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piano

  • Italianna crooneuse

    Bouffée d’air frais, de joie de vivre et de simplicité garantie pour cet album piano-voix mené par la chanteuse Kikka et le pianiste Oscar Marchioni. Idéal pour ce début d’été.

    Alegre Me Siento est leur 7e album, après 20 ans de collaboration entre jazz, soul et répertoire italien (Ultimo Caffè, Ie Nun Te Reggae Chiu’) : "C'est notre premier album en duo, on voulait mettre à nue notre complicité, notre synergie… En duo j'ai la possibilité de rechercher au mieux les possibilités et les nuances de ma voix."

    Le piano d’Oscar Marchioni met en valeur la voix de crooneuse de Kicca, capable d’alterner sensualité, séduction, espièglerie (Ie Nun Te Reggae Chiu) avec rythme (Stop And Go) et instants de mélancolies amoureuses (Sei), mais non sans moments graves et douloureux (le magnifique See Where Love Goes To Die), sinon tragiques (Sing About Heaven).  

    Bonheur, joie de vivre mais aussi amour forment l’ADN de ce séduisant album de jazz

    Le titre de leur nouvel opus, Alegro Me Siento – qui est aussi le titre du premier morceau –, ne saurait mentir : bonheur, joie de vivre mais aussi amour (Just Wanna Be Your Girl) forment l’ADN de ce séduisant album de jazz. Parlons d'amour et aussi d'amour qui finit mal. Même si séparation il peut y avoir, elle a des allures de libération ("Tomorrow i'm gone, no time for so longs, / Your lucky star, has now made it too far / And now it's me, and now it's time for me", Whoo You).

    Alegre Me Siento est une vraie bouffée de bonheur et de messages à la sérénité. En témoigne le joli titre The Way To Be Fine. Comment être heureux ? s’interroge Kicca : "Travaillez pour semer la beauté et oublier les difficultés, allongez-vous sous un arbre et respirez en silence, comptez les étoiles et faites des vœux d'amour" ("Work to Sow beauty and forget the hardships, / Lie down under a tree and breathe in silence, / Count the stars and make love wishes").

    C’est dans le swing que se termine l’album de Kicca et Oscar Marchioni (You Can’t Stop). Séduction et peps garantis. 

    Kicca & Oscar Marchioni, Alegre Me Siento, Inouïe Distribution / Cristal Publishing, 2025
    https://kicca.fr
    https://www.facebook.com/kiccaoscarmarchioniofficialpage
    https://www.instagram.com/kiccaoscarmarchioni

    Voir aussi : "Lucien Chéenne sous le soleil d’Astaffort"
    "Coquette comme Tuck"

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  • Satie Cool

    Alors que nous fêtons tout juste les 100 ans de la mort d’Erik Satie (1866-1925), voilà que nous arrive, en guise d’hommage, un album d’adaptations jazz par Hervé Sellin de quelques uns des chefs d’œuvre du compositeur français le plus extravaguant et le plus incroyable de l’histoire.

    Nous avions parlé il y a un an de cela de son album Fauré-Ravel, déjà des revisites jazz et déjà aussi des Jazz Impressions, tendant à prouver que les barrières entre genre ne demandaient qu’à tomber. Voilà qui est d’autant plus pertinent et excitant pour Erik Satie, génial et foutraque compositeur aux œuvres lentes et contemplatives. Mais comment le jazz et ses rythmes peuvent-ils s’emparer d’un compositeur moderne, admiré et toujours très actuel ?

    Hervé Sellin y répond sur le terrain de son instrument fétiche, le piano. La magnifique valse Je te veux devient un titre jazz moins sensuel et romanesque que mélancolique. Hervé Sellin assume son parti pris de faire de ce classique une pièce contemporaine sortant quelque peu de la valse originelle – que l’on est certes en droit de préférer.

    L’humour de Satie est restée dans la version de Sellin des Trois morceaux en forme de poire. Le jazzman se sert de la pièce originale pour en faire une "suite pour trois jazzmen improvisateurs". Erik Satie sourirait de voir sa création de 1903 prendre un tel lustre cool. Humour toujours avec ces Airs à faire fuir. Je parle bien du titre, espiègle, parce que ce morceau est d’une belle facture jazz pour une promenade des plus rafraîchissantes.  

    Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière

    Après la visite de la 2e Gnossienne, moins épurée et réellement séduisante pour son nouveau rythme, parlons de ces fameuses Gymnopédies qui ont indéniablement fait la notoriété d’Erik Satie. La première, en particulier, archi-jouée et archi-enregistrée, se devait de sortir des sentiers battus. Hervé Sellin a fait le choix de complètement la réinventer. Cette première Gymnopédie garde sa profonde mélancolie et sa lenteur chevillée au corps. Hervé Sellin l’adapte non sans smooth, grâce à la flûte inspirée de Christelle Raquillet. Même réinvention pour la 2e Gymnopédie. Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière, rythmée et avec ce je ne sais quoi de ce modernisme "satien". Imparable. La Gymnopedia proposé dans l’album est dédiée à Aldo Ciccolini qui fut le premier à enregistrer l’intégrale de la musique pour piano d’Erik Satie dans les années 60. Cette Gymnopedia se présente comme une vraie création originale. Hervé Sellin en fait une pièce délicate, marquant son respect pour un interprète capital dans l’histoire de Satie, tout comme dans la carrière d’Hervé Sellin.

    Les Trois mélodies, une pièce souvent présente dans les anthologies sur Satie, portent ces mystérieux titres, Les Anges, Élégie et Sylvie. Trois chansons que l’on croirait post-impressionnistes, même si elles se teintent de sons et de rythmes jazz. Hervé Sellin parle de son désir au sujet de ces pièces d’avoir voulu "déshabiller et reconstruire les chanson", sans ostentation mais avec sincérité et une forme de romantisme.  

    Parlons des Avant-dernières pensées. Hervé Sellinn prennent le risque de faire de ces adaptations jazz des moments uniques entre classique, jazz et contemporain. L’accent mélodique, pour ne pas dire désespéré, de Satie prend tout son sens, y compris lorsqu’il se fait néo-romantique (Idylle). Humour rime avec amour dans son Aubade audacieuse et entêtante. Quant, à la Méditation qui vient compléter ces Avant-dernières pensées, elle devient un titre contemporain, méditatif et déconcertant.    

    Quoi de mieux qu’une Belle excentrique pour terminer un album rendant hommage d’une belle manière à Erik Satie, toujours aussi moderne, un siècle après sa mort. Cette "fantaisie sérieuse" (c’est le sous-titre trouvé par le compositeur) est une suite de danses parodiant les musiques du music-hall. C’est une œuvre tardive datant de 1921, commandée pour un ballet de la sulfureuse chorégraphe Caryathis. Pour cette artiste scandaleuse, il fallait une musique ne se prenant pas au sérieux, vivante et vivifiante. Satie s’est à l’époque influencée par le jazz. Il revient ici grâce au piano d’Hervé Sellin, pour la première suite Grande ritournelle. Une petite merveille et, pour beaucoup, une découverte. Satie aurait remercié Sellin pour ces revisites séduisantes.  

    Hervé Sellin, Erik Satie, Jazz impressions, IndéSens Calliope, 2025
    https://hervesellin.com
    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Du classique, et que ça jazze !"

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  • Philipp Scharwenka, nocturne et en pleine lumière

    Philipp Scharwenka (1847-1917)  n’est certes pas le plus connu des compositeurs allemands romantiques du XIXe siècle. Manque de bol pour Philipp Scharwenka à l’époque, sa notoriété avait déjà été quelque peu éclipsée par son frère Xaver, plus célèbre que lui – à l’exception toutefois des États-Unis où Philipp a remporté un certain succès. Oublié depuis, on doit son retour en grâce à un très joli album de la pianiste turque Cansu Sanlidag. Elle propose, sous le titre The Nocturnal Poet, des œuvres représentatives du compositeur, à savoir sa Ballade op. 94, la Rhapsodie op. 85 n° 1, le Scherzo op. 97 n°3 et les six premiers Abendstimmungen op. 107.

    Cansu Sanlidag caresse les touches de son clavier pour la langoureuse et mélancolique Ballade composée en 1894, ponctuée de moments lumineux et presque joyeux. L’influence de Chopin est évidente dans cette pièce. Rien d’étonnant que le compositeur polonais soit cité ici. Philipp Scharwenka et son frère Xaver sont natifs de Samter, actuelle Szamotuly, en Pologne. Ils ont par la suite rejoint en famille Berlin où le musicien a passé la majeure partie de sa vie. Il faut préciser que faire sa place musicale dans la bouillonnante capitale allemande n’a pas été simple. Après les décès des postromantiques allemandes que furent Liszt et Wagner, les Scharwenka ont été éclipsés par ces autres "monstres" qu’ont été Mahler, Wolf ou Richard Strauss. Aussi on ne peut que saluer l’entreprise de Cansu Sanlidag de faire sortir de l’ombre ce "poète nocturne".

    Faire sa place musicale dans la bouillonnante capitale allemande n’a pas été simple

    Les six Abendstimmungen op. 107 (littéralement "ambiances du soir") ont été composées en 1915. Philipp Scharwenka suit ses propres inspirations, bien loin du tapage de ses contemporains. Le néoromantisme est à l’œuvre chez lui, alors que la musique prend à l’époque bruyamment la voie de la modernité (Schoenberg, Berg et Webern, pour ne citer qu’eux). Pédagogue réputé, Philipp Scharwenka fait le choix du classicisme, de la pudeur et de la retenue. Cansu Sanlidag, dont la virtuosité est reconnue dans le monde, rend hommage à un compositeur aussi discret en ville que classique dans ses pièces (n°1). Le deuxième Abendstimmung renvoie à Chopin, lorsque le n°3 se fait plus onirique, plus inquiétant aussi. La Rhapsodie op. 85 datant de 1891, robuste et sombre, prouve que le romantisme est loin d’être mort lorsque Philipp Scharwenka compose cette pièce tourmentée et ambitieuse.

    Le quatrième Abendstimmung séduit par sa mélancolie au rythme entêtant, on pourrait même dire par sa dramaturgie exprimée par une Cansu Sanlidag décidément bien inspirée. Le n°5 laisse exploser les sentiments du compositeur allemand, avec toujours cette simplicité dans l’écriture et une interprétation hypersensible de la pianiste.

    Le sixième Abendstimmung s’écoute comme une saynète intime, touchante et simple. Philipp Scharwenka s’y montre tel qu’en lui-même, posé et à l’abri des tourments du monde, un monde à l’époque plongé dans le fracas de la première guerre mondiale – le musicien décède en 1917 sans avoir revu la paix.

    L’enregistrement se termine avec le Scherzo n°3, écrit en 1896. Le morceau a eu un joli succès à l’époque. Pétillant au départ, il monte peu à peu en gravité et en expressivité. Cansu Sanlidag s’y meut avec un naturel évident mais aussi un rare plaisir. Celui aussi d’avoir pu nous faire découvrir un compositeur injustement tombé dans l’oubli.     

    Philipp Scharwenka, The Nocturnal Poet, Cansu Sanlidag (piano), Pavane, 2025
    https://www.cansusanlidag.com
    https://www.instagram.com/p/DJznLjOtmmF

    Voir aussi : "Bach made in Rana"

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  • Bach made in Rana

    Pour des œuvres aussi enregistrées que les Concertos pour clavier de Bach – ici, pour piano – le spécialiste sera en droit de préférer telle ou telle version. Trop lent, trop nerveux, trop ceci, trop cela. Mais laissons ces querelles de chapelle aux gardiens du temple et intéressons-nous à l’une des plus brillantes pianistes actuelles.

    Beatrice Rana s’est beaucoup aventurée sur des terres romantiques, que ce soit Chopin (un album sur ses Études et ses Scherzi que nous avions présenté sur ce site), Beethoven, Clara et Robert Schumann (avec Yannick Nézet-Séguin), sans oublier ce magnifique programme russe avec Prokofiev et Tchaïkovski que Bla Bla Blog avait également chroniqué (son premier opus qui a consacré son immense talent).

    Et maintenant, Bach !

    Naturellement, Bach. Beatrice Rana avait enregistré il y a quelques années les Variations Goldberg. La voilà de retour chez Bach avec sa vision des Concertos pour clavier n°1, 2, 3 et 5. Œuvres majeures du répertoire classique, ces concertos, que chaque interprétation semble ressortir de l’ombre, sont comme la potion d’Obélix : une fois tombés dedans, on n’a qu’une envie, y replonger.  

    Beatrice Rana mérite au moins une médaille pour sa version, avec l’Amsterdam Sinfonietta et Candida Thompson comme premier violon. Elle propose ici les Concertos BWV 1052, BWV 1053, BWV 1054 et BWV 1056. Gageons que la suite de ces œuvres pour clavier devrait bientôt suivre. Bach avait en avait composé 12. Il ne nous reste finalement que 8, le dernier restant en plus inachevé. quant aux 4 derniers, ils ont hélas disparu. 

    Archi-douée, techniquement irréprochable, intelligente et magnétique

    Mais ne boudons pas notre plaisir avec ce Bach made in Rana. La pianiste italienne donne à voir le compositeur allemand sous un jour moderne, impétueux mais où l’urgence laisse place à ces moments de lumières bouleversants, à l’instar du dernier tiers du premier mouvement du premier mouvement du Concerto n°1. Bach est souvent considéré, à tort, comme un compositeur intello. Beatrice Rana prouve qu’il reste surtout un mélodiste sans doute inégalé (l’irrésistible 1er mouvement du 3e Concerto ou encore le 1er du Concerto n°5). Né dans une période baroque, qu’il assume (La première et la troisième partie du Concerto n°2), il semble annoncer le classicisme et même, avec cinquante ans d’avance, la période romantique (2e mouvement du Concerto n°2 et du n°5).

    Les dons virtuoses de Beatrice Rana font merveille, que ce soit dans les Concertos n°1 ou n°3, grâce à l’orchestre de l’Amsterdam Sinfonietta dont la symbiose devient évidente si l’on regarde la vidéo Youtube proposée par Warner.

    Les chafouins et chafouines regretteront peut-être le tempo rapide du dernier mouvement du Concerto n°5. Admettons. Mais ce choix artistique n’enlève absolument rien – loin de là ! – à l’importance musicale de ces premiers Concertos de Bach par Beatrice Rana. Archi-douée, techniquement irréprochable, intelligente et magnétique. Bref, une merveille à découvrir absolument !        

    Jean-Sébastien Bach : Concertos pour piano, Beatrice Rana (piano), Amsterdam Sinfonietta, 2025
    https://www.beatriceranapiano.com
    https://www.facebook.com/BeatriceRanaPiano
    https://www.warnerclassics.com/fr/release/bach-keyboard-concertos-1

    Voir aussi : "Une Italienne parle aux Russes"
    "Quel tempérament !"

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  • Aventures mozartiennes, une suite

    Revoilà la pianiste française Elizabeth Sombart dans la suite de ses aventures au Pays de Mozart. Nous l’avions découverte sur Bla Bla Blog avec les Concertos 20, 21, 23 et 27. Elle revient ce printemps avec deux œuvres plus précoces du compositeur autrichien, à savoir le Concerto n°9 "Jeunehomme" – tout attaché – et le Concerto n°12 en la majeur.

    Nous sommes en 1777. Mozart a 25 ans lorsqu’il écrit ce fameux Concerto "Jeunehomme" en mi bémol majeur K 271. Seulement 25 ans et déjà 25 ans, dirions-nous, tant le musicien a fait preuve de précocité exceptionnelle. À six ans, il compose ses premières œuvres – et son premier opéra à 11 ans.

    Du nom "Jeunehomme", les experts ne sont pas entièrement d’accord sur ses origines. Il semblerait que son appellation vienne du nom d’une jeune pianiste strasbourgeoise - tout comme la pianiste, d'ailleurs - à qui était destiné ce concerto. Un hommage ou un crush ? C’est d’autant plus possible que Mozart fait de cette œuvre un opus pétillant, éclatant dès les premières attaques du piano (Allegro). Chez Mozart, la lumière est aussi présente que l’obscurité. La preuve avec le second mouvement Andantino, lent et d’une grande expressivité, comme si les ténèbres n’étaient jamais éloignés des couleurs chatoyantes exprimées par Mozart et son interprète Elizabeth Sombart. Le jeune mais déjà expérimenté Mozart fait preuve dans le troisième mouvement Allegretto d’une pétillance irrésistible. On se trouve propulsé dans une scène mêlant fête galante, humour et élégance. Champagne, Mozart ! La pianiste strasbourgeoise et le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet ne boudent par leur plaisir à proposer ce "Jeunehomme" avec toute la luxuriance et la générosité qu’il mérite. 

    Un hommage ou un crush ?

    Le Concerto n°12 en la majeur K 414 a été écrit un peu plus tard, entre 1782 et 1783. Ce sont des années heureuses. Libéré de ses contraintes à Salzbourg, Mozart s’installe à Vienne avec sa jeune épouse, Constance Weber, qu’il a précisément rencontrée dans la capitale autrichienne.

    Les lignes mélodiques du concerto tourbillonnent dès le premier mouvement Allegro. La richesse harmonique, toute mozartienne, n’est pas dépourvue de ces moments presque intimes. Il semblerait que ce soit un Mozart amoureux et heureux qui s’exprime. Pour autant, Mozart ne cherche pas la difficulté ni la virtuosité. Il veut avant tout "plaire" à l’aristocratie viennoise, comme il le dit- lui-même et proposer un opus jouable facilement et partout. Enfin, "facilement", façon de parler !

    L’Andante capte les oreilles dès les premières notes. "C’est une des pages les plus belles et les plus nobles de son auteur", avouait Olivier Messiaen. Et on ne peut que lui donner raison. Il est vrai qu’il y a à la fois de la noblesse et une mélancolie bouleversante dans ce mouvement lent qu’Elizabeth Sompart interprète avec une grande pudeur.

    Le dernier mouvement Allegretto de ce douzième concerto pour piano de Mozart est le plus court de l’opus – un peu moins de 7 minutes – mais aussi de l’album. Vif et enlevé, cette partie se veut éclatante et joyeuse. Il faut toute la virtuosité d’Elizabeth Sombart pour proposer cette page jaillissante qui devait au départ être un rondo, publié à part après la mort du compositeur (K 386). On ne peut que remercier Mozart d’avoir fait le choix d’un Allegretto espiègle. Celui des années viennoises heureuses et amoureuses d'un génial jeune homme.       

    Wolfgang Amadeus Mozart, Concertos pour piano 9 & 12,
    Elizabeth Sombart au piano, Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet, Rubicon, 2023
    https://www.elizabethsombart.com
    https://www.facebook.com/elizabethsombart
    https://rubiconclassics.com/release/mozart-piano-concerto-9-12

    Voir aussi : "Rien que de plus classique"
    "Du côté de chez Mozart"

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  • Cécile Chaminade et ses amies

    Louis-Victor Bak nous avait fait découvrir Cécile Chaminade (1857-1944) dans un très bel album Debussy-Chaminade. La compositrice, une célébrité à son époque mais que l’on a oubliée par la suite – son sexe n’y était pas pour rien  ! – est remise à l’honneur avec plusieurs consœurs de son époque : Marguerite Canal (1890-1978), Pauline Viardot (1821-1910), Claude Arrieu (1903-1990), Clémence de Grandval (1828-1907), Louise Farrenc (1804-1875) et Joséphine Boulay (1869-1925).

    Yasuko Suzuki et Honoré Béjin proposent une sélection d’œuvres représentatives de leur musique de chambre. Il s’agit pour la plupart de transcriptions pour flûte et piano, à l’exception de la Sonatine de Claude Arrieu qui a été originellement écrite pour ces deux instruments.

    Ce répertoire rare et parfois inédit nous replonge dans une musique française pleine de nostalgie et que la flûte de Yasuko Suzuki vient transcender. La Sonate pour violon et piano – ici, pour flûte et piano – nous fait découvrir une Marguerite Canal largement nourrie des influences de Debussy : la transparence de l’Andantino, le parfum orientalisant du mouvement Sourd et haletant et le néoromantisme de l’Adagio expressivo riche d’une belle ligne mélodique et de l’Allegro con bravura.

    Autre adaptation d’un opus au départ pour violon et piano, la Sonatine de Pauline Viardot. La courte pièce transcrite par Yasuko Suzuki ravit par sa légèreté et son insouciance. Nous sommes en présence d’une très belle pièce dont le mouvement unique est découpé en trois parties vive-lente-vive. Pauline Viardot puise autant son inspiration dans les compositeurs romantiques du XIXe siècle que dans des mouvements folkloriques et les danses traditionnelles.   

    Une célébrité à son époque mais que l’on a oubliée par la suite – son sexe n’y était pas pour rien !

    La Sonatine de Claude Arrieu a été, comme nous le disions, composée pour flûte et piano au lendemain de la seconde guerre mondiale. Nous sommes dans une facture néo-classique typique des années 30. La compositrice a choisi une forme tout aussi classique, vive-lente-vive (Allegro, Andantino et Presto). Il semble que le morceau balance entre classicisme et modernité. Il y a une grande simplicité dans ces trois mouvements brefs, inférieurs à 3 minutes et dans lesquelles s’écoutent les influences, notamment, de Debussy et de Ravel.

    Autre musicienne à l’honneur, Clémence de Grandval. Cette femme a particulièrement lutté contre les préjugés. Cantatrice et compositrice, elle s’est faite remarquer dans l’opéra mais aussi dans la musique sacrée. La Valse mélancolique proposé dans cet enregistrement était au départ destiné à la flûte et à la harpe. D’où la légèreté et la transparence du jeu fluide d’Honoré Béjin. À noter que, de son vivant, Clémence de Grandval a reçu le Prix Chartier pour sa musique de chambre. Très musique française, cette jolie valse est l’un des rares et convaincants exemples de sa maîtrise qui a fait dire à Saint-Saëns que ses mélodies "seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme". Injustice, encore.

    Louise Farrenc, née sous Napoléon Ier est la compositrice la plus ancienne de ce programme. Connue pour ses talents de pédagogue et de professeure, elle a, tout comme sa consœur Clémence de Grandval, était récompensée par un Prix Chartier pour sa musique de chambre. On trouve dans l’opus de Yasuko Suzuki et Honoré Béjin ses Variations concertantes sur un air suisse op. 20 d’un beau classicisme, déjà préromantique. Une vraie découverte interprété par une Yasuko Suzuki tout en délicatesse et en espièglerie.

    Deux courtes pièces viennent conclure cet album. Le premier, une Romance sans paroles, titre cher aux Schumann, nous vient de Joséphine Boulay. Aveugle dès son plus jeune âge, la musicienne née à la fin du XIXe siècle trouve très rapidement sa voie dans la musique. Élève de César Franck grâce à qui elle devient une organiste réputée, elle devient professeure au Conservatoire de Paris. Compositrice, elle s’inscrit parfaitement dans ce mouvement de musique française porté par césar Franck, Jules Massenet ou Gabriel Fauré qui ont été ses maîtres. Yasuko Suzuki et Honoré Béjin proposent sa Romance sans paroles néoromantique, mélancolique et non sans modernité. On se laisse porter par cette pièce dans laquelle la passion est teintée de profonde tristesse.  

    Le dernier morceau nous vient de Cécile Chaminade. Il est vrai que l’album est placé sous son auspice. La pièce est relativement courte – un peu moins de cinq minutes. Les Sylvains op. 60A a été au départ composé pour violon et piano. Cela devient un opus pour flûte et piano. Compositrice prolifique (plus de 400 œuvres à son actif), elle se distingue par son style néo-romantique qui a fait son succès lors de ses tournées internationales, même si elle est morte oubliée. On découvre ou redécouvre une artiste attachante, mélodieuse et d’une grande finesse. La flûte y ajoute un magnifique accent onirique.  

    Cécile Chaminade et ses amies et consœurs trouvent dans cet album de quoi faire résonner plus d’une âme. Yasuko Suzuki et Honoré Béjin peuvent en être fiers.

    De Grandval, Canal et Chaminade, L’âme résonnante, Hommage aux compositrices françaises,
    Yasuko Suzuki (flûte) et Honoré Béjin (piano), Indésens Calliope Records, 2024

    https://indesenscalliope.com
    https://www.bs-artist.com/pages/communication

    https://www.yasukosuzuki.com/html/profile_fr.html

    Voir aussi : "Bak et la Belle Époque "
    "Pierre Boulez, le maître au marteau et à la baguette"

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  • 4 voix désirables

    Le titre de cet album public de b•records fait référence à l’une des plus belles chansons de la musique classique. Il s’agit de Youkali de Kurt Weill, interprété par le baryton Joël Terrin accompagné au piano de Cole Knutson. Découvrir Youkali, véritable chant métaphysique, c’est l’adopter : "Youkali, c’est le pays de nos désirs / Youkali, c’est le bonheur, c’est le plaisir / Youkali, c’est la terre où l’on quitte tous les soucis." Il est rare d’entendre ce classique interprété par une voix masculine. Le baryton Joël Terrin vient offrir un contrepoint intéressant et touchant aux versions féminines de Ute Lemper ou, plus près de nous, de Barbara Hannigan.  

    Nous voilà donc embarqué dans un pays où le désir (de la musique) est inscrit en lettres d’or. Enregistré à l’Abbaye de Royaumont les 5 mai et 29 septembre 2024, l’album propose une sélection de pièces lyriques classiques ou modernes. Parité parfaite pour les interprètes : deux hommes Joël Terrin (baryton) et Jeeyoung Lim (baryton-basse) ; deux femmes, Emma Roberts (mezzo-soprano) et Iida Antola (soprano).

    Après Youkali, c’est La Truite de Schubert (Die Forelle) que vient nous régaler Joël Terrin, sans ostentation ni désir de révolutionner le genre. Tout cela est d’un beau naturalisme. Vibrant et frais. Les trois autres titres interprétés par le baryton sont moins célèbres. Avec le compositeur franco-vénézuélien Reynaldo Hahn (1874-1947), on est entre le XIXe et le XXe siècle avec la pièce La prison, au texte plein de regrets, pleurant une jeunesse gâchée et emprisonnée, dans une facture très musique française.

    Plus rare encore de ce côté-ci de La Manche, Sleep est l’œuvre du compositeur anglais Ivor Gurney (1890-1937). En Angleterre, ce "war poet", l’un des poètes-combattants pendant la Grande Guerre, est considéré comme un héros national mais aussi un mélodiste hors-pair ayant laissé des centaines de chansons. On retrouve ici, grâce à Joël Terrin, le bouleversant Sleep, extrait de ses Five Elizabethan Songs, renvoyant à son expérience de soldat pendant la première guerre mondiale. Le programme du baryton s’achève avec un compositeur américain contemporain, Ben Moore (né en 1960). The Lake of Innisfree, d’après un poème de Yeats, fait le choix de l’harmonie et de la mélodie pour en faire un morceau postromantique propre à éclairer nos journées moroses. 

    Éclectique et intelligent

    La mezzo-soprano Emma Roberts fait le choix de compositeurs plus connus, tous du XIXe et début XXe siècle. Il y a Jean Sibelius (1865-1957) et son folklorique conte poétique Flickan kom op. 37 n°5, que la traduction française illustre bien : "La fille revient d’un rendez-vous avec son amoureux". Emma Roberts l’interprète avec puissance et non sans un néo-romantisme éclatant. On est ravis de retrouver Debussy dans le lumineux et onirique Colloque sentimental. Il s’agit d’un extrait des Fêtes galantes, d’après des poèmes de Verlaine. Debussy ne se laisse pas impressionner ni écraser par les mots du poète parnassien. Il y insuffle du mystère là où la mélancolie domine le texte ("– Te souvient-il de notre extase ancienne ? / – Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ? / – Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ? / Toujours vois-tu mon âme en rêve ? – Non"). Toujours dans la musique française, la mezzo-soprano interprète la sobre et presque minimaliste chanson de Maurice Ravel, L’indifférent. Il s’agit d’un portrait tout en nuance d’un jeune homme fugacement aperçu, aux "yeux doux comme ceux d’une fille" et à la "démarche féminine et lasse". La rencontre éphémère est rendue musicalement par des notes comme suspendues et par le timbre délicat de la chanteuse accompagnée au piano par Emma Cayeux. Deux lieder, l’un de Brahms (Die Mainacht op. 43 n°2), l’autre de Richard Strauss (Befreit op. 39 n° 4) viennent clôturer le programme d’Emma Roberts.

    Arrêtons-nous maintenant sur le troisième interprète de cet enregistrement public. Il s’agit du baryton-basse coréen Jeeyoung Lim, proposant, et c’est rare, deux pièces du compositeur coréen Isang Yun (1917-1995), Traditional Outfitv (Habit traditionnel) et Swing. Isang Yun a fait le choix de faire se rejoindre musique classique occidentale et rappels des traditions de son pays. Cela donne deux morceaux envoûtants, dépaysants et passionnants. Après un passage par son pays, Jeeyoung Lim, accompagné au piano par Gyeongtaek Lee, revient en Europe et au XIXe siècle avec deux lieder purement romantiques de Schubert (Waldesnacht D 708 et Abendstern D 806), avant de s’intéresser à Henri Duparc (1848-1933), avec sa Chanson triste, d’après un poème de Jean Lahor ("Dans ton cœur dort un clair de lune, / Un doux clair de lune d’été, / Et pour fuir la vie importune, / Je me noierai dans ta clarté").

    La soprano finnoise Iida Antola, accompagnée par sa compatriote pianiste Anni Laukkanen, propose elle aussi, à l’instar d’Emma Roberts, un passage par Debussy, cette fois avec sa pièce onirique De rêve (1893). Iida Antola s’en empare avec une interprétation à la fois lumineuse et éthérée : "La nuit à des douceurs de femmes ! / Et les vieux arbres sous la lune d'or, / songent ! / À celle qui vient de passer la tête emperlée, / Maintenant navrée ! / À jamais navrée ! / Ils n'ont pas su lui faire signer…" Suivent les Trois lieder op. 22 d’Erich Korngold (1897-1957). Il y a du post-romantisme et de la noirceur dans ces chansons crépusculaire, composées en 1828, alors que le compositeur allemand est au sommet de sa gloire. Le nazisme le fera fuir jusqu’aux États-Unis où Erich Korngold se révélera au grand public comme compositeur de films (Les Aventures de Robin des Bois, Capitaine Blood, L'Aigle des mers).  

    Hugo Wolf (1860-1903) et son bouleversant lied Kannst du dast Land vient conclure ce programme éclectique et intelligent proposé par quatre jeunes voix lyriques décidément à suivre et que l’on ne peut qu’aimer.

    Le pays de nos désirs, b•records, Orsay-Royaumont Live, 2025
    https://www.b-records.fr/le-pays-de-nos-desirs
    https://www.royaumont.com

    Voir aussi : "Un autre regard sur Philip Glass"

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  • À l’écoute de tes pièces, Clara...

    Mieux que jouer, Sophia Vaillant nous fait découvrir Clara Schumann dans une intégrale de son œuvre pour clavier (moins deux Scherzi que la musicienne avait déjà enregistrés en 2017) : polonaises, caprices, romances, variations, préludes et fugues. N’en jetez plus.

    Clara Schumann a été, pendant des années, indissociable de son mari Robert Schumann. Interprète, égérie, admiratrice, célébrité influente, la compositrice Clara Schumann, comme beaucoup de femmes artistes est pourtant tombée aux oubliettes en tant que compositrice. Depuis quelques années – et Bla Bla Blog s’en est fait régulièrement l’écho – les musicologues, spécialistes et interprètes permettent de découvrir et redécouvrir des femmes artistes ignorées, oubliées et souvent méprisées. Les choses changent et c'est heureux ! Clara Schumann a laissé une cinquantaine d’œuvres au total. On la considère maintenant à l’égal de ses contemporains – hommes –, à commencer par Franz Schubert, Robert Schumann ou Frédéric Chopin. 

    C’est du reste ce dernier nom qui vient tout de suite en tête à l’écoute des quatre Polonaises op. 1 qui ouvrent le triple album. À l’époque de leur écriture, Clara Schumann – ou plutôt Clara Wieck – n’a que… 10 ans ! Moins révolutionnaire que son homologue polonais, ces pièces séduisent par leur légèreté, leur gaieté et leur insouciance, servies par une Sophie Vaillant impeccable dans le rythme comme dans les couleurs données à ces éclatants morceaux, avec en particulier une dernière Polonaise en do majeure particulièrement espiègle. Le nom de Chopin revient encore dans les Valses romantiques op. 4 en do majeur. Après une introduction sombre, elles virevoltent et s’épanouissent. Il faut ici encore saluer Sophia Vaillant dans une interprétation tendue, sérieuse et nous entraînant dans un paysage musical aux nombreux recoins. Il semble que la pianiste et la compositrice nous prennent par la main.  

    Les Neuf Caprices en forme de valse op. 2 ont été composés plus tard, au début de l'adolescence de la musicienne. Nous sommes entre 1831 et 1832. Elle n’a que 12 ans mais quelle maîtrise, déjà ! Ces Caprices enlevés, élégants et aux lignes mélodiques élaborées ont été composées, nous dit le livret, pour les salons de la bonne bourgeoisie allemande. "La compositrice a voulu s’imposer avec brio dans cette société masculine". Mais aussi pour impressionner un certain Robert Schumann, de neuf ans son aîné, qui lui donne des cours de piano. On pense au dernier et court Caprice en ré bémol majeur, ressemblant à l’expression d’un émoi dissimulé.

    C’est à son futur mari qu’elle dédicace la Romance variée op. 5 en do majeur. Parfaite illustration du romantisme, Clara Wieck, future Schumann, semble assumer complètement ses sentiments pour celui qui va devenir son mari, au prix cependant d’un procès, plus tard, avec son propre père. En attendant, l’innocence, l’espièglerie et la joie d’être amoureuse rejaillissent dans cette romance incontournable. Sophie Vaillant affronte avec vaillance les nombreux pièges techniques de cette pièce alliant raffinement, simplicité et virtuosité.

    La déclaration amoureuse pour Robert Schumann est plus évidente encore dans la Romance des Quatre Pièces Caractéristiques. Cette dernière œuvre, op. 5, d’une incontestable modernité (L’Impromptu Le Sabot, très naturaliste ou l’étonnante Scène fantastique du Ballet des revenants, gothique avant l’heure), viennent conclure un premier CD revenant sur les premières années décidément prometteuses d’une future très grande de la musique classique. 

    On la considère maintenant à l’égal de ses contemporains – hommes –, Schubert, Chopin ou Robert Schumann

    C’est une Clara Schumann endiablée qui surgit du 2e CD grâce à la brillantissime Toccatina en la majeur de ses Soirées musicales op. 6. Elle se révèle en compositrice audacieuse et ambitieuse, tout en restant bien ancrée dans le Romantisme de son époque (Notturno en fa majeur). Pourtant, Clara future Schumann n’a que 16 ans. Ses sentiments pour Robert sont intacts et exprimés ici avec un mélange de passion, de langueur et de mélancolie (Mazurka en sol mineur). Restons dans ces Soirées musicales semblant organisées dans un de ces salons aristocratiques et bourgeois de 1836. Clara Schumann propose sa mélancolique Ballade en ré mineur avant une courte Mazurka en sol majeur et une Polonaise gracieuse aux belles lignes mélodiques, grâce à une Sophia Vaillant cavalant avec plaisir sur ces partitions exigeantes.  

    L’auditeur sera captivé par l’irrésistible Variation de concert op. 8 Sur la cavatine du Pirate de Bellini. La passion de la compositrice pour l’opéra italien est évident. Mieux, cette variation vaut à la jeune femme une reconnaissance officielle et publique. Le morceau est servi par une Sophia Vaillant incroyable de fraîcheur et de virtuosité pour cette pièce aussi complexe que lumineuse.

    Le 2e CD est complété par Trois Romances sans parole op. 11. On pourra retrouver dans la 2e Romance le thème initiale de la Sonate n°2 de Robert Schumann qui y verra un message, partagé à sa future compagne : "À l’écoute de ta Romance, j’ai entendu une nouvelle fois que nous devions devenir mari et femme." Message bien reçu.

    On avance dans le temps avec le 3e CD et ces Trois Pièces Fugitives op. 15 composées entre 1840 et 1844. Clara Schumann a un peu plus de vingt ans et voit sa vie sentimentale et maritale s’éclaircir après le procès gagné contre son père. Elle se montre ici d’une grande mélancolie (le Larghetto et l’Andante expressivo). Sophia Vaillant semble s’effacer derrière des partitions dans lesquelles pointe une grande tristesse, ne prenant toutefois jamais le dessus (Scherzo).

    Les Préludes et fugues op. 6 renvoient inévitablement à Bach et à son Clavier bien tempéré (Fugue en si bémol majeur). Les notes se déploient avec la même technicité (Fugue en ré mineur), densité (toutes durent moins de 2 minutes 50) et tonicité (Fugue en sol mineur). Il y a pourtant je ne sais quoi de moderne dans cette exploration de préludes et fugues écrites en plein XIXe siècle romantique (que l’on pense au Prélude en si bémol majeur ou celui en ré mineur).  

    La pièce la plus longue de ce 3e disque, mais aussi du coffret, sont ces somptueuses Variations sur un Thème de Robert Schumann op. 20. Écrites en 1843, elles sont une déclaration d’amour à Robert Schumann. L'idylle entre eux est toujours là, ancrée et solide comme un roc. Toutefois, le musicien voit sa santé décliner. La compositrice a-t-elle l’intuition à l’époque qu’il mourra trois ans plus tard ? Elle propose en tout cas autant une œuvre pleine de tristesse et de nostalgie qu'un tombeau funèbre et un hommage au grand artiste et complice qu’est son mari. Sophia Vaillant propose un enregistrement de ces Variations faisant répondre mélancolie et réconfort, force et désespoir. Il s’agit sans doute là d’une des pièces phares de cette importante compilation Clara Schumann.  

    Trois Romances op. 21 viennent clôturer ce coffret. Certes moins joueuses, elles restent élégantes, virtuoses et d’une folle modernité.

    Mieux que de nous faire découvrir – ou peut-être redécouvrir – Clara Schumann, Sophia Vaillant nous fait entrer dans son intimité et dans son cœur. Elle nous fait d’elle une amie. À l’écoute de ses pièces, nous sommes moins seuls.

    Clara Schumann, Un destin romantique, Sophia Vaillant (piano), 3 CD,
    Indésens Calliope Records, 2024

    https://indesenscalliope.com
    https://www.bs-artist.com/pages/communication

    http://www.sophiavaillant.com/bio.html
    https://www.facebook.com/sophiavaillant

    Voir aussi : "Nuit et lumières chez les Schumann"
    "1842, année romantique"

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