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brésil

  • International Chico César

    Chico César propose avec ce nouvel et dixième album qu’est Vestido de Amor son opus le plus international. Il revient avec des chansons aux couleurs multiples, naviguant du forro nordestin au reggae jamaïcain, de la rumba zaïroise aux langueurs du calypso, du coco des pêcheurs côtiers aux électricités du rock urbain.

    Bien entendu, ses racines brésiliennes – à commencer par sa langue – ne sont pas oubliées, à l’instar du doux et sucré "Flor Do Figo". Cette fleur de figuier permet au musicien de chanter la liberté, l’amour et le lâcher-prise : "De novo algo aconteceu comigo / Me sinto vivo, livre, solto no ar / A liberdade é meu melhor abrigo" ("Quelque chose m'est arrivé à nouveau / Je me sens vivant, libre, dans les airs / La liberté est mon meilleur abri").  

    Le titre "Vestido de Amor" permet à Chico César d’habiller ses compositions de sons électroniques, avec une facture pop internationale – mais toujours en brésilien et avec le besoin et l’envie de vivre l’amour avec douceur, légèreté et insouciance : "O que me veste é tão leve / Leva a mansidão de amar / A imensidão de ser vida viva / Para o amor encontrar" ("Ce qui m'habille est si léger / Il faut la douceur d'aimer / L'immensité d'être vivant / Pour trouver l'amour"). Il est encore question d’amour dans la suave ballade "Te Amo Amor".

    Le voyage en Amérique du Sud continue avec le passionnant et envoûtant "Reboliço". Ce morceau de Chico César fait merveille : dansant, rythmé et proposant une revisite de l’amour et de la passion sous l’angle des télénovelas. Osé, malin et bien vu. "Nem a Globo faz / Uma novela como a que vida fez / Eu 'to amando e sou amado outra vez / Esse enredo, esse novelo é bom demais" ("Même Globo ne le fait pas / Un feuilleton comme celui que la vie a fait / Je suis amoureux et je suis encore aimé / Cette intrigue, ce feuilleton est trop bien").

    "Amorinha", une balade mélancolique, est un chant d’amour pour une femme qui n’est, hélas, pas libre. Est-ce grave ? Les amours vaines ne font de mal à personne, chante Chico César ("Amores vãos vêm / Na paz não fazem mal a ninguém").

    Jamais sans doute l’engagement n’a paru aussi captivante et sexy

    Avec "Sobre Humano" l’artiste brésilien ose un savoureux mélange des couleurs grâce à Salif Keita. Nous voilà entre l’Amérique du Sud et l’Afrique dans un titre humaniste dans l’âme : "Quem acha que é maior / E vai comprar pois tem dinheiro / É insano pois a vida é uma só / Um só lugar" ("Celui qui pense qu'il est plus grand / Et l'achètera parce qu'il a de l'argent / C'est fou parce qu'il n'y a qu'une seule vie / Un seul endroit"). Ce voyage de l’autre côté de l’Atlantique, le musicien brésilien le fait avec cet autre morceau, "Pausa", à la très grande poésie : "As lágrimas lavaram o mundo / Mas o pranto não cessou / Era um buraco tão fundo / Que o dilúvio não findou / E a nossa sede era de ser / E era amor" ("Les larmes ont lavé le monde / Mais les pleurs n'ont pas cessé / C'était un trou si profond / Que le déluge n'a pas fini / Et notre soif devait être / Et c'était l'amour").

    Il est question d’engagement encore plus frontal avec le formidable "Bolsominions", pourfendeur des adorateurs de Bolsonaro qui était encore Président au moment de la sortie de l’album du poète, écrivain, journaliste, ancien secrétaire d’État sous Lula et musicien qu’est Chico César. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’artiste brésilien ne ménage pas ses coups contre le Président populiste et libéral : "Les bolsominions sont des démons / Qui sont sortis de l'enfer", chante-t-il ("Bolsominions são demônios / Que saíram do inferninho"). On peut remercier et applaudir Chico César de faire de ce morceau engagé un joyau musical (six minutes trente, tout de même), un chef d’œuvre de maestria et de virtuosité et un titre à faire danser les damnés de la terre. Jamais sans doute l’engagement n’a paru aussi captivant et sexy qu’avec ce diabolique "Bolsominions", le meilleur extrait titre de l’album, sans aucun doute.    

    Retour en Afrique avec le tout aussi formidable "Xango Forro e Ali", avec Ray Lema en featuring. L’auditeur verra dans ce séduisant morceau un appel au vivre ensemble, à la joie de vivre et à la main tendue par-delà les frontières.

    Toujours désireux d’insuffler de nouvelles influences dans son opus, Chico César s’avance du côté du reggae avec des sonorités pop-rock pour cette déclaration sensuelle et enflammée qu'est "Corra Linda" : "Corra linda / Tu visse / Eu quero te encher de xêro / De dengo até tu transbordar" ("Corra Linda / Tu vois / Je veux te remplir d'amour jusqu'à ce que tu débordes").

    Vestida de Amor se termine, comme l’on peut s’en douter, dans le rythme, la danse et aussi l’amour. Mais cette fois, avec "Na Balustrada", Chico César désarçonne l’auditeur avec ce qui peut s’écouter comme un hymne à l’amour se jouant du temps qui passe et de l’âge des artères : "O que é um pouco mais de tempo ou de combustível / Se o nível da adrenalina faz a gente ir?" ("Qu'est-ce qu'un peu plus de temps ou de carburant / Si le niveau d'adrénaline vous fait avancer ?"). L’amour est incroyable, conclue le chanteur.

    Et l'on est bien obligé de le croire. 

    Chico César, Vestido de Amor, Zamora Prod, 2022
    https://chicocesar.com.br
    https://www.facebook.com/OficialChicoCesar
    https://www.instagram.com/oficialchicocesar

    Voir aussi : "Thomas Kahn, volcanique !"
    "Chanter dans les forêts de Sibérie avec Jean-Baptiste Soulard"

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  • Danses avec Barbara Hannigan, de Kurt Weill à la Lambada

    On adore Barbara Hannigan sur Bla Bla Blog. Soprano géniale, la chanteuse canadienne s’est frottée  à un répertoire très large, du contemporain (Lulu de Berg, Le Grand Macabre de Ligeti), au classique français (La Voix humaine de Poulenc), sans cacher son appétence pour l’orchestration. Elle dirige le Ludwig Orchestra depuis 2011, et c’est justement avec cette formation qu’elle propos son dernier album, Dance With Me.

    Les ayatollahs du classique vont certainement ruer dans les brancards à l’écoute de ce disque qui va de Kurt Weill à la "Lambada", en passant par "Copacana" ou la "Moonlight Serenade". Et pourtant, il faut bien plonger dans ce séduisant opus qui fera sans doute le bonheur de beaucoup à quelques semaines de fêtes de Noël.

    Barbara Hannigan, au chant et à la direction, met à l’honneur, avec grand orchestre, des standards et des classiques du XX siècle. Le très jazz "Moonlight Serenade" de Glenn Miller, interprété avec chaleur par la soprano, précède le mambo et désormais classique "Quien sera".

    Mais l’auditeur fondera en premier lieu sur ce joyau qu’est "Youkali" de Kurt Weill. On écoutera et on réécoutera jusqu’à plus soif ce tango métaphysique et déchirant, composé en français : "Youkali, c'est le pays de nos désirs / Youkali, c'est le bonheur, c'est le plaisir / Youkali, c'est la terre où l'on quitte tous les soucis". Immanquable !

    le tube de Kaoma est teinté de jazz, prenant un lustre et une classe incroyable

    Pour "Copacabana" de Barry Manilow, la cheffe d’artiste a eu droit à la collaboration de Lucienne Renaudin Vary, l’une des instrumentistes et trompettistes les plus douées de sa génération. Et l’on peut dire que la puissance, la chaleur et le swing de la Mancelle font merveille dans cette samba archi-connue. Pareillement, l’auditeur découvrira ou redécouvrira certainement George Hamilton Green et Wallace Irwin avec "Fluffy Ruffles", leur formidable ragtime au xylophone  que Barbara Hannigan chante avec une fougue communicative, accompagnée par un orchestre à l’avenant.

    Avec la valse "Je veux t’aimer" de Robert Stolz, tiré de la BO du film C'est un amour qui passe de  Géza von Bolváry (1932),  nous voilà dans le grand romantisme, à faire fondre les cœurs de guimauve que nous sommes. On sera pareillement sensible au quick step "Whispering" (1920) de John Schönberger, dirigé par une Barbara Hannigan à la conduite enlevée, colorée et d'une belle densité.

    Restons dans les danses de salon - que le public redécouvre depuis quelques années grâce à la télévision. Dance With Me propose une version orchestrale de la chanson "My Shawl" de Xavier Cugat, "le roi de la rumba". On retrouve également la voix de la soprano avec son adaptation de la comédie musicale My Fair Lady. La diva canadienne reprend le tube "I Could Have Danced All Night" (composé et écrit par Frederick Loewe et Alan Jay Lerner) qu’Audrey Hepburn avait fait connaître dans le monde entier.

    Après un retour au jazz avec le célébrissime "In The Moon" de Wingy Malone et arrangé par Bill Elliott, on ne peut évidemment passer sous silence la grande surprise de cet album de Barbara Hannigan : l'étonnante reprise de "Lambada". Quelle surprise de voir ce tube populaire de l’été de 1989 ! Wikipedia nous apprend d’ailleurs que la lambada est un style musical à part entière, né au Brésil, et qui mélange carimbo, reggae, salsa et merengue. Ici, le tube de Kaoma est teinté de jazz, prenant un lustre et une classe incroyable. Ce morceau n’est vraiment pas à rater.

    L’opus de Barbara Hannigan se termine avec la très belle danse lente d’Edward Elgar, "Salut d’amour", op. 12. Voilà une occasion de découvrir que le compositeur anglais n’est pas que celui de "Pompes et circonstances".

    Dance With Me proposait de remettre à l’honneur ces danses du XXe siècle devenus légendaires ? Pari gagné haut la main, grâce à une Barbara Hannigan qui démontre que éclectisme n’est pas une insulte.

    Barbara Hannigan, Dance With Me, Ludwig Orchestra,
    avec Lucienne Renaudin Vary, Bill Elliott et le Berlage Saxophone Quartet, Alpha Classics, 2022

    https://www.barbarahannigan.com
    https://outhere-music.com/en/albums/dance-me

    Voir aussi : "Je m'en irai à Guéthary"
    "Histoires de tangos par Lucienne Renaudin Vary"
    "Barbara Hannigan est Lulu"
    "Deux pour le prix d’un"

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  • Analyse d’une analyse

    Au sujet de Jacques Lacan, dont Betty Milan est à la fois une admiratrice et une disciple, le lecteur de son court essai Pourquoi Lacan (éd. Érès) pourra avoir l’image d’un psychanalyste élitiste, obscur et qui cultivait cette approche déroutante : "Un maître dont la pratique exigeait la plus grande patience" et avait du mal à "se soumettre aux impératifs de la communication immédiate".

    Ceci dit, ce Pourquoi Lacan a cette immense qualité d’être immédiatement accessible. Il se lit comme le témoignage d’une femme dont la rencontre avec Jacques Lacan s’est d’abord faite sur le divan du plus grand psychanalyste, avec Sigmund Freud. "Il a changé ma vie. Il m’a permis d’accepter mes origines, mon sexe biologique et la maternité", écrit Betty Milan en début d’ouvrage.

    "J’ai fait mon analyse avec Lacan dans les années 1970. Quarante ans après sa mort, j’ai eu envie de revenir sur ce qui s’était passé au 5 rue de Lille" annonce l’auteure dès l'ouverture. À l’époque, celle qui n’est encore qu’étudiante brésilienne en psychiatrie se paie l’audace de frapper au cabinet du célèbre praticien et scientifique, au départ pour préparer un séminaire au Brésil sur les théories lacaniennes. Betty Milan est à Paris pour raisons universitaires mais cet exil s’expliquait aussi par les liens intellectuels de la France et de son pays d’origine. La situation politique du Brésil, en pleine dictature à l’époque, n’est pas non plus étrangère à sa présence au pays de Voltaire. La première visite chez Lacan sera suivie par plusieurs autres, dans le cadre d’une analyse.

    "Le Docteur"

    Grâce au témoignage de Betty Milan, le spectateur entre dans la tête d’une jeune Brésilienne des années 70, tiraillée entre plusieurs cultures puisque sa famille est originaire du Liban. Sa reconnaissance pour le psychanalyste ("Le Docteur" comme elle l’appelle) est immense : "Lacan  a éclairé ma route, en permettant qu’une descendante d’immigrants libanais, victime de la xénophobie des autres et de la sienne propre, puisse enfin s’accepter".

    L’ancienne analysée, devenue elle-même psychanalyste – lacanienne –, fait entrer le lecteur dans le cabinet du praticien et relate les échanges qu’elle a pu avoir avec lui au cours de séances souvent courtes. Elle raconte comment Jacques Lacan interrompait ses séances au moment où des informations pourtant importantes, commençaient à être révélées.

    Betty Milan parle des rendez-vous réguliers, de l’interprétation des rêves, de la place de l’argent mais aussi du problème de la langue maternelle qui constituait a priori un obstacle à l’analyse (en ce sens, le titre  Pourquoi Lacan – sans point d’interrogation – prend tout son sens). 

    Betty Milan parle aussi de la France, de Paris, des années 70 mais aussi du déracinement et de ses questionnements sur ses origines et sa liberté de femme. Car c’est bien de la réinvention de la vie dont il est question dans cette analyse d’une analyse chez une figure historique des sciences humaines disparue en 1981.

    Betty Milan, Pourquoi Lacan, éd. Érès, 2021, 160 p.
    https://www.editions-eres.com/ouvrage/4773/pourquoi-lacan
    https://www.bettymilan.com.br/fr

    Voir aussi : "En tongs avec Platon"
    "Lorsque les arbres pensent"

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  • Paris-Salvador avec Vicente et Marianna

    Vicente e Marianna ce sont les Français Vincent Muller et Marianne Feder, qui signent leur premier album, De Paris à Salvador. Si le mot "métissé" peut être utilisé, c’est bien pour cet opus, se jouant des influences de la chanson française et des sons et rythmes brésiliens.

    De Paris à Salvador séduit par son choix du voyage, de la fête et de l’amour, à l’image du titre qui ouvre l’opus, "Sur le chemin du monde", une chanson souriante, ensoleillée et brésilienne. Nous dirions même qu’il y a de la comédie musicale à la Jacques Demy dans son parti-pris : "Si tu me fais de l’ombre / Quand me soleil m’inonde / C’est pour me protéger / De ma cupidité / C’est pour nous redonner / Un peu de légèreté".

    Vicente e Marianna, bien dans leur époque, font le choix, dans le morceau "Mon cœur confine", du rythme insensé pour nous parler de liberté, d’amour, d’espoir mais aussi… de confinement : "J’ai bien tout fermé les portes des fenêtres / Mais je t’ai tout donné à l’aveuglette… Et mon cœur confiné en solitaire / Je n’ai pas rangé mon espérance / Et mon âme chante en toi / Sur cette danse".

    Le brésil coule dans les veines du duo, que ce soit dans le choix de rythmes ("Les bras de Poséidon"), dans des revisites ("Canto de Iemanja" de Baden Powell et Vinicius de Moraes ou le mélancolique et amoureux "Un amour d’hiver", du même Baden Powell) ou de ses plongées dans la culture traditionnel brésilienne.

    Le public français risque fort de découvrir le xote

    Il faut à ce sujet s’arrêter sur "O xote do peixe e da borboleta", littéralement : "Xote du poisson et du papillon". Le public français risque fort de découvrir le xote, un style musical traditionnel originaire du Nordeste, sur des paroles poétiques, que les musiciens s’approprient "sous les rythmes endiablés / Du xote et du samba-reggae". Il est encore question de poésie naïve, onirique et colorée avec "Na pele" : "Un à un j’ai conquis les nuages / Qui me faisaient ombrage / Sur ta peau".

    Avec "Bom au cœur", nous voilà toujours au cœur du Brésil, dans ce titre qui marque la signature de l’album : "Ailleurs / Bom au cœur / De Paris à Salvador / O meu amor / Pour recommencer ailleurs." Et tout cela sur des rythmes sud-américains qui font du bien sous nos climats de frimas hivernaux ("Au même tiempo").

    Vicente e Marianna prennent le parti, avec "L’attente", d’une facture plus occidentale et urbaine. Le talk-over de Vincent Muller parle avec sincérité de l’amour comme fil conducteur, un amour à la fois grave et léger, confiant et libre, et faisant fi des frontières et des océans.

    Une mélancolie infinie traverse "Absinthe absence" : "Sous le soleil qui brûle / Plus rien ne brille". Il s’agit d’un chant sur l’absence, l’absent ou l’absente. Qui n’a pas ressenti cela ? Comment surmonter cela ? La réponse ne pourrait pas être celle d’un pis-aller et d’un abandon à la fois vain et nécessaire : "Alors j’attends que l’absinthe / Me mène jusqu’au ciel / Dans mon paradis artificiel".

    Il faut noter enfin que Vicente é Marianna signent le titre "Dernier rendez-vous", la chanson de la BO de la série "L’amour flou", en bonus de l’album. La chanson est interprétée par Romane Bohringer et Philippe Rebbot.

    Vicente e Marianna, De Paris à Salvador, Les Musiterriens, 2021
    https://www.facebook.com/VicenteMarianna

    Voir aussi : "Jazz muté"

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  • Paris-Salvador avec Vicente et Marianna

    Vicente e Marianna ce sont les Français Vincent Muller et Marianne Feder, qui signent leur premier album, De Paris à Salvador. Si le mot "métissé" peut être utilisé, c’est bien pour cet opus, se jouant des influences de la chanson française et des sons et rythmes brésiliens.

    De Paris à Salvador séduit par son choix du voyage, de la fête et de l’amour, à l’image du titre qui ouvre l’opus, "Sur le chemin du monde", une chanson souriante, ensoleillée et brésilienne. Nous dirions même qu’il y a de la comédie musicale à la Jacques Demy dans son parti-pris : "Si tu me fais de l’ombre / Quand me soleil m’inonde / C’est pour me protéger / De ma cupidité / C’est pour nous redonner / Un peu de légèreté".

    Vicente e Marianna, bien dans leur époque, font le choix, dans le morceau "Mon cœur confine", du rythme insensé pour nous parler de liberté, d’amour, d’espoir mais aussi… de confinement : "J’ai bien tout fermé les portes des fenêtres / Mais je t’ai tout donné à l’aveuglette… Et mon cœur confiné en solitaire / Je n’ai pas rangé mon espérance / Et mon âme chante en toi / Sur cette danse".

    Le brésil coule dans les veines du duo, que ce soit dans le choix de rythmes ("Les bras de Poséidon"), dans des revisites ("Canto de Iemanja" de Baden Powell et Vinicius de Moraes ou le mélancolique et amoureux "Un amour d’hiver", du même Baden Powell) ou de ses plongées dans la culture traditionnel brésilienne.

    Le public français risque fort de découvrir le xote

    Il faut à ce sujet s’arrêter sur "O xote do peixe e da borboleta", littéralement : "Xote du poisson et du papillon". Le public français risque fort de découvrir le xote, un style musical traditionnel originaire du Nordeste, sur des paroles poétiques, que les musiciens s’approprient "sous les rythmes endiablés / Du xote et du samba-reggae". Il est encore question de poésie naïve, onirique et colorée avec "Na pele" : "Un à un j’ai conquis les nuages / Qui me faisaient ombrage / Sur ta peau".

    Avec "Bom au cœur", nous voilà toujours au cœur du Brésil, dans ce titre qui marque la signature de l’album : "Ailleurs / Bom au cœur / De Paris à Salvador / O meu amor / Pour recommencer ailleurs." Et tout cela sur des rythmes sud-américains qui font du bien sous nos climats de frimas hivernaux ("Au même tiempo").

    Vicente e Marianna prennent le parti, avec "L’attente", d’une facture plus occidentale et urbaine. Le talk-over de Vincent Muller parle avec sincérité de l’amour comme fil conducteur, un amour à la fois grave et léger, confiant et libre, et faisant fi des frontières et des océans.

    Une mélancolie infinie traverse "Absinthe absence" : "Sous le soleil qui brûle / Plus rien ne brille". Il s’agit d’un chant sur l’absence, l’absent ou l’absente. Qui n’a pas ressenti cela ? Comment surmonter cela ? La réponse ne pourrait pas être celle d’un pis-aller et d’un abandon à la fois vain et nécessaire : "Alors j’attends que l’absinthe / Me mène jusqu’au ciel / Dans mon paradis artificiel".

    Il faut noter enfin que Vicente é Marianna signent le titre "Dernier rendez-vous", la chanson de la BO de la série "L’amour flou", en bonus de l’album. La chanson est interprétée par Romane Bohringer et Philippe Rebbot.

    Vicente e Marianna, De Paris à Salvador, Les Musiterriens, 2021
    https://www.facebook.com/VicenteMarianna

    Voir aussi : "Jazz muté"

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  • Balles au pied

    Deux portraits, deux documentaires, deux personnalités exceptionnelles et deux joueurs de football légendaires. Hasard du calendrier télévisuel, Netflix et Canal+ proposent presque en même temps deux films qui vont passionner tous les amateurs de ballon rond.

    Le premier, consacré à notre "platoche" national, conte l’histoire – presque – ordinaire d’un petit gamin de Meurthe-et-Moselle devenu en quelques années le roi des stades, sans avoir pu toutefois toucher le nirvana (en l'occurrence une coupe du monde) avec son équipe nationale.

    Les plus âgés d’entre nous savent qu’avant que Michel Platini ne devienne l'un des pontes décrié du football européen, il fut un milieu de terrain au pied magique, élu par un magazine spécialisé comme le meilleur footballeur français du XXe siècle, devant Zinedine Zidane et Raymond Kopa. Il a rendu fou ses adversaires avec des coups francs venus d’une autre planète, et son génie lui a valu trois ballons d’or consécutifs, de 1983 à 1985.

    Jean-Marie Goussard a choisi pour son documentaire des archives non-commentées, donnant à son film un aspect brut, qui permet au spectateur de se régaler autant que de juger par lui-même la qualité d’un joueur qui n’a joué que dans trois équipes nationales (Nancy, le mythique Saint-Étienne et la Juventus de Turin). Cette relative fidélité fait de Platini "le dernier romantique", comme l’indique le sous-titre du film. Évidemment, le must du must de sa carrière exceptionnelle reste la demi-finale de 1982 contre l’Allemagne, un sommet du sport mais aussi de la dramaturgie, qui n'a pas laissé au joueur le mauvais souvenir que l'on penserait.

    Un sommet du sport mais aussi de la dramaturgie

    L’autre documentaire, sobrement intitulé Pelé, nous vient de Grande-Bretagne et parle lui aussi d’un génie du football – si ce n’est DU génie. Pelé, moins connu qu’on ne le croit, a droit à un portrait à la fois élogieux et nuancé. Le palmarès de Pelé fait rêver : trois coupes du monde avec l’équipe nationale, des dizaines de coupes nationales dont deux coupes intercontinentales et le championnat américain et pas moins de 1300 buts (dont un record de 8 buts pour un seul match). Le joueur accepte pour ce film de témoigner devant la caméra.

    C’est essentiellement sur ses coupes du monde que s’intéresse le réalisateur. Huit ans après le traumatisme de la finale perdue en 1950 à domicile contre l’Uruguay, en 1958 Pelé devient à 17 ans un héros national en remportant son premier titre important. Un titre que l’équipe nationale conserve quatre ans plus tard, même si Pelé se blesse et ne participe pas aux matches à élimination directe. En 1970, en fin de carrière, le Roi Pelé est de retour dans ce qui reste comme le sommet de sa carrière.  

    David Tryhorn et Ben Nicholas écornent malgré tout l’image de ce génie du ballon rond lorsqu’ils parlent de la manière dont Pelé a vécu la période de dictature militaire brésilienne de 1964 à 1985. Les témoins n’épargnent pas celui qui reste le Brésilien et le footballeur le plus connu au monde : il était "Incapable de contester, de critiquer" et "Il se faisait remarquer par son manque de prise de position politique", apprend-on de quelques témoins. Plus gênant encore, la coupe du monde gagnée en 1970 a constitué un inespéré coup de projecteur sur les dictateurs de cette "guerre sale".

    Sans pour autant refuser ces critiques, Pelé répond en joueur de foot qu’il fut : "Je ne pensais pas que je pouvais faire quelque chose… Je n’étais pas Superman, je ne faisais pas de miracle… Je suis absolument certain d’avoir bien plus aider le Brésil en jouant et en vivant comme je l’ai fait…"

    Platini, le dernier romantique, Documentaire français de Jean-Marie Goussard, 2021, 112 mn
    https://www.canalplus.com/articles/sports/platini-le-dernier-romantique
    https://www.canalplus.com/sport/platini-le-dernier-romantique/h/15754352_50001
    Pelé, documentaire britannique de David Tryhorn et Ben Nicholas, 2021, 108 mn
    https://www.netflix.com/fr/title/81074673

    Voir aussi : "Lev Yachine, l’araignée dorée" 

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  • Je ne suis pas un repenti

    Voilà un long-métrage qui vous a sans doute échappé, alors qu’il est sans doute l’un des meilleurs de l’année 2019 et qui peut se targuer d’être l’un des très grands films sur la mafia. Le traître de Marco Bellocchio, avec Pierfrancesco Favino  dans le rôle de Tommaso Buscetta, le repenti le plus célèbre de l’histoire, a été injustement oublié lors du Festival de Cannes, même s’il a été primé à de multiples reprises.

    Nous sommes en 1980 en Sicile, au cours d’une fête somptueuse qui entend marquer la réconciliation de plusieurs clans de Cosa Nostra. Une nuit des dupes en réalité, car c’est une guerre mafieuse qui se prépare. Sentant le danger, le criminel et malfrat Tommaso Buscetta choisit de partir au Brésil pour continuer ses affaires plus ou moins louches. Il emmène avec lui sa famille, hormis ses deux fils aînés, et réussit, contre toute attente, à devenir une personnalité publique reconnue. Alors qu’il apprend qu’une guerre entre clans s’est déclenchée en Sicile et que ses deux fils restés au pays ont été assassinés, c’est un autre coup dur qui s’abat sur lui : la police brésilienne s’intéresse à ses affaires, le torture puis l’extrade vers l'Italie.

    Le juge Falcone l’attend. Le "Monsieur Mains Propres" a décidé de s’attaquer à Cosa Nostra et Tommaso Buscetta, par sa connaissance du Milieu, peut lui donner de précieuses informations. Le mafioso refuse d’abord, arguant qu’il n’est pas un repenti, mais il change d'avis sur les conseils de sa femme et finit par tout avouer et tout déballer : des noms, des crimes, le fonctionnement de la mafia sicilienne toute puissante. C’est le point de départ du Maxi-Procès de Palerme ("le procès du siècle", une expression qui a rarement porté aussi bien son nom) qui envoie en cellule près de 350 criminels. 

    Ce suspect se cousant la bouche pour protester contre son procès

    Le traître suit le parcours d’un homme hors-norme, singulièrement mort de sa belle mort en 2000. Tout en suivant le parcours tumultueux de Tommaso Buscetta (avec notamment les scènes spectaculaires et féroces au Brésil), Marco Bellocchio tourne avec une précision géniale les réunions des clans mafieux comme les arcanes du Maxi-Procès de 1986-1987. On devient spectateur privilégié de scènes spectaculaires et surréalistes, à l’exemple de ce suspect se cousant la bouche pour protester contre son inculpation. Le réalisateur italien passe très rapidement la période américaine de Buscetta. Il fait l'impasse par exemple de l’affaire de la Pizza Connection qui condamne là encore plusieurs centaines de mafiosi au cours des années 80. C’est en réalité l'Italie qui intéresse le cinéaste, qui se fait aussi procureur lorsqu’est traité un autre procès, celui de Giulio Andreotti, dont les liens avec la mafia  n’ont jamais été prouvés.

    Le film regorge d’autres moments clés : l’attentat du juge Falcone filmé au plus près comme jamais sans doute, la réaction des clans à la nouvelle de sa mort, les relations entre Buscetta et sa femme Cristina (formidable Maria Fernanda Cândido) et bien entendu les face-à-face entre le repenti et Falcone.

    Pour le rôle de Tommaso Buscetta, Pierfrancesco Favino réalise un tour de force grâce à une interprétation tendue et tout en subtilité. Tour à tour cruel, rongé par le doute, simple, arrogant ou tout simplement anti-héros magnifique, l’acteur italien porte cet extraordinaire film sur ses seules épaules. Pour son interprétation d’un traître aux yeux de Cosa Nostra, l’acteur a été récompensé à plusieurs reprises, tout comme d’ailleurs le réalisateur.

    Ce qui était largement mérité.

    Le traître, drame historique italien, français, allemand et brésilien de Marco Bellocchio,
    avec Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Luigi Lo Cascio et Fabrizio Ferracane,
    2019, 145 mn, sur Canal+ en ce moment
    https://www.canalplus.com/cinema/le-traitre/h/12641991_40099
    https://www.advitamdistribution.com/films/le-traitre

    Voir aussi : "Irréversible, en inversion intégrale"

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  • Le "River Man" de Nick Drake revisité par Jan Felipe

    Nick Drake, que l’on ne finit pas de découvrir et d’aimer 45 ans après sa mort à l’âge de 22 ans, prouve une fois de plus sa vitalité à travers Lua Rosa un projet brésilien dédié au musicien britannique.

    Le compositeur et interprète franco-brésilien Jan Felipe propose dans ce cadre une revisite de River Man. Une revisite mais pas une trahison pour le titre folk de Nick Drake. À la guitare sèche et au chan, Jan Felipe propose une version fidèle et d’une superbe pureté. Les sons fantomatiques de Felipe Aguiar au clavier donnent au River Man cette teinte crépusculaire et bouleversante.

    Rendez-vous sur leur vidéo Youtube pour découvrir l’un des plus célèbres titres de Nick Drake.

    Jan Felipe, River Man, autoproduit, 2019 
    https://www.nickdrakeluarosa.com.br
    https://www.facebook.com/nickdrakeluarosa

    Voir aussi : "Courts mais bons"

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