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  • Au cœur du BEA

    Les thrillers se sont intéressés à des centaines de milieux différents, mais, à mon avis, Boîte Noire est le premier polar ayant posé ses caméras au coeux du Bureau d’Enquête et d’Analyse (Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile ), le célébrissime BEA dont on n’entend parler que lors de grandes tragédies aériennes. Tel est d’ailleurs le sujet du long-métrage à succès de Yann Gozlan, avec Pierre Niney dans le rôle d’un enquêteur à la fois doué, perspicace, pugnace et torturé.

    Le crash d'un vol de la compagnie imaginaire European Airlines provoque la mort de plus de 300 passagers et membres d’équipage. L’avion ralliait Dubaï et Paris. La boîte noire de l’appareil est récupérée et s’avère utilisable pour l’enquête. Très vite, les soupçons portent sur un passager suspect ayant fomenté un attentat.

    Une plongée dans un milieu inconnu du grand public

    Mathieu Vasseur, un enquêteur bien noté du BEA se voit d’abord mis sur le carreau par son supérieur direct en raison de désaccords. Sauf que ce dernier disparaît subitement. Voilà donc Mathieu chargé de le remplacer, sous le regard admiratif de sa femme, Noémie, qui travaille elle aussi dans l’aéronautique. Chez le jeune spécialiste, quelques éléments dans la bande-son de la boîte noire font naître des doutes sur les origines de l’accident.

    La première qualité de Boîte Noire, qui a sans doute contribué à son succès critique et public, est la plongée dans un milieu inconnu du grand public. En dépit de quelques facilités classiques du scénario, le spectateur restera impressionné par les scènes d’analyses à partir de bandes sonores souvent dégradées : un bruit, un mot, un grésillement ou une interférence sont autant d’indices qui peuvent s’avérer capitales.

    Dans le rôle de l’enquêteur investi, exigeant et aux qualités exceptionnelles, Pierre Niney impose son talent comme sa rigueur. Toujours juste, y compris lorsqu’il se transforme en détective, il impose un personnage mystérieux, perturbé, sévère et que sa compagne, la formidable  Lou de Laâge dans le rôle de Noémie, essaie d’adoucir, avant d’endosser le rôle de complice… Mais nous n’en dirons pas plus.

    C’est en tout cas à voir et revoir, avec une bande-son de qualité, comme il se doit.

    Boîte Noire, thriller français de  Yann Gozlan,
    avec Pierre Niney, Lou de Laâge et André Dussollier, 2021, 129 mn

    https://www.unifrance.org/film/49138/boite-noire

    Voir aussi : "La menace fantôme"

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  • Cinq ans avec Macron

    Dans quelques semaines, les Français éliront leur prochain Président de la République pour cinq ans. Qui succédera à Emmanuel Macron, le plus jeune Président français ? Parviendra-t-il à se faire réélire ? Et sur quel programme ? 

    Suspense. En attendant, France Télévision propose en replay Cinq ans, un documentaire exceptionnel en trois volets retraçant un quinquennat historique à plus d’un titre. Évacuant la campagne électorale mouvementée de 2017 pour commencer son récit lorsque l’ancien énarque et ex ministre de l’économie succède à François Hollande, Cinq ans entend montrer les incroyables moments qui ont bouleversé les cinq ans de la Présidence d’Emmanuel Macron.  

    Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot ont choisi de découper le récit historique en trois parties : "Le temps des transformations" sur la la période "d’état de grâce", du début du quinquennat à l’automne 2018, "Le temps des incendies", consacré pour l’essentiel à la crise des Gilets Jaunes et "Le temps des contagions", consacré à la crise sanitaire et au Grand Confinement jusqu’à la mise en place du pass sanitaire. Bref, une histoire immédiate qui s'écrit sous nos yeux. 

    Les grands témoins de ces événements racontent de l’intérieur ce quinquennat atypique : les acteurs politiques (l’ex Premier ministre Édouard Philippe, le Préfet Didier Lallement, l’ex porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, l’ex ministre de l'Intérieur Christophe Castaner ou la conseillère en communication Sibeth Ndiaye), les opposants politiques (Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen), des personnalités issues de la société civile (Yarol Poupaud, Cyril Dion, Corinne Masiero, le syndicaliste Laurent Berger ou le gilet jaune Ghislain Coutard) et de nombreux Français.

    C’est peu dire que le mandat de Macron aura été celui de crises majeures et d’événements traumatisants : crise des Gilets Jaunes, incendie de Notre-Dame de Paris, attentat contre Samuel Patis ou crise sanitaire.

    En vérité, rien n’aura été épargné au jeune chef d’État qui, pourtant, avait commencé son mandat dans un climat presque euphorique : sa jeunesse, sa fougue, son désir de transformations d'une "vieille nation" peuplée de "Gaulois réfractaires" et son optimisme avaient fait de lui le chouchou des étrangers. Couvaient cependant des défauts rédhibitoires d’un Président qualifié de "Président des riches" (voire de "Président des très riches" selon son prédécesseur) et que la réussite éclatante lors des Présidentielles de 2017 (il n’a jamais eu de mandat électif auparavant et semble avoir tout réussi) rend condescendant, pour ne pas dire hautain.   

    "Enfant-roi"

    Au reproche d’"enfant-roi" formulé par Marine Le Pen devant les caméras de Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot, François Bayrou préfère dire que son (jeune) confrère et ami, qu’il conseille, a le défaut d’être "trop" : trop jeune, trop brillant, trop doué…

    Après la période d’état de grâce, qui dure grosso modo de sa victoire aux Présidentielles de 2017 à la Coupe du monde de football de 2018 (que la France remporte), succèdent une série de crises inédites. La première est celle de l’insurrection des Gilets Jaunes, qui marque durablement le Président, notamment en décembre de cette année-là, avec le saccage de l’Arc de Triomphe puis l’incendie de la Préfecture du Puy-en-Velay (le Préfet de l'époque soulignera le traumatisme de cet événement qui aurait très bien ou aboutir à des drames sanglants). Une journaliste du Monde fait remarquer avec justesse qu’après cette série d’émeutes populaires, suivies d’un Grand Débat National, la présidence de Macron connaît l’Incendie de Notre-Dame, un accident gigantesque mais traumatisant qui va paradoxalement sauver la Présidence. Jusqu’à l’arrivée du Covid-19 et de la première grande pandémie mondiale.

    C’est une gageure de proposer un tel récit sur notre histoire immédiate, avec le recul nécessaire pour saisir les enjeux d’une période révolutionnaire. Car les journalistes n’omettent pas de parler des autres bouleversements majeures : crise environnementale, #Meetoo et le féminisme, luttes contre les inégalités et transformations sociales inédites.

    Pour faire leur récit, Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot se sont appuyées sur d’abondantes images d’archives, complétées par des interviews de celles et ceux qui ont marqué cette période – à l’exception notable du principal intéressé. Ne manquent pas des analyses de politologues et sociologues mais aussi des images issues de réseaux sociaux, capitales dans le déclenchement et le prolongement de la crise des Gilets Jaunes comme il l'est expliqué.

    Pour replonger dans ce quinquennat inédit, une bande son des tubes des cinq ans rythme les trois films (Orelsan, Angèle, Grand Corps Malade ou Vianney).

    Ce documentaire passionnant proposé par France 5 est disponible plusieurs semaines. De quoi alimenter les débats et les réflexions à quelques semaines des prochaines échéances électorales. 

    Cinq ans, documentaire français de Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot,
    Trois parties, 2021, 140 mn, France 5, en replay

    https://www.france.tv/france-5/cinq-ans
    @jeromebermyn
    @rbaillot

    Voir aussi : "Hors-série Présidentielles 2017"
    "Hors-série Grand Confinement"

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  • Paris-Salvador avec Vicente et Marianna

    Vicente e Marianna ce sont les Français Vincent Muller et Marianne Feder, qui signent leur premier album, De Paris à Salvador. Si le mot "métissé" peut être utilisé, c’est bien pour cet opus, se jouant des influences de la chanson française et des sons et rythmes brésiliens.

    De Paris à Salvador séduit par son choix du voyage, de la fête et de l’amour, à l’image du titre qui ouvre l’opus, "Sur le chemin du monde", une chanson souriante, ensoleillée et brésilienne. Nous dirions même qu’il y a de la comédie musicale à la Jacques Demy dans son parti-pris : "Si tu me fais de l’ombre / Quand me soleil m’inonde / C’est pour me protéger / De ma cupidité / C’est pour nous redonner / Un peu de légèreté".

    Vicente e Marianna, bien dans leur époque, font le choix, dans le morceau "Mon cœur confine", du rythme insensé pour nous parler de liberté, d’amour, d’espoir mais aussi… de confinement : "J’ai bien tout fermé les portes des fenêtres / Mais je t’ai tout donné à l’aveuglette… Et mon cœur confiné en solitaire / Je n’ai pas rangé mon espérance / Et mon âme chante en toi / Sur cette danse".

    Le brésil coule dans les veines du duo, que ce soit dans le choix de rythmes ("Les bras de Poséidon"), dans des revisites ("Canto de Iemanja" de Baden Powell et Vinicius de Moraes ou le mélancolique et amoureux "Un amour d’hiver", du même Baden Powell) ou de ses plongées dans la culture traditionnel brésilienne.

    Le public français risque fort de découvrir le xote

    Il faut à ce sujet s’arrêter sur "O xote do peixe e da borboleta", littéralement : "Xote du poisson et du papillon". Le public français risque fort de découvrir le xote, un style musical traditionnel originaire du Nordeste, sur des paroles poétiques, que les musiciens s’approprient "sous les rythmes endiablés / Du xote et du samba-reggae". Il est encore question de poésie naïve, onirique et colorée avec "Na pele" : "Un à un j’ai conquis les nuages / Qui me faisaient ombrage / Sur ta peau".

    Avec "Bom au cœur", nous voilà toujours au cœur du Brésil, dans ce titre qui marque la signature de l’album : "Ailleurs / Bom au cœur / De Paris à Salvador / O meu amor / Pour recommencer ailleurs." Et tout cela sur des rythmes sud-américains qui font du bien sous nos climats de frimas hivernaux ("Au même tiempo").

    Vicente e Marianna prennent le parti, avec "L’attente", d’une facture plus occidentale et urbaine. Le talk-over de Vincent Muller parle avec sincérité de l’amour comme fil conducteur, un amour à la fois grave et léger, confiant et libre, et faisant fi des frontières et des océans.

    Une mélancolie infinie traverse "Absinthe absence" : "Sous le soleil qui brûle / Plus rien ne brille". Il s’agit d’un chant sur l’absence, l’absent ou l’absente. Qui n’a pas ressenti cela ? Comment surmonter cela ? La réponse ne pourrait pas être celle d’un pis-aller et d’un abandon à la fois vain et nécessaire : "Alors j’attends que l’absinthe / Me mène jusqu’au ciel / Dans mon paradis artificiel".

    Il faut noter enfin que Vicente é Marianna signent le titre "Dernier rendez-vous", la chanson de la BO de la série "L’amour flou", en bonus de l’album. La chanson est interprétée par Romane Bohringer et Philippe Rebbot.

    Vicente e Marianna, De Paris à Salvador, Les Musiterriens, 2021
    https://www.facebook.com/VicenteMarianna

    Voir aussi : "Jazz muté"

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  • Dialectique du maître et de l’esclave

    Redonner vie à des personnages de ses précédents romans : voilà le fil conducteur du recueil de nouvelles d’Eva Delambre, Parfums d’Elles (éd. Tabou). Il n’est nécessaire pas pour autant d’avoir lu les livres précédents de l’auteure pour se plonger dans ces aventures "d’après". Plutôt que des suites, il faut dire que ses six récits (mettons de côté le dernier texte, "Évidence") constituent des histoires à part entière qui sont une bonne introduction à l’univers d’Eva Delambre.

    Cet univers est celle de soumises. Les héroïnes, que ce soit Léna, Cosy, Léna, Ange et même l’auteure ("Elle"), naviguent dans le milieu BDSM. Là est vraiment la première qualité du recueil, qui nous parle avec justesse, précision et sensibilité mais aussi franchise, violence et crudité de ces hommes et de ces femmes assumant une sexualité se jouant des codes sociaux.

    Parfums d’Elles raconte ces femmes ayant choisi d’assumer et de jouer le rôle d’esclaves par plaisir, ce qui peut sembler contre-nature. Ces décisions peuvent surprendre mais elles font presque partie de l'ADN de ces femmes, ce que l’auteure raconte à sa manière dans le premier récit, "« Elle »" : la narratrice vient de donner naissance à un bébé. Sa vie et celle de son compagnon (le "Maître") tourne autour des langes, des nuits blanches, des biberons et de toutes ces contraintes que connaissent les jeunes parents. Une famille ordinaire, en somme. Mais parce qu’il voit sa compagne à bout et miné par un implacable baby blues, celui qui partage sa vie décide de lui offrir un week-end à deux - le bébé est confié aux grand-parents - où ils pourront assouvir des fantasmes qu’elle pensait être du passé : "Désormais, je savais que ces moments autres allaient continuer à exister, et que même s’ils étaient plus rares, ils n’en seraient pas moins intenses."

    Nous n’irons pas jusqu’à dire que ces couples fonctionnent comme ceux dits "classiques", même si tous cherchent un équilibre : "Après tout, le BDSM était différent des relations de couples dits classiques. Pourquoi attendait-elle les mêmes règles ? Les mêmes engagements ?" ("Ange")

    Dans ces jeux où se mêlent complicité, confiance et perversité, il peut arriver que les relations maîtres et esclaves soient renversées

    Les scènes épicées et crues, où ne manquent ni les tortures volontairement données et subies, ni les jeux sexuels parfois extrêmes (la nouvelle "Laura" n’en est pas avare), côtoient de très belles pages sur l’amour, le désir, les fantasmes, les doutes sur le partenaire ("Ange"), les frustrations ("Cosy") et même la jalousie. Dans "Léna", si limite il y a, elle est à voir sous le prisme de l’affection et de la passion, sans que la condition d’esclave ne soit remise en cause par la soumise qui s’interroge sur sa condition lors d’une promenade sur l’île de la Cité.

    Il est encore question d’amour dans "Esther", qui est le récit d’une femme "libérée" d’un ancien amant après une rupture mais qui perd pied, avant de trouver un autre homme avec qui c’est elle qui mène leur relation non sans fiel ni une forme de perversité. Mais qui souffre réellement, ici ?

    Dans ces jeux où se mêlent complicité, confiance et perversité, il peut arriver que les relations maîtres et esclaves soient inversées. Dans "Laura", Eva Delambre parle de "Lien" entre le maître et sa soumise, avec des propos qui risquent bien de déstabiliser beaucoup de lecteurs : "Comme à chaque fois, il sera plus dur que jamais. Et plus que jamais, je serai à ma place."

    Nulle part, sans doute, la complexité, la fascination, le "lâcher-prise" et finalement la "déraison" ne sont décrits avec autant de justesse et de passion communicative que "Cosy" : l’auteure met en scène dans un quartier d'affaires un jeu de séduction dont Cassandre, une cadre supérieure, va être la "victime consentante".

    Dans cette dialectique du maître de l’esclave, Eva Delambre laisse le dernier mot à Maître Tesamo ("Évidence"). Cette parole masculine et sadique parle de relations BDSM, d’amour et d’attachement – dans tous sens du terme – sur fond d’un voyage au Japon. Il y narre des épisodes de la vie d’un couple pas tout à fait comme les autres, comme une évidence.

    Pour public adulte averti.

    Eva Delambre, Parfums d’Elles, éd. Tabou, 2021, 240 p.
    http://www.tabou-editions.com/fr/jardins-de-priape/801-parfums-d-elles-9782363260932.html
    http://www.evadelambre.com
    https://www.facebook.com/eva.delambre

    Voir aussi : "La vie (sexuelle) des jeunes"
    "L’érotisme en littérature à l’honneur le week-end prochain"

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  • Juliette Armanet franchit le mur du son

    Il y a plusieurs points communs entre Juliette Armanet et Clara Luciani : de la même génération (entre vingt et trente ans), les deux chanteuses françaises ont connu le même succès critique et public pour leur premier album (en 2017 avec Petite amie pour la première et l’année suivante avec Sainte-Victoire pour la seconde), toutes deux signent pour le label Romance et voilà qu’à quelques mois d’intervalles, elles proposent leur deuxième album – Cœur pour Clara Luciani et Brûler le feu, sorti  fin 2021 – aux couleurs du disco… et de l’amour.

    Voilà qui prouve au moins que ce mouvement musical s’étalant entre le milieu des années 70 et le début des années 80 marque un retour en force. Et l’amour dans tout ça ? Et bien, disons que le fait que la rythmique du disco est celle se rapprochant le plus des battements du cœur n’est pas anodin.

    "Le dernier jour du disco" est le titre phare de l’album de Juliette Armanet, devenu déjà un tube, rythmé, dense et sensuel, chanté par une interprète qui est passée du statut d’espoir de Petite Amie à celle de diva du disco ("Tu me play", « Boum boum baby").

    La chanteuse s’affirme comme l’une des plus belles voix de la chanson française, parvenant à pousser dans les aigus comme peu d’artistes peuvent le faire. Que l’on écoute pour s’en faire une idée "J’te le donne", "HB2U", "L’Épine" ou "Sauver ma vie".

    Et l’amour dans tout ça ?

    En vérité, limiter Brûler le feu à un revival du disco serait inélégant, injuste et restrictif. Car Juliette Armanet s’impose d’abord et avant tout comme une artiste mettant l’amour au cœur de ce deuxième opus ("Qu’importe"), certes toujours dans un style seventies. À tout point de vue, Juliette Armanet met le feu, comme elle semble le dire à l’auditeur : "J’ai mis le feu dans ta tête", "Tu me play").

    Toujours étincelante, la chanteuse remet de la même manière au goût du jour un style jusque là désuet : les slows irrésistibles ("J’te le donne", "L’Épine", "HB2U"). Il y a aussi ces ballades où Armanet n’est jamais meilleure que lorsqu’elle parle d’amour, toujours ("Imaginer l’amour", "Je ne pense qu’à ça") : amour pur, indispensable, sensuel ("Le dernier jour du disco", "Je ne pense qu’à ça"), simple et sans fioriture ("Boum boum baby"), celui qui donne "le rouge aux joues", qui blesse ("L’Épine"), qui frustre ("J’te donne") ou qui abîme ("Sauver ma vie"). Juliette Armanet suit la voie de Véronique Samson, dont l’ADN est plus présent que jamais dans "Vertigo", le duo de Juliette Armanet avec SebastiAn.  

    Résolument moderne et contemporain, Brûler le feu surfe sur une forme de nostalgie, y compris dans la production lorgnant du côté de Phil Spector, avec ces murs de son incroyable que l’on retrouve dans l’un des morceaux les plus impressionnants de l’album, "Sauver ma vie" : "Tonnerre, tout s'éclaire comme un coup de génie / Je ne sais pas comment faire, mais je dois sauver ma vie / L'un de nous devait être de trop / Le soleil n'ira pas plus haut, c'est ainsi."

    Juliette Armanet, Brûler le feu, Romance Musique, 2021
    https://www.facebook.com/JulietteArmanet
    @juliettearmanet

    Voir aussi : "On ne meurt pas d’amour"

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  • Goldorak, go !

    "Accours vers nous, prince de l'espace, Viens vite, viens nous aider. Viens défendre notre terre, elle est en danger…" : beaucoup d’entre vous aurons reconnu l’un des génériques de Godorak, la série phare de la fin des années 70. Par la suite, le robot mythique né au Japon allait devenir en France un véritable phénomène de société et lancer la mode du manga.

    C’est (presque) sans surprise que ce soit précisément de France que renaisse Godorak et consorts – Actarus, Vénusia, Alcor et autres Phénicia – à travers une bande dessinée imaginée et scénarisée par Xavier Dorison et parue aux éditions Kana. Trois autres auteurs rendent hommage à l’œuvre mythique de Gō Nagai :  Denis Bajram, Brice Cossu et Alexis Sentenac. Trois amoureux du "merveilleux robot" et "chevalier solitaire", dont Actarus est autant le pilote que l’alter-humain – ou plutôt "alter extra-terrestre", puisque le Prince d’Euphor est un réfugié sur terre après une guerre et un génocide sur sa planète.

    Grâce à la magie de la BD, la série animée Goldorak qui se déroulait à la fin des années 70, reprend vie quelques années plus tard… à notre époque. Les héros, que ce soit Vénusia, Alcor, Mizar, le professeur Procyon, Rigel ou Banta se sont pour la plupart dispersés et perdus de vue. Quant à Actarus et Phénicia, ils ont quitté la terre pour rejoindre leur planète d’origine. Évidemment, Goldorak est parti avec eux. Mais lorsqu’un Golgoth, appelé Hydragon, fond sur la terre – plus précisément sur le Japon – c’est la panique. Goldorak paraît être la seule parade contre cette nouvelle attaque de l’Empire de Vega. Sauf que cela fait depuis des années qu’il est à des années-lumière de la planète bleue. 

    Splendeur visuelle

    Un revival est toujours un exercice à haut vol. Comment faire revivre un héros mythique que la mémoire et la nostalgie ont figé dans une sorte de formol ? Le risque de trahison est à très haut risque.

    Or, le pari est réussi pour cette BD qui marque le retour du héros géant, de son pilote Actarus, du fougueux Alcor et de la douce Vénusia. On oubliera le petit souci chronologique concernant Rigel : l’action se passe dans les années 2010-2020, ce qui rendent les souvenirs de cet ancien soldat de la Guerre du Pacifique peu probables.

    C’est bien là le seul point faible d’un roman graphique qui puisse ses références graphiques dans le manga, comme il se doit. Les fans de Goldorak retrouveront notamment les célèbres batailles et armes de guerre du géant d’acier : "Atolargue.. Astérohache… Pulvonium… Achiléochoc..."

    Mais là où les scénaristes se montrent malins et intelligents c’est dans le refus de tout manichéisme, y compris lorsqu’il s’agit de parler d’une civilisation extraterrestre destinée à annihiler la terre pour la coloniser. Actarus se dévoile en frère d’arme autant qu’en ennemi soucieux de garder une coexistence pacifique entre peuples ennemis. Le conflit va finalement se terminer de manière inattendue, dans une conclusion des plus ouvertes.

    Graphiquement enfin, ce Goldorak nouvelle génération est une splendeur visuelle, respectant les canons de la création de Gō Nagai  - c’était la condition sine qua non de cette aventure – tout en y insufflant une modernité de bon aloi. 

    Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu  et Alexis Sentenac, Goldorak, 2021, éd. Kana, 168 p.
    https://www.kana.fr/bd-goldorak-ledition-collector-limitee/#.YeUDM_7MKM9
    https://goldoraknostalgie.wordpress.com

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"

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  • Quel tempérament !

    Je vous avais parlé il y a quelques mois de la pianiste italienne Beatrice Rana à l’occasion d’un de ses premiers albums sur le second concerto pour piano de Prokofiev et le célébrissime premier de Tchaïkovski.

    Voilà maintenant la musicienne s’attaquant à Chopin, et plus précisément aux douze Études opus 25 et aux quatre Scherzi
    Ces Études, composées de 1832 à 1836 avant d’être éditées en 1837, ont été dédiées par le compositeur polonais à la Comtesse d’Agoult, qui a été la maîtresse de son ami Franz Liszt.

    Beatrice Rana s’attaque à cette œuvre importante de Chopin avec un solide tempérament, fait de virtuosité (l’Étude n°6 en sol dièse mineur ou la n°11 en la mineur), de technicité (Étude n° 8 en ré bémol majeur), de solidité et de subtilité (Étude n°4 ).

    Parler de romantisme dans l’exécution de cet opus 25 serait un raccourci très classique – si on peut le dire ainsi. En réalité, la pianiste italienne utilise toutes les gammes de son talent et toute sa technicité pour proposer un enregistrement passionnant, vivant et élégant, à l’instar de la première étude (Étude n°1 en la bémol majeur "La harpe éolienne").

    La jeunesse s’exprime dans toute son évidence lorsque Beatrice Rana se fait virevoltante et aérienne (l’Étude n°2 en fa mineur, "Les abeilles"). Son jeu se fait dansant dans la n°3 en fa majeur, justement surnommée "Le cavalier". Qui dit jeunesse dit insouciance, une caractéristique que l’on peut retrouver dans l’Étude en mi mineur (surnommée "La fausse note" en raison de dissonances volontairement glissées par le compositeur), complexe jusqu’à s’égarer dans des chemins aventureux et modernes.

    Technique, virtuose mas sans effet de manche

    Moderne, l’Étude n°6 frappe par sa complexité et par sa très grande virtuosité dans ce qui s’apparente à un objet autant romantique que pré-debussyen.

    Romantique, Chopin l’est indubitablement dans l’Étude n°7 en ut dièse mineure, avec cette tendre mélancolie comme dans la n°10 ("Aux octaves"), plus sombre et sur laquelle plane une puissance romantique autant qu’une inspiration plus introspectif, parvenant à prendre l’auditeur à contre-pied.

    Beatrice Rana séduit particulièrement avec l’Étude 9 en sol bémol majeur ("Le papillon), étude technique, virtuose mas sans effet de manche, avec une maîtrise qu’on ne lui enlèvera pas. Plus bouleversante encore, l’Étude n°11 en la mineur démarre comme une marche funèbre, avant de  se déployer, majestueuse et sombre. Disons aussi qu’il souffle sur ce morceau un "vent d’hiver". C’est d’ailleurs le surnom donné à cette œuvre.

    L’opus 25 se termine avec la douzième étude en ut mineur, exécutée avec souplesse mais aussi avec une belle solidité.

    L’enregistrement de Beatrice Rana est complété par les quatre Scherzos (op. 20, 31, 39, 40 et 54), qui ont été composés entre 1831 et 1842 par Frédéric Chopin. L’on pourrait qualifier ces morceaux de divertissements à la fois joueurs, dansants mais non sans une certaine noirceur.

    Beatrice Rana s’en empare avec grâce, vivacité et une certaine insouciance, à l’instar du Scherzo n°4 en mi mineur. La virtuosité de la pianiste sert à merveille le premier Scherzo en si mineur ("Le bouquet infernal"), dans lequel ne manquent pas ces vagues singulières que l’on croirait métaphysiques. L’interprète se montre à la fois solide dans ce jeu et délicate dans le deuxième Scherzo en si bémol mineur. Ici le romantique se pare de romanesque grâce à ses lignes mélodiques harmonieuses.

    L’avant-dernier titre de l’album, le Scherzo n°3 en do dièse mineur se révèle dans toute sa modernité. Mélancolique et d’un sacré tempérament dans son rythme, il précède le seul Scherzo en majeur (mi majeur), aussi léger et agréable à l’oreille qu’une déclaration amoureuse.

    Voilà qui conclue de la meilleure des manières un des albums classiques importants de l’année 2021. Et une confirmation du très grand talent de Beatrice Rana.

    Frédéric Chopin, Études op.25 et 4 Scherzi, Beatrice Rana, piano, Warner, 2021
    https://www.beatriceranapiano.com
    https://www.facebook.com/BeatriceRanaPiano
    https://www.warnerclassics.com/fr/artist/beatrice-rana

    Voir aussi : "Une Italienne parle aux Russes"
    "Au salon avec Chopin et Haley Myles"

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  • La menace fantôme

    L’homme invisible, imaginé par HG Wells à la fin du XIXe siècle, vient d’avoir un nouvel avatar grâce au film de Leigh Whannell, sobrement intitulé : Invisible Man. L’excellente Elisabeth Moss (La Servante écarlate) est au cœur de cette aventure mêlant sciences et fantastique, dans lequel ce fameux homme invisible s’avère moins important que le parcours de sa compagne.

    Compagne ou plutôt ex compagne, car lorsque le film démarre, Cecilia Kass fuit le domicile conjugal et son mari Adrien Griffin. Grâce à la complicité de sa sœur Emily, elle se met à l’abri, chez un ami commun, James Lanier, où elle loge. L’avenir s’éclaircit pour cette femme harcelée par son mari lorsqu’elle apprend qu’Adrien s’est suicidé. Mieux, son testament l’informe que le mari violent, mais aussi scientifique renommé en optique, lui a laissé plusieurs millions de dollars.

    Or, quelques jours plus tard, elle se dit victime d’actes malveillants dont le coupable ne serait qu’Adrien, non seulement bien vivant, mais aussi invisible.

    Le film s’aventure moins vers l’horreur que vers le film de SF, voire vers le film de super-héros

    Leigh Whannell a choisi pour cette histoire d’invisibilité de s’intéresser à une victime, car ce scientifique apprenti-sorcier s’avère d’une perversité et d’une violence bien peu recommandables. Le film commence comme un thriller psychologique, distillant les effets grâce à des jeux de cadrages et de regards – ceux précisément d’Elisabeth Moss. Peu à peu, le film s’aventure moins vers l’horreur que vers le film de SF, voire vers le film de super-héros (ou plutôt anti-super-héros).

    À cet égard, Invisible Man est une rencontre inattendue entre le film hitchcockien, La Mouche ou Venom. En outre, dans cette période post-#Meetoo, le message adressé aux femmes battues et harcelées est évident. Cependant, les créateurs ont refusé le manichéisme en proposant une fin déstabilisante.  

    Les effets spéciaux se font discrets, ce qui les rend d’autant plus efficaces. On retiendra surtout le visage d’effroi de Cecilia Kass/Elisabeth Moss lorsqu’elle piège l’agresseur invisible grâce à un seau de peinture blanche.

    Une revisite inattendue du chef d’œuvre de H.G. Wells.

    Invisible Man, film fantastique américain de Leigh Whannell, avec Elisabeth Moss, Oliver Jackson-Cohen et Harriet Dyer, 2020, 125 mn, Canal+
    https://www.canalplus.com/sport/invisible/h/10309375_50001
    https://www.universalpictures.fr/micro/invisible-man

    Voir aussi : "Abominables additions"
    "Maîtres et servantes"

     

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