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Avec Lone Wolf & Rice Fab, nous voilà dans le blues, un blues typique (que l'on pense au morceau Going Down My Dusty Road) : les routes poussiéreuses, le soleil, la chaleur, la moiteur et aussi la mélancolie.
C’est à un duo français, nantais plus précisément, en l'occurrence le groupe Lone Wolf & Rice Fab, que l’on doit cet album acoustique peu avare en guitare sèche, avec l’harmonica inspiré de Rice Fab et la voix éraillée et convaincante de Lone Wolf.
La douleur fait pleinement partie de ces chansons venues tout droit de la culture afro-américain, non sans ses superstitions (Devil At My Backdoor). Plongée dans dans la réalité du sud des States, des gens de peu, des oublié.e.s à la vie rude (No More Water), trouvant un peu de salut dans une musique vivante. Il y a jusqu’aux paysages qui semblent se dérouler sous nos yeux. C’est simple : on est à bord d’un tacot bringuebalant, sentant le diesel et la poussière (Crossroad Sign).
On est à bord d’un tacot bringuebalant, sentant le diesel et la poussière
Un voyage mais qui est aussi une allégorie de la vie (Story Of A Man). On saluera la puissance de la voix rocailleuse de Lone Wolf, toujours sur le fil, sachant se faire douce parfois (Last Night Dream).
L’esprit de Robert Johnson plane sur cet album venant pourtant de nos latitudes et mené par le duo nantais Thierry Gautier et Fabrice Leblanc.
L’amour n’est pas absent (Nobody But You) dans l’opus, mais cet amour peut aussi être cruel. C’est la fille qui se crapahute avec un dealer (My Baby’s Gone With The Dealer), c’est la mort déchirante de sa chère mère (Goodbye Mama), lorsque ce n’est pas l’ennui et la déshérence (What Are We Gonna Do, I Don’t Know). Il reste cependant, dans cette vie dure, une musique éternelle, le blues (Hey Mr Blues, Searching’ Blues). Amen.
Derrière le titre J’aurai ta cendre, le premier album de la soprano Parveen Savart (Initiale, le label du Conservatoire de Paris), se cache un programme de mélodies françaises de la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Une sacrée entrée en matière pour la chanteuse qui s’offre pour son démarrage en studio un délicat écrin composé de chansons rares et qui font partie du panthéon personnel de Parveen Savart. Précisons que l’enregistrement est le résultat d’un appel à projets du label Initiale, qu’a donc remporté la chanteuse dans le cadre de son mémoire de Master. Pour l’opus, elle est accompagnée de Frédéric Rubay et d’Anna Giorgi au piano et de Maya Devane au violoncelle.
Un mot encore sur le titre. J’aurai ta cendre reprend la dernière phrase d’un des poèmes de Pierre Peuchmaurd (1948-2009), un auteur adapté en musique par le compositeur Arthur Lavandier (né en 1987).
On peut être reconnaissant à Parveen Savart de nous proposer un éventail varié et sensible de compositeurs passionnants et parfois peu connus, à l’instar de Maurice Delage (1879-1961). "Madras", l’un de ses Quatre Poèmes hindous, illustre son goût pour l’ailleurs et pour sa musique orientalisante, un attrait largement partagé à l’époque – nous sommes en 1912. Maurice Delage ouvre et conclue l’album. Choix intelligent pour mettre en avant un compositeur rare épousant à la fois le néoromantisme français, l’exotisme mais aussi la modernité.
Parveen Savart sait allier tension et délicatesse
On ne sera pas surpris de retrouver des compositeurs célèbres, à l’instar de Claude Debussy, quoique dans des morceaux méconnus (Ariettes oubliées, "C’est l’extase langoureuse", "L’ombre des arbres", "Spleen", l’onirique Apparition), Nadia Boulanger (Versailles), Francis Poulenc (Métamorphoses, "C’est ainsi que tu es", le faussement badin Banalités et l’extrait des Fiançailles pour rire, "L’adieu en barque"), Maurice Ravel (l’onctueux et sucré Shéhérazade, "L’indifférent"). Parlons aussi de Louis Aubert (l’un des Six Poèmes arabes) et André Caplet (une des Cinq Ballades françaises).
Parveen Savart sait allier tension et délicatesse dans le poignante mélodie de Joseph-Guy Ropartz (1864-1955), Ceux qui, parmi les morts d'amour, adaptation sombre d’un hommage à "Ceux qui, parmi les morts d'amour, / Ont péri par le suicide… / La fleur des damnés de l'amour".
Nous parlions d’Arthur Lavandier, présent dans quatre œuvres. Aux sombres et expressifs La nuit revient, Le nord est là et Sur la plage vient répondre le singulier, poétique et naturaliste Grand oiseau métronome qui vient en résonnance à cette étrange chanson Les Hiboux de Déodat de Séverac, chantre d’une musique plongeant ses influences dans le folklore régional. Ses Hiboux illustrent l’attachement du "musicien paysan" à la nature et à la campagne.
Nadia Boulanger est la seule compositrice de l'opus. Parveen Savart a choisi une de ses mélodies, Versailles, écrite sur un poème d'Albert Samain. Elle y insuffle une douce nostalgie et une pudique mélancolie : "Ô Versailles, par cette après-midi fanée, / Pourquoi ton souvenir m’obsède-t-il ainsi ?"
On est enfin ravis de trouver Louis Aubert, compositeur aussi rare qu’important dans un délicat Poème arabe ("le mirage"). Simplicité poétique et expressivité se combinent dans une œuvre romantique et contemplative pleurant un mirage amoureux et vain.
De sacrées belles découvertes, et d’une chanteuse à surveiller et de compositeurs à découvrir. Bientôt, Bla Bla Blog proposera une interview exclusive de Parveen Savart,
Marie Jaëll (1846-1925) fait partie de ces compositrices que l’on redécouvre depuis peu, un juste retour des choses, tant les femmes artistes, en particulier dans le domaine musical, ont été invisibilisées, pour ne pas dire ostracisées. On doit cette redécouverte de Marie Jaëll, née née Trautmann, au label La boîte à pépites et aux formidables interprètes Manon Galy, Léa Hennino, Héloïse Luzzati et Célia Oneto Bensaïd que nous adorons à Bla Bla Blog !
Disons pour commencer qu’il y a un mystère Marie Jaëll. Née en Alsace, la musicienne commence une carrière sous les meilleurs auspices. Remarquée par Rossini, élève de Ludwig Spohr, dès son adolescence elle est louée par les critiques, joue beaucoup, est applaudie tout autant et fait figure de musicienne promise au plus grand avenir. Elle rencontre son futur mari, Alfred Jaëll et se marie. Quelques années heureuses s’ensuivent, marquées par des tournées fameuses mais aussi des compositions (assez peu finalement, 70 partitions – symphonies, concertos, mélodies ou opéras inachevés), dont de la musique de chambre. À cet égard, les années 1875-1886 sont une décennie fructueuse, avant une série de deuils, ceux de ses parents, de sa sœur mais aussi de Franz Liszt dont elle était proche. Sans compter la guerre de 1870, avec les conséquences sur son pays natal puisque sa chère Alsace tombe sous le joug allemand pour plusieurs décennies.
L’enregistrement proposé par La boîte à pépites rassemble un ensemble d’œuvres représentatives de cette musique de chambre. Le Quatuor pour piano en sol mineur, écrit en 1875, semble refléter la période heureuse de Marie Jaëll. La compositrice s’inscrit dans le mouvement de musique française de cette période, un répertoire post-romantique inspiré par Robert Schumann et ses motifs à la fois colorés et expressifs (Allegro). On est captivés par l’Andante pathétique assez proche de l’esprit de Schubert pour ses lignes mélodiques. Marie Jaëll prouve qu’elle maîtrise à la perfection son écriture. Les instruments se lient avec une belle harmonie, sans laisser de côté l’émotion. Le maître mot est laissé aux cordes dans ce quatuor où le sobre et élégant piano de Célia Oneto Bensaïd n’est pas en reste.
Parfum franco-allemand
On est séduits par le solide caractère de Marie Jaëll, tout comme celui formé par les quatre instrumentistes qui se répondent avec gourmandise dans le court et joueur Allegro Scherzando. Le Vivace con brio se déploie avec passion. On est au cœur d’un romantisme riche d’un parfum franco-allemand – le livret insiste sur la dimension brahmsiennne de ce quatrième mouvement.
Le trio pour violon, violoncelle et piano intitulé Dans un rêve, date de 1881. L’onirisme frappe aux oreilles de l’auditeur ou l’auditrice (le fier Allegretto et surtout le subtil et court Andantino). Marie Jaëll est à l’époque une figure importante de la musique française, avant que le modernisme - qui portaient les noms de Debussy, Fauré, Satie ou Ravel - ne rattrape son œuvre encore très influencé par la musique allemande du XIXe siècle. Il reste que Marie Jaëll ne renonce pas à son désir d’écrire des pièces à la fois harmoniques, romantiques en faisant se répondre des instruments dans des dialogues vivants (Allegro moderato).
On sera tout autant séduit par l’Andantino de sa Romance pour violon et piano de 1882 ou l’irrésistible Ballade pour piano et violon de 1886, une mélancolique pièce qui marque déjà une fin artistique. Ce qui la rend particulièrement poignante. Bientôt, la compositrice abandonne la scène et l’écriture. Une perte, certainement. En attendant, il reste son œuvre bien vivante que quatre musiciennes ambitieuses et talentueuses nous font découvrir.
Marie Jaëll, Une quête d’infini, Musique de chambre Manon Galy (violon), Léa Hennino (alto), Héloïse Luzzati (violoncelle) et Célia Oneto Bensaïd (piano), La boîte à pépites, 2025 https://citedescompositrices.com/la-boite-a-pepites-label
Partons vers un univers musical bien différent de ceux arpentés par Bla Bla Blog. Fatbabs, que nous connaissons déjà, propose cette année son dernier album, This Is Love Forever. Un bien joli concept, généreux, vivant et qui propose une immersion dans de la musique reggae, matinée de rap mais aussi de pop-rock. Dès le premier titre, Here For You, on peut saluer l’énergie du beatmaker français qui ne cesse de créer des ponts entre France (et en particulier la Bretagne) et les Caraïbes.
Un petit tour vers la Jamaïque, donc, avec le featuring de Capleton pour Hurry Up. On ne peut qu’aimer cette manière de revenir aux sources d’un genre musical popularisé par Bob Marley. C’est simple, l’album ne se contente pas de revisiter le reggae (Aff Of Me, Paradise, Soldier), il offre en plus de l’espace pour des artistes et amis de Fatbabs à travers des collaborations, que ce soit Naâman (décédé en début d’année), Derajah, Davojah, Queen Omega, Christopher Martin, Marcus Gad, Jahneration, Biga*Ranx, Roe Summerz, Pressure Busspipe, Claye, Vanzo, Blvk H3ro, pour ne citer qu’eux et qu’elles. N’oublions pas non plus Miscellaneous, qui a fait partie de projets précédents de Fatbabs.
Cela donne un opus finalement à la fois international et tourné vers l’amitié, la paix et l’engagement (l’éloquent End Of War ou encore Stay Conscious). Les fans de reggae (y compris en français, à l’instar de Confiance en toi, avec Claye en featuring) se plongeront avec ravissement dans un album d’autant plus nécessaire qu’il égraine 18 titres sans ciller ni se départir de sa créativité et encore moins de sa bonne humeur. Il y a aussi de l’amour à revendre dans cet opus attachant (I Feel Your Love, Love Is Everything).
Un album nécessaire
On s’arrêtera avec plus d’attention sur l’un des titres en français, Plus les mêmes, en collaboration avec Sika Rlion. Une sacrée révélation que cette artiste réunionnaise venue offrir là un rare moment de déclaration, au flow envoûtant. Sans doute, avec Soldier, l’un des meilleurs titres de l’album, dans lequel le reggae se teinte de musique urbaine et de maloya.
Le reggae se trouve également revivifiée par la chanson française mais aussi et surtout par la world music, la chanson française ou l’urbain (le formidable Pokemon rare ou le dansant Ida Y Vuelta) et de sons électroniques (GG).
L’album se termine de la plus belle des manières avec le magnétique morceau Soldier, en acoustique, avec le featuting de Biga*Ranx et du regretté Naäman. Un dernier titre qui est un hommage à ce dernier, considéré par Fatbabs comme plus qu’un ami, un double musical.
Boule est de retour avec un album live,Boule vide son sac en public. Humour et nostalgie se partagent le terrain dans un opus enregistré au Trianon transatlantique de Soteville-lès-Rouen le 18 octobre 2024. Ce disque fait le bilan de 20 ans de carrière d’un artiste à la fois rare, magique, touchant et archi doué dans sa manière de nous emmener dans des confidences et saynètes douces-amères, à l’instar de son autoportrait L’ours polaire. Ce morceau est un hymne à la gentillesse, à la douceur, mais est aussi cri de colère : "Je suis un garçon doux et tendre / Je ne me suis jamais battu / Tolérant je peux tout entendre / Les mots ronds et les mots pointus / J'ai gardé un pied dans l'enfance / Toi tu veux me manipuler / Profiter de mon innocence / Va te faire enculer…" (sic).
Sens de la mélodie, poésie, écriture fine mais aussi insolence. Boule mérite de figurer parmi les artistes les plus doués de sa génération. Que l’on écoute Avion, déclaration tendre à l’absente et appel à l’aventure qu’il avait interprété avec Jeanne Rochette en 2019 pour son opus Appareil Volant Imitant L'Oiseau Naturel ("A.V.I.O.N.") Qu’on ne se fit pas à l’aspect bonhomme de Boule et son léger zézaiement. L’homme n’est pas une oie blanche. La preuve lorsqu’il chante la mort d’un amour – dans les deux sens du terme. C'est l’objet du titre Le Poisson. Le morceau est suivi du Poison, "la version de la victime" du crime. Avec le sourire en prime et sur un rythme de cha-cha-cha.
Boule marche sur les pas de Boris Vian et Bobby Lapointe dans ces chansons aux textes précis, drôles et bien vus. On pense au Percolateur, hommage aux réparateurs de machines à café, incompris et déconsidérés. Car c’est ce qui intéresse Boule : les gens ordinaires, celles et ceux dont on ne parle jamais (que l’on pense à la valse vintage à souhait Pied de coq et polyglotte) et qui deviennent d’autant plus singuliers et atypiques. L’artiste se fait cinglant dans Pensez à voir un psychologue. Humour noir garanti dans ces faits divers glauques que Sanseverino aurait pu composer les doigts dans le nez. C’est aussi Neuneuil, portrait d’un mauvais garçon – pour être poli : "Il avait un drôle de regard / Neuneuil / Toujours partant pour une bagarre / Neuneuil / Devant lui fallait baisser les yeux / C'était un petit roquet nerveux". Oui, le peu sympathique Neuneuil, "le roi des coups de pied dans les couilles". Aucune rédemption pour ce "con", mais qu’est-ce que c’est drôlement dit et chanté !
Boule marche sur les pas de Boris Vian et Bobby Lapointe
Rose et Adèle parle, lui, du moment où les enfants doivent s’envoler. Plus grave, Boule se mue en vieux sage, parlant d’émancipation, du départ vers la grande vie et l’aventure, dans un rythme oriental et entêtant ("Filez à tire d’aile").
Boule se dévoile tendre et mélancolique dans cet autre titre, C’est dommage, une ballade en forme de plainte sur la fin d’un amour, véritable fin du monde en soi racontée sans animosité mais non sans triste, juste quelques regrets ("On aurait pu mieux faire"). Il y a la même douceur dans Je ne touche plus, description d’un couple triste, décrépi et "déplumé [qui] ne s’endort plus jamais tout nu" ("Plus de bataille de polochons/ La lune s’endort en orbite / Je ne touche plus tes nichons / Et tu ne touches plus ma bite" !).
Pour Le même air, Boule s’inspire des rythmes balkaniques pour parler d’environnement et proposer une danse désespérée qui parle d’animaux en danger de mort. Dans Les Pizzas, Boule se met en colère contre la société moderne incapable de s’alarmer sur la fin des oiseaux, des poissons ("Ce que tu aimes c’est bouffer les pizzas en caressant ton i-Phone à la con").
En dépit de ces "gravitudes", Boule cultive la douceur et le simplicité. Pas de prise de tête chez cet artiste cultivant avec passion, l’amour, l’amitié et le vivre ensemble, à l’instar du virevoltant Politesses et banalités que tous et toutes ont au moins une fois vécu ("Je ne vais pas longtemps à cette soirée / Déjà deux minutes et je commence à m’emmerder / Entre deux généralités / Politesse et banalité / La prochaine fois je t’emmène au restau chinois"). Irrésistible.
Et si Boule était un philosophe doué d’un poète ? Voilà ce que l’on se dit encore à l’écoute d’Atome par atome. Dans une lancinante ballade aux accents méditerranéens, l’un des plus beaux morceaux de l’album, l’artiste s’imagine revenir après sa mort, se recyclant de petits riens du tout ("Je m’éparpille partout"). Une vraie déclaration d’amour pour l’humanité et pour notre si belle terre.
Pour conclure ce live et bilan de vingt de carrière, Boule propose une version réactualisée d’une fable de La Fontaine, Le loup et le chien. Le public découvrira la manière dont un chanteur des années 2020 actualise un classique de la littérature française. Une nouvelle preuve du grand talent de Boule. Saluons enfin l’accordéon entêtant de Sonia Rekis. Un vrai plus dans cet opus public qui entend faire découvrir un artiste attachant.
Dans la carrière de Beethoven, et dans celle de l’histoire de la musique en général, la date du 27 décembre 1808 est à marquer d’une pierre blanche. C’est en effet ce jour-là, au Theater an der Wien de Vienne, que le compositeur allemand propose un concert-fleuve composée de son Concerto pour piano et orchestre n°4, de sa Fantaisie pour piano, chœur et orchestre en ut mineur, d’une Fantaisie pour piano improvisée, d’un Air de concert pour soprano et orchestre, des extraits de sa Messe en ut majeur et, clou du spectacle, des Symphonies 5 et 6. On aurait aimé être à la place des spectateurs de l’époque. Pourtant, ce concert de près de quatre heures fut un semi-échec pour son interprétation (une seule répétition en guise de préparation) et son organisation (une salle glaciale). Mais les critiques furent magnanimes et l’accueil finalement très positif.
De la Cinquième, même le moins connaisseur de classique connaît les quatre notes d’ouverture, les fameux "pom pom pom pom" qui ouvrent le rideau dans l’Allegro con brio, avec un mélange de majesté et de provocation. Quatre notes légendaires qui ont fait sursauter et crier littéralement le public du XIXe siècle lors des premières représentations. Aux questions sur cette entrée en matière tonitruante, Beethoven a expliqué, non sans agacement : "Ainsi le destin frappe à la porte…" Confère le sous-tire de cette Cinquième, "La Symphonie du Destin", donc.
L’Orchestre Consuelo fait preuve de fougue et de sérieux pour cette nouvelle interprétation. Saluons la prise de son d’Alice Ragon qui profite de l’acoustique exceptionnelle de l’Abbatiale Saint-Robert, donnant à cet enregistrement de la couleur et une belle densité. La Cinquième, véritable révolution romantique (on pense à l’Andante con moto), frappe par les transitions intelligentes entre les quatre mouvements, donnant à cette œuvre le caractère d’un être vivant, entier et au solide tempérament. Les cuivres étincelants de l’Allegro et les cordes enfiévrées rappellent qu’à l’époque de l’écriture et de la création de cette symphonie, l’Europe est embourbée dans les effroyables guerres napoléoniennes (Scherzo : Allegro). Beethoven avait manifesté son enthousiasme pour Napoléon Bonaparte, avant que ce dernier ne se transforme en conquérant et en tyran. N’est-ce pas justement l’allant guerrier, l’espoir de paix et l’optimisme qui marquent le quatrième mouvement Allegro-Presto, jusqu’à une fin mémorable ?
Véritable révolution romantique
On dit des symphonies de Beethoven qu’une sorte de malédiction frappe celles numérotées d’un chiffre pair – les Deuxième, Troisième, Quatrième et Huitième (la Sixième a un statut à part). Mal connues, mal aimées, elles ont du mal à exister à côté des "impaires". Ce second coffret fait une place à la Huitième, à côté de la Cinquième et de la Sixième. Une manière de découvrir cette œuvre.
La Symphonie n° 8, op. 93, en fa majeur, a été composée en 1812 et créée à Vienne deux ans plus tard. Elle est composée de quatre mouvements qui ont la particularité de ne pas comporter de mouvement lent. Celle que Beethoven nommait "Petite symphonie" est en effet relativement courte – le plus long des mouvements dépasse à peine sept minutes (Allegro vivace e con brio) et le plus court, l'Allegretto scherzando, fait un peu plus de trois minutes et demi. Plus classique que réellement romantique, la Huitième lorgne du côté de Mozart et de Haydn. Le compositeur allemand a même ajouté un mouvement de menuet (Tempo di menuetto). Finalement, le XVIIIe siècle n’est pas loin. L’auditeur gouttera le travail mélodique comme les ruptures de rythmes, en particulier dans le premier mouvement. Voilà qui prouve qu’on ne doit pas prendre à la légère cette Huitième, coincée entre l’exceptionnelle et poignante Septième et la monumentale Neuvième. En vérité, cette Huitième séduit pour sa concision et son aspect de belle mécanique, intelligente et lumineuse. Peut-être aussi nostalgique (Tempo di menuetto), avant un finale puissant, certes moins mémorable que le finale de la Cinquième.
La Symphonie n°6 fait l’objet d’un disque à part dans le coffret de b.records. Archi jouée, archi enregistrée et archi utilisée (films, séries, documentaires), elle allie classicisme, romantisme et naturalisme. Impossible, à ce sujet, de ne pas frémir à l’écoute de l’Allegro ma non troppo, véritable tube beethovénien. Il faut ajouter – mais on ne s’en étonnera pas – que le compositeur allemand était un amoureux de la nature et que la campagne verdoyante autour de Vienne l’inspira. L’Orchestre Consuelo l’interprète sans chercher à le détourner de sa "pastoralité". Le naturalisme (les chants d’oiseaux, l’orage de l’Allegro ou le vent) se pare ici de romantisme, particulièrement éloquent dans le deuxième mouvement Andante molto moto. Moins connu que le premier, il mérite pourtant de figurer sur les meilleures playlists. Victor Julien-Laferrière le dirige avec subtilité et délicatesse, laissant aux cordes le soin de dominer la partie.
Comme pour la Cinquième, un soin particulier est donnée aux transitions, en particulier entre l’Allegro du troisième mouvement et l’Allegro-Allegretto du Finale. Un Finale incroyable, puissant et inquiétant dans lequel la nature se met en branle. L’orage éclate. Le vent fouette la campagne. La pluie s’abat. La menace est partout, avant que le calme ne revienne. L’Orchestre Consuelo prend un soin particulier à donner de la densité, du relief, du son et du rythme à la dernière partie, avant un retour vers la paix, appuyée par les thèmes et mélodies du premier mouvement. On est de retour dans le caractère pastorale de cette œuvre majestueuse – la première, sans doute, à écouter si l’on veut entrer dans le répertoire de Beethoven.
On le sait : rien n’est plus compliqué que la simplicité. La preuve avec Les Minutes du Soir (chez Indésens) avec le court (moins de vingt-quatre minutes) et lumineux album de Stéphane Michot. Décidément, la création contemporaine sait aujourd’hui toucher aux âmes, après des décennies de recherches et de concepts qui ont pu laisser pas mal d’auditeurs et d’auditrices à la porte.
Les Minutes du Soir, ce sont quatorze pièces néo-classiques – on a même envie de dire post-romantiques – jouées au piano par le compositeur lui-même. Minute papillon, La Minute Blonde, La Minute Inutile ou Les Minutes de Raphaël : Stéphane Michot décline en musique ces courts moments, dans des pièces – des "miniatures", précise-t-il – ne dépassant jamais les deux minutes, à l’exception notable des Minutes se dessinent, des Minutes de l’Empereur, des Minutes Bleues, des Minutes de James… et des Secondes de Camille (sic).
L’opus débute avec Minute Papillon faisant inévitablement penser à une variation des Variations Goldberg de Bach. Voilà qui lance un album séduisant de la plus belle des manières. Stéphane Michot poursuit avec une Minute Blonde, sur une veine plus romantique, comme dans une déclaration d’amour – à une jeune femme blonde ? On se laisse prendre par la main tout au long de cet enregistrement aux mélodies simples et envoûtantes (Les Minutes d’une Amandine, Les Minutes Bleues).
La preuve que tout n’est pas entièrement perdu en ce bas monde
Stéphane Michot sait tout autant être mélancolique (Les Minutes d’Ilan), rêveur (Les Minutes se dessinent), triste (La Dernière Minute) amoureux (La Minute Blonde, donc, mais aussi Les Secondes de Camille). Qu’un compositeur d’aujourd’hui se lance dans un projet tout autant sensible que conceptuel démontre que tout n’est pas entièrement perdu en ce bas monde. C’est d’ailleurs ce qu’il semble promettre dans la délicate Minute d’un Possible.
Stéphane Michot connaît ses classiques, lui qui propose une Minute de l’Empereur semblant nous catapulter en plein XIXe siècle, dans un de ces salons bourgeois européens. Avec la Minute Inutile, le musicien propose une pièce dense et savoureuse semblant lorgner du côté de Yann Tiersen, à l’instar également des Musiques de Raphaël. Plus longue encore (un peu plus de deux minutes quarante-cinq), Les Minutes de James se montrent plus sombres, plus "sérieuses" même comme l’aurait dit Satie, un compositeur que Stéphane Michot ne renierait certainement pas.
On parlait de simplicité, une obsession chez Debussy. Elle est déclinée sous forme de berceuse dans La Minute Sacrée. Élégance de la mélodie, toucher en finesse du pianiste. Oui, la simplicité est décidément un art et Stéphane Michot y excelle.
"On va se perdre dans le délire / Faut que t’arrive à me le dire / Je pourrai jamais dire non / Je vais me faire tatouer ton nom", confie-t-elle en musique, dans une déclaration enflammée mais qui sent aussi l’aliénation ("Putain tu me brises le cœur / Je sais pas comment revenir / Ni comment toute cette douleur / Va faire un jour pour partir / Laisse moi te retenir").
Musicalement, le single allie chanson française, pop et influences électro, avec ce je ne sais quoi d’influences méditerranéennes – corses, on s’en doute. Et avec ça une voix veloutée, aux accents graves.
Altiera confirme qu’elle est une sacrée personnalité de la scène française, construisant une carrière de chanteuse aux multiples influences.