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Pour une fois, soulignons dans Rester des hommes, le deuxième EP de Reboot, le travail de batterie de cet excellent groupe de rock. On est sur le dur dans leur mini-album intitulé Rester des hommes, à la fois sincère et engagé.
Teardrop s’effarouche, en anglais, sur des sons de guitares, avec toujours cette batterie entêtante de Julien Giraud et un rythme qui, sans prétendre réinventer l’eau tiède, assume sa facture rock et ses influences ("Massive Attack cover", annonce d’ailleurs ce premier morceau).
Le titre qui donne son nom à EP se veut engagé comme jamais, grâce aussi à un clip bienvenu, réalisé par Seb Houis. "La violence serait-elle à l’intérieur de nous ?" s’interrogent Kourros et ses amis dans Rester des hommes. "La question est vite répondue", comme le disait un philosophe (sic). Reboot appelle à "rester debout", explorer et demeurer libre. Un message universel asséné avec puissance.
"La question est vite répondue"
Puissance qui frappe d’autant plus si on pense au titre suivant, Ces Ombres Sur La Scène, émouvant portrait d’une danseuse travaillant avec acharnement pour un "art difficile", au risque de l’échec. Se battre, tomber, se relever. On sera d’autant plus sensible de voir un groupe de rock s’attaquer à la danse, un art a priori si diamétralement opposé.
L’EP revient avec un dernier titre rock, Quand 2 et 1. L’amour, le couple et une histoire personnelle vécue à deux. Les guitares de Nicolas Dutaut et Jos, la voix de Kourros et les percussions de Julien Giraud sont au service d’un morceau plus intimiste qu’il ne paraît. Le tout, sans renier les essences du rock. Du vrai.
Ce qui frappe d’emblée dans l’envoûtant album Anthropology c'est la voix de Lucia Micarelli. Be My Husband, qui ouvre son nouvel opus, est une reprise d’un standard jazz de Nina Simone, adaptation lui-même d’un chant traditionnel afro-américain, Rosie. Pour cette fois, l’artiste étasunienne abandonne son instrument fétiche, le violon, pour préférer une interprétation dépouillée voix-percussions. Audacieux et bouleversant.
Elle se saisit plus loin de l’archer pour un air traditionnel roumain, Rustem, dans lequel la violoniste part dans une danse endiablée, offrant du même coup un aperçu de sa virtuosité. On sera captivé d’une autre manière par son interprétation incroyable d’une mélodie du compositeur élisabéthain Thomas Tallis (1505-1585). Sacrée découverte que ce Third Mode Melody ! On pourrait dire la même chose du traditionnel Very Day I’m Gone, chant de départ, chant de deuil et chant de l’exil bouleversant, interprété par une Lucia Micarelli, comme habitée : "Oh, the very day I′m gone / You will know what train I'm on / You will hear the whistle blow 100 miles / Hear the whistle blow 100 miles". Sans doute l’un de mes meilleurs titres de l’album.
Après un passage par le jazz, tout en rythme et en sonorités du sud américain (1B d’Edgar Meyer) puis par la folk avec une reprise pudique de Both Sides Now de Joni Mitchell, c’est du côté du classique que l’on retrouve la musicienne et chanteuse. Place, en l’occurrence, à un monument de Jean-Sébastien Bach, l’Adagio de sa première Sonate pour violon en sol mineur BWV 1001. Vous me direz qu’il s’agit là d’un morceau incontournable, certes difficile et demandant une grande dextérité. Voilà qui illustre en tout cas à la fois la virtuosité et l’ouverture d’une musicienne s’attaquant à tous les registres de ses cordes – vocales… et celles de son violon, bien entendu.
Un incroyable album pluriel qui rend Lucia Minarelli si attachante et si unique
Lucas Micarelli ne pouvait pas ne pas explorer le répertoire contemporain. C’est chose faite avec le Duo pour violon et violoncelle (partie III) de Zoltán Kodály (1882-1967). N’oublions pas non plus sa version des Red Violin Caprices de John Corigliano, thème et variations composés pour le film Le violon rouge, film oscarisé en 1999 et tombé hélas dans un relatif oubli – si l’on excepte toutefois justement sa BO, devenue un classique.
Parlons aussi de ces deux autres airs traditionnels que sont Black is the Color of My True Love’s Hair, une ballade écossaise bien qu’elle ait été aussi utilisée de l’autre côté de l’Atlantique dans les Chansons folkloriques anglaises des Appalaches du Sud de Cecil Sharp. L’album se termine avec le délicat Careless Love qui avait été immortalisé le siècle dernier par Madeleine Peyroux. L’artiste américaine s’empare de cette "ballade du XIXe siècle et de standard du Dixieland". Voilà qui achève de faire d’Anthropology un incroyable album pluriel, fascinant et qui rend Lucia Minarelli si attachante et si unique. On adore !
Altiera fait partie de ces artistes qui nous magnétisent dès que l’on commence à les connaître. Elle vient de sortir son single Tant pis, dont Bla Bla Blog s’était fait l’écho. Il nous a donné envie d’en savoir plus sur cette musicienne au parcours atypique, passionnant et aux ambitions certaines.
Bla Bla Blog – Bonjour, Altiera. Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ? Altiera – Je suis auteure, compositeure, interprète et productrice. J’ai commencé le piano quand j’étais petite puis je l’ai enseigné pendant plusieurs années. J’ai eu un Master 2 d’Histoire de l’Art et après avoir travaillé dans les musées et les galeries d’Art j’ai décidé de me lancer dans la musique. J’ai chanté dans les bars et aussi dans les sound system dans lesquels j’improvisais en chantant avec des rappeurs. J’ai publié 2 albums sous un autre nom de scène. Au moment du covid j’ai mis la musique en pause et j’ai travaillé sur un projet de peinture. Aujourd’hui je reviens à la musique avec un nouveau nom de scène et un nouveau projet.
BBB – Votre dernier single parle d’amour, mais d’amour déçu. Altiera –Tant pis c’est une chanson qui m’a été inspirée par une phrase du film Interstellar qui dit : "De toutes les choses que nous percevons, seul l’amour transcende les dimensions temporelles et spatiales". Cette phrase a résonné en moi à un moment où je vivais quelque chose qui nécessitait que je lâche prise. Je suis passionnée d’astronomie et écrire cette chanson m’a apaisé en imaginant que l’histoire d’amour qui ne peut pas fonctionner au présent existe peut-être ailleurs, dans un autre univers, une autre dimension ou une autre vie.
"Un film d’amour musical"
BBB –Quelles sont vos influences ? De quels artistes vous sentez-vous la plus proche ? Altiera – J’ai des influences diverses, j’ai grandit avec le rock, la chanson française et les chants corses. Quand j’étais adolescente j’écoutais beaucoup de hip-hop, de R&B et de trip hop. Je pense qu’aujourd’hui je suis très influencée par tous ces styles, y compris par l’électro, le blues, la soul et la musique classique. Je suis une fan absolue de Björk, Sade, Lana del Rey, Barbara, James Blake, Asap Rocky, Gwen Stefani, Lauryn Hill, Laura Pausini, Radiohead et Norah Jones. En ce moment j’écoute beaucoup des artistes de la nouvelle scène R&B anglophone comme Snoh Aalegra, Rimon, Sinead Harnett, Sabrina Claudio, Alina Baraz et Naomi Sharon.
BBB – Un EP est prévu pour 2026. On connaît déjà le premier single, Tant pis. Quel sera l’univers de ce mini-album ? Altiera – C’est un EP qui sera sous la forme d’un film d’amour musical. Ce projet parle d’Amour à 100% dans toutes les étapes de l’Amour; le coup de foudre, la rencontre, la beauté des sentiments mais aussi les peurs, la dispute, la rupture. C’est un projet que j’ai voulu complètement sincère quant aux sentiments, aux sensations, aux émotions et qui exprime la vulnérabilité à une époque où les écrans et les applications de rencontres tentent de faire croire que la vulnérabilité devient presque quelque chose de honteux. Je crois qu’aujourd’hui remettre l’amour, les sentiments et la vulnérabilité au centre c’est une forme de combat et de résistance.
BBB – Sur Bla Bla Blog, nous aimons parler de tous les arts ? Quels albums, films, séries et expositions vous ont le plus marqués dernièrement ? Altiera – Évidemment j’adore le film Interstellar et tous les films de Christopher Nolan et j’aime aussi les classiques du cinéma italien et américain comme L’Eclipse de Michelangelo Antonioni et Le Port de l’Angoisse de Howard Hawks. Dernièrement, j’écoute en boucle l’album de Rimon Children Of The Night et aussi le dernier projet de Naomi Sharon The Only Love We Know. L’été, j’aime écouter Karol G et bien sûr Bob Marley. D’ailleurs je crois que si je devais choisir un seul album à amener sur une île déserte ce serait sûrement un album de Bob Marley.
Attention, les oreilles ! Avec Abacaxi, le projet audacieux et passionnant de Julien Desprez, la guitare est poussée dans ses derniers retranchements, au service d’une création contemporaine audacieuse, sinon inédite. L’album est tiré d’une captation publique au Périscope de Lyon le 24 janvier 2024.
"Abacaxi", qui signifie "ananas" en brésilien, n’a rien d’un voyage latino. Par contre, le dépaysement est là, dans cette manière de s’approprier guitares et batterie bousculées, triturées, perfusées de rythmes rock et funk et au service d’un nouveau langage musical (Licasso).
Impossible d’être indifférent aux sons incroyables de Julien Desprez, à la composition et à la guitare, et de ses deux acolytes que sont Francesco Pastacaldi (batterie) et Jean-François Riffaud (basse). Devant le public du Périscope, le programme Abacaxi semble se jouer des outrances des grands guitaristes des années 60 et 70 – Jimi Hendrix en tête – pour montrer justement que l’on pouvait aller beaucoup plus loin dans la virtuosité, en mêlant rock, musique industrielle et contemporain (les trois parties de Quetzal). Cet art de faire tomber les barrières entre genre et gravement séduisant. Et déstabilisant.
Julien Desprez va jusqu’au bout de ses idées, étirant les six mouvements de l’album (Mainstream Desire dépasse les 13 minutes) pour en sortir tout le jus de son ensemble guitare-batterie-basse au service d’une composition incroyable d’imagination et même de mystère.
"Musique cubiste"
Pour définir l’album, Julien Desprez parle de "musique cubiste", "une musique où les éléments sont balancés dans l’espace… aucun de nous ne joue en même temps. Les sons se répondent dans un autre espace" et se répondent, non sans improvisation. On pense à la partie III de Quetzal. "On joue avec l’écriture pour prendre des libertés", ajoute, non sans malice et enthousiasme, Julien Desprez.
"Abacaxi" fait référence, non sans humour, à une expression locale qui veut dire, en français, "Il y a un pépin" – d’ailleurs, si pépin il y a eu durant ce concert du 24 juillet 2024, il n’a été que technique et géré avec humour, chaleur humaine… et partages de bières. Le public du Périscope a-t-il être déstabilisée par ce projet musical audacieux, pour ne pas dire "savant" ? Et bien, non ! "Parfois, cela provoque des sortes de transes dans le public. Ça crie !", ajoute le musicien et compositeur, ravi que l’aspect festif et rythmé de son opus ait trouvé ses admirateurs et admiratrices (Churros).
La musique contemporaine est-elle forcément chiante ? La réponse est évidente avec cet album proposé par b.records. Julien Desprez et ses amis font de la guitare et de la basse des instruments ayant toute leur place dans la création actuelle, nous interrogeant même sur les dialogues sonores entre musique savante et mainstream (le somptueux, envoûtant et non moins inquiétant Mainstream Desire). Il s’agit sans nul doute d’un album qui mérite de faire date dans sa manière de bousculer les genres et de repenser les instruments pop-rock dans la composition actuelle. Et tout cela, en rythme et dans la bonne humeur. Yeah !
Alegre Me Siento est leur 7e album, après 20 ans de collaboration entre jazz, soul et répertoire italien (Ultimo Caffè, Ie Nun Te Reggae Chiu’) : "C'est notre premier album en duo, on voulait mettre à nue notre complicité, notre synergie… En duo j'ai la possibilité de rechercher au mieux les possibilités et les nuances de ma voix."
Le piano d’Oscar Marchioni met en valeur la voix de crooneuse de Kicca, capable d’alterner sensualité, séduction, espièglerie (Ie Nun Te Reggae Chiu) avec rythme (Stop And Go) et instants de mélancolies amoureuses (Sei), mais non sans moments graves et douloureux (le magnifique See Where Love Goes To Die), sinon tragiques (Sing About Heaven).
Bonheur, joie de vivre mais aussi amour forment l’ADN de ce séduisant album de jazz
Le titre de leur nouvel opus, Alegro Me Siento – qui est aussi le titre du premier morceau –, ne saurait mentir : bonheur, joie de vivre mais aussi amour (Just Wanna Be Your Girl) forment l’ADN de ce séduisant album de jazz. Parlons d'amour et aussi d'amour qui finit mal. Même si séparation il peut y avoir, elle a des allures de libération ("Tomorrow i'm gone, no time for so longs, / Your lucky star, has now made it too far / And now it's me, and now it's time for me", Whoo You).
Alegre Me Siento est une vraie bouffée de bonheur et de messages à la sérénité. En témoigne le joli titre The Way To Be Fine. Comment être heureux ? s’interroge Kicca : "Travaillez pour semer la beauté et oublier les difficultés, allongez-vous sous un arbre et respirez en silence, comptez les étoiles et faites des vœux d'amour" ("Work to Sow beauty and forget the hardships, / Lie down under a tree and breathe in silence, / Count the stars and make love wishes").
C’est dans le swing que se termine l’album de Kicca et Oscar Marchioni (You Can’t Stop). Séduction et peps garantis.
Partons à la découverte d’une nouvelle voix dans la chanson française. Celle d’Altiera.
Elle vient de sortir son nouveau single Tant pis, alliage et alliance envoûtants de chanson française, de pop et d’électro. S’il s’agit bien d’amour dans ce titre, il s’agirait d’un désir d’amour ou plutôt d’un amour possible… mais dans une autre vie : "Dans une autre vie / Dans un autre univers / On s'aime pour la vie / Et il y a pas de galère".
L’auditeur et auditrice sera séduit.e par la voix chaleureuse et veloutée d’Altiera, servie par une musique très actuelle, rythmée et aux sonorités électros. L’artiste en a visiblement sous la pédale et on attend avec impatience la sortie de son EP prévu pour 2026. Une jolie découverte.
Alors que nous fêtons tout juste les 100 ans de la mort d’Erik Satie (1866-1925), voilà que nous arrive, en guise d’hommage, un album d’adaptations jazz par Hervé Sellin de quelques uns des chefs d’œuvre du compositeur français le plus extravaguant et le plus incroyable de l’histoire.
Nous avions parlé il y a un an de cela de son album Fauré-Ravel, déjà des revisites jazz et déjà aussi des Jazz Impressions, tendant à prouver que les barrières entre genre ne demandaient qu’à tomber. Voilà qui est d’autant plus pertinent et excitant pour Erik Satie, génial et foutraque compositeur aux œuvres lentes et contemplatives. Mais comment le jazz et ses rythmes peuvent-ils s’emparer d’un compositeur moderne, admiré et toujours très actuel ?
Hervé Sellin y répond sur le terrain de son instrument fétiche, le piano. La magnifique valse Je te veux devient un titre jazz moins sensuel et romanesque que mélancolique. Hervé Sellin assume son parti pris de faire de ce classique une pièce contemporaine sortant quelque peu de la valse originelle – que l’on est certes en droit de préférer.
L’humour de Satie est restée dans la version de Sellin des Trois morceaux en forme de poire. Le jazzman se sert de la pièce originale pour en faire une "suite pour trois jazzmen improvisateurs". Erik Satie sourirait de voir sa création de 1903 prendre un tel lustre cool. Humour toujours avec ces Airs à faire fuir. Je parle bien du titre, espiègle, parce que ce morceau est d’une belle facture jazz pour une promenade des plus rafraîchissantes.
Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière
Après la visite de la 2e Gnossienne, moins épurée et réellement séduisante pour son nouveau rythme, parlons de ces fameuses Gymnopédies qui ont indéniablement fait la notoriété d’Erik Satie. La première, en particulier, archi-jouée et archi-enregistrée, se devait de sortir des sentiers battus. Hervé Sellin a fait le choix de complètement la réinventer. Cette première Gymnopédie garde sa profonde mélancolie et sa lenteur chevillée au corps. Hervé Sellin l’adapte non sans smooth, grâce à la flûte inspirée de Christelle Raquillet. Même réinvention pour la 2e Gymnopédie. Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière, rythmée et avec ce je ne sais quoi de ce modernisme "satien". Imparable. La Gymnopedia proposé dans l’album est dédiée à Aldo Ciccolini qui fut le premier à enregistrer l’intégrale de la musique pour piano d’Erik Satie dans les années 60. Cette Gymnopedia se présente comme une vraie création originale. Hervé Sellin en fait une pièce délicate, marquant son respect pour un interprète capital dans l’histoire de Satie, tout comme dans la carrière d’Hervé Sellin.
Les Trois mélodies, une pièce souvent présente dans les anthologies sur Satie, portent ces mystérieux titres, Les Anges, Élégie et Sylvie. Trois chansons que l’on croirait post-impressionnistes, même si elles se teintent de sons et de rythmes jazz. Hervé Sellin parle de son désir au sujet de ces pièces d’avoir voulu "déshabiller et reconstruire les chanson", sans ostentation mais avec sincérité et une forme de romantisme.
Parlons des Avant-dernières pensées. Hervé Sellinn prennent le risque de faire de ces adaptations jazz des moments uniques entre classique, jazz et contemporain. L’accent mélodique, pour ne pas dire désespéré, de Satie prend tout son sens, y compris lorsqu’il se fait néo-romantique (Idylle). Humour rime avec amour dans son Aubade audacieuse et entêtante. Quant, à la Méditation qui vient compléter ces Avant-dernières pensées, elle devient un titre contemporain, méditatif et déconcertant.
Quoi de mieux qu’une Belle excentrique pour terminer un album rendant hommage d’une belle manière à Erik Satie, toujours aussi moderne, un siècle après sa mort. Cette "fantaisie sérieuse" (c’est le sous-titre trouvé par le compositeur) est une suite de danses parodiant les musiques du music-hall. C’est une œuvre tardive datant de 1921, commandée pour un ballet de la sulfureuse chorégraphe Caryathis. Pour cette artiste scandaleuse, il fallait une musique ne se prenant pas au sérieux, vivante et vivifiante. Satie s’est à l’époque influencée par le jazz. Il revient ici grâce au piano d’Hervé Sellin, pour la première suite Grande ritournelle. Une petite merveille et, pour beaucoup, une découverte. Satie aurait remercié Sellin pour ces revisites séduisantes.
Ne vous arrêtez par à ce look de hipster. Lucien Chéenne cache derrière sa barbe grisonnante l’âme d’un poète écorché vif.
Hôtel, qui ouvre son nouvel album Larmes aux poings – un titre magnifique que plus d’un et plus d’une aurait pu trouver – un bel album de chansons pop. Dans ce morceau d’ouverture, il chante la désillusion de ces nouveaux voyageurs, de solitude des VRP et de l’absurdité de ces "voyageurs du lointain", "des hôtesses sans prénom" et des "minibars dévastés".
Lucien Chéenne a composé ce nouvel album en partie à Astaffort avec l’aide de l’équipe de Francis Cabrel (Jérôme Attal, Julien Lebart, Olivier Daguerre). Il est vrai que l’on reconnaît les sensibilités pop-folk de Cabrel, tout comme le travail sur le texte. Que l’on pense à Je suis une fille, le portrait d’une jeune femme mal dans son genre ("Je suis une fille qui ne s’aime pas / Mais il y a un homme qui dort en moi"). Lucien Chéenne y interroge sa part féminine. "Je suis une fille est une folk-song qui trace son chemin entre Radiohead époque Ok Computer et le folk-rock psyché de Nino Ferrer période South", confie-t-il.
Le folk se fait méditerranéen – on parlait, tout à l’air de la petite ville d’Astaffort – avec cet autre morceau Les écorchés. Lucien Chéenne y parle de l’exil, des voyages déracinants et de la dignité de ces écorchés cherchant à poser leur valise. "Dans leurs yeux brillent la lumière d’une allumette / Petite flamme qui danse encore malgré le vent".
Lucien Chéenne est un artiste attachant, solide bonhomme ayant bourlingué et qui rend dans cet album attachant ses souvenirs, ses "parcours", ses chagrins même aussi ses espoirs, malgré tout ("Tout au long de nos parcours / On a couru derrière l’amour", Derrière l’amour).
Lucien Chéenne est un artiste attachant, solide bonhomme ayant bourlingué
Larmes au poing s’impose comme un opus honnête, sincère et sans artifices. Le règlement de comptes raconte un souvenir d’adolescent, celui d’un garçon refusant "la violence encore". La liberté, dit-il, c’est ne pas suivre "bêtement" les autres et assumer son bon côté : "À quinze ans j’irai pas / Au règlement de comptes / J’y pense depuis hier / Ma douleur est béante / Peu importe le bord / Et qu’importe mon clan". Un message à la fois subtil et sincère par un homme qui en sait quelque chose – il a été éducateur spécialisé dans une autre vie.
Dans Crachés dessus, c’est le récit d’une séparation "sans issue" dont parle Lucien Chéenne. Le travail sur la mélodie est remarquable, tout comme la facture pop-rock et l’invitation au voyage pour tout lâcher, à l’instar de Jack Kerouac. S’il chante un "amour sacrificiel" avec le singulier Vautour de mes bras, c’est avec le morceau Moitié des vacances scolaires que Lucien Chéenne se livre le plus. Il raconte son rôle de père séparé, battant les kilomètres pour son père : "Moitié des vacances scolaires / À mille planètes de toi / Quinze jours les années impaires / Dis-moi quand tu reviendras". Sans doute l’un des meilleurs titres de l’album, pour l’originalité de son sujet, pour le travail sur le texte comme pour la composition et la production.
Barbara avait chanté Nantes. Lucien Chéenne en parle dans un titre commençant sous forme de piano-voix au charmant accent suranné. La ville de Loire-Atlantique n’a pas le plus beau rôle : démente, nerveuse, démoralisante, étouffante et violente ("Nantes ma peine"). Comment s’en sortir ? En la fuyant, bien sûr.
L’album se termine avec Sauvage ennui, mélancolique et touchant récit d’une rencontre : "Souvent je pense à cette nuit / À l’odeur de ta peau charbon / Qui me hante toujours / La vie est d’un sauvage ennui / Quand tu disparais de l’autre / Côté de l’île". Au sortir de cet opus, on a la sensation d’avoir rencontré un artiste au cœur grand comme ça.