Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livres et littérature - Page 25

  • Les cygnes du crime

    Pour Encens (éd. SNAG), Johanna Marines transporte le lecteur à la Nouvelle Orléans, en 1919. Mais il s’agit d’une Louisiane imaginaire, dans un style steampunk. Ce sous-genre de la fantasy utilise la culture et l’esthétique des révolutions industrielles. Dans ces mondes imaginaires, se côtoient machines à vapeur, costumes victoriens ou second empire, bâtiments haussmanniens et omniprésence de l’acier.

    Dans Encens, l’Amérique de Johanna Marines est celle d’une Louisiane encore marquée par l’esclavagisme, la ségrégation et la Guerre de Sécession. Mais les progrès scientifiques ont conduit à la création d’illusionnautes, des ouvriers mécanisés qui ont remplacé les esclaves noirs ("[Les] automates [ont] remplacé nos pères dans les champs de coton") et ont pu par là même générer de nouveaux problème pour la société – imaginaire – de l’époque. Aux revendications de liberté pour ces machines répond une défiance de la part des êtres de chair et de sang. Cette coexistence difficile a conduit à des drames : "Les conflits entre automates et humains n’étaient qu’un éternel recommencement. Il y avait eu trop de morts dans les deux camps. Les souvenirs des fusillades et des exterminations de masse des illusionnautes, les automates de première génération, étaient dans toutes les têtes". Voilà pour le tableau général de ce roman. 

    Grace Parkins travaille au Mechanic Hall comme voyante dans le plus célèbre aérocabaret de la ville, au milieu d’artistes aussi bien humains que mécaniques. La jeune femme - noire - vit, comme ses contemporains, les pensées absorbées par une sombre menace : un tueur à la hache sévit à La Nouvelle Orléans. Il se trouve d’ailleurs que son propre père, policier, est chargé de l’enquête. Et si, en fait, il y avait deux tueurs au lieu d’un ? 

    Maligne, Johanna Marines fait de l’imaginaire un médium pour parler finalement de nous et de nos sociétés

    Le premier intérêt de cet étonnant roman de Johanna Marines est bien entendu l’univers de fantasy steampunk : une Amérique fantasmée, des robots mécaniques, un XIXe siècle imaginé. Nous voilà dans un monde fascinant, avec une héroïne attachante et non sans blessures ni secrets. Ajoutez à cela des inventions incroyables, avec notamment ce fameux cabaret aérien.

    Encens est aussi une histoire policière sur fond de tueur en série (au masculin ou au pluriel – je ne vous en dit pas plus). L’intrigue criminelle va vite mettre Grace Perkins, bien malgré elle, en situation de protagoniste mais aussi de témoin. Car le passé peut  revenir comme un boomerang : "Les objets et les gens de notre enfance nous semblent toujours en vie dans notre esprit. On pense qu’ils ne vieillissent pas quand ils sont loin de nous, pas vrai ? Pourtant le temps passe pour eux aussi. On croit qu’ils plongent dans un profond sommeil".

    Les meurtres particulièrement pervers deviennent une histoire personnelle et familiale, avec la présence de William Perkins et de son confrère Anton en enquêteurs perdus dans cette course au coupable. Et si les illusionnautes pouvaient être la clé de ce mystère ?

    Dans cette Amérique décalée et étrange, les ferrailleurs, machines humanoïdes et autres robots mécaniques font figure de victimes renvoyant à la ségrégation noire. Car, ici, le racisme change de couleur, si j’ose dire. Roman de fantasy autant que thriller, Encens envoie une série de messages engagés. Maligne, Johanna Marines fait de l’imaginaire un médium pour parler finalement de nous et de nos sociétés. 

    Johanna Marines, Encens, éd. SNAG, 2021, 500 p. 
    https://www.facebook.com/JohannaMarinesAuteur
    https://www.instagram.com/johannamarinesauteur
    http://www.gesteditions.com/snag/encens

    Voir aussi : "Les veilleurs immobiles"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Le manga pour les nuls

    Voilà un livre qui mérite à coup sûr de figurer dans les bibliothèques de tous les amateurs de dessins, les professionnels qui désirent approfondir leurs connaissances dans le manga et, aussi, en général, tous les passionnés de culture nippone.

    L’auteur de ce très beau manuel, intitulé tout simplement Dessine et anime tes Personnages de Manga (aux éditons Hoëbeke), est proposé par Ali Amrabet. Il est plus connu sous le pseudonyme de ZeSensei_Draws, un nom avec lequel il sévit sur la toile et les réseaux sociaux. ZeSensei_Draws est suivi par plus de 820 000 personnes sur Tiktok et plus de 35 000 sur Instagram. Il propose sur ses posts de courtes animations pour apprendre à dessiner et ses animés sont parmi les plus likés du réseau social TikTok. Il est également présent sur Youtube et sur Pinterest.

    Voilà pour l’auteur. Parlons maintenant de son livre.

    Le guide Dessine et anime tes Personnages de Manga propose une approche simple et efficace du dessin. Mais aussi très pédagogique. Ali Amrabet propose en introduction de rappeler que derrière un talent se cachent d’abord une envie, une passion, et ensuite une technique qui est à allier avec le travail et la "patience".

    L’auteur désacralise ce "don" pour le dessin et entend montrer que représenter un personnage, une tête, une main ou un buste tient souvent à une bonne approche, à de l’observation et à des astuces parfois basiques.

    Grâce à de très nombreuses illustrations – d'Ali Amrabet lui-même – le lecteur pourra découvrir que "chaque dessin, même le plus complexe, est en réalité composé de formes simples" : ronds, carrés, triangles ou ellipses.

    L’auteur met en garde sur les facilités à représenter des seins : "deux ronds" ne suffisent pas

    Son vade-mecum commence par les yeux qui constituent la partie centrale et la plus importante d’un personnage. Précisons d’ailleurs que la tête constitue le premier chapitre et aussi la moitié du livre. L’auteur n’oublie pas d’expliquer comment exprimer des sentiments sur un regard ou un visage, grâce par exemple à des détails et des accessoires (cicatrices, piercings ou lunettes).

    Le lecteur découvrira qu’il y a des techniques particulières, mais néanmoins abordables, pour représenter un nez ou des oreilles sous toutes leurs coutures. Une section assez détaillée est consacrée à la manière de dessiner les cheveux, leurs implantations et leurs mouvements.

    Outre la tête, l’anatomie du corps fait l’objet d’un chapitre entier : Ali Amrabet s’intéresse à la restitution au dessin du torse, du bras, du cou, des pieds ou des mains. Le buste féminin n’est pas oublié et l’auteur met en garde sur les facilités à représenter des seins : "deux ronds" ne suffisent pas…

    Les positions du corps et quelques-uns de ses mouvements sont également abordés. Ce qui offre une transition idéale vers la dernière partie du livre, qui est une présentation des techniques basiques d’animation. En quelques dizaines de pages, le lecteur aura une bonne initiation des outils et des éléments pour commencer des scènes animées.

    Pas de quoi, bien sûr, devenir tout de suite le prochain Eiichirō Oda, mais de quoi avoir envie à coup sûr de titiller votre plus beau beau porte-mine et dessiner votre premier manga.

    Ali Amrabet, Dessine et anime tes Personnages de Manga, éd. Hoëbeke, 2022, 192 p. 
    https://www.youtube.com/c/ZeSenseiDraws
    https://www.instagram.com/zesensei_draws/?hl=fr
    https://www.tiktok.com/@zesensei_draws?lang=fr
    https://www.pinterest.fr/zesensei_draws
    https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hoebeke

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"
    "Une pièce de plus dans la saga One Piece"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Analyse d’une analyse

    Au sujet de Jacques Lacan, dont Betty Milan est à la fois une admiratrice et une disciple, le lecteur de son court essai Pourquoi Lacan (éd. Érès) pourra avoir l’image d’un psychanalyste élitiste, obscur et qui cultivait cette approche déroutante : "Un maître dont la pratique exigeait la plus grande patience" et avait du mal à "se soumettre aux impératifs de la communication immédiate".

    Ceci dit, ce Pourquoi Lacan a cette immense qualité d’être immédiatement accessible. Il se lit comme le témoignage d’une femme dont la rencontre avec Jacques Lacan s’est d’abord faite sur le divan du plus grand psychanalyste, avec Sigmund Freud. "Il a changé ma vie. Il m’a permis d’accepter mes origines, mon sexe biologique et la maternité", écrit Betty Milan en début d’ouvrage.

    "J’ai fait mon analyse avec Lacan dans les années 1970. Quarante ans après sa mort, j’ai eu envie de revenir sur ce qui s’était passé au 5 rue de Lille" annonce l’auteure dès l'ouverture. À l’époque, celle qui n’est encore qu’étudiante brésilienne en psychiatrie se paie l’audace de frapper au cabinet du célèbre praticien et scientifique, au départ pour préparer un séminaire au Brésil sur les théories lacaniennes. Betty Milan est à Paris pour raisons universitaires mais cet exil s’expliquait aussi par les liens intellectuels de la France et de son pays d’origine. La situation politique du Brésil, en pleine dictature à l’époque, n’est pas non plus étrangère à sa présence au pays de Voltaire. La première visite chez Lacan sera suivie par plusieurs autres, dans le cadre d’une analyse.

    "Le Docteur"

    Grâce au témoignage de Betty Milan, le spectateur entre dans la tête d’une jeune Brésilienne des années 70, tiraillée entre plusieurs cultures puisque sa famille est originaire du Liban. Sa reconnaissance pour le psychanalyste ("Le Docteur" comme elle l’appelle) est immense : "Lacan  a éclairé ma route, en permettant qu’une descendante d’immigrants libanais, victime de la xénophobie des autres et de la sienne propre, puisse enfin s’accepter".

    L’ancienne analysée, devenue elle-même psychanalyste – lacanienne –, fait entrer le lecteur dans le cabinet du praticien et relate les échanges qu’elle a pu avoir avec lui au cours de séances souvent courtes. Elle raconte comment Jacques Lacan interrompait ses séances au moment où des informations pourtant importantes, commençaient à être révélées.

    Betty Milan parle des rendez-vous réguliers, de l’interprétation des rêves, de la place de l’argent mais aussi du problème de la langue maternelle qui constituait a priori un obstacle à l’analyse (en ce sens, le titre  Pourquoi Lacan – sans point d’interrogation – prend tout son sens). 

    Betty Milan parle aussi de la France, de Paris, des années 70 mais aussi du déracinement et de ses questionnements sur ses origines et sa liberté de femme. Car c’est bien de la réinvention de la vie dont il est question dans cette analyse d’une analyse chez une figure historique des sciences humaines disparue en 1981.

    Betty Milan, Pourquoi Lacan, éd. Érès, 2021, 160 p.
    https://www.editions-eres.com/ouvrage/4773/pourquoi-lacan
    https://www.bettymilan.com.br/fr

    Voir aussi : "En tongs avec Platon"
    "Lorsque les arbres pensent"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Chefs-d’œuvre à la loupe

    Les amateurs de peintures seront sans doute frustrés par cette encyclopédie de 240 pages proposée par les éditions Larousse. Dans La vie secrète des chefs-d’œuvre, Vincent Brocvielle propose un choix de seulement 28 artistes ou courants picturaux (pour les œuvres les plus anciennes). Le but est de répondre à cette question : pourquoi cette peinture a une importance capitale dans l’histoire de l’humanité et peut être considérée comme un chef d’œuvre.  

    Vaste question et plus complexe qu’on veuille bien le dire. Disons aussi que, par sa démarche, l’auteur entend bien affirmer que, contrairement à l’adage populaire, les goûts et les couleurs ça se discute. Il le dit autrement dans son avant-propos : "Je suis convaincu que les œuvres d’art mènent leur propre vie".

    Outre les peintures pariétales, les créations égyptiennes, gréco-romaines et médiévales, Vincent Brocvielle a jeté son dévolu sur quelques peintures marquantes de Piero della Francesca, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Vélasquez, Goya, Courbet, Picasso ou Marcel Duchamp. On regrettera l’absence d’autres figures incontournables telles que Botticelli, Watteau, Ingres ou Matisse. Mais ainsi va la dure loi de ce genre de livres. 

    L’incroyable peinture d’Artemiscia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne, est la plus symptomatique des déboires de son auteure

    C’est donc un choix extrêmement restreint, mais à travers des œuvres incontournables, que ce soit Le Jardin des Délices de Bosch, La Ronde de Nuit de Rembrandt ou Guernica de Picasso. Seules quatre femmes sont représentées : Artemisia Gentileschi, Rosa Bonheur, Berthe Morisot et Frida Kahlo. L’auteur de ce beau livre propose de revenir sur la genèse de chaque œuvre, en les plaçant dans l’histoire de son auteur ou auteure. À cet égard, l’incroyable peinture d’Artemisia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne, est la plus symptomatique des déboires de son auteure, victime de viol autant que de la justice.

    L’aspect technique fait l’objet de développements, notamment pour les pages consacrées aux fresques romaines ou à l’art médiéval. Le lecteur français s’arrêtera avec grand intérêt sur le peu connu Hokusai, dans un livre largement consacré à l’art occidental.

    D’autres passages sont consacrés à l’accueil du public, aux techniques de restauration et à de multiples anecdotes. Autant d’informations qui entendent montrer et démontrer le caractère unique de ces œuvres. 

    Vincent Brocvielle, La vie secrète des chefs-d’œuvre, éd. Larousse, 2021, 240 p.
    https://www.editions-larousse.fr/livre/la-vie-secrete-des-chefs-doeuvre-9782036008168

    Voir aussi : "Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ?"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Bataille contre la mafia

    "Bataille" est traduit en italien par "Battaglia". "Battaglia" comme Letizia Battaglia, une photographe sicilienne qui s’est battue toute sa vie contre ce fléau qu’est la mafia. Elle est au cœur de l’ouvrage de Frederika Abbate, Letizia Battaglia, Une Femme contre la Mafia (éd. de la Reine Rouge).

    L’essai n’a pas vocation d’être exhaustif mais plutôt de faire découvrir une figure héroïque qui a fait de son art un combat contre la pieuvre mafieuse. Letizia Battaglia, décédée en avril dernier, s’est souvent expliquée sur sa démarche et sur ce choix qui a mis sa vie en danger : "On a voulu faire croire à l’opinion publique, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Italie, que la mafia prospérait en Sicile à cause de la société civile, d’une certaine mentalité. Mais c’est une affirmation injuste qui nous humilie et nous dénigre".

    L’appareil-photo de Letizia Battaglia est sa meilleure arme pour montrer que tout n’est pas perdu et que, face au crime, les mafiosos ne sont pas ces gentlemen dignes de figurer dans Le Parrain, mais des personnages vulgaires, violents et cruels. Disons aussi que sur l’œuvre de la photographe plane en premier lieu l’ombre de la mort.

    Cette mort, écrit Frederika Abbate, "elle la photographie avec respect". Ces clichés "sont aussi des actes de dénonciation et de combat qui produisent leur effet". Dans ses noirs et blancs, derrière la grâce, la beauté et l’innocence se cache le deuil, la violence et le désespoir. 

    Guerre civile en Sicile

    Le livre de Frederika Abbate pose quelques jalons chronologiques sur cette femme née une Sicile conservatrice, meurtrie par une agression sexuelle, enfermée par ses parents puis mariée jeune, avant que la photo ne la sauve littéralement. Elle vouera toujours un amour inconditionnel à la Sicile et à Palerme où elle est née, un amour auquel vient faire écho la propre histoire de l’auteure, transformant par moment l’essai biographique en hommage personnel.

    Le livre revient en quelques pages sur les décennies de crimes impunies suivies de l’opération "Mains propres" menée par quelques juges et personnalités incorruptibles qui ont souvent payé de leur vie leur bataille contre la mafia, qu’elle s’appelle Cosa Nostra, Camorra ou 'Ndrangheta. Un des chapitres du livre se nomme "Guerre civile en Sicile", comme pour mieux marquer l’extrême violence de ces États dans l’État. On peine à croire que Letizia Battaglia a pu survivre aux attentats, règlements de compte et exactions sur une île qu’elle a très peu quittée et qu’elle a photographiée, le plus souvent pour le journal communiste L’Ora. Elle est décédée le 13 avril dernier à l'âge de 87 ans. 

    S’écartant de l’essai biographe pur, Frederika Abbate consacre plusieurs chapitres sur les séries et les clichés de Letizia Battaglia pour mieux y faire ressortir ses influences classiques autant que sa modernité (sa passion pour Pasolini, ses photos montrant la vie quotidienne à Palerme et son engagement féministe par exemple). La mort y est toujours présente, d’une manière ou d’une autre, cette mort qu’elle savait photographier à hauteur de femme et d’homme pour mieux lutter contre la mafia, devenue son ennemi intime – et sans doute aussi le nôtre : "Avant de lutter contre la mafia, tu dois faire ton propre examen de conscience et ensuite, après avoir détruit la mafia à l’intérieur de toi, tu peux combattre la mafia qui se trouve dans ton cercle amical. La mafia, c’est nous-même et notre mauvaise façon de nous comporter". 

    Frederika Abbate, Letizia Battaglia, Une Femme contre la Mafia, éd. de la Reine Rouge), 2022, 182 p. 
    https://frederika-abbate.com
    https://www.facebook.com/letiziabattagliaofficial

    Voir aussi : "Rêves violents"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Les mots croisés, c’est sexy

    La Violoncelliste qui inventait des mots croisés érotiques : avec un titre pareil, le roman d’Hélène Élisabeth ne pouvait qu’interpeler et promettre un roman mêlant musique, romance, érotisme et un je ne sais quoi de feel good. Cependant, assez rapidement, ce roman paru aux éditions Librinova met en sourdine l’érotisme pour s’attacher aux aventures amoureuses d’Héloïse.

    Elle est violoncelliste dans un quatuor, avec son amie Solène. Elles sont accompagnées de deux garçons, Thomas et Cyril, ce dernier se montrant à la fois entreprenant et agaçant.

    La jeune musicologue trouve un petit boulot très original : concevoir des grilles de mots érotiques. Pour cela, la jeune femme commence à se documenter en dénichant des chefs d’œuvre de la littérature érotique : Les Contes de Canterbury, Justine, Les Liaisons dangereuses, Histoire d’O ou le Kamasutra.

    Héloïse a une autre passion : le tango, qu’elle pratique en semaine. Un soir, elle rencontre un danseur, Alejandro. Mais Cyril peine à cacher sa jalousie. 

    Un roman mêlant légèreté et complications

    Hélène Élisabeth se la joue sans esbroufe dans un roman mêlant légèreté et complications. La romance que l’auteure veut piquante grâce à cette astucieuse idée des mots croisés érotiques fait la part belle à la musique et à la vie d’un orchestre de chambre. Le lecteur entre comme par effraction dans les journées d’un quatuor classique, composé de deux femmes et deux hommes – parfait pour susciter les jeux de séduction et attiser les tensions, y compris sexuelles. Dans le même temps, la violoncelliste cherche à trouver des définitions sur des termes et des expressions grivois. A la fin du livre, l'auteure consacre d'ailleurs 20 pages de grilles.  

    Et puis il y a le tango, la danse des couples par excellence, l'un des arts les plus sexy. Ce qui ne veut pas dire que le couple qui va se former ne va pas connaître des atermoiements. Ce serait trop facile. Et c'est tout le sel de ce joli roman.      

    Hélène Élisabeth, La Violoncelliste qui inventait des mots croisés érotiques,
    éd. Librinova, 2022, 158 p.
    https://www.facebook.com/Helene-Elisabeth-Books-101822975740973
    https://www.netgalley.fr/catalog/book/256353
    https://www.facebook.com/helene.elisabeth.7311
    https://www.instagram.com/heleneelisabethofficiel
    https://www.linkedin.com/in/helene-lesbats-84349075

    Voir aussi : "La vie des plantes"
    "Roman-feuilleton 3.0 sur un air de tango"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Le 6 juin 44 en roman-photo

    C’est un livre de témoignages tout à fait exceptionnel que nous propose Benoit Vidal avec son ouvrage, Gaston en Normandie (éd. FLBLB). Les monographies, autobiographies, enquêtes et documents sur le Débarquement du 6 juin 1944 sont très nombreux. L’auteur rappelle aussi les films aussi emblématiques que Le jour le plus long ou Il faut sauver le soldat Ryan.

    Là où Benoit Vidal étonne c’est la facture de son ouvrage se voulant au plus près des témoins ordinaires de cette journée capitale dans l’histoire du XXe siècle : il choisit le roman-photo, un genre qui a été popularisé par les romances populaires.

    Pour Gaston en Normandie, le lecteur découvre que ce type de livre se prête si bien à ce genre de projet littéraire et historique qu’il est étonnant qu’il n’ait pas été si souvent utilisé. Sans doute trouverait-il un nouveau public et une nouvelle manière de vulgariser l’histoire. Mais fermons la parenthèse. 

    Le Gaston en question est le père de l’auteur, un témoin jeune à l’époque des fais – il avait 7 ans en juin 1944 – mais à la mémoire intacte. Si intacte que, grâce à Gaston, l’auteur dévoile par exemple un discours du Général de Gaulle à Bayeux en juin 1945 (en plus de ceux de 1944 et de 1946) que l’Histoire avait oublié. "L’histoire vue par le bas, comme disent les historiens, ne correspond donc qu’imparfaitement à l’histoire vue d’en haut" écrit en avant-propos Olivier Wieviorka, de l’ENS Paris-Saclay, comme pour faire écho à cet "oubli".

    Ce qui intéresse Benoit Vidal est l’histoire vue par les gens ordinaires : ces témoins, résistants ou non, découvrant le débarquement un petit matin de juin. Ce sont ces Normands apeurés par les bombardements alliés, hésitant à quitter leur domicile comme le confie Joséphine, la grand-mère maternelle de l’auteur. Son témoignage recueilli par Benoît Vidal est riche de ces petits faits ignorés par la grande histoire et pourtant poignants et mémorables : ce soldat anglais capturé par les Allemands, les jeunes filles s’improvisant infirmières de campagne ou encore cet homme enseveli suite à un bombardement et sauvant son bébé.

    Le jeune Gaston voit le champ de bataille normand comme un terrain de jeu

    Olivier Wieviorka dit encore ceci : "Le livre de Benoit Vidal (…) ne retrace ni la bataille de Normandie ni les hauts faits des guerriers alliés. Il se propose de présenter le débarquement et ses suites à hauteur d’homme, tels que les événements ont été vécus par des Français moyens — sa famille en l’occurrence."

    Les témoignages de Gaston, que son fils a enregistré en dépit du caractère pudique du vieil homme de 80 ans, viennent apporter la saveur du regard d’un enfant de sept ans. Un gosse traumatisé par la guerre ? Non, bien au contraire. En dépit de la prudence exigé par ses parents pour éviter les dénonciations (l’auteur s’arrête sur le cas épouvantable et inhumain d’un médecin dénoncé par une jeune femme, maîtresse d'un militaire allemand), le jeune Gaston voit le champ de bataille normand comme un terrain de jeu ("À l’époque on n’avait pas peur. On laissait faire les enfants d’une façon incroyable !… On était très libres").  

    Le témoignage déborde de son cadre lorsque Benoit Vidal fait entrer dans ce récit centré sur le 6 juin 44 l’intime, les souvenirs familiaux, au point d’évoquer des secrets de famille. Dans les derniers chapitres, Gaston en Normandie s’apparente à un face-à-face émouvant entre un père et son fils, comme le dit l’auteur : "Mais je prends conscience dans le même temps que la quête qui me pousse à collecter la mémoire familiale est motivée par la volonté de combler un manque de communication". Cette rencontre entre un père et son fils est l'une des très belles surprises de ce roman-photo pas tout à fait comme les autres.

    Benoit Vidal, Gaston en Normandie, éd. FLBLB, CNL, 2022, 160 p.
    https://www.flblb.com/catalogue/gaston-en-normandie
    https://www.facebook.com/editionsflblb

    Voir aussi : "Un Churchill costaud et massif"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Un Churchill costaud et massif

    S’attaquer à un morceau comme ce Churchill d’Andrew Roberts (éd. Perrin) demande une sacrée ténacité : plus de 1 300 pages en comptant l’index et une biographie. Il faut cependant bien cela pour saisir la vie d’une des figures majeures du XXe siècle, celui qui a largement permis la victoire des Alliés pendant la seconde guerre mondiale tout autant qu’il a fait entrer l’Angleterre dans la modernité.

    Un homme exceptionnel, donc, dont on peut dire qu’il a un  pied dans le XIXe siècle post-victorien et l’autre dans le XXe siècle post-colonial. Il faut citer pour la traduction française Antoine Capet pour son remarquable travail, permettant au lecteur français de découvrir ou redécouvrir "le vieux lion".

    Connaît-on réellement Churchill ? Andrew Roberts a une étonnante réponse en toute fin de l’ouvrage, lorsqu’il parle de la jeune génération : "Dans un sondage de 2008 auprès de 3 000 adolescents britanniques, pas moins de 20 % d’entre eux pensaient que Winston Churchill était un personnage de fiction…" Hormis le fait que cela remet en question les programmes scolaires anglais où Churchill a été presque totalement éliminé, apprend-on, cela reste cependant un "hommage" singulier pour le premier ministre britannique, comme si sa destinée était trop invraisemblable pour avoir été réelle.

    La biographie d’Andrew Roberts est constituée de deux parties : "La préparation" et "L’épreuve". Les jeunes années de Churchill, ce fils de l’aristocratie anglaise ayant fait ses armes sous les drapeaux, semblent être, comme l’a dit lui même l’intéressé, une période de formation avant l’épreuve de la seconde guerre mondiale. Le lecteur a peine à imaginer le futur premier ministre rondouillard de l’Empire Britannique en soldat aguerri : "À 25 ans, il s’était battu sur davantage de continents qu’aucun soldat de l’histoire, hormis Napoléon", raconte un portrait de l’époque.

    Courageux jusqu’à la témérité, Churchill devient aussi un homme de lettres autant qu’un tribun, laissant une œuvre aussi impressionnante que l’homme lui-même, récompensée par ailleurs d’un Prix Nobel de Littérature.

    Impérialiste libéral, Churchill  se lance dans la politique à l’âge de 26 ans. C'est le début d’une carrière impressionnante, non sans soubresauts et traversées du désert qu’Andrew Roberts détaille avec patience. L’homme monte les échelons : sous-secrétaire d'État aux Colonies, ministre de l'Intérieur puis Premier Lord de l'Amirauté, une nomination qui le rendra le plus heureux comme jamais, comme en témoignera plus tard son amie Violet Asquith.

    C’est sous son mandat que commence la première guerre mondiale. Il est déjà aux avant-postes de la Grande Histoire. C’est aussi et surtout une période d’apprentissage, avec des victoires (la création du MI5 et du MI6) mais aussi des erreurs (l’opération des Dardanelles en 1915, qui le marquera toute sa vie), erreurs qui lui seront profitables des années plus tard. 

    Le lecteur qui croit au destin historique, pourra s’appuyer sur cette éloquente citation de l’intéressé au moment où il accède au poste de premier ministre en mai 1940 : "J’avais l’impression d’être guidé par la main du destin, comme si toute mon existence préalable n’avait été qu’une préparation en vue de cette heure et de cette épreuve…"

    "À 25 ans, il s’était battu sur davantage de continents qu’aucun soldat de l’histoire, hormis Napoléon"

    Cette épreuve, c’est bien évidemment la seconde guerre mondiale. L’armée d’Hitler conquiert l’Europe et l’Angleterre est à deux doigts de sombrer comme la France, piteux vaincu après quelques semaines d’une bataille peu glorieuse. Churchill va se servir de son expérience pour convaincre son peuple que la défaite n’est pas inéluctable, en dépit des bombardements nazies sur Londres. "Âgé de 65 ans, il était magnifiquement préparé (…) pour les épreuves qui l’attendaient".

    Ces cinq années éprouvantes, il les affronte avec un courage frôlant la témérité, lui qui n’hésite pas à parcourir le monde en avion ou en bateau en dépit des dangers. La Bataille d’Angleterre fait l’objet de longues pages, et l’auteur ne tait pas les combats politiques, rythmés par les discours légendaires du prime minister, tout au long de ces 5 années de guerre, développées sur environ 400 pages, avec minutie et grâce à une documentation impressionnante.  

    Andrew Roberts rappelle que les États-Unis sont aux abonnés absents au début du conflit et qu’il a fallu toute la pugnacité de Churchill pour convaincre Roosevelt d’entrer en guerre, chose faite après Pearl Harbour en décembre 1941. L’essayiste souligne l’importance capitale de la Bataille de Dunkerque en mai 1940 avec l’Opération Dynamo qui a eu une importance capitale dans la résistance anglaise en ce qu’elle a permis de préserver la marine britannique. Le Blitz et la Bataille d’Angleterre constituent deux chapitres pour ce tournant décisif. Ce que le lecteur découvrira sans doute c’est la saignée dans les forces aériennes anglaises lors de la Bataille d’Angleterre ("en tout, depuis le 10 mai, la RAF avait perdu 1 067 appareils et 1 127 aviateurs"). Cela rend la résistance menée par Churchill tout à fait remarquable ("Nous sommes résolus à poursuivre le combat encore et toujours"), d’autant que le premier ministre lui-même a plusieurs fois risqué sa vie au milieu des bombardements, en raison de sa proverbiale témérité, même si des observateurs ont trouvé qu’il s’était malgré tout "assagi". L’auteur nous apprend que pendant ces 1 900 jours de guerre, il a parcouru 180 000 kilomètres en bateau, en train et en avion.

    Avec un luxe de détails, le biographe suit Churchill du 10 Downing Street au Canada en passant par Washington ou Téhéran, le chef de guerre se révélant un diplomate parfois dupé par un Staline lors de tractations narrées avec précision et un grand sens de la théâtralité, comme on le découvre lors d’une série de rencontres à Moscou.

    Andrew Roberts parle du tournant qu’a été 1942, année décisive au cours de laquelle le monde a été sur une ligne de crête, entre victoire annoncée et défaite inéluctable. Du point de vue intérieur, Churchill est critiqué ("le plus grand marchand de défaites de l’histoire anglaise" est-il dit de lui). En dépit de cela, le peuple le suit, comme le montrent des sondages de l'époque. Le débarquement en Normandie, imaginé dès le début du conflit mondial, est finalement brièvement évoqué, en dépit de son importance stratégique considérable.

    "Victoire et défaite" : tel est le titre du chapitre consacré à la période de janvier à juillet 1945. S’il est vrai que le triomphe de Churchill est l’anéantissement de l’armée nazie, pour autant le premier ministre se voit débarqué après la perte des élections par les conservateurs à l’été 1945.    

    Les derniers chapitres de ce Churchill sont consacrés aux années d’opposition, à des discours importants consacrés à la Guerre Froide naissante, aux colonies britanniques et à l’Europe. Puis, advient le retour au pouvoir de Churchill de 1951 à 1955, dans une période que l’auteur juge plus crépusculaire.

    On ressort de la lecture du livre d'Andrew Roberts éclairés par un des plus grands hommes de l’histoire britannique et sans doute du XXe siècle. Sans doute la meilleure conclusion à apporter à ce Churchill reste le portrait "multiple" qu’en a fait un autre biographe : "Homme politique, sportif, artiste, orateur, historien, parlementaire, journaliste, essayiste, joueur de casino, soldat, correspondant de guerre, aventurier, patriote, internationaliste, rêveur, pragmatique, stratège, sioniste, impérialiste, monarchiste, démocrate, égocentrique, hédoniste, romantique".  

    Andrew Roberts, Churchill, trad. Antoine Capet, éd. Perrin, 2018, 1319 p.
    https://www.andrew-roberts.net
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/churchill/9782262081195
    https://winstonchurchill.org

    Voir aussi :  "400 000 hommes à la mer"
    "Lady Di, celle qui ne voulait pas être reine"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !