

    Arrivé dans le dernier quart de l’opus, le Menuet entraîne l’auditeur dans le lieu le plus emblématique et le plus terrible de la Shoah, à savoir Auschwitz. C’est singulièrement sous le titre Menuet que s’ouvre cette partie, avec des violons lugubres accompagnant les plaintes d’Una (l’impeccable Rachel Harnisch) et des percussions menaçantes.

    La force de cette évocation des chambres à gaz est contrebalancée par sa brièveté, l’opéra suivant ensuite la fuite de Maximilian Aue au fur et à mesure que les troupes alliées s’avancent jusqu’en Allemagne. Hèctor Parra fait des derniers tableaux, audacieux et dans le texte et dans la musique, un voyage au bout de l’enfer où la cruauté de la guerre n’a d’égale que la perversité sexuelle de Maximilian Aue. L’opéra monstrueux ne se prive pas de bouffonnerie lorsque l’officier nazi réfugié à Berlin conte sous forme d’un long récitatif son attaque grotesque contre Hitler – il lui mord le nez !  

    Tout cela fait de l’opéra Les Bienveillantes une œuvre incroyable de puissance et d’audace, au point de heurter pas mal de sensibilités, mais toujours au service de l’humanité, de l’indicible mais aussi de la justice – s’il y en a une.  

    Hèctor Parra, Les Bienveillantes, livret de Händl Klaus
    D’après le roman de Jonathan Littell
    Orchestre Symphonique de l’Opéra Ballet de Vlaanderen dirigé par Peter Rundel
    Mise en scène de Calixto Bieito
    Chœurs de l’Opéra Ballet de Vlaanderen
    Avec Peter Tantsits, Rachel Harnisch, Günter Papendell, Natascha Petrinsky et David Alegret,
    b•records, coll. Villa Médicis Live, 2024
    https://www.b-records.fr/les-bienveillantes
    https://www.gallimard.fr/Contributeurs/Jonathan-Littell
    https://www.operaballet.be
    https://www.hectorparra.net/bio/fr

    Voir aussi : "Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute"
    "La terreur au grand jour"

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  • Voleurs de fétiches

    Le dernier livre que propose Patrice Guérin aux éditions 1000 Sabords – consacré, on le devine à Tintin – est constitué en réalité de deux courts essais. Le premier et principal, Hergé face à son Fétiche, propose une analyse de L’Oreille cassée, le sixième album des aventures du reporter belge. Le second, plus étonnant, revient sur un fait divers peu connu et toujours non élucidé : le vol du vrai fétiche fétiche d’Hergé en 1979 lors d’une exposition bruxelloise du Musée imaginaire d’Hergé.

    On peut remercier au préalable Patrice Guérin de de se pencher L’Oreille cassée, un titre d’Hergé souvent considéré avec, au mieux de l’indifférence. Il est vrai qu’il n’a pas la saveur et la puissance évocatrice de chefs d’œuvres tels que Les Bijoux de la Castafiore (dont nous avions parlé sur Bla Bla Blog), de Tintin au Tibet ou du Lotus Bleu. Le Lotus Bleu, justement. Celui qui reste l’un des tout meilleurs albums d’Hergé, pour ne pas dire un des livres majeurs du XXe siècle toute catégorie confondue, précède immédiatement L’Oreille cassée. Difficile ensuite de rivaliser après cette aventure en Extrême-Orient.

    En travailleur infatigable, le jeune dessinateur belge se lance donc dès 1935 dans cette nouvelle histoire qui entraîne Tintin et Milou jusqu’en Amérique du Sud, à la recherche d’un fétiche de la tribu – imaginaire – arumbaya, volée dans un musée. Au menu : un couple de bandits, un objet historique apparaissant et disparaissant, un coup d’état mené par le Général Tapioca, une tribu autochtone, un explorateur au look darwinien et un courageux reporter passant plusieurs fois à deux doigts de succomber.

    Alors, album secondaire, cette Oreille cassée ? C’est ce qui est souvent admis, y compris chez les amoureux du journaliste blond à la houppette. Il semble même que le seul apport dans l’œuvre d’Hergé est cette géniale invention du fétiche, un objet qui fait partie des reliques préférées des amoureux et amoureuses de Tintin, presque à l’égal de la fusée lunaire. Et ne parlons pas de l’utilisation de la fétiche arumbaya dans les produits dérivés, chère au cœur des ayant-droits d’Hergé… 

    L’Oreille cassée est également une réflexion sur l’œuvre d’art, le vrai, le faux et la copie

    La lecture de l’essai de Patrice Guérin sur le sixième opus de Tintin, outre qu’elle encourage à relire L’Oreille cassée, détaille planche après planche la singulière course pour retrouver un objet rare, invendable mais aussi esthétiquement discutable. Mais quel est l’intérêt de ce vol ? On le découvre dans les dernières pages du livre. Patrice Guérin souligne également avec justesse qu’à certains égards la recherche du fétiche sert de prétexte à une aventure rocambolesque hors de l’Europe.

    On reste impressionné par l’exégèse de l’auteur qui entend ne rien laisser dans l’ombre et expliquer la genèse de cette aventure : les origines de cette histoire plongeant dans l’Amérique du sud, les modèles qui ont inspiré Hergé – notamment un fétiche de la tribu chimù des XXe et XVe s. ap. JC, mais aussi Giorgio de Chirico ou… l’oreille de Van Gogh. La vie intime d’Hergé n’est pas passée sous silence, tant il est vrai que Hergé est Tintin et Tintin est Hergé ! Ses tourments intimes, sa vie privée, les secrets de son enfance, son hérédité et même sa santé – cette fameuse jaunisse évoquée par le Général Tapioca – sont également évoqués. Mais L’Oreille cassée est également une réflexion sur l’œuvre d’art, le vrai, le faux et la copie, sujet fondamental pour le dessinateur génial passionné par l’art moderne et contemporain.

    Voilà qui nous amène au deuxième essai du livre, 1979, le vol du vrai fétiche d’Hergé : quand la réalité rattrape Tintin. À l’occasion des 50 ans de la saga Tintin, un Musée imaginaire est exposé à Bruxelles – avant de devenir itinérant. Les spectateurs peuvent retrouver des objets figurant dans les albums, que ce soient des masques africains rappelant Tintin au Congo, une momie évoquant le terrifiant Rascar Capac, une pierre lunaire ou encore une chaise design aperçue dans Le Lotus Bleu. Et il y a, bien entendu, le fétiche arumbaya, du moins une création de l’artiste Maurice Lemmens.

    Or, le 1er août 1979, ce fameux fétiche est volé. Le fait divers entre dans la légende puisque c’est exactement ainsi que commence L’Oreille cassée. L’enquête commence. Patrice Guérin nous fait entrer dans les secrets de cette histoire étonnante, tout en proposant des suspects potentiels, dont un certain Juan d’Oultremont. Mais qui a volé – réellement – le fétiche arumbaya ?

    Voilà qui vient clore de manière inattendue ce passionnant essai sur L’Oreille cassée, un album revisité et réhabilité par Patrice Guérin.      

    Patrice Guérin, Hergé face à son Fétiche, Allers-retours entre réalité et fiction,
    éd. 1000 Sabords, 2024, 144 p.

    Hergé, L’Oreille cassée, éd. Casterman, 1937, 64 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=80696
    https://www.patriceguerin.fr
    https://www.tintin.com/fr/albums/l-oreille-cassee

    Voir aussi : "Casta Diva"

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  • Sue-Ying Koang à l’attaque du Mozart suédois

    Oui, la musique classique reste un grand champ de découvertes, ou plutôt de redécouvertes musicales. On doit à la violoniste Sue-Ying Koang celle de Johan Helmich Roman (1694-1755), inconnu en France mais considéré dans son pays natal, la Suède, comme un père fondateur en musique classique. Ce qui n’empêcha pas Roman de voyager et de se produire à travers l’Europe, trouvant notamment, à l’instar de son contemporain Haendel, un point de chute en Angleterre avant de revenir à Stockholm où il obtient les faveurs de la cour royale. Intendant de la musique, il appuie de tout son poids pour favoriser la langue suédoise dans la liturgie mais aussi par la traduction des traités musicaux dans sa langue natale.  

    Sue-Ying Koang propose dans un enregistrement d’Indésens une sélection d’œuvres pour violon seul, rarement jouées comme le reconnaît l’interprète mais pourtant d’une grande richesse. La couleur, la chaleur et la vivacité frapperont l’auditeur, à commencer par les trois Övningar, des mouvements isolés qui ouvrent l’opus et qui sont des études et des "exercices pour le violon de Roman".  

    Le tout premier, en do mineur (BeRI 339), séduit par sa fougue que Sue-Ying Koang apprivoise avec une belle virtuosité. L’övningar en mi majeur (BeRI 332) est encore un de ces beaux voyages dans ce riche solo pour violon tout en arabesque. Celui en fa majeur (BeRI 348), aussi fantaisiste que mélancolique, prouve que Roman n’était pas qu’un compositeur technique et virtuose. Violoniste lui-même, il offre au violon une riche variété de sons, de rythmes et de tons. Il faut ajouter à cela une prise de son rendant au violon tout son éclat. D’autres övningars parsèment l’opus, dont celui, majestueux et éclatant, en ut majeur (BeRI 337), l’"étude" en mi mineur BeRI 347, technique et d’une belle virtuosité et L’övningar en sol mineur BeRI 336, dense et riche de ses multiples variations, avec les coups d’archers impeccables de Sue-Ying Koang.

    Coups d’archers impeccables de Sue-Ying Koang

    Parmi la vingtaine d’assaggi laissés par le compositeur suédois, Sue-Ying Koang en propose trois, la BeRI 312 en mi mineur, la BeRI 313 en fa dièse mineur et la BeRI 317 en en ut majeur. La violoniste précise dans le livret de l’album que "les sources musicales des assaggi sont fragmentaires", avec en outre des erreurs de copie, des pages manquantes et des doutes quant à l’ordre des mouvements. Elle précise que l’absence d’indications de la part du compositeur scandinave laisse à l’interprète une grande liberté, ce dont la violoniste entend bien profiter.    

    L’Assaggio en mi mineur cueillera au cœur l’auditeur par son mélange de retenue et d’insouciance. Roman était un voyageur européen, avons-nous dit. Ne serait-il pas passé par la France ? Cette question mérite d’être posée à l’écoute des quatre mouvements qui auraient pu être composés par Marin Marais (le bouleversant Non troppo adagio). Ce qui n’empêche pas le "Mozart suédois" de faire montre d’une légèreté dans le troisième mouvement Allegro moderato ou, mieux, le dansant Allegro sous forme de gigue. Nous voilà bien là au cœur du XVIIIe siècle européen.  

    L’Assaggio en fa dièse mineur prouve que Roman n’est pas à considérer comme un petit maître de cette époque, écrasé qu’il a pu être par les légendes de son époque qu’étaient Bach, Mozart ou Haendel. Sa subtilité et son audace sont évidentes dans le Non troppo allegro de cet assaggio, mêlant retenue, hésitations, suspensions mais aussi virtuosité que la violoniste rend avec un mélange de patience, de fougue et d’audace. Deux courts mouvements viennent clore cet assaggio, à savoir un Andante tout en pudeur et un Allegretto en forme d’au revoir.

    Moins baroque et plus classique dans sa facture, l’Assaggio en ut majeur séduit par sa simplicité et son élégance. Pas d’esbroufes dans l’interprétation de Sue-Ying Koang mais une très grande classe (Con spirito). L’auditeur sera pareillement sensible à la belle densité du Allegro assai comme aux multiples variations du dernier mouvement Andantino.  

    Parmi les surprises de cet opus passionnant, l’auditeur trouvera un arrangement par Johan Helmich Roman de l’Amen du Stabat Mater de Pergolese. Le compositeur italien se retrouve plus loin, cette fois dans une version pour violon, arrangée par Roman himself, du bouleversant Fac ut ardeat cor meum

    Sue-Ying Koang, Johan Helmich Roman,A Violin Solo, Indésens Calliope Records, 2024
    https://indesenscalliope.com
    https://sueyingkoang.com

    Voir aussi : "Fauré, cent ans après toujours jeune"

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  • La confiture de Coings

    Bla Bla Blog a choisi de faire un focus sur une pièce de théâtre proposée par la Compagnie 22h22.

    La Confiture de Coings c’est une rencontre entre deux personnages que l’on ne pourra qu’aimer. Elle s’appelle Romane. Il s’appelle Jules. Ils proposent dans La Confiture de Coings le partage de moments privilégiés de leur histoire et des souvenirs à travers des moments de vie.

    Au centre de cette pièce, c’est l’amour de sous toutes ses formes qui est célébrée : ses émois, ses passions, ses coups de folies, ses désillusions, ses peines, ses routines et ses espoirs.

    C’est à découvrir à La Folie Théâtre jusqu’au 30 novembre, les vendredis et samedis.

    La Confiture de Coings, Compagnie 22h22, La Folie Théâtre
    Chaque vendredi et samedi à 21h, du 6 septembre au 30 novembre 2024
    https://www.facebook.com/22h22cie
    https://www.folietheatre.com

    Voir aussi : "L’autre Bambi"

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