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classique

  • Un inconnu nommé Dupont

    C’est sur un véritable tube que commence le dernier album de la pianiste Natacha Melkonian, à savoir le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy. La pianiste française, se produisant désormais à l’international, s’en empare avec ce qu’il faut d’élégance et de tact pour une pièce archi-jouée, demandant tout sauf de l’esbroufe. Une entrée en matière séduisante mais finalement peu étonnante.

    La surprise vient avec la suite de son programme, à la fois audacieux et passionnant. Natacha Melkonian choisit en avant de mettre à l’honneur Gabriel Dupont (1878-1914), contemporain de Debussy, avec qui il partage d’ailleurs le goût pour des pièces "impressionnistes", aux subtiles couleurs. La pianiste a fait le choix de consacrer l’essentiel de son opus à La maison dans les dunes. Ce cycle datant des années 1907-1910 est composé de dix pièces tout à tour contemplatives (Dans les dunes, par un matin clair), naturalistes (Voiles sur l’eau, Le soleil se joue dans les vagues, une pièce joueuse et expressive), fortement empreintes de nostalgie (le mélodieux morceau La maison du souvenir ou le plus sombre Le soir dans les pins), mélancoliques (la bien nommée Mélancolie du bonheur) mais aussi avec je ne sais quoi de fantaisiste (Mon frère le Vent et ma sœur la Pluie). Au sérieux impénétrable de Debussy, on peut préférer la proximité et le caractère attachant de Dupont que Natacha Melkonian a la bonne idée de mettre à l’honneur.

    Lyrique ? Oui. Mais aussi naturaliste et descriptif

    Pour ce cycle paisible et méditatif, l’esbroufe est interdite. La pianiste l’a bien compris, qui se ballade avec naturel dans ces paysages sans doute normands – le pays d’origine du compositeur.

    Si les peintres impressionnistes pouvaient avoir une BO, ce serait sans doute vers Gabriel Dupont qu'ils se tourneraient, compositeur plus moderne qu’on ne le dirait de prime abord (Le soir dans les pins). Dupont est maître dans l’art de retranscrire des paysages battus par le vent et la mer (Le bruissement de la mer, la nuit). Lyrique ? Oui (que l’on pense à la pièce Clair d’étoiles). Mais aussi naturaliste et descriptif (Houles), ce qui rend sa musique si immédiatement attachante, grâce ici au talent remarquable de Natacha Melkonian.

    Parlons enfin des trois dernières pistes présentes dans l’album. Il s’agit de Correspondances. La première datée de 1906-1907, la deuxième de 1909-1913 et la troisième non-datée. Natacha Melkonian a fait le choix de lire des extraits de ces correspondances écrites par Dupont. Voilà qui nous fait connaître l’artiste de la manière la plus directe possible. Gabriel Dupont apparaît comme un compositeur plus vivant que jamais. Voilà une manière inédite de découvrir un artiste resté dans l’ombre de Debussy. Il était temps de s’y réintéresser. Merci à Natacha Melkonian et à Indésens.

    Natacha Melkonian, La maison dans les dunes, Indésens Calioppe, 2025
    https://indesenscalliope.com/boutique/la-maison-dans-les-dunes/
    https://www.instagram.com/natachamelkonian
    https://linktr.ee

    Voir aussi : "Marie Jaëll et ses amies"
    "Sacrés romantiques !"

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  • De la Tchéquie à Vienne avec Vanhal

    Le violoniste Marco Pedrona et le pianiste Matteo Bogazzi (au pianoforte) proposent dans ce nouvel enregistrement d’Indésens Calioppe une sélection d’œuvres de Johann Baptist Vanhal (1739-1813). Une vraie découverte. Sa longue carrière européenne, commencée dans la Tchéquie de son enfance, l’a rendu célèbre à Vienne. L’homme, respecté et admiré, a côtoyé Mozart et Haydn, avec qui il aurait constitué un légendaire quatuor – le tout aussi oublié Carl Ditters von Dittersdorf complétait cette fine équipe. C’est sur deux instruments d’époques que Marco Pedrona et Matteo Bogazzi ont choisi de jouer les trois sonates opus 30 pour violon et pianoforte de Vanhal.

    Nous sommes au cœur du Vienne brillant de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Déjà le début d’une domination musicale, et ce pour un bon bout de temps. Vanhal était réputé dans les salons bourgeois et aristocratiques de la bonne société autrichienne. On peut le comprendre, à l’écoute de la mozartienne Sonate n°1 en si bémol majeur, enlevée (Allegro moderato). On pourra préférer dans cette pièce l’Adagio, plus fin et moins virtuose. Marco Pedrona et Matteo Bogazzi donnent du lustre à cette œuvre intime et que goûtaient avec plaisir les contemporains et contemporaines du natif de Nechanice, au nord de la Tchéquie. 

    1 300 compositions, dont 54 quatuors, environ 30 concertos et plus de 100 symphonies

    Que de chemins parcourus pour ce fils de paysan, parvenu à éblouir le cœur de l’Europe. La preuve encore avec la deuxième Sonate pour violon et pianoforte, celle-là aussi en si bémol majeur, où Johann Baptist Vanhal semble se dégager de l’influence de Mozart pour construire une pièce plus originale, enlevée et mélodieuse (Allegro vivace). Il faut préciser ici que Vanhal a été très prolifique : 1 300 compositions, dont 54 quatuors, environ 30 concertos et plus de 100 symphonies. Voilà qui place l’homme à un niveau prolifique assez rare. Toujours dans la 2e Sonate, on se laissera séduire par le court et élégant Andante molto, tout comme l’original et vrombissant Rondò Allegro (et Adagio-Tempo primo), servi par les deux musiciens italiens semblant s’amuser comme personne.  

    La facture classique de ces sonates n’empêche pas l'auditeur ou l'auditrice d’être séduits par la troisième Sonate en sol majeur laissant deviner un musicien alliant écriture précise, clarté et expressivité (Allegro moderato et le charmant Rondò Allegro), parvenant à surprendre sans cesse, même pour ces œuvres écrites pour deux instruments. Dans le Cantabile, ne sommes-nous pas déjà dans une forme de préromantisme ?  

    Au final, voilà des pièces faciles d’accès, précise le livret ; certes, mais non sans difficultés techniques et nécessitant de la virtuosité. Ce qui est à souligner et qui est d’autant plus remarquable pour les deux instrumentalistes italiens, partis – ce qui est en soi très audacieux – sur les traces de Vanhal. Et vous savez quoi ? Ils l’ont finalement retrouvé, à notre plus grand bonheur !

    Johann Baptist Vanhal, Sonatas for piano and fortepiano op. 30,
    Marco Pedrona (violon) et Matteo Bogazzi (pianoforte), Indésens Calioppe, 2025

    https://indesenscalliope.com/boutique/sonatas-for-violin-and-fortepiano

    Voir aussi : "Berlin à l’ombre de Géants" 

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  • Berlin à l’ombre de géants

    Partons à la découverte d’un compositeur largement éclipsé par ses brillants contemporains que furent Bach, Mozart ou Haendel. Difficile musicalement d’exister à l’ombre de ses génies. L’ensemble lituanien Klaipéda Chamber Orchestra, qui nous avait déjà proposé un formidable projet autour de Vivaldi, est de retour, avec la même envie de surprendre et de séduire.

    Parlons de Johann Daniel Berlin (1714-1787), compositeur norvégien de langue allemande né à Memel, anciennement Klaipéda – d’où le nom de l’album proposé par Indésens, Returns To Klaipéda.

    Musicien norvégien, de culture Prusse, est né dans une ville maintenant lituanienne (Memel) avant d’être élevé quelques années au Danemark. Ajoutons à cela des connaissances encyclopédiques et ses goûts pour les sciences et les inventions. Voilà qui fait de Johann Daniel Berlin un artiste européen qui s’est nourri de classicisme et d’humanisme, à l’instar des Sinfonia n°1, 2 et 3 et du Concerto pour violon proposés dans cet enregistrement, soit l’ensemble de son œuvre conservée – si l’on excepte ses pièces pour clavecin.

    La première Sinfonia impose déjà le compositeur, classique, sérieux mais non sans enthousiasme, comme le prouvent l’Allegro brillant du début et celui vivifiant de la fin. Entre ces deux mouvements, il y a du Bach, période Messe en si, dans l’Andante s’écoutant comme une marche triste et nostalgique - sans doute la nostalgie de Klaipéda, la ville de ses origines. Ce que Berlin ignorait bien entendu c’est que Klaipéda a été depuis entièrement détruite durant la seconde guerre mondiale, avant d’être annexée par la Russie soviétique qui a effacé son riche patrimoine. Elle est devenue libre et lituanienne depuis, mais elle a perdu son riche passé historique.

    Belle efficacité mélodique

    Mais revenons à l’opus, avec la Sinfonia per cornetta n°2. Nous voilà téléportés en plein XVIIIe siècle grâce au Klaipéda Chamber Orchestra. L’orchestration brillante saute aux oreilles (en particulier l’Allegro qui conclue cette Sinfionia). Saluons la présence rare et incroyable du dialogue entre l’ensemble et un cornet à piston, un cuivre rare similaire à la trompette et aux sonorités plus douces et chaleureuses (le délicat Largo).  

    La Sinfonia n°3 démontre que Johann Daniel Berlin est un compositeur à ne pas minorer. L’orchestration fait la part belle aux bois (Allegro) pour des mouvements relativement courts et d’une belle efficacité mélodique. Une nouvelle fois, c’est un mouvement Andante qui est choisi pour le classique mouvement lent intermédiaire. L’artiste norvégien se cale complètement avec l’esprit de son temps, avant un dernier mouvement Allegro, là aussi dominé par des bois donnant à cette Sinfonia l’allure d’une pièce à cheval entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.

    Berlin nous a également laissé un Concerto pour violon en la majeur. L’auditeur ou l’auditrice se laissera séduire par les trois mouvements bien équilibrés Allegro-Adagio-Allegro menées par le violon de Konrad Levicki dialoguant avec fluidité avec le Klaipéda Chamber Orchestra dirigé par Mindaugas Bačkus. L’Adagio à la fois paisible et simple achève de nous convaincre que Johann Daniel Berlin a définitivement sa place dans l’univers musical classique du XVIIIe siècle.

    Johann Daniel Berlin, Returns To Klaipéda,
    Klaipéda Chamber Orchestra dirigé par Mindaugas Bačkus, Indensens Calioppe, 2025

    https://indesenscalliope.com
    https://www.koncertusale.lt/en/collective/klaipeda-chamber-orchestra 

    Voir aussi : "Torelli sorti de l’oubli"
    "Vivaldi par le Klaipéda Chamber Orchestra"

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  • Soleils

    Voilà un album qui vient vous cueillir à froid et qui est à placer parmi les belles surprises du moment. Le compositeur libano-français Wassim Soubra propose, avec Il vento, un voyage se jouant des frontières, entre classique, contemporain et world music.

    Accompagné de Julie Sevilla-Fraysse au violon, de Khaled El Jaramani à l’oud et Henri Tournier à la flûte, Wassim Soubra, également au piano, ouvre grand un univers musical allant de l’Orient à l’Occident.  

    Il y a du soleil dans cet album de huit titres instrumentaux (Réfractions), du soleil mais aussi des images. C’est en vérité un beau "film" que nous propose le compositeur dont l’influence de Georges Delerue paraît tomber sous le sens (Fluctuations, Alizé). Le son de l’oud de Khaled El Jaramani vient apporter ce souffle et cette lumière méditerranéenne (Azur, Anima), rappelant les origines moyen-orientales de Wassim Soubra qui a quitté son pays en 1974, alors qu’éclatait la guerre civile.

    Une vraie bande originale de film !

    Le musicien connaît très bien le classicisme, que ce soit Bach ou Debussy dont il s’inspire pour ses compositions subtiles et aux riches couleurs (Le pêcheur solitaire). On saluera tout autant le travail de mélodiste de Wassim Soubra (Alizé, Le pêcheur solitaire) qui s’est entouré de musiciens apportant leurs couleurs et leurs sensibilités. On pense à la flûte magique d’Henri Tournier et le violoncelle néo-romantique de Julie Sevilla-Fraysse.

    Aucune fausse note dans ces huit titres dominés par la nostalgie (Anima) mais aussi la volonté de faire se rejoindre des cultures que l’on pense à tort comme irréconciliables. Wassim Soubra prouve le contraire. L’auditeur ou l’auditrice verra dans cet opus un livre d’images… musicales, que ce soit cette délicate rose d’un jardin du sud (La rose), les éclats de lumières du soleil méditerranéen (Réfractions), le ciel d’été (Azur) ou encore le vent (Il vento). Une vraie bande originale de film !  

    Une vraie et belle révélation que cet album incroyable, à écouter les jours de spleen.  

    Wassim Soubra, Il Vento, 2025
    https://www.instagram.com/wassim_soubra
    https://bfan.link/alize-1

    Voir aussi : "Melting-Pop"

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  • Plus d’air, plus d’espaces

    Quatre compositeurs majeurs de la musique française constituent le cœur de cet enregistrement du Quatuor Dutilleux : Henri Dutilleux – bien sûr – mais aussi Jean-Philippe Rameau, Maurice Ravel et Claude Debussy. Quatre figures majeures, donc, auxquels s’ajoute une petite nouvelle, Claire-Marie Sinnhuber, que nous découvrons donc.

    On ne le dira jamais assez. On entre dans la musique de Rameau avec je ne sais quoi de méfiance pour une musique passant vite comme datée et on en ressort fatalement envoûté. Le Quatuor Dutilleux propose ici une œuvre qui n’est pas forcément la plus connue. Sa Suite à 4, quatre mouvements de moins de 12 minutes en tout, n’était au départ pas pour quatuor mais pour clavecin seul. C’est un gros travail de transcription de Thomas Duran – également au violoncelle – qui permet de recréer une pièce aérée, ample et colorée, véritable invitation aux Turcs, muses et cyclopes. Irrésistible comme Rameau.

    Autre époque, autre univers avec Ainsi la Nuit d’Henri Dutilleux, une œuvre majeure de la musique contemporaine et du répertoire français. Le quatuor a été composé sur plusieurs années, dans la première moitié des seventies. Deux Nocturnes, quatre Parenthèses et un final Temps suspendu constituent cette pièce incroyable de modernité, tout autant que de retour au répertoire contemporain du début du XXe siècle – le livret parle de Bartok. On pourrait tout aussi bien citer Webern (Nocturne 1). Le Quatuor Dutilleux ne pouvaient pas faire l’impasse sur le compositeur français disparu il y a 12 ans. Précisons aussi que le titre de l’album, Miroir d’espace, reprend le sous-titre du mouvement Parenthèse 1 d’Ainsi la Nuit. Disons aussi que cette suite pourrait illustrer un tableau de Soulages. À la monochromie noire des peintures de ce dernier répondraient des sonorités et des rythmes alternant obscurités (les Litanies 1 et 2 des Parenthèses 2 et 3) et éclats (Parenthèse 1 / Miroir d’espace).

    Dans l’espace sonore proposé par Dutilleux – le compositeur et l’ensemble, donc – alternent esprits inquiétants (Litanies) et voyages dans l’au-delà. Le compositeur français l’avait dédié en 1977 à la mémoire de l'amateur d'art américain Ernest Sussman, ami du compositeur. C’est du reste bien une prière que l’auditeur ou l’auditrice a l’impression d’écouter dans la Litanie 2 (Parenthèse 3), avec ce mouvement Constellations (Parenthèse 4), une musique des sphères mystérieuse. Suit un bref Nocturne – le second –, feu follet en forme d’apparition furtive. Temps suspendu vient clore Ainsi la Nuit, porté un ensemble qui a fait d’Henri Dutilleux leur figure de référence. Autant dire que  Guillaume Chilemme (violon), Matthieu Handtschoewercker (violon), David Gaillard (alto) et Thomas Duran (violoncelle) ne pouvaient que bien servir le maître.

    Ce désir de tendre attachement

    Retour au classicisme avec Maurice Ravel et son Quatuor à cordes en fa majeur qu’il avait dédié à Claude Debussy. Il est vrai qu’il y a de l’onirisme, pour ne pas de l’impressionnisme, dans cette œuvre qui avait été demandée par Gabriel Fauré en 1902.

    Maurice Ravel a 27 ans et créé là sa première pièce pour musique de chambre. On aime Ravel pour ce mélange de modernité et de classicisme. Ses compositions semble être d’une grande simplicité (Allegro moderato). Cela ne les rend, comme ici, que plus colorées et harmoniques. Le deuxième mouvement (Assez vite. Très rythmé) nous entraîne dans un univers lui aussi merveilleux, mais aussi joyeux et insouciant. Il y a souvent dans la musique de Ravel, non pas de l’archaïsme, mais un retour aux sources. Le compositeur, et avec lui, ici, l’ensemble Dutilleux, évoquent ce désir de tendre attachement. Nous sommes en terrain connu et conquis.

    Voilà qui rend Ravel si prodigieusement actuel, y compris dans ses rythmiques et ses danses espagnoles – espagnoles, comme ses origines. On fond à l’écoute du mélodieux et bouleversant troisième mouvement Très lent. Les cordes du Quatuor Dutilleux viennent nourrir une partie à la tristesse ineffable. Voilà qui tranche avec le nerveux troisième mouvement (Vif et agité). Ravel conclut en beauté cet hommage à Debussy que l’on trouve plus tard dans l’album du Quatuor Dutilleux.

    Beaucoup découvriront Claire-Marie Sinnhuber, présente dans ce programme avec sa pièce Flos Fracta. Littéralement "Fleur brisée", cette création prouve que le Quatuor Dutilleux nage comme un poisson dans l’eau dans la création contemporaine. La musique de chambre se trouve bousculée ici, grâce à une œuvre puisant son inspiration dans la nature, l’environnement fragile, les oiseaux, les arbres et, bien sûr, le floral. Claire-Marie Sinnhuber lorgne aussi du côté d’Olivier Messiaen et de ses Chants d’oiseaux. Elle fait de Flos Fracta une vraie pièce naturaliste. C’est simple : grâce au quatuor français, on entend même la pluie perler sur les feuilles.

    Debussy est présent dans l'enregistrement pour clore cet album de musique française. Il s’agit ici du célèbre Clair de lune, extrait de la Suite Bergamesque, dans une version pour quatre instruments adaptée par David Gaillard. Une rareté qui rend d'autant plus indispensable l'écoute de ce Clair de lune. Quelle magnifique initiative ! Une belle curiosité, immanquable.

    Quatuor Dutilleux, Miroirs d’espace, Indesens Calliope Records, 2025
    https://indesenscalliope.com/boutique/miroirs-despace
    https://quatuordutilleux.com

    Voir aussi : "Premiers feux d’artifices romantiques pour Katok"
    "… Un autre renouveau des Saisons"

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  • La soif du mal

    Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film La soif du mal. Il sera visible le mercredi 8 octobre à 18h00, le dimanche 12 à 20h30 et le  lundi 13 octobre à 16h00

    Déposés dans le coffre d’une voiture au Mexique, des bâtons de dynamite explosent quelques centaines de mètres plus loin, aux Etats-Unis, dans la même ville frontalière de Los Robles. Bilan : deux morts, un notable et une strip-teaseuse. Témoin du drame au moment de son voyage de noces, le procureur Mike Vargas dresse les premières constatations, bientôt rejoint par l’inspecteur Hank Quinlan, un policier américain dont la solide expérience n’a d’égale que les méthodes pour le moins douteuses. Tant bien que mal, Vargas et Quinlan tentent de s’accorder, le second pressé de faire porter le chapeau au mari de la fille du défunt…

    Interdit -12 ans avec avertissement

    La soif du mal, drame américain d’Orson Welles
    avec Charlton Heston, Janet Leigh, Orson Welles, 1958, 111 mn
    Titre original : Touch of evil
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1604 

    Voir aussi : "Oui"

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  • Marie Jaëll et ses amies

    Trois compositrices sont mises à l’honneur dans ce programme musical proposé par Présences compositrices dont l’objectif est la redécouverte de compositrices talentueuses oubliées. Marie Jaëll – dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog – Hedwige Chrétien et Louise Héritte-Viardot sont proposées dans un programme de musique de chambre postromantique.

    Commençons par Hedwige Chrétien (1859-1944). Son talent pour le solfège, l’harmonie et la composition est devenu évident dès ses jeunes années, avec de nombreux prix. Soyons lucides : pour les femmes musiciennes de cette époque, l’enseignement, plutôt que les concerts publics, est depuis longtemps une voie quasi obligatoire qu’elle choisit de suivre, avant de l’abandonner pour raisons de santé. Elle se consacre à la composition et écrit près de 250 pièces.

    L’album proposé par le Duo Neria, avec Natacha Colmez-Collard au violoncelle et Camille Belin au piano, propose deux œuvres représentatives de cette musique française néo-romantique, à savoir un délicat lied (Soir d’automne). L’influence de César Franck est bien là, dans cette subtilité des vagues mélodiques et des émotions tout en retenue. On trouve cette même délicatesse dans ses Trois pièces pour violoncelle et piano. Camille Belin caresse les touches du piano lorsque les cordes de Natacha Colmez-Collard déploient de soyeuses lignes mélodiques (Sérénité). Plus étonnant encore l’est ce Chant du soir aux accents folkloriques. Il semble que l’auditeur ou l’auditrice soit propulsé dans l’intimité d’une soirée d’hiver au siècle dernier. La dernière pièce de cette œuvre est ce Chant Mystique, sobre, tout en recueillement mais aussi fort de lignes mélodiques laissant deviner l’extrême sensibilité d’Hedwige Chrétien que l’on découvre avec plaisir.

    Marie Jaëll (1846-1922), de la même génération, commence à sortir de l’oubli et il est normal qu’elle soit présente dans cet opus. Franz Liszt a encouragé cette brillante musicienne, prodigieuse, perfectionniste et douée d’un grand lyrisme. Une romantique dans l’âme, comme le montre cette Sonate pour piano et violoncelle en la mineur, composée au départ – nous sommes en 1881 – pour piano seul. À l’écoute, l’influence des compositeurs romantiques allemands saute aux oreilles. 

    L’indifférence, donc. Injuste ? Oui !

    Marie Jaëll fait alterner lignes mélodiques audacieuses et joueuses, ruptures de rythmes et expressivité (Allegro appasionato). À l’écoute en particulier du scintillant Presto, le Duo Neria prend un plaisir évident dans l’interprétation de cette sonate qui a fait dire à David Popper, le violoncelliste qui a créé avec Marie Jaëll cette œuvre : "Vous n’avez rien de français en vous". Étonnant aveu, en forme de reproche voilé, dans cette période de haines mutuelles entre l'Allemagne et la France.  

    L’Adagio s’écoute comme un mouvement rêveur, pour ne pas dire onirique. Cette longue déambulation romantique prouve à quel point la compositrice mérite d’être redécouverte et ses œuvres jouées et rejouées. Il semble que Natacha Colmez-Collard et Camille Belin font inlassablement le tour de cette partie empreinte de mystères, laissant largement la place aux silences et à de longues respirations, avant un dernier mouvement. Le Vivace molto, d’une délicieuse fraîcheur, sonne avec une étonnante modernité dans cette facture postromantique.        

    Louise Héritte-Viardot (1841-1918) est la moins connue de ces compositrices. Des anges s’étaient pourtant penchés au-dessus de son berceau : une mère, Pauline Viardot, chanteuse mezzo et compositrice, une tante fameuse, la diva Maria Malibran ("La" Malibran) et un père directeur du Théâtre-Italien. Pourtant, la jeune femme a pour ambition de faire connaître ses compositions. Charles Gounod l’aide et la conseille dans ce projet. Un mariage raté, la guerre de 1870 et surtout une relative indifférence de la bonne société musicale ne rend pas grâce à ses talents de compositrice. Elle est prolifique – plus de 300 pièces, a-t-elle calculé – mais peu sont publiées et moins encore sont jouées. L’indifférence, donc. Injuste ? Oui !

    C’est sa Sonate en sol mineur op. 40 qui est proposée dans l’enregistrement. On se laisse séduire par la fluidité et la tension de l’Allegro commodo, mélodique et d’une formidable jeunesse. L’œuvre daterait de 1909 mais des musicologues la situerait plus tôt, dans les années 1880. peu importe. Le Duo Neria replace au grand jour une pièce virtuose et lyrique, à l’exemple du premier mouvement, long de plus de 9 minutes.

    Il faut voir le visage volontaire de Louise Héritte-Viardot pour deviner un solide caractère, audible dans cette œuvre dense et colorée. Et aussi romantique, à l’exemple du deuxième mouvement Andantino assai, molto expressivo. Bouleversant chant d’adieu, cette partie est jouée par deux interprètes exprimant d’une manière poignante une partie dont le terme de romantisme n’est pas galvaudé, avant un Intermezzo allegretto scherzando plus léger, puis un Finale (Allegro non troppo) donnant à entendre une compositrice que l’on a plaisir à découvrir. Merci au Duo Neria et à Présences compositrices ! 

    Impressions romantiques / Marie Jaëll – Hedwige Chrétien – Louise Héritte-Viardot,
    Duo Neria – Natacha Colmez-Collard
    , violoncelle & Camille Belin, piano, Présences compositrices, 2025

    https://www.presencecompositrices.com/mag/impressions-romantiques
    https://www.duoneria.com

    Voir aussi : "Résurrection"

     
     
     
     
     
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  • Premiers feux d’artifices romantiques pour Katok 

    Parlons, pour commencer, du Quintette à cordes en ut majeur de Schubert, créé en 1828, quelques mois avant sa mort à l’âge de 31 ans. C’est peu dire que cette œuvre constitue un jalon de la musique de chambre ; il s’agit en réalité d’une pièce romantique majeure du XIXe siècle et même de la musique classique tout court.

    L’Ensemble Katok la propose dans son premier album (un double album en réalité), Le temps suspendu, proposé par b•records. Une belle entrée en matière. Contrairement à ce que ne l’indique son nom, Katok, en hommage au réalisateur Tarkovski, est un ensemble bien français, ardéchois plus précisément, créé par le violoniste Paul Serri. Il s’est entouré pour l’occasion du violoniste Shuichi Okada, des violoncellistes Magdalena Sypniewski et Justine Metral et de l’alto Anna Sypniewski. L’enregistrement est une captation d’un concert lors du Katok Festival en octobre 2024, en l’église Saint-Pierre d’Antraogues-Asperjoc.

    Bla Bla Blog est d’emblée sensible à cette démarche de proposer la musique classique et contemporaine dans des lieux où la population a peu l’habitude de ce répertoire. C’est ce que l’on appelle la démocratisation de l’art. Un gros big up pour le Katok Ensemble.

    Cet album marque donc la naissance sur disque d’un ensemble attachant pour sa jeunesse (le frais et étincelant Allegro ma non troppo le prouve) et son hypersensibilité (indispensable pour s’attaquer au répertoire de Schubert). Pour s’en convaincre, que l’on écoute le sobre et bouleversant Adagio, dans lequel les silences sont aussi importants que les notes. Dans le livret de présentation du disque, Paul Serri rappelle que lorsque Schubert écrit son Quintette  D 956, il se sait condamner. Toujours dans cet Adagio, la tristesse se fait chant d’adieu. Ce qui n’empêche pas le compositeur, qui n’a jamais connu la gloire de son vivant, de se révolter contre la mort qui va l’emmener quelques mois plus tard.

    Les longs mouvements du Quintette permettent à l’auditeur de se laisser mener par une composition aussi simple que géniale, et d’une passion jamais entendue jusqu’alors dans le classique – le romantisme incarné. Ne faisons cependant pas de ce Quintette une œuvre funèbre. Elle est au contraire vibrante de vie, à l’instar du Scherzo-Presto, et même moderne dans certains passages. On a, à juste titre, salué le talent d’architecte sonore de Schubert. Qualité présente notamment dans le formidable dernier mouvement Allegretto. Schubert refuse la tristesse, au profit d’une série de danses romantiques. La vie l’emporte définitivement sur la mort. C’est ce que les six musiciens et musiciennes de l’Ensemble Katok ont compris. 

    Deux compositeurs qui ne se sont jamais rencontrés

    À côté de Schubert, la présence de Beethoven tombe sous le sens dans ce double album. Et pourtant, les deux compositeurs ne se sont jamais rencontrés. Schubert vouait une admiration sans borne pour son maître, génie reconnu, lui, de son vivant.

    Nous parlions de Schubert et de son quintette composé quelques mois avant son décès. Lorsque Ludwig van Beethoven écrit son Quatuor à cordes n° 15 en la mineur, il sort d’une grave maladie et est en convalescence. Nous sommes entre décembre 1824 et août 1825, quatre ans plus tôt donc. Le compositeur allemand sent lui aussi la fin proche (s’en sera fini trois ans plus tard). Voilà qui rend cette pièce de musique de chambre particulièrement poignante (Assai sostenuto).

    Et pourtant, ce quatuor est d’abord une œuvre de commande pour le Prince Galitsyne datant de 1822. Un soulagement financier pour Beethoven qui s’y met assez tard, fin 1824. Un an plus tôt, il a créé sa Neuvième Symphonie. Voilà pour les circonstances d’écriture.

    L’Ensemble Katok s’attaque sans complexe à ce monument de la musique classique, sans fléchir sur l’Allegro du premier mouvement. On a, à juste titre, salué le modernisme du deuxième mouvement, Allegro ma non tanto. Il respire. Il médite, même, dirions-nous, comme s’il était en suspension permanente, soudainement interrompu par une singulière danse, venant interrompre par un élan de vie une partie dominée par l’attente et la réflexion.  

    Le Molto adagio vient nous rappeler que nous avons à faire à une œuvre singulière et importante de Beethoven. La mort et la douleur sont au centre de cette création qui continue de marquer les esprits. Mystique, spirituel, métaphysique : ces termes pourraient être utilisées pour cette partie ressemblant à une pièce religieuse – un chant d’action de grâce et de reconnaissance, précisait Beethoven lui-même. L’Ensemble Katok propose là l’une des parties les plus bouleversantes et réussies du double album.

    Singulier est le quatrième mouvement en forme de marche (Alla marcia, assai vivace). C’est une sorte de parenthèse pour reposer les oreilles de l’auditeur et l’auditrice. D’ailleurs, les musicologues remarquent que Beethoven est resté longtemps indécis sur la facture et le rythme à donner à cette partie. Elle est courte (2 minutes 26 dans cet enregistrement public de b.records). Il ne donne que plus de relief au cinquième et dernier mouvement Allegro appassionato. Il est romantique, certes, mais surtout poétique et plein de sève. L’énergie pulse dans cette magnifique partie conclusive, demandant aux interprètes virtuosité et cohérence d’ensemble impeccable. Le quatuor commençait la pièce avec de lourds nuages, voilà qu’elle devient une ode à la jeunesse. Impossible pour le Katok Ensemble de ne pas retranscrire cet élan bienfaisant. Beethoven for ever.

    À noter enfin que, comme toutes les productions de b.records, le ou la propriétaire du disque aura droit à un poster original, ici une création graphique originale de Magali Cazo

    Le temps suspendu, Franz Schubert & Ludwig van Beethoven,
    Ensemble Katok, b•records, coll. Katok, 2025 

    https://www.b-records.fr/disques/le-temps,-suspendu
    https://katok.fr/katok-ensemble

    Voir aussi : "Et de 3, et de 2"
    "Pas de pépin pour Julien Desprez"

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