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beatrice rana

  • Quel tempérament !

    Je vous avais parlé il y a quelques mois de la pianiste italienne Beatrice Rana à l’occasion d’un de ses premiers albums sur le second concerto pour piano de Prokofiev et le célébrissime premier de Tchaïkovski.

    Voilà maintenant la musicienne s’attaquant à Chopin, et plus précisément aux douze Études opus 25 et aux quatre Scherzi
    Ces Études, composées de 1832 à 1836 avant d’être éditées en 1837, ont été dédiées par le compositeur polonais à la Comtesse d’Agoult, qui a été la maîtresse de son ami Franz Liszt.

    Beatrice Rana s’attaque à cette œuvre importante de Chopin avec un solide tempérament, fait de virtuosité (l’Étude n°6 en sol dièse mineur ou la n°11 en la mineur), de technicité (Étude n° 8 en ré bémol majeur), de solidité et de subtilité (Étude n°4 ).

    Parler de romantisme dans l’exécution de cet opus 25 serait un raccourci très classique – si on peut le dire ainsi. En réalité, la pianiste italienne utilise toutes les gammes de son talent et toute sa technicité pour proposer un enregistrement passionnant, vivant et élégant, à l’instar de la première étude (Étude n°1 en la bémol majeur "La harpe éolienne").

    La jeunesse s’exprime dans toute son évidence lorsque Beatrice Rana se fait virevoltante et aérienne (l’Étude n°2 en fa mineur, "Les abeilles"). Son jeu se fait dansant dans la n°3 en fa majeur, justement surnommée "Le cavalier". Qui dit jeunesse dit insouciance, une caractéristique que l’on peut retrouver dans l’Étude en mi mineur (surnommée "La fausse note" en raison de dissonances volontairement glissées par le compositeur), complexe jusqu’à s’égarer dans des chemins aventureux et modernes.

    Technique, virtuose mas sans effet de manche

    Moderne, l’Étude n°6 frappe par sa complexité et par sa très grande virtuosité dans ce qui s’apparente à un objet autant romantique que pré-debussyen.

    Romantique, Chopin l’est indubitablement dans l’Étude n°7 en ut dièse mineure, avec cette tendre mélancolie comme dans la n°10 ("Aux octaves"), plus sombre et sur laquelle plane une puissance romantique autant qu’une inspiration plus introspectif, parvenant à prendre l’auditeur à contre-pied.

    Beatrice Rana séduit particulièrement avec l’Étude 9 en sol bémol majeur ("Le papillon), étude technique, virtuose mas sans effet de manche, avec une maîtrise qu’on ne lui enlèvera pas. Plus bouleversante encore, l’Étude n°11 en la mineur démarre comme une marche funèbre, avant de  se déployer, majestueuse et sombre. Disons aussi qu’il souffle sur ce morceau un "vent d’hiver". C’est d’ailleurs le surnom donné à cette œuvre.

    L’opus 25 se termine avec la douzième étude en ut mineur, exécutée avec souplesse mais aussi avec une belle solidité.

    L’enregistrement de Beatrice Rana est complété par les quatre Scherzos (op. 20, 31, 39, 40 et 54), qui ont été composés entre 1831 et 1842 par Frédéric Chopin. L’on pourrait qualifier ces morceaux de divertissements à la fois joueurs, dansants mais non sans une certaine noirceur.

    Beatrice Rana s’en empare avec grâce, vivacité et une certaine insouciance, à l’instar du Scherzo n°4 en mi mineur. La virtuosité de la pianiste sert à merveille le premier Scherzo en si mineur ("Le bouquet infernal"), dans lequel ne manquent pas ces vagues singulières que l’on croirait métaphysiques. L’interprète se montre à la fois solide dans ce jeu et délicate dans le deuxième Scherzo en si bémol mineur. Ici le romantique se pare de romanesque grâce à ses lignes mélodiques harmonieuses.

    L’avant-dernier titre de l’album, le Scherzo n°3 en do dièse mineur se révèle dans toute sa modernité. Mélancolique et d’un sacré tempérament dans son rythme, il précède le seul Scherzo en majeur (mi majeur), aussi léger et agréable à l’oreille qu’une déclaration amoureuse.

    Voilà qui conclue de la meilleure des manières un des albums classiques importants de l’année 2021. Et une confirmation du très grand talent de Beatrice Rana.

    Frédéric Chopin, Études op.25 et 4 Scherzi, Beatrice Rana, piano, Warner, 2021
    https://www.beatriceranapiano.com
    https://www.facebook.com/BeatriceRanaPiano
    https://www.warnerclassics.com/fr/artist/beatrice-rana

    Voir aussi : "Une Italienne parle aux Russes"
    "Au salon avec Chopin et Haley Myles"

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  • Une Italienne parle aux Russes

    J’ai choisi de vous parler d’un album classique sorti il y a presque six ans. Au piano, l’Italienne Beatrice Rana proposait deux œuvres du répertoire russes, différents tant par la facture que par la notoriété. À ma droite le célébrissime concerto pour piano de Piotr Ilitch Tchaïkovski au romantisme échevelé. À ma gauche, un opus relativement peu joué de Serge Prokofiev, le concerto pour piano  n°2.

    C’est par cette dernière œuvre que s’ouvre l’album de Beatrice Rana, découverte trois ans plus tôt (lauréate de tous les prix spéciaux au Concours musical international de Montréal) et qui prend visiblement un certain plaisir à s’aventurer sur un terrain étonnant. Ce concerto de Prokofiev a évidemment cette fougue slave et russe, avec un modernisme exalté servi autant par la concertiste que par l’orchestre de l’Académie Nationale Sainte-Cécile conduit par Antonio Pappano. Le jeu assuré, tour à tour aérien et musclé de Beatrice Rana, se déploie avec assurance dans le premier mouvement andantino et allegro de près de douze minutes, ample, tourmenté et aux accents romantiques. En comparaison, le Scherzo (Vivace) est envoyé en un peu plus de deux minutes. Court mais exigeant. Et il est vrai qu’il faut toute la technicité et la virtuosité de la pianiste italienne pour venir à bout de cette partie aussi brève et dynamique qu’elle peut être inquiétante.

    Retour à l’âme russe, aux lointaines réminiscences des Tableaux d’une Exposition de Modest Moussorgski, avec l’Intermezzo (Allegro moderato) de, quand même, six minutes. Faux intermède musical et vraie pièce d’orfèvrerie, cette troisième partie du concerto de Prokofiev est une succession de morceaux de bravoure, de rappels de danses russes, de parenthèses romantiques et rêveuses, de constructions harmoniques osées et de revendications modernistes que Beatrice Rana met en musique avec une belle audace.

    Partition originale partie en fumée pour servir de combustible… pour la cuisson d’une omelette !

    L’opus 16 se termine avec un final de la même longueur que le premier mouvement, rééquilibrant ainsi un concerto faussement bringuebalant. Joué allegro tempesto, le Finale commence, comme son nom l’indique, avec une tempête inquiétante et tourmentée, avant un grand calme. Lorsque l’apaisement vient, c’est là que ce dernier mouvement devient passionnant car le compositeur russe devient expressionniste, romantique mais aussi contemporain. Le deuxième concerto pour piano de Prokofiev, servi par une Beatrice Rana décidément sans point faible dans cette œuvre rare compliquée et qui avait fait scandale à l’époque de sa création en 1913. L’anecdote incroyable rapportée par Jed Distler nous apprend qu’il a été en fait réécrit en 1923 après que la partition originale soit partie en fumée pour servir de combustible… pour la cuisson d’une omelette !

    Nous parlions de romantisme. Voilà qui nous mène à point nommé vers la deuxième œuvre de cet album de 2015 d’un autre géant de la musique russe, Tchaïkovski. Trop écouté sans doute selon quelques esprits chagrins, ce fameux premier concerto pour piano opus 23 (1874) fait partie des "tubes" de la musique classique.

    Autant la pianiste italienne pouvait se faire aventurière dans le second concerto de Prokofiev, autant ici elle sera forcément jugée à l’aune de ses aînés (les Martha Agerich, Charles Dutoit et autres Sviatoslav Richter). Beatrice Rana déploie tout son talent grâce à son jeu tour à tour ample, délicat et tourmenté dans l’impressionnant premier mouvement allegro de plus de vingt minutes. Il faut toute l’intelligence de la musicienne pour venir à bout d’un des sommets de la musique romantique, et sans pour autant tomber dans la mièvrerie ni dans les pièges de la virtuosité qui peuvent vite devenir écrasants.  

    L’auditeur sera porté par la délicatesse du jeu de Béatrice Rana dans un deuxième mouvement fluide et irrésistible (Andantino semplice – Prestissimo).

    L’album se termine en beauté avec un Allegro con fuoco à la facture classique assumée jusqu’au bout des doigts. Beatrice Rana s’en donne à cœur joie – tout comme d’ailleurs  l’orchestre et Antonio Pappano. La virtuosité est bien évidemment une qualité majeure, en particulier pour les dernières mesures d’un final. Sans fausse note, là encore.

    Beatrice Rana, Prokofiev, Concerto pour piano n°2 op.16 et Tchaikovsky, Concerto pour piano n°1 op.23,
    Orchestra Dell’accademia Nazionale di Santa Cecilia dirigé par Antonio Pappano, Warner, 2015

    https://www.beatriceranapiano.com
    https://www.warnerclassics.com/fr/artist/beatrice-rana

    Voir aussi : "Histoires de tangos par Lucienne Renaudin Vary"

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