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Spécial Musique contemporaine

  • Minute, un peu de Stéphane Michot

    On le sait : rien n’est plus compliqué que la simplicité. La preuve avec Les Minutes du Soir (chez Indésens) avec le court (moins de vingt-quatre minutes) et lumineux album de Stéphane Michot. Décidément, la création contemporaine sait aujourd’hui toucher aux âmes, après des décennies de recherches et de concepts qui ont pu laisser pas mal d’auditeurs et d’auditrices à la porte.

    Les Minutes du Soir, ce sont quatorze pièces néo-classiques – on a même envie de dire post-romantiques – jouées au piano par le compositeur lui-même. Minute papillon, La Minute Blonde, La Minute Inutile ou Les Minutes de Raphaël : Stéphane Michot décline en musique ces courts moments, dans des pièces – des "miniatures", précise-t-il – ne dépassant jamais les deux minutes, à l’exception notable des Minutes se dessinent, des Minutes de l’Empereur, des Minutes Bleues, des Minutes de James… et des Secondes de Camille (sic).

    L’opus débute avec Minute Papillon faisant inévitablement penser à une variation des Variations Goldberg de Bach. Voilà qui lance un album séduisant de la plus belle des manières. Stéphane Michot poursuit avec une Minute Blonde, sur une veine plus romantique, comme dans une déclaration d’amour – à une jeune femme blonde ? On se laisse prendre par la main tout au long de cet enregistrement aux mélodies simples et envoûtantes (Les Minutes d’une Amandine, Les Minutes Bleues).

    La preuve que tout n’est pas entièrement perdu en ce bas monde

    Stéphane Michot sait tout autant être mélancolique (Les Minutes d’Ilan), rêveur (Les Minutes se dessinent), triste (La Dernière Minute) amoureux (La Minute Blonde, donc, mais aussi Les Secondes de Camille). Qu’un compositeur d’aujourd’hui se lance dans un projet tout autant sensible que conceptuel démontre que tout n’est pas entièrement perdu en ce bas monde. C’est d’ailleurs ce qu’il semble promettre dans la délicate Minute d’un Possible.

    Stéphane Michot connaît ses classiques, lui qui propose une Minute de l’Empereur semblant nous catapulter en plein XIXe siècle, dans un de ces salons bourgeois européens. Avec la Minute Inutile, le musicien propose une pièce dense et savoureuse semblant lorgner du côté de Yann Tiersen, à l’instar également des Musiques de Raphaël. Plus longue encore (un peu plus de deux minutes quarante-cinq), Les Minutes de James se montrent plus sombres, plus "sérieuses" même comme l’aurait dit Satie, un compositeur que Stéphane Michot ne renierait certainement pas.

    On parlait de simplicité, une obsession chez Debussy. Elle est déclinée sous forme de berceuse dans La Minute Sacrée. Élégance de la mélodie, toucher en finesse du pianiste. Oui, la simplicité est décidément un art et Stéphane Michot y excelle. 

    Stéphane Michot, Les Minutes du Soir, Indésens Calliope, 2025
    https://indesenscalliope.com/boutique/les-minutes-du-soir
    https://www.facebook.com/StefaneMC
    https://www.youtube.com/@psyshowman

    Voir aussi : "Souvent musique varie"

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  • Raga en contrepoints

    Disons-le : cet album, le premier de Shanker Krishnan, est à la fois incroyable, singulier et révolutionnaire. Oui, révolutionnaire ! Et on invitera les amoureux et amoureuses de la musique à venir y faire un tour, tant elle bouscule nos oreilles et vient les enrichir tout autant.

    Raga and Counterpoints est le titre de cet album sorti cette année chez Indian raga. Raga et contrepoints, donc. Très rapidement, le contrepoint est cette technique musicale d’écriture occidentale consistant à faire se coïncider plusieurs lignes musicales et voix pour former un ensemble cohérent. Pour aller plus loin, je vous invite à aller sur ce site. Qui dit contrepoint, dit Jean-Sébastien Bach. S’il n’a pas été l’inventeur du contrepoint, il en a fait un art indépassable. Le raga, lui, vient d’Inde et de la tradition musicale carnatique. Le raga est défini par une gamme aux riches ornements mélodiques.

    Le compositeur américain d’origine indienne Shanker Krishnan a choisi de marier ces deux méthodes et traditions pour créer cet enregistrement singulier. Le but ? Ni plus ni moins que bâtir un pont entre le baroque occidental et musique carnatique venue du sud de l'Inde.

    Raga and Counterpoint rassemble Fugue-Kriti et Fields od Dharma (Concerto-Kriti). Dès le premier mouvement de Fugue-Kriti, (Palavi), nous sommes en Inde, ce que les deux mouvements suivants (Anupallavi et Charanam) ne démentent pas. C’est dans le troisième mouvement, Charanam, que le mariage baroque-carnatique paraît le plus éloquent. Voyage musical et dépaysement garantis, non sans nostalgie, aidés en cela par l’instrumentation occidentalo-indienne, mêlant flûte, violon, Vînâ (un instrument de musique à cordes pincées) et mridang (un tambour en tonneau). Ajoutons également la trompette (formidable apport !), la harpe, le hautbois et le violoncelle. 

    On ne peut qu’applaudir à cet enrichissement mutuel et à cette rencontre voulue par Shanker Krishnan !

    Fields of Dharma se situe dans cette démarche d’ouverture. Ah, l’ouverture musicale ! On ne peut qu’applaudir à cet enrichissement mutuel et à cette rencontre voulue par Shanker Krishnan ! Le compositeur sait de quoi il parle, lui qui a passé son enfance à à Bombay et Madras, avant de s’expatrier, vivre et travailler entre Berkeley, New York, Washington D.C. et même Nashville, une ville riche d’un autre patrimoine musical.

    Parlons de ces mélodies qui s'inscrivent dans l'élégance structurelle du contrepoint et qui sont issues des ragas. Les modes et gammes de la musique carnatique évoquent un éventail d'émotions mais aussi d’ornements caractéristiques : oscillations microtonales, glissandos ou notes d’ornements rapides.

    Ornements avec le merveilleux premier mouvement de ces Fields of Dharma, Arjuna’s Lament. Cette pièce aux accents dramatiques s’inspire de la Bhagavad Gita, un texte sanskrit bien connu en Inde narrant une bataille vieille de 3 000 ans. À travers les yeux du héros Arjuna, le compositeur trace un portrait musical aux dilemmes universels : combattre les siens, vivre et assumer la victoire amère ou défendre la justice malgré les attachements personnels et matériels.  

    Les traditions indiennes, toujours vivaces dans ce pays-continent, sont enrichies par une écriture et une orchestration occidentale (Field of Battle). Tout cela paraît à la fois si naturel et si évident !

    L’éducation musicale occidentale de Shanker Krishnan semble prendre le dessus dans le troisième mouvement, Dilemma, comme si le compositeur exprimait un déchirement entre deux cultures qu’il aime tout autant et qu’il sait marier avec talent.

    Un dernier mouvement, le plus long (plus de sept minutes), Realization, vient conclure un grand album de réconciliation entre deux patrimoines musicaux. Rythmiques, palettes d’accords, mélodiques carnatiques et instrumentations richissimes achèvent de faire de cet enregistrement une œuvre audacieuse, généreuse mais aussi épique et universelle.

    Au fait, est-ce que je vous avais dit que cet album est unique en son genre ?

    Shanker Krishnan, Raga and Counterpoint, Indian Raga, 2025
    https://www.shankerkrishnanmusic.com
    https://www.indianraga.com
    https://www.facebook.com/IndianRagaProject

    Voir aussi : "Très grand Bacri"

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  • Très grand Bacri

    Nicolas Bacri est l’un de nos meilleurs compositeurs contemporains, multiprimé et plusieurs fois nommé aux Victoires de la Musique classique. Très demandé, il est l’auteur de plus de 150 partitions, aussi bien dans la musique symphonique, l’opéra, la musique de chambre que l’oratorio. Il est de retour cette année avec un nouvel album, Da Camera (Passavant), interprété par Elizabeth Balmas, au violon et à l’alto et Orlando Bass au piano. L'enregistrement se compose de deux nocturnes et de trois sonates, toutes datant des années 2000 à 2019, si l’on met de côté la Sonata Da Camera aux dates de composition échelonnées sur plus de vingt ans.

    Mais commençons par le Notturna ed allegro op. 151, commandée au départ par la pianiste luxembourgeoise Sabine Weyer, une œuvre au départ pour trio piano-violon-violoncelle. Le compositeur précise que cette pièce peut être et, d’ailleurs, a été joué sur d’autres instruments, que ce soit en solo – on pense à la flûtiste Jieun Han – ou à plusieurs. Ici, au violon, alto et piano avec Elizabeth Balmas et Orlando Bass.

    Nicolas Bacri fait partie de ses compositeurs qui entendent réconcilier l’irréconciable : la musique contemporaine atonale et sérielle et le classicisme, sans a priori, en privilégiant le travail sur le langage (on pense au motif basé sur les lettres B.A.C.R.I., comme il le rappelle dans le livret du disque) mais aussi sur l’expressivité – on hésitera à employer le terme d’"expressionnisme". Le résultat de cette première nocturne c’est un dialogue, non sans tension – féminin et masculin, comme il le remarque lui-même – mais finalement tendre et qui va vers l’apaisement et un bel éclat de lumière.

    Influencé par le modernisme atonal du début du XXe siècle (on pense à Berg et surtout à Webern, pour sa sensibilité et sa précision), Nicolas Bacri a écrit en 1977, alors qu’il n’a même pas 17 ans, la Sonata Da Camera, op. 67. Il a retravaillé cette œuvre tout au long de sa carrière, en 1997 puis en 2000. Pour autant, reste l’essence "juvénile" de son thème. La passion se devine dans l’Andante de la Sonatina dont s’emparent avec fougue Elizabeth Balmas et Orlando Bass. Il faut de la technique pour s’attaquer à cette pièce ambitieuse et qui donne son nom à l’opus. C’est dire son importance. On parle d’expressionnisme dans cette sonate qui suit la carrière de Nicolas Bacri et à laquelle il avoue être attaché. Que l’on écoute le nerveux Scherzo et le long et bouleversant Pezzo elegiaco (adagio molto). On peut d’autant plus parler de romantisme contemporain. Le compositeur français évoque d'ailleurs la figure de Schubert lorsqu’il parle de "la douceur et la quasi naïveté" du thème centrale de la Sonate op. 67 qui se termine par des variations à la fois déroutantes et virtuoses (Variazioni). Elizabeth Balmas et Orlando Bass démontrent que l’audace moderne de l’atonalité n'est pas morte.

    Romantisme contemporain

    Autre Nocturne, Tenebrae, datée de 2015 et 2016, voit Nicolas Bacri revenir vers l’harmonie, sans pour autant tourner le dos à une construction musicale ambitieuse. Cette Nocturne n°6 a été écrite pour le piano. La prise de son met à l’honneur le jeu tour à tour puissante, élégant, sombre (d’où le titre Tenebrae) et expressionniste d’Orlando Bass. Le compositeur confie qu’il s’agit d’une de ses pièces pour piano les plus représentatives.  

    La Sonate n°2 op. 75 est proposée dans une version pour violon et piano. Elle date de 2002. Là aussi, elle peut s’écouter comme une réconciliation entre ses premières compositions sérielles et atonales et son retour vers la tonalité, avec toujours la recherche de l’expression et du sentiment. Il s’agit de l’une de ses pièces les plus significatives, comme il le confie lui-même et il est vrai qu’elle reste extrêmement jouée. Elizabeth Balmas et Orlando Bass s’affrontent plus qu’ils ne discutent, tout en tension (Introduction et Allegro), avant une Élégie à la fois sombre et mystérieuse. La violoniste semble voler au-dessus de ce mouvement qui voit dialoguer les deux instruments, tel un chant d’amour d’amour et de douleur, avant un long et éloquent silence. La Sonate n°2 se termine par un Rondo infernal, telle une danse des morts, tour à tour riante, menaçante mais finalement non sans rédemption.

    La Sonata Variata op. 75 est proposée dans une version pour alto seule. Elle a été écrite entre 2000 et 2001. L’auditeur ou l’auditrice découvrira un Nicolas Bacri joueur et ne tournant pas le dos à la mélodie (Preludio), pas plus qu’à ses influences classiques, à l’instar de sa Toccata rustica. Lorgnant du côté de Bach, le compositeur français fait se rejoindre archaïsme et modernité. L’alto reste tendu de bout en bout, avalant tout l’espace sonore durant deux minutes 30. Cette dernière sonate se termine par un finale nommé Metamorfosi. Un mouvement mystérieux, comme son nom l’indique. On est loin des premières œuvres atonales de Nicolas Bacri.

    L’artiste ne vend pourtant pas son âme à la modernité néoclassique. Toujours aussi exigeant, il reste un compositeur mû d’abord par l’émotion, l’expressivité et une écriture très fine, ce que le livret de l’album laisse à voir. Son homologue néerlandais John Borstlap a salué Nicolas Bacri comme "le compositeur français le plus important depuis Messiaen et Dutilleux" C’est dire l’importance de son œuvre, à découvrir ou redécouvrir donc.

    Nicolas Bacri, Da Camera,
    Elizabeth Balmas (violon et alto) & Orlando Bass (piano), Passavant, 2025

    https://www.facebook.com/nicolasbacriofficial
    http://www.nicolasbacri.net/biographiefr.html
    https://www.passavantmusic.com

    Voir aussi : "Un inconnu nommé Dupont"
    "Plus d’air, plus d’espaces"

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  • Plus d’air, plus d’espaces

    Quatre compositeurs majeurs de la musique française constituent le cœur de cet enregistrement du Quatuor Dutilleux : Henri Dutilleux – bien sûr – mais aussi Jean-Philippe Rameau, Maurice Ravel et Claude Debussy. Quatre figures majeures, donc, auxquels s’ajoute une petite nouvelle, Claire-Marie Sinnhuber, que nous découvrons donc.

    On ne le dira jamais assez. On entre dans la musique de Rameau avec je ne sais quoi de méfiance pour une musique passant vite comme datée et on en ressort fatalement envoûté. Le Quatuor Dutilleux propose ici une œuvre qui n’est pas forcément la plus connue. Sa Suite à 4, quatre mouvements de moins de 12 minutes en tout, n’était au départ pas pour quatuor mais pour clavecin seul. C’est un gros travail de transcription de Thomas Duran – également au violoncelle – qui permet de recréer une pièce aérée, ample et colorée, véritable invitation aux Turcs, muses et cyclopes. Irrésistible comme Rameau.

    Autre époque, autre univers avec Ainsi la Nuit d’Henri Dutilleux, une œuvre majeure de la musique contemporaine et du répertoire français. Le quatuor a été composé sur plusieurs années, dans la première moitié des seventies. Deux Nocturnes, quatre Parenthèses et un final Temps suspendu constituent cette pièce incroyable de modernité, tout autant que de retour au répertoire contemporain du début du XXe siècle – le livret parle de Bartok. On pourrait tout aussi bien citer Webern (Nocturne 1). Le Quatuor Dutilleux ne pouvaient pas faire l’impasse sur le compositeur français disparu il y a 12 ans. Précisons aussi que le titre de l’album, Miroir d’espace, reprend le sous-titre du mouvement Parenthèse 1 d’Ainsi la Nuit. Disons aussi que cette suite pourrait illustrer un tableau de Soulages. À la monochromie noire des peintures de ce dernier répondraient des sonorités et des rythmes alternant obscurités (les Litanies 1 et 2 des Parenthèses 2 et 3) et éclats (Parenthèse 1 / Miroir d’espace).

    Dans l’espace sonore proposé par Dutilleux – le compositeur et l’ensemble, donc – alternent esprits inquiétants (Litanies) et voyages dans l’au-delà. Le compositeur français l’avait dédié en 1977 à la mémoire de l'amateur d'art américain Ernest Sussman, ami du compositeur. C’est du reste bien une prière que l’auditeur ou l’auditrice a l’impression d’écouter dans la Litanie 2 (Parenthèse 3), avec ce mouvement Constellations (Parenthèse 4), une musique des sphères mystérieuse. Suit un bref Nocturne – le second –, feu follet en forme d’apparition furtive. Temps suspendu vient clore Ainsi la Nuit, porté un ensemble qui a fait d’Henri Dutilleux leur figure de référence. Autant dire que  Guillaume Chilemme (violon), Matthieu Handtschoewercker (violon), David Gaillard (alto) et Thomas Duran (violoncelle) ne pouvaient que bien servir le maître.

    Ce désir de tendre attachement

    Retour au classicisme avec Maurice Ravel et son Quatuor à cordes en fa majeur qu’il avait dédié à Claude Debussy. Il est vrai qu’il y a de l’onirisme, pour ne pas de l’impressionnisme, dans cette œuvre qui avait été demandée par Gabriel Fauré en 1902.

    Maurice Ravel a 27 ans et créé là sa première pièce pour musique de chambre. On aime Ravel pour ce mélange de modernité et de classicisme. Ses compositions semble être d’une grande simplicité (Allegro moderato). Cela ne les rend, comme ici, que plus colorées et harmoniques. Le deuxième mouvement (Assez vite. Très rythmé) nous entraîne dans un univers lui aussi merveilleux, mais aussi joyeux et insouciant. Il y a souvent dans la musique de Ravel, non pas de l’archaïsme, mais un retour aux sources. Le compositeur, et avec lui, ici, l’ensemble Dutilleux, évoquent ce désir de tendre attachement. Nous sommes en terrain connu et conquis.

    Voilà qui rend Ravel si prodigieusement actuel, y compris dans ses rythmiques et ses danses espagnoles – espagnoles, comme ses origines. On fond à l’écoute du mélodieux et bouleversant troisième mouvement Très lent. Les cordes du Quatuor Dutilleux viennent nourrir une partie à la tristesse ineffable. Voilà qui tranche avec le nerveux troisième mouvement (Vif et agité). Ravel conclut en beauté cet hommage à Debussy que l’on trouve plus tard dans l’album du Quatuor Dutilleux.

    Beaucoup découvriront Claire-Marie Sinnhuber, présente dans ce programme avec sa pièce Flos Fracta. Littéralement "Fleur brisée", cette création prouve que le Quatuor Dutilleux nage comme un poisson dans l’eau dans la création contemporaine. La musique de chambre se trouve bousculée ici, grâce à une œuvre puisant son inspiration dans la nature, l’environnement fragile, les oiseaux, les arbres et, bien sûr, le floral. Claire-Marie Sinnhuber lorgne aussi du côté d’Olivier Messiaen et de ses Chants d’oiseaux. Elle fait de Flos Fracta une vraie pièce naturaliste. C’est simple : grâce au quatuor français, on entend même la pluie perler sur les feuilles.

    Debussy est présent dans l'enregistrement pour clore cet album de musique française. Il s’agit ici du célèbre Clair de lune, extrait de la Suite Bergamesque, dans une version pour quatre instruments adaptée par David Gaillard. Une rareté qui rend d'autant plus indispensable l'écoute de ce Clair de lune. Quelle magnifique initiative ! Une belle curiosité, immanquable.

    Quatuor Dutilleux, Miroirs d’espace, Indesens Calliope Records, 2025
    https://indesenscalliope.com/boutique/miroirs-despace
    https://quatuordutilleux.com

    Voir aussi : "Premiers feux d’artifices romantiques pour Katok"
    "… Un autre renouveau des Saisons"

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  • Haché menu

    Voilà un opéra qui vient bousculer, et par son sujet et par sa facture.

    Le sujet d’abord : dans Like Flesh, nous sommes dans un monde post-apocalyptique. La nature souffre, détruite par un capitalisme dément – ça ne vous rappelle rien ? Dans une forêt en feu, un homme et son épouse survivent. Une étudiante survient, à la fois curieuse et affolée par les incendies. Elle est accueillie par le bucheron et son épouse. Cette arrivée bouscule le couple de forestiers alors que les interrogations sur les souffrances de la nature se font jour. L’étudiante et la femme tombent amoureuses au moment où cette dernière, telle Daphné face à Apollon, se transforme en arbre.

    Écrire un opéra autour d’un sujet aussi actuel que l’environnement était une gageure à laquelle s’est attaquée avec ardeur et ténacité la librettiste Cordelia Lynn et la compositrice Sivan Eldar. Le résultat est cette œuvre lyrique en anglais, incroyable création pensant la souffrance des arbres, la douleur des hommes et des femmes, l’amour impossible mais aussi la cohabitation quasi impossible entre l’homme et la nature : "L’humain est venu dans la forêt avec une hache et nous avons crié de joie : « Regardez ! Le manche est des nôtres ! »", chante le chœur de la forêt. Éloquent, terrible et aussi cruellement poétique.    

    « Regardez ! Le manche est des nôtres ! »

    Parlons maintenant de la musique. Nous sommes dans une facture contemporaine. La musique de l’opéra a été conçue aux studios de l’Ircam et captée sur le vif par b•records à l’Opéra de Lille où il a été créé en janvier 2022. L’œuvre lyrique est riche de matériaux sonores, d’alliances entre instruments d’orchestre et machines électroniques. Sivan Eldar précise qu’elle a composé scène par scène, comme dans un dialogue perpétuel, rendant l’opéra tendu, et parfois oppressant. L’auditeur ou l’auditrice sera sans doute soufflé par cette extraordinaire scène VIII, fortement inspirée par le courant répétitif américain (What the human did next).

    Like Flesh séduit par sa nouveauté comme par l’enjeu proposé : la création contemporaine au service de messages sur les catastrophes climatiques présentes (les incendies en Australie en 2019 ont servi de point de départ à la création) et à venir. La femme-arbre, l’étudiante amoureuse et le forestier pris au piège nous bouleversent, a fortiori lorsque la forêt, omniprésente, parle : "Un jour nous reviendrons… Nous poussons sur les ruines de vos monuments… Nos racines poussent en chantant, trouvent d’étranges fossiles : un arbre, un squelette et une hache".

    Like flesh a été lauréat du prix Fedora pour l’Opéra 2021 avec le soutien de Generali.

    Like flesh, opéra de Sivan Eldar sur un livret de Cordelia Lynn,
    avec Juliette Allen, Helena Rasker et William Dazeley,
    Orchestre Le Balcon dirigé par Maxime Pascal, b•records, Live à l’Opéra de Lille, 2025 

    https://www.b-records.fr/disques/like-flesh
    https://www.opera-lille.fr/spectacle/like-flesh-2

    Voir aussi : "Premiers feux d’artifices romantiques pour Katok"

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  • … Un autre renouveau des Saisons

    Hier, je vous parlais d’un enregistrement très classique, et néanmoins vitaminée des Quatre Saisons de Vivaldi par le Klaipéda Chamber Orchestra. Place aujourd’hui, toujours chez Indésens, a une version cette fois beaucoup plus contemporaine de cette œuvre intemporelle que Max Richter a nommé The New Four Seasons – Vivaldi Recomposed. Les puristes ont hurlé lors de la création en 2012 de cette relecture qui est plutôt une composition originale à partir des Quatre Saisons de Vivaldi dans lequel se mêlent les cordes baroques et des nappes synthétiques de musique électronique.

    C’est de nouveau le Klaipéda Chamber Orchestra, dirigé par Mindaugas Bačkus qui se frotte à l’expérience, avec une nouvelle fois les solistes violonistes Justina Zajancauskaite, Ruta Lipinaityte, Egle Valute et Julija Andersson. Il faut saluer l’audace, et du compositeur allemand comme des interprètes dans ce qui apparaît comme une œuvre originale de notre siècle. Le livret nous apprend que Max Richter a supprimé "environ 75 % du matériau original de Vivaldi tout en conservant certains motifs célèbres" (Spring 1).

    Le baroque prend un sérieux coup de dépoussiérage, sans être pour autant étrillé ni trahi (Spring 2, Summer 1). L’esprit est là, dirions-nous, y compris dans l’Allegro du "Printemps" (Spring 3). Max Richter appartient au mouvement post minimalisme. Il est vrai que l’influence du minimalisme américain, certes dépassé ici, est évident. Les lignes musicales sont claires, modernes, néoclassiques et viennent servir le vénérable Vivaldi, non sans audace cependant.

    Quel tempérament !

    Les violonistes Justina Zajancauskaite, Ruta Lipinaityte, Egle Valute et Julija Andersson servent avec la même enthousiasme que leur autre version plus traditionnelle des Quatre Saisons (Summer 1), avec ardeur, hardiesse et même une sacrée solidité. Quel tempérament ! Max Richter peut se féliciter d’être aussi bien servi par ces violonistes ne se posant pas de questions. L’Adagio de "L’été" devient un chant funèbre. Sans doute l’une des plus belles bouleversantes parties de ces Nouvelles Quatre Saisons. Le Summer 3 est aussi naturaliste que l’était le Presto "orageux" de "L’Eté" de Vivaldi.

    Si Max Richter reprend la facture archaïque des danses du début de l’automne (Autumn 1), ce n’est pas sans faire des écarts à la composition originale : dépoussiérage en règle et coups d’archers tendus sont au menu de ce mouvement, finalement peu dépaysant. Pas plus dépaysant l’est l’Autumn 2, dans lequel le baroque revient en majesté. Finalement, voilà un "Automne" des plus séduisants, y compris dans sa troisième partie aux fortes influences du courant répétitif américain.

    Le premier mouvement de "L’Hiver" (Winter 1) reprend la structure de l’Allegro non molto originel de Vivaldi, avec ses célèbres lignes mélodiques, mais que Richter a ratiboisé avec audace. On trouvera cela génial ou au contraire inutile. Pour le Winter 2, la composition est nappée de sons électroniques, donnant à ce mouvement une aridité glaciale. Il semble voir de faibles flammèches tenter de réchauffer l’âtre d’une cheminée en plein hiver. La dernière partie, Winter 3, fait se mêler pour terminer post minimalisme et baroque, comme une synthèse de ces Nouvelles Quatre Saisons, incroyables et qui ont fait couler de l’encre à leur sortie.

    Max Richter, The New Four Seasons – Vivaldi Recomposed, Klaipéda Chamber Orchestra, dirigé par Mindaugas Bačkus, avec Justina Zajancauskaite, Ruta Lipinaityte, Egle Valute et Julija Andersson (violons),
    Indesens Calliope Records, 2025

    https://indesenscalliope.com
    https://www.koncertusale.lt/en/collective/klaipeda-chamber-orchestra
    https://maxrichtermusic.com
    https://www.facebook.com/zajancauskaite.justina
    https://rutalipinaityte.com/en/homepage
    https://www.instagram.com/eglevalute
    https://www.facebook.com/p/Julija-Andersson-100085192234016

    Voir aussi : "Un renouveau des Saisons…"

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  • Une route de la soie

    Intitulée The Silk Roads ("Les routes de la soie"), cette incroyable programmation, issue d’un enregistrement au centre de Création et de Formation "La Cure" à Lasselle-en-Cévennes entre 2023 et 2024, propose un voyage musical à travers les siècles, entre Chine, Moyen-Orient et Europe.

    Figure, pour commencer, la pièce la plus ancienne, Yuqiao Wenda. Ce Dialogue entre le pêcheur et le bûcheron a été compilé en 1560 par Xiao Luan. Le morceau illustre la philosophie bouddhiste sur l’immanence du monde et l’appel à la sagesse de l’homme humble, bienveillant et droit. Cette version a été arrangée par Zao Songguang et Dai Xiaolian en 2006. Une lecture moderne donc d’un morceau traditionnel mais qui en garde toute sa simplicité méditative. Dépaysement assuré pour cette première étape des Routes de la soie proposées par Indésens.

    C’est assez naturellement qu’on en vient à Oriental Puzzle, une création contemporaine du jeune compositeur chinois Sheng Song, largement mis à l’honneur du reste dans cet opus. À l’alto, Riuxin Niu s’empare avec une grande maîtrise d’une pièce puisant ses influences dans la musique traditionnelle et l’opéra chinois, comme dans l’écriture musicale occidentale. Cela donne un morceau à la fois hétéroclite – un puzzle, donc – et cohérent. Loin de tourner le dos à la musique traditionnelle, Sheng Song assume tout de ses influences, que ce soit avec Nay Improvisation, que Sheng Song propose dans deux versions ou dans les somptueuses variations sur Yangguan, un classique du répertoire chinois et adaptation du poème Adieu à Yuan Er en mission pour Anxi : "Je vous exhorte à vider une dernière coupe de vin / Au-delà de Yangguan, il n’y aura plus d’amis", dit la poétesse avec un mélange de résignation, de pudeur et de douleur cachée. L'un des plus beaux morceaux de l'album.

    Plus étonnant encore, Esquisses et Cariccios, toujours de Sheng Song, propose de se diriger vers l’Orient, un Orient mêlant traditions dans ses thèmes (Le Nil, Palmier-dattier, Le Livre des Morts, La Plume de Maât) et le modernisme grâce à sa facture musicale.      

    L’Orient est de nouveau présent, cette fois avec Shadi Hanna qui propose de faire un pont entre traditions méditerranéennes et innovation occidentale. On s’arrêtera avec plaisir sur l’envoûtant Sama’i Nahawand qui semble paradoxalement très familier à nos oreilles, avec son dialogue entre mandoline et instruments à cordes. Shadi hanna propose une autre pièce, Qanum Improvisation, dont les textures musicales font se rejoindre Orient et Asie.

    Le compositeur phare de cette Route de la Soie artistique est Maurice Ravel himself

    Ruixin Niu met à l’honneur un compositeur important du XXe siècle, Gamal Abdel-Rahim (1924-1988), un passeur de la musique égyptienne dans la modernité, avec sa Petite Suite, traditionnelle dans son essence et contemporaine dans sa manière de se jouer des sonorités et des rythmes. On pourrait dire autant de sa dépaysante Mandolin Improvisation.

    Vincent Beer-Demander parle de sa courte pièce Le Poudin Mange des Bambous comme d’une "miniature musicale qui évoque l’empire du Soleil Levant". Il est vrai que cette fantaisie s’empare avec bonheur des rythmes et des sons de la musique chinoise.

    Le compositeur phare de cette Route de la Soie artistique est Maurice Ravel himself, avec une orchestration extrême-orientalisante d’extraits des Contes de Ma Mère L’Oye (Pavane, Laideronnette). Ruixin Niu est à l’œuvre dans cette version plus envoûtante que jamais et qui donne au compositeur français un lustre des plus chinois. Une sacrée redécouverte ! 

    Place de nouveau avec la jeune génération avec deux morceaux de la compositrice française Florentine Mulsant. L’altiste chinoise Ruixin Niu et Pierre-Henri Xuereb, à qui a été dédié ce morceau, jouent son Chant pour viole d’amour et alto, op. 117. Chant d’amour certes, mais aussi étrange voyage comme si la compositrice nous prenait par la main pour un voyage à deux dans un havre de paix. Elle propose elle aussi des improvisations (Percussions Improvisation), nous menant cette fois en Extrême Orient, dans un morceau appelant à la méditation.

    Le traditionnel, le classique le contemporain ont largement leur place dans cet opus. Mais le baroque aussi, avec Ludovico Berreta, compositeur vénitien du XVIIe siècle dont on a découvert récemment un Canzon à quattro. Cette pièce est enregistrée ici pour la première fois. Il est singulier de voir Sheng Song reprendre à son compte cette merveille baroque pour en faire une chanson actuelle, s’inspirant et rendant hommage au XVIIe siècle italien, tout en y insufflant des éléments chinois.

    Au final, pour ce dernier morceau, comme d’ailleurs pour l’album toute entier, rarement modernisme, classique et traditionnel n’ont fait aussi bon ménage. On le doit en premier lieu à la locomotive de ce projet, la formidable altiste Ruixin Niu. 

    The Silk Roads, Ravel, Sheng Song, Abdel-Rahim, Mulsant, Ruixin Niu (alto), Indesens Records
    https://indesenscalliope.com/boutique/the-silk-roads

    Voir aussi : "Si la musique m’était contée"

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  • Si la musique m’était contée

    Il faut d’abord saluer la bonne idée de cet album entièrement consacré à des contes mis en musique par Dana Ciocarlie au piano et Vincent Figuri en récitant. Ajoutons pour être complet la participation du violoniste Christophe Giovaninetti et du clarinettiste Philippe Cupper.  

    Avant de nous intéresser à Ma Mère L’Oye, le chef d’œuvre de Ravel, parlons du premier conte de l’opus, aussi peu connu que son compositeur. Nikolaï Tcherepnine (1873-1945) a terminé Le Conte du pêcheur et du poisson en 1917, juste avant son exil de la Russie communiste. Il a mis en musique un texte de Pouchkine, souvent mal traduit par Le Petit poisson d’or. Cette histoire de poisson magique, d’un pêcheur bon et sage et de sa femme acariâtre a été mise en musique dans un style romantique typique de la la musique russe de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Le talent de conteur de Vincent Figuri hypnotise dans ce joli conte moral, à découvrir absolument dans cet enregistrement de Salamandre.

    C’est Vincent Figuri qui a écrit le texte pour Ma Mère L’Oye. Il est vrai que cette petite merveille de Maurice Ravel (1875-1937) ne pouvait pas être absente du programme de l’album. Pour cette composition délicate et instrumentale datant des années 1908-1912, Vincent Figuri a imaginé quatre textes autour des figures légendaires de La Belle au bois dormant, du Petit Poucet (également présent plus tard dans l’opus), de Laideronnette et de la Belle et la Bête. Le talent de narrateur de Vincent Figuri est porté par des musiciens respectant la composition hyper sensible de Ravel, en particulier dans cette merveille qu’est Le jardin féerique – sans texte.

    "Ah! pauvre petite innocente, que de transes, que d'angoisses pour ce premier aveu d'amour"

    Reynaldo Hahn (1874-1947) a 18 ans lorsqu’il compose son délicat Clair de lune, vraiment typique de cette musique française des années 1890-1900. Sur des mélodies simples, Louis Montégut a imaginé un texte à la fois naïf et romantique – et non sans humour – sur deux jeunes gens s’éloignant pour batifoler en paix. Mais, même au milieu d’une nature plus bruyante qu’on ne le croie, s’aimer est-il encore possible ? "Ah! pauvre petite innocente, que de transes, que d'angoisses pour ce premier aveu d'amour."

    La mère et l’enfant d’Edouard Lalo (1823-1892), de la même période, doit sa présence à son titre. Ces deux pièces instrumentales ont été transcrites par Florent Schmitt (dont on regrette qu’il soit toujours si méconnu) pour le violon et le piano. Elles ont la particularité de ne pas être accompagnées de textes. L’auditeur ou l’auditrice gouttera le travail de mélodie et la facture néo-romantique de ces deux morceaux rares.  

    De Marcel Landowski (1915-1999), on connaît surtout son conte La Sorcière du placard aux balais. Or, c’est une œuvre moins connue qui est proposée ici, à savoir une déclinaison du Petit Poucet : Le Petit Poucet joue du piano. Dans le livret de l’album, Vincent Liguri précise que Landowski propose ici une composition à vocation ludique autant que pédagogique. "Chaque pièce développe un travail sur les gammes, le jeun détaché, le legato, les notes répétées…" Cela donne une version du Petit Poucet étonnante et très moderne, par un compositeur contemporain qui a toujours revendiqué son attachement à la musique classique, tonale et à sa liberté. Voilà qui est parfait pour clore cet enregistrement attachant et qui restera longtemps dans les têtes.

    Tcherepnine, Ravel, Hahn, Lalo et Landowski, Contes
    (Conte Du Pêcheur Et Du Poisson - Ma Mère L’Oye,
    Au clair de lune, La mère et l’enfant, Le Petit Poucet joue du piano)
    ,
    Dana Ciocarlie (piano) et Vincent Figuri (narrateur), Salamandre, 2025

    http://www.salamandre-productions.com
    http://www.vincentfiguri.eu
    https://www.danaciocarlie.com

    Voir aussi : "Satie Cool"
    "Loïe Fuller sur les pas de Salomé"

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