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pianiste

  • Romantique et métaphysique Schumann

    Robert Schumann, sans doute le moins populaire des grands romantiques, est proposé ici dans une sélection d’œuvres pour instruments à vent. C’est l’objet de ce deuxième volume de la Collection Schuman (voir aussi cet article) proposée Théo Fouchenneret. L’enregistrement et proposée par b•records dans un live à L’Estran de Guidel en octobre 2022.

    L’auditeur se plongera avec plaisir dans ces œuvres de musique de chambre d’une rare élégance, à commencer par ces "Trois romances" pour hautbois et piano, op. 94, avec Philibert Perrine. La simplicité (troisième romance "Nicht Schnell") n’empêche pas la tension (première romance "Nicht Schnell") dans ces trois romances écrites dans l’urgence (trois jours de février 1848, alors qu’une Révolution secoue la France). Est-il besoin de préciser que ces œuvres ont été écrites pour Clara Schumann, la femme du compositeur ? Il est vrai que la passion n’est pas absente ("Einfach, innig").

    Robert Schumann a ses admirateurs inconditionnels qui admirent chez lui son souffle métaphysique. Que l’on écoute ses "Fantaisies" op. 73 pour clarinette (avec Florent Pujuila) et piano (toujours Théo Fouchenneret). Le compositeur allemand multiplie les arabesques et sait emmener son auditeur vers des paysages verdoyants et lumineux, grâce à un clarinettiste de haut-vol (que l’on écoute la fantaisie "Zart mit  Ausdruck"). L’urgence est aussi là, dans cette fantaisie "Rasch mit Feuer".

    "Carnaval schumannien"

    Le cor, cet instrument mal-aimé, est mis en valeur dans un magnifique "Adagio et allegro" op. 70, avec Félix Roth. Il y a de la majesté dans le lent et somptueux "Langsam mit innigem Ausdruck", avant une étonnante envolée, comme si l’instrument à vent s’ébrouait et montrer toute l’étendue de ses capacités ("Rasch und feurig"), avec une joie de vivre communicative – allegro, bien entendu.

    L’album se termine sans doute de la meilleure des manières avec un "Andante" et des "Variations" WoO 10.1 pour deux pianos (Théo Fouchenneret et la géniale Hortense Cartier-Bresson), deux violoncelles (Caroline Sypniewski et Sarah Fouchenneret) et un cor (Félix Roth). La musique de chambre prend ici toute son envergure. Écrite en 1843, ambitieuse et riche, y compris par son choix des instruments, elle aura une version plus "raisonnable" pour deux pianos. Cet "Andante et Variations" s’écoute comme un voyage d’un peu plus de 8 minutes. La composition est riche et ses couleurs frappent aux oreilles. La fascination ne faiblit pas dans ce qui semble être un théâtre – un "carnaval schumannien" précise Théo Fouchenneret dans la présentation du disque. Les instrumentistes se répondent, jouent, s’amusent mais aussi se séduisent dans cette œuvre incroyable ("Sostenuto").

    Le "Più lento - Animato" frappera  l’auditeur par sa modernité comme par son romantisme évident, avec le cor de Félix Roth mis en avant de la plus belle des manières, et se jouant des arabesques des pianos et violoncelles. Pour les peu familiers de Robert Schumann, on conseillera le tout dernier mouvement, un "Doppio Movimento" extraordinaire, riche, rythmé et coloré dans lequel les cinq instruments bavardent avec gourmandise, passion et jubilation.

    Oui, le mot "jubilation" est le plus approprié pour ce nouvel opus de la Collection Schumann.   

    Collection Schumann, Œuvres avec Instruments à vent, L’Estran Live, b•records, 2024
    https://www.b-records.fr
    https://www.theofouchenneret.com
    https://lestran.net

    Voir aussi : "Winter is coming"
    "Les Schumann en majesté"

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  • Yves, Ariana et Caroline 

    C’est une création majestueuse qui nous est proposée, via la pianiste Caroline Fauchet. Yves Levêque la dirige, ainsi que l'Orchestre Colonne, pour son Concerto en do mineur, surnommé "Ariana". Cette œuvre, enregistrée en création mondiale en novembre 2022 à la Salle Colonne, a remporté les premiers prix aux concours internationaux "World Classical Music Awards", "World Grand Prix Music Contest", "Royale Music Compétition", "Royal Sound Music Compétition", "Franz Schubert International Music Compétition" et le "World Online Music Competition". N’en jetez plus ! Voilà qui est en tout cas un indice que nous avons à faire à une œuvre contemporaine qui a toutes les chances de rester dans les annales. Ajoutons aussi qu’au départ de ce concerto, il y a une série télévisée pour lequel Yves Levêque avait composé en 2019 un court générique.  

    Ariana s’inscrit dans une veine néo-romantique, marchant avec audace sur les pas de Rachmaninov. Le premier mouvement "Allegro molto moderato" est d’une puissance incroyable, servie par le jeu virtuose de Caroline Fauchet. Le souffle slave est indéniable dans ce qui s’apparente au portrait musical d’une Ariana rêvée. Est-elle russe, slave, orientale ou française ? L’auditeur pourra s’en faire son idée. 

    On s’attendait pour cette création néo-classique à un deuxième mouvement adagio ? On l’a.

    On s’attendait pour cette création néo-classique à un deuxième mouvement adagio ? On l’a, et c’est même un "Adagio Sostenudo". Ce mouvement s’étire avec grâce et une suavité toute mélancolique, servi par une pianiste décidément au diapason. Les cordes vibrent comme jamais, comme aux grandes heures compositeurs russes romantiques. C’est une respiration aux teintes orientales que nous propose Yves Levêque et l’Orchestre Colonne.

    Un "Allegro Scherzando" vient compléter le concerto pour piano. Très "musique française" – on pense à Ravel et Saint-Saëns – Yves Levêque propose une partie comme apaisée, mais non sans couleurs. Le piano de Caroline Fauchet se fait plus subtile encore. L’œuvre devient également ici contemporaine, avec ces rythmes mystérieux, et presque primaires. L’auditeur notera par ailleurs l’équilibre dans la composition de cet allegro tout aussi puissant que le premier mouvement. Les cordes font là aussi merveille, sans que jamais le piano de Caroline Fauchet s’efface ou ne soit au contraire écrasé par l’ensemble Colonne. Il prend même le lead dans la toute dernière partie du mouvement, avec une grâce mêlée de joie de vivre et de lyrisme, concluant avec conviction ce que le compositeur nomme "une fresque musicale tonale".

    C’est une œuvre classique qui vient compléter l’album, comme pour rappeler l’une des influences d’Yves Levêque. Honneur donc à César Franck, avec une œuvre tardive, son Prélude, Choral et Fugue composé en 1884 et que Caroline Fauchet, de nouveau, interprète avec passion.  Le premier Prélude Moderato se déploie sur une délicate ligne mélodique romantique. Le Prélude est suivi d’un Choral à la solennité évidente, pour ne pas dire au mysticisme. Le style classique français est à l’honneur dans ce sens de l’équilibre et de la retenue. La surprise vient sans doute pour l’auditeur de la Fugue. César Franck suit ici les pas de Jean-Sébastien Bach, tout en y ajoutant sa modernité et les derniers échos du mouvement romantique. Vraiment éclatant.   

    Yves Levèque, Ariana Concerto en do mineur, César Franck, Prélude, Choral et Fugue, FWV21,
    Caroline Fauchet (piano), Orchestre Colonne, IndéSens Calliope Records, 2024
    https://yves-leveque.com
    https://www.caroline-fauchet.com 
    https://www.lapetitemaisonalourmarin.com

    Voir aussi : "Franck par Lazar"
    "Winter is coming"

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  • La jeunesse au pouvoir

    C’est un Voyage à Paris que je vous propose. Enfin, quand je vous dis "Je vous propose", disons plutôt que ce périple est musical, puisqu’il s’agit de la captation d’un enregistrement public à l’Académie Orsay-Royaumont en mai dernier, avec quatre jeunes artistes venant présenter un choix d’œuvres des XIXe et XXe siècle.

    Comme le titre de l’album l’indique, les compositeurs français sont à l’honneur, quoique pas intégralement. Francis Poulenc ouvre le bal avec cinq courtes chansons (mise à part "Sanglots", d’environ quatre minutes) de ses Banalités, avec la mezzo-soprano Brenda Poupard et la pianiste Anne-Louise Bourion. Nous sommes ici au cœur de la tradition classique française, avec un compositeur qui est un jalon essentiel entre le classique et le contemporain, et qui mérite d’être découvert ou redécouvert (on pense au délicieux et original "Fagnes de Wallonie"). Parmi les morceaux, figure le bref air "Voyage à Paris" qui donne son titre à l’opus. L’auditeur s’arrêtera sans doute avec intérêt sur le sombre "Sanglots". Francis Poulenc revient plus tard dans l’album avec un air de ses Chansons gaillardes, le délicieux "Sérénade", interprété cette fois par le baryton basse Adrien Fournaison et la pianiste Natallia Yeliseyeva. Le compositeur met en musique en 1925 les paroles d’un texte anonyme du XVIIe siècle : "Avec une si belle main, / Que servent tant de charmes, / Que vous tenez du dieu Malin, / Bien manier les armes. / Et quand cet Enfant est chagriné / Bien essuyer ses larmes".

    Brenda Poupard et Anne-Louise Bourion s’attaquent ensuite à un compositeur allemand, et pas le moindre. C’est Franz Liszt qui est mis à l’honneur, avec trois lieder au romantisme intact. S’enchaînent, avec élégance les airs "Lasst mich ruhen" (composé vers 1858), le lancinant "Über allen Gipfeln ist Ruh" (autour de 1849) et le plaintif "Gebet" (plus tardif, 1878 environ).

    Ce voyage parisien se poursuit avec Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva s’attaquant – évidemment, serait-on tenté de préciser – au plus français et parisien sans doute des compositeurs français, Gabriel Fauré. La subtilité de l’auteur du Requiem est flagrante dans la chanson pleine de mélancolie "L’absente". Moins connu sans doute pour le grand public, Henri Duparc est mis à l’honneur dans le sombre et naturaliste "La vague et le clocher". Outre la "Sérénade" de Poulenc, le programme d’Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva se poursuit avec un lieder du compositeur allemand du XIXe siècle Carl Loewe ("Elkönig"), assez typique du répertoire romantique, mais moins cependant que le "Harfenspieler I" de Franz Schubert. 

    Ambiance, ambiance

    C’est du reste ce dernier qui ouvre la section de la soprano Cyrielle Ndjiki Nya et la pianiste Kaoli Ono, avec deux autres lieder : "Der Zwerg" et "Totengräbers Heimwhle". L’auditeur gouttera la pureté de la voix de la soprano, naviguant dans les vagues pianistiques de Schubert avec un plaisir évident. Que l’on pense au lied "Der Zwerg", d’autant plus incontournable qu’il a été interprété par le passé notamment par Dietrich Fischer-Dieskau, Jessye Norman et, plus récemment, par Matthias Goerne. Déployant sa maîtrise, la soprano se montre puissante et sombre dans le "Totengräbers Heimwhle", le titre le plus long de l’album. On ne pourra qu’admirer la maîtrise et la technique du duo dans ce morceau plein de désespoir et d’appel à la paix définitive ("Ô destin / – Ô triste devoir – / Je n’en peux plus ! / Quand sonnerez-vous pour moi, / Ô heure de paix ?! / Ô mort ! Viens et ferme les yeux !"). Ambiance, ambiance.

    Au sombre romantisme vient succéder les Trois chansons de Bilitis de Debussy. Retour en France et à Paris, donc (L’homme est né à Saint-Germain-en-Laye et est mort dans le 16ᵉ arrondissement). L’auditeur gouttera avec délice ces airs impressionnistes portés par le piano plein de nuances de Kaoli Ono ("La flûte de pan") et l’étrange intimité ("La chevelure") qui sourd de ces chansons composées en 1897 d’après des textes originaux – et pseudo traductions du grec – de Pierre Louÿs : "Cette nuit, j’ai rêvé. J’avais ta chevelure autour de mon cou. J’avais tes cheveux comme un collier noir autour de ma nuque et sur ma poitrine". La modernité de Debussy est évidente dans "Le tombeau des naïades", mystérieux, inquiétant mais aussi sensuel : "Il me dit : « Les satyres sont morts. « Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau »".  

    Le ténor Ted Black, accompagné du pianiste Dylan Perez viennent conclure ce programme de Voyage à Paris avec, de nouveau, Debussy. Ils choisissent deux chansons des Proses lyriques, écrites entre 1892 et 1893. C’est le lyrique et romantique "De rêve", déployant de longues et colorées vagues, et le non moins lyrique "De fleurs". Ces mélodies ont été spécialement transcrites pour ténor. La voix à la fois puissante et subtile de Ted Black fait merveille dans ces airs d’une grande complexité, autant que brillants d’une lumière évidente ("De fleurs").

    Le programme et l’album se terminent avec un compositeur de la première moitié du XXe siècle. Erich Wolfgang Korngold, né en Autriche, est parti aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale où il a vécu et travaillé. Surtout connu pour ses BO de films hollywoodiens (Les Aventures de Robin des Bois, Capitaine Blood, L'Aigle des mers). Les lieder proposés, "Mond, so gehst du wieder auf" et "Gefasster Abschied" témoignent d’un esprit romantique tardif, atypique – et daté – alors que l’Amérique et l’Europe sont en plein mouvement contemporain. Cela ne nous empêche pas de découvrir avec plaisir un compositeur oublié, grâce à de jeunes talents qui n’oublient pas d’où ils viennent. 

    Voyage à Paris, Orsay-Royaumont Live, b-records, 2023
    https://www.b-records.fr/voyage-a-paris
    https://www.instagram.com/_brenda_poupard_
    https://www.linkedin.com/in/mlle-bourion
    https://www.facebook.com/AdrienFournaisonBarytonBasse
    https://natallia-yeliseyeva.com
    https://www.cyriellendjikinya.com
    https://www.kaoliono.com
    https://www.tedblacktenor.com
    https://www.dylanjohnperez.com

    Voir aussi : "En image, en musique et en public"

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  • En image, en musique et en public

    Du live et de la musique française pour ce nouvel enregistrement paru chez b.records. L’album Images… rassemble un ensemble de pièces des XXe et XXIe siècles proposées par le pianiste Lorenzo Soulès. Elles ont été captées à Orléans le 15 février 2023.

    Il s’agit d’un opus essentiellement chronologique proposant des œuvres françaises de ce siècle – à l’exception de Piano Figues du Britannique George Benjamin. L’album débute avec le cycle Images – bien sûr ! – de Claude Debussy. Nous sommes entre 1905 et 1907. Le courant classique dicte toujours sa loi, avec un compositeur aux œuvres délicates et soyeuses que Lorenzo Soulès capte avec un touché d’une élégance rare. Que l’on pense à l’impressionniste "Reflets dans l’eau" ou au mélancolique "Hommage à Rameau". Pour "Mouvements", Debussy se fait naturaliste dans ce bref morceau plein de vie, auquel vient répondre le réaliste "Cloches à travers les feuilles". Plus sombre, dans "Et la lune descend sur le temple qui fut", le compositeur se fait poète – et même peintre sonore ("Poissons d’or").

    Allons plus loin dans le XXe siècle avec Lorenzo Soulès et arrêtons-nous sur ce compositeur majeur que fut Olivier Messiaen. Le pianiste propose des interprétations de deux extraits du fameux Catalogue d’oiseaux. L’auditeur qui serait passé à côté de cette œuvre découvrira ces lectures incroyables du "Traqueur rieur" et de "L’alouette calandrelle". Et si Olivier Messiaen était le compositeur le plus humaniste et le plus écologiste de l’histoire de la musique ? Il fait de ces chants d’oiseaux, qu’il a écoutés avec l’oreille absolue qui était la sienne, des morceaux d’un modernisme incroyable, en nous disant : "Écoutez mes amis que sont les oiseaux. Les aviez-vous déjà entendus ainsi ? Ne nous parlent-ils pas à nous, contemporains ?"

    Pour ces deux chants d’oiseaux, Messiaen atteint l’essence de la musique contemporaine en l’ancrant dans la réalité et l’univers, celui de la nature. Capter et orchestrer des chants d’oiseaux est à la fois si rare et si génial ! Le compositeur de Saint François d’Assise va au bout de sa démarche à la fois engagée (nous ne sommes pourtant qu’en 1956), moderne et d’une folle ambition - ses chants sont longs respectivement de, respectivement, presque huit minutes et plus de cinq minutes, ce qui rend la performance du pianiste d’autant plus remarquable. 

    Peintre sonore

    Le programme de Lorenzo Soulès se poursuit avec une œuvre de Tristan Murail datant de 1993. La Mandragore, long morceau près de dix minutes, s’étire et s’enroule mystérieusement, dans des volutes sonores incroyables. Le compositeur français fait de ce morceau pour piano une œuvre à la fois minérale et solaire, telles ces plantes méditerranéennes réputées pour leurs étranges pouvoirs appréciés des sorcières. Aussi étrange que cette œuvre que l’auditeur découvrira sans doute avec intérêt, et qui le renverra sans doute à l’influence de Messiaen, écouté plus tôt.

    Images… propose avec le Deuxième Livre d’Études de Philippe Manoury la composition contemporaine la plus récente, car elle date de 2021 et a été écrite pour le Concours d’Orléans. Deux morceaux sont proposés dans l’album. Il y a, pour commencer, "Dérèglements", une composition sombre écrite avec précision, avec ces effets sonores se jouant des échos, des répétitions mais aussi des silences, sans doute bien plus inquiétants encore. C’est une vraie bourrasque qui saisit l’auditeur et que Lorenzo Soulès parvient à rendre avec toute sa puissance. Le second titre de Philippe Manoury est le vivant et contemporain "Réseaux". La puissance d’évocation de nos réseaux sociaux et informatiques est frappante. Ce titre prouve que les compositeurs contemporains continuent à se régénérer et à prouver qu’ils restent très actuels.

    Dans ce programme de musique française, un intrus apparaît en fin d’enregistrement : le Britannique George Benjamin. Pourquoi a-t-il sa place ? Lorenzo Soulès s’explique : "Benjamin a quelque chose de très français. Dans ses œuvres pour orchestre, notamment, il contrôle parfaitement les timbres des différents groupes, à la manière de Ravel ou de Debussy". Les dix Piano Figures de 2004 de George Benjamin, dans leur brièveté (entre trente secondes et deux minutes), ont la concision, la précision et la texture de "coloristes" tels que Debussy et Ravel, justement. On s’en conviendra à l’écoute de "Spell", de "Knotts" ou de "In the Mirror". Pareillement, ne pourrait-on pas voir dans "Song" une réminiscence d’Erik Satie ? La puissance et la virtuosité de Lorenzo Soulès font merveille dans des morceaux aussi complexes que "Hammers", sans parler de la sensibilité qu’il met dans "Alone" ou "Mosaic". Impossible non plus de ne pas parler des lignes modiques de "Around the Corner" ou du mystérieux "Whirling" qui vient conclure de fort belle manière cet enregistrement public proposé par Lorenzo Soulès.

    La tournée "Images" de Lorenzo Soulès s’arrêtera à Montargis, le 22 novembre 2023, avec un masterclass et un concert du pianiste, accompagné de Chisato Taniguchi.

    Images…, Lorenzo Soulès, piano, b-records, 2023
    https://www.b-records.fr
    https://www.lorenzo-soules.com
    https://www.facebook.com/lorenzo.soules

    Voir aussi : "Franck par Lazar"

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  • Franck par Lazar

    César Franck : voilà un compositeur discret, pour ne pas dire oublié, et dont la popularité semble beaucoup se limiter au "Panis angelicus". Dommage. On doit remercier le pianiste français Ingmar Lazar pour ce choix d’œuvres pour piano, à commence par la délicate première sonate commençant par un "Larghuetto-Allegro moderato" tout en finesse.

    Avec César Franck, on est au cœur de cette musique française de la deuxième moitié du XIXe siècle. Alors que la musique allemande et romantique domine et que le modernisme s'annonce, la France reste dans une facture classique, avec parfois une fausse candeur ("Adagio, andante moderato"), mais sans jamais vendre au diable son élégance, ni ses influences romantiques (le troisième mouvement de la Sonate n°1, "Rondo, allegro vicace").

    L’auditeur trouvera ce puissant, subtil et ambitieux "Grand Caprice" (1843), aux arabesques sonores incroyables et demandant à l’interprète – ici, Ingmar Lazar – une virtuosité implacable.

    Puissant, subtil et ambitieux 

    L’album proposé par Hänssler et Ingmar Lazar propose un premier "Prélude, aria et fugue" en trois parties, avec toujours cette facture romantique au classicisme très "musique française". On se croirait dans les salons bourgeois du début de la IIIe République, car l’œuvre a été écrite entre 1886 et 1887. César Franck se déploie avec tact et brillance les trois mouvements.

    L’auditeur s’arrêtera sans doute avec plaisir sur le lent, tourmenté et aux accents nostalgiques et douloureux "Aria" ("lento"), avant un "Final" enlevé, pour ne pas dire agité ("allegro molto ed agitato").    

    L’album d’Ingmar Lazar se termine par un dernier "Prélude, choral et fugue". Écrite en 1884, l’œuvre se place d’emblée, à travers son titre, sur les pas de Jean-Sébastien Bach, avec un "Prélude" moderato au romantisme bouillonnant. Le "Choral, "poco più lento" se déploie avec une grâce indéniable, servi par un pianiste magnétique.

    Avec le dernier mouvement, "Fugue", nous voilà chez Bach. Mais un Bach catapulté en pleine deuxième mouvement du XIXe siècle, avec cette touche française propre à César Franck.    

    Et si l’on concluait en disant que l’album propose là l’une des plus séduisantes découvertes du compositeur français ? 

    César Franck, Piano Works, Ingmar Lazar, Hänssler, 2023
    https://www.facebook.com/ingmarlazarpiano
    https://www.ingmar-lazar.com
    https://haensslerprofil.de/shop/soloinstr-ohne-orchester/cesar-franck-piano-works

    Voir aussi : "Histoires de roux et de rousses"

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  • Rien que de plus classique

    Rien de plus classique que Mozart. Et rien de plus classe ni de plus élégant non plus, semble nous dire Elizabeth Sombart, au piano pour les quatre célèbres concertos pour piano 20, 21, 23 et 27 du génie autrichien. Elle est ici accompagnée par le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet.

    L’auditeur retrouvera en premier lieu dans ce double album le lustre du 20e Concerto pour piano en ré mineur, romantique avant l’heure, plein de fièvre et de tensions ("Allegro"). La pianiste française s’y meut avec assurance et une solide maîtrise. On a aussi envie de dire que rien n’est sans doute plus piégeux que de se réapproprier des passages de musique classique devenus de véritables "tubes", à l’instar de la "Romanze". Pari réussi pour la pianiste française qui s’en sort sans esbroufe et avec la même assurance. L’"Allegro assai" est interprété avec une joie communicative et d’une magnifique expressivité.

    Le Concerto pour piano n°21 en ut majeur ne peut que caresser les oreilles de l’auditeur, qui retrouvera dès le premier mouvement une de ces mélodies éternelles ("Allegro Maestoso"). Le deuxième mouvement "andante" captera aussi bien les oreilles que le cœur, tout autant que l’enlevé "Allegro vivace assai", à la fausse légèreté.

    De véritables "tubes"

    Dans ce double album, il était impossible de passer à côté du chef d’œuvre incroyable qu’est le 23e Concerto pour piano en la majeur. Les trois mouvements respirent du même souffle et de la même luxuriance mélodique. Que l’on pense à cette arrivée magique du piano dans le premier mouvement "allegro". Il suffit de quelques notes pour le rendre bouleversant et inoubliable. On ne saura trop répéter à quel point Mozart sait rendre la légèreté profonde, alors que l’apparente simplicité mélodique se fait vite labyrinthique.

    Peu de concertos pour piano dans l’histoire de la musique n’ont proposé mouvement aussi bouleversant que le célèbre "Adagio" de ce 23e. Pas de maniérisme, pas d’exubérance, pas d’effets appuyés comme certains "tubes" populaires, mais un moment de grâce de près de sept minutes et demi, servi par une Elisabeth Sombart s’effaçant derrière la composition de Mozart. Le concerto se termine avec le luxuriant "Allegro assai" – une "résurrection" selon Olivier Messiaen – avec pas moins de huit épisodes thématiques. Une vraie œuvre dans l’œuvre.

    Pour compléter ce double album mozartien, Elisabeth Sombart propose son tout dernier concerto pour piano, le numéro 27 en si bémol majeur, que le compositeur autrichien a écrit en janvier 1791, soit quelques mois avant sa mort. Ce n’est certes pas le plus connu, mais la maîtrise du génie est indéniable et éclate à chaque mesure, non sans facéties (le premier mouvement "allegro"). Le mouvement suivant, "Larghetto", a ce singulier dépouillement, que vient contrebalancer la dernière partie, un "Rondo : allegro" mené avec une belle efficacité toute mozartienne.  

    Elisabeth Sombart fait plus que servir Mozart : elle lui rend hommage et le magnifie. 

    Wolfgang Amadeus Mozart, Concerts pour piano 20, 21, 23 et 27,
    Elisabeth Sombart au piano, Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet, Rubicon, 2023

    https://www.elizabethsombart.com
    https://rubiconclassics.com/release/mozart-piano-concertos-nos-20-21-23-27

    Voir aussi : "Les Schumann en majesté"

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  • Majeur !

    Derrière le singulier titre Bach’s Book Of Zen se cache l’une des œuvres musicales les plus exceptionnelles de l’histoire de la musique. La pianiste Edna Stern s’attaque en vérité à une véritable montagne : Le Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, et plus précisément le livre I.

    Il a été beaucoup écrit au sujet de cette œuvre à la fois magnétique, conceptuelle et pédagogique, dans laquelle Bach a composé 24 préludes et fugues dans toutes les tonalités (do majeur et do mineur, ré majeur et ré mineur, etc.).

    La fascination pour Le Clavier bien tempéré doit sans doute beaucoup à Glenn Gould qui en a fait, au XXe siècle, de passionnantes relectures.  Edna Stern s’y attaque elle aussi dans ce passionnant enregistrement, moins rythmé que Glenn Gould, mais d’un très beau classicisme, presque romantique (le Prélude n°7 en mi bémol majeur, le Prélude n°10 en mi mineur ou encore le Prélude n°18 en sol dièse mineur), et non sans puissance (la magnétique Fugue n°4 en do dièse mineur).

    L’auditeur y trouvera les véritables "tubes" que sont le premier Prélude en do majeur BWV 846 et le deuxième Prélude BWV 848 en do dièse majeur qui semble avancer masqué, comme si la pianiste se montrait tout en retenue. On prend tout autant plaisir à redécouvrir le célèbre Prélude n°6 en ré mineur.

    Il y a du modernisme dans ce Bach’s Book Of Zen, à l’instar de la sixième Fugue en ré mineur, tout comme ce je ne sais quoi de récréatif (la septième Fugue en mi bémol majeur). Il semble qu’à tout moment le "cantor de Leipzig" prenne son monde par surprise. Que l’on pense aux sophistiqués Prélude et Fugue n°19 en la majeur ou encore au plus ludique Prélude n°20 en la mineur.

    Une véritable montagne

    Dans cette œuvre pédagogique, le génie Bach insuffle ces moments de grâce, bouleversants (le Prélude n°8 en mi bémol et ré dièse mineur ou la Fugue n°11 en fa majeur BWV 856).  

    Tout l’esprit Bach est dans cette superbe interprétation du Clavier Bien Tempéré, que ce soit dans ce mélange et de justesse (les Prélude et Fugue n°13 en fa dièse majeur BWV 858), l’harmonie élevée au rang de création géniale (Prélude n°17 en la bémol majeur). L’auditeur devra écouter à ce sujet le bouleversant Prélude n°14, cette fois en fa dièse mineur, à la concision – on aimerait même dire efficacité – remarquable. Bach a déployé tout son talent dans cette œuvre, y compris dans des morceaux brefs, de moins d’une minute (le Prélude n°15 en sol majeur BWV 860 en sol majeur) ou au contraire plus longs et se déployant sans esbroufe (La Fugue n°20 en la mineur d’un peu plus de quatre minutes).

    Edna Stern se révèle aussi impeccable lorsqu’elle se laisse aller à une certaine langueur (Prélude n°16 BWV 861 en sol mineur) ou au contraire lorsqu’elle s’approprie l’étonnante et moderne Fugue en sol mineur. La pianiste parvient à étonner l’auditeur lorsqu’elle fait le choix d’un jeu "gouldien" dans la Fugue n°18 en sol dièse mineur. Edna Stern sait jouer de la nuance, comme le montre le délicat Prélude n°22 en si bémol mineur ou encore la magnétique Fugue n°23 en si majeur.

    On sort de Bach’s Book Of Zen de la plus belle manière, avec les Préludes et Fugues n° 24 les plus longs du premier volume du Clavier bien tempéré. Comme si le cantor de Leipzig et son interprète proposait une dernière promenade musicale. Avant bien sûr de se pencher sur le Livre II

    Bach, Bach’s Book Of Zen, Edna Stern, piano, 2 CD, Audio Note Music, 2023
    https://www.edna-stern.com
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100015246303750
    https://www.youtube.com/channel/UC8xTdVDa1sRrvtGdlz7Xp3g/featured

    Voir aussi : "Amour, musique et nostalgie"

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  • No Symphony Jazz

    Qu’on ne s’y trompe pas : l’album Symphony de Jean-Michel Pilc est, contrairement à ce qu’indique son titre, une suite de solos de piano. Et, à vrai dire, les influences de l’album seraient plus à chercher du côté du jazz que du classique, à l’instar de "Leaving", qui ouvre l’album.

    L’opus est né lors d’une séance d'improvisation en solo en 2021 au studio OJM au Portugal. "Juste après l’enregistrement de l'album Contradictio du saxophoniste espagnol Xose Miguelez, j’ai été inspiré par les conditions parfaites des studios OJM au Portugal - un magnifique Steinway, une acoustique et des paramètres techniques parfaits. J'ai alors décidé qu'il était temps de faire une session ‘mémorable’ dans le cadre de mon projet solo", confie le musicien. C’est dans ce climat de totale liberté que s’exprime le mieux le prolifique et inclassable pianiste. Qu’il est justement nommé son album "Symphony" prouve s’il en était besoin que l’artiste est autant facétieux que hors- cadre. 

    Jean-Michel Pilc fait de son opus une pérégrination aventureuse, assumant complètement le goût pour la découverte, les influences contemporaines et l’improvisation ("Discovery").  La sensibilité du musicien est évidente dans "The Encounter". La retenue et le choix de la mélodie donnent à ce morceau une facture romantique, à telle enseigne que le morceau aurait complètement sa place dans le répertoire classique ou dans une BO de film.

    Le pianiste revient dans "First Dance" à ce qui est le cœur de son opus : le jazz. Mais c’est un jazz  à la fausse coolitude, traversé de passages où la virtuosité de Jean-Michel Pilc s’exprime.  "Just Get Up" sort des sentiers battus avec le choix de sons contemporains où s’exprime une forme de douleur, comme un appel vibrant et brutal à se relever. 

    Symphony ressemble à un chaînon manquant entre jazz, classique et contemporain

    Né à Paris et aujourd'hui citoyen américain, Jean-Michel Pilc a joué avec de nombreux géants du jazz tels que Roy Haynes, Michael Brecker, Dave Liebman, Jean Toussaint, Marcus Miller, ou John Abercrombie.

    Symphony ressemble à un chaînon manquant entre jazz, classique et contemporain. C’est d’autant plus évident dans la composition "Way To Go" qui désarçonnera forcément – mais qui séduira et passionnera tout autant. 

    Jean-Michel Pilc connaît tout autant ses classiques. Que l’on pense au délicat "Understanding" ou à l’étonnante et légère valse "Waltz For Xose", dont les lointaines inspirations de Bach émergent, mais c'est un Bach qui se serait catapulté dans un jazz-club de New York City. Voilà qui fait de ce morceau une des plus belles réussites de l’album.

    De là à dire que Jean-Michel Pilc renie son univers jazz ? Non. La preuve avec le cool "Not Falling This Time" où l’improvisation se fait reine, ou encore cet autre morceau en forme de promesse : "I’ll Be Bach", dont l’orchestration symphonique ferait à coup sûr merveille. Grandiose ! Du très grand Pilc !

    Jean-Michel Pilc, Symphony, Justin Time Records, 2023
    https://jeanmichelpilc.com
    https://www.facebook.com/jeanmichel.pilc.5

    Voir aussi : "Jordane Tumarinson et les petites histoires de son enfance"

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