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public

  • Boulophilie

    Boule est de retour avec un album live, Boule vide son sac en public. Humour et nostalgie se partagent le terrain dans un opus enregistré au Trianon transatlantique de Soteville-lès-Rouen le 18 octobre 2024. Ce disque fait le bilan de 20 ans de carrière d’un artiste à la fois rare, magique, touchant et archi doué dans sa manière de nous emmener dans des confidences et saynètes douces-amères, à l’instar de son autoportrait L’ours polaire. Ce morceau est un hymne à la gentillesse, à la douceur, mais est aussi cri de colère : "Je suis un garçon doux et tendre / Je ne me suis jamais battu / Tolérant je peux tout entendre / Les mots ronds et les mots pointus / J'ai gardé un pied dans l'enfance / Toi tu veux me manipuler / Profiter de mon innocence / Va te faire enculer…" (sic).

    Sens de la mélodie, poésie, écriture fine mais aussi insolence. Boule mérite de figurer parmi les artistes les plus doués de sa génération. Que l’on écoute Avion, déclaration tendre à l’absente et appel à l’aventure qu’il avait interprété avec Jeanne Rochette en 2019 pour son opus Appareil Volant Imitant L'Oiseau Naturel ("A.V.I.O.N.") Qu’on ne se fit pas à l’aspect bonhomme de Boule et son léger zézaiement. L’homme n’est pas une oie blanche. La preuve lorsqu’il chante la mort d’un amour – dans les deux sens du terme. C'est l’objet du titre Le Poisson. Le morceau est suivi du Poison, "la version de la victime" du crime. Avec le sourire en prime et sur un rythme de cha-cha-cha.

    Boule marche sur les pas de Boris Vian et Bobby Lapointe dans ces chansons aux textes précis, drôles et bien vus. On pense au Percolateur, hommage aux réparateurs de machines à café, incompris et déconsidérés. Car c’est ce qui intéresse Boule : les gens ordinaires, celles et ceux dont on ne parle jamais (que l’on pense à la valse vintage à souhait Pied de coq et polyglotte) et qui deviennent d’autant plus singuliers et atypiques. L’artiste se fait cinglant dans Pensez à voir un psychologue. Humour noir garanti dans ces faits divers glauques que Sanseverino aurait pu composer les doigts dans le nez. C’est aussi Neuneuil, portrait d’un mauvais garçon – pour être poli : "Il avait un drôle de regard / Neuneuil / Toujours partant pour une bagarre / Neuneuil / Devant lui fallait baisser les yeux / C'était un petit roquet nerveux". Oui, le peu sympathique Neuneuil, "le roi des coups de pied dans les couilles". Aucune rédemption pour ce "con", mais qu’est-ce que c’est drôlement dit et chanté !  

    Boule marche sur les pas de Boris Vian et Bobby Lapointe

    Rose et Adèle parle, lui, du moment où les enfants doivent s’envoler. Plus grave, Boule se mue en vieux sage, parlant d’émancipation, du départ vers la grande vie et l’aventure, dans un rythme oriental et entêtant ("Filez à tire d’aile").

    Boule se dévoile tendre et mélancolique dans cet autre titre, C’est dommage, une ballade en forme de plainte sur la fin d’un amour, véritable fin du monde en soi racontée sans animosité mais non sans triste, juste quelques regrets ("On aurait pu mieux faire"). Il y a la même douceur dans Je ne touche plus, description d’un couple triste, décrépi et "déplumé [qui] ne s’endort plus jamais tout nu" ("Plus de bataille de polochons/ La lune s’endort en orbite / Je ne touche plus tes nichons / Et tu ne touches plus ma bite" !).  

    Pour Le même air, Boule s’inspire des rythmes balkaniques pour parler d’environnement et proposer une danse désespérée qui parle d’animaux en danger de mort. Dans Les Pizzas, Boule se met en colère contre la société moderne incapable de s’alarmer sur la fin des oiseaux, des poissons ("Ce que tu aimes c’est bouffer les pizzas en caressant ton i-Phone à la con").  

    En dépit de ces "gravitudes", Boule cultive la douceur et le simplicité. Pas de prise de tête chez cet artiste cultivant avec passion, l’amour, l’amitié et le vivre ensemble, à l’instar du virevoltant Politesses et banalités que tous et toutes ont au moins une fois vécu ("Je ne vais pas longtemps à cette soirée / Déjà deux minutes et je commence à m’emmerder / Entre deux généralités / Politesse et banalité / La prochaine fois je t’emmène au restau chinois"). Irrésistible.

    Et si Boule était un philosophe doué d’un poète ? Voilà ce que l’on se dit encore à l’écoute d’Atome par atome. Dans une lancinante ballade aux accents méditerranéens, l’un des plus beaux morceaux de l’album, l’artiste s’imagine revenir après sa mort, se recyclant de petits riens du tout ("Je m’éparpille partout"). Une vraie déclaration d’amour pour l’humanité et pour notre si belle terre.  

    Pour conclure ce live et bilan de vingt de carrière, Boule propose une version réactualisée d’une fable de La Fontaine, Le loup et le chien. Le public découvrira la manière dont un chanteur des années 2020 actualise un classique de la littérature française. Une nouvelle preuve du grand talent de Boule. Saluons enfin l’accordéon entêtant de Sonia Rekis. Un vrai plus dans cet opus public qui entend faire découvrir un artiste attachant.

    Boule vide son sac en public, Vache à Lait Productions, 2025
    https://sitedeboule.com
    https://www.facebook.com/Faceboule
    https://www.instagram.com/cedrikboule
    https://www.youtube.com/@Boule-officiel/videos
    https://boule.bandcamp.com/album/boule-vide-son-sac-en-public

    Voir aussi : "Boule à facettes"

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  • Magic Jazz

    Des reprises de jazz par Magic Malik à la flûte dans un album public passionnant enregistré au Baiser Salé parisien fin janvier 2024.

    C’est d’abord l’"Oriental Song" de Wayne Shorter dans une lecture bien entendu orientale, avec, soulignons-le, un Maxime Sanchez impérial au piano et la trompette éclatante d’Olivier Lasney. Damien Varaillon à la basse et Stefano Lucchini aux percussions viennent compléter le quintette de Magic Malik.

    Après cette entrée en matière planante et dépaysante, place à un jazz plus classique, toujours de Wayne Shorter. Cette fois, il s’agit du luxuriant "The Big Push". La recherche rythmique est au cœur de cette nouvelle version de Magic Malik. On sent la joie dans cette manière de se réapproprier ces standards du jazz. Parlons de l’osmose de ce quintette comme venu de nulle part.

    Ajoutons que Magic Malik signe "Joyeux printemps", une de ses créations en forme d’hommage et de preuve que le jazz est décidément vivante et bien vivant.

    Il y a du plaisir dans cet autre morceau, "Bu Delight" de Curtis Fuller. La virtuosité, le rythme endiablé et la densité sonore caractérisent un morceau que la flûte de Magic Malik vient transfigurer, comme si nous ne parlions pas de jazz, pas même de sons traditionnels mais de musique universelle, tout simplement. 

    Jazz transfiguré et dépaysant

    "Goodbye" de Gordon Jenkins entraîne l’auditeur vers un le plus beau des ailleurs, entre Occident et Orient, avec le jazz en compagnon de voyage. Mais c’est un jazz transfiguré et dépaysant grâce à Magic Malik et ses amis dont les recherches sonores font merveille.  

    Place ensuite à John Coltrane et à deux de ses standards, avec pour commencer un "Moment’s Notice" culotté et franchement ébouriffant. On reconnaîtra au bout d’une demie trente la trame mélodique de Coltrane. C’est également l’autre classique "Giant Steps" dans une version moins surprenante mais tout aussi magnétique.  

    Pour conclure cette programmation, le quintette de Magic Malik a inclus une reprise de "Gazzeloni" du jazzman Eric Dolphy. Voilà un jazz dont la modernité frappe aux oreilles, tout comme les sensations que proposent les cinq musiciens, partis ce soir de janvier 2024 au Baiser Salé dans un concert mémorable.

    Magic Malik, Jazz Association, b•records, 2024
    https://magicmalik.fr
    https://www.facebook.com/magicmalikmagic

    Voir aussi : "Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute"

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  • La jeunesse au pouvoir

    C’est un Voyage à Paris que je vous propose. Enfin, quand je vous dis "Je vous propose", disons plutôt que ce périple est musical, puisqu’il s’agit de la captation d’un enregistrement public à l’Académie Orsay-Royaumont en mai dernier, avec quatre jeunes artistes venant présenter un choix d’œuvres des XIXe et XXe siècle.

    Comme le titre de l’album l’indique, les compositeurs français sont à l’honneur, quoique pas intégralement. Francis Poulenc ouvre le bal avec cinq courtes chansons (mise à part "Sanglots", d’environ quatre minutes) de ses Banalités, avec la mezzo-soprano Brenda Poupard et la pianiste Anne-Louise Bourion. Nous sommes ici au cœur de la tradition classique française, avec un compositeur qui est un jalon essentiel entre le classique et le contemporain, et qui mérite d’être découvert ou redécouvert (on pense au délicieux et original "Fagnes de Wallonie"). Parmi les morceaux, figure le bref air "Voyage à Paris" qui donne son titre à l’opus. L’auditeur s’arrêtera sans doute avec intérêt sur le sombre "Sanglots". Francis Poulenc revient plus tard dans l’album avec un air de ses Chansons gaillardes, le délicieux "Sérénade", interprété cette fois par le baryton basse Adrien Fournaison et la pianiste Natallia Yeliseyeva. Le compositeur met en musique en 1925 les paroles d’un texte anonyme du XVIIe siècle : "Avec une si belle main, / Que servent tant de charmes, / Que vous tenez du dieu Malin, / Bien manier les armes. / Et quand cet Enfant est chagriné / Bien essuyer ses larmes".

    Brenda Poupard et Anne-Louise Bourion s’attaquent ensuite à un compositeur allemand, et pas le moindre. C’est Franz Liszt qui est mis à l’honneur, avec trois lieder au romantisme intact. S’enchaînent, avec élégance les airs "Lasst mich ruhen" (composé vers 1858), le lancinant "Über allen Gipfeln ist Ruh" (autour de 1849) et le plaintif "Gebet" (plus tardif, 1878 environ).

    Ce voyage parisien se poursuit avec Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva s’attaquant – évidemment, serait-on tenté de préciser – au plus français et parisien sans doute des compositeurs français, Gabriel Fauré. La subtilité de l’auteur du Requiem est flagrante dans la chanson pleine de mélancolie "L’absente". Moins connu sans doute pour le grand public, Henri Duparc est mis à l’honneur dans le sombre et naturaliste "La vague et le clocher". Outre la "Sérénade" de Poulenc, le programme d’Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva se poursuit avec un lieder du compositeur allemand du XIXe siècle Carl Loewe ("Elkönig"), assez typique du répertoire romantique, mais moins cependant que le "Harfenspieler I" de Franz Schubert. 

    Ambiance, ambiance

    C’est du reste ce dernier qui ouvre la section de la soprano Cyrielle Ndjiki Nya et la pianiste Kaoli Ono, avec deux autres lieder : "Der Zwerg" et "Totengräbers Heimwhle". L’auditeur gouttera la pureté de la voix de la soprano, naviguant dans les vagues pianistiques de Schubert avec un plaisir évident. Que l’on pense au lied "Der Zwerg", d’autant plus incontournable qu’il a été interprété par le passé notamment par Dietrich Fischer-Dieskau, Jessye Norman et, plus récemment, par Matthias Goerne. Déployant sa maîtrise, la soprano se montre puissante et sombre dans le "Totengräbers Heimwhle", le titre le plus long de l’album. On ne pourra qu’admirer la maîtrise et la technique du duo dans ce morceau plein de désespoir et d’appel à la paix définitive ("Ô destin / – Ô triste devoir – / Je n’en peux plus ! / Quand sonnerez-vous pour moi, / Ô heure de paix ?! / Ô mort ! Viens et ferme les yeux !"). Ambiance, ambiance.

    Au sombre romantisme vient succéder les Trois chansons de Bilitis de Debussy. Retour en France et à Paris, donc (L’homme est né à Saint-Germain-en-Laye et est mort dans le 16ᵉ arrondissement). L’auditeur gouttera avec délice ces airs impressionnistes portés par le piano plein de nuances de Kaoli Ono ("La flûte de pan") et l’étrange intimité ("La chevelure") qui sourd de ces chansons composées en 1897 d’après des textes originaux – et pseudo traductions du grec – de Pierre Louÿs : "Cette nuit, j’ai rêvé. J’avais ta chevelure autour de mon cou. J’avais tes cheveux comme un collier noir autour de ma nuque et sur ma poitrine". La modernité de Debussy est évidente dans "Le tombeau des naïades", mystérieux, inquiétant mais aussi sensuel : "Il me dit : « Les satyres sont morts. « Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau »".  

    Le ténor Ted Black, accompagné du pianiste Dylan Perez viennent conclure ce programme de Voyage à Paris avec, de nouveau, Debussy. Ils choisissent deux chansons des Proses lyriques, écrites entre 1892 et 1893. C’est le lyrique et romantique "De rêve", déployant de longues et colorées vagues, et le non moins lyrique "De fleurs". Ces mélodies ont été spécialement transcrites pour ténor. La voix à la fois puissante et subtile de Ted Black fait merveille dans ces airs d’une grande complexité, autant que brillants d’une lumière évidente ("De fleurs").

    Le programme et l’album se terminent avec un compositeur de la première moitié du XXe siècle. Erich Wolfgang Korngold, né en Autriche, est parti aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale où il a vécu et travaillé. Surtout connu pour ses BO de films hollywoodiens (Les Aventures de Robin des Bois, Capitaine Blood, L'Aigle des mers). Les lieder proposés, "Mond, so gehst du wieder auf" et "Gefasster Abschied" témoignent d’un esprit romantique tardif, atypique – et daté – alors que l’Amérique et l’Europe sont en plein mouvement contemporain. Cela ne nous empêche pas de découvrir avec plaisir un compositeur oublié, grâce à de jeunes talents qui n’oublient pas d’où ils viennent. 

    Voyage à Paris, Orsay-Royaumont Live, b-records, 2023
    https://www.b-records.fr/voyage-a-paris
    https://www.instagram.com/_brenda_poupard_
    https://www.linkedin.com/in/mlle-bourion
    https://www.facebook.com/AdrienFournaisonBarytonBasse
    https://natallia-yeliseyeva.com
    https://www.cyriellendjikinya.com
    https://www.kaoliono.com
    https://www.tedblacktenor.com
    https://www.dylanjohnperez.com

    Voir aussi : "En image, en musique et en public"

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