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  • Le transhumanisme n’est pas un humanisme

    Radical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).

    La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots. L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause.

    Nicolas Le Bault s’appuie sur l’actualité récente et les derniers progrès technologiques pour pointer du doigt les dérives du progrès que l’auteur résume ainsi, en reprenant des analyses du philosophe Jean Baudrillard : "Jean Baudrillard, bien avant l’avènement des réseaux sociaux, incombait à l’omniprésence des images et à la multiplication des répliques du réel la déréalisation progressive du monde". La disparition du monde réel, remplacé par des reproductions plus vraies que nature : voilà qui fait le premier danger de nos sociétés et qui est, selon l’auteur, encouragés par les GAFAM. 

    Un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx

    Le livre de Nicolas Le Bault balaie, en un peu moins de cent pages, les problématiques économiques et sociaux de notre époque, avec un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx. Que l'on pense à cette citation : "[Le] haut-patronat et actionnaires ont réussi la double opération de rendre impossible la réponse des prolétaires à la lutte des classes".

    Il est bien question de lutte des classes dans cet essai, de travailleurs, de prolétariat, d'inégalités et de richesse, mais il y a aussi les avatars de ce néo-libéralisme : l'ubérisation, l'auto-entreprenariat, l'automatisation mais aussi l'intelligence artificielle et le transhumanisme.

    Nicolas Le Bault parle de "révolution culturelle transhumaniste" et comme un nouvel outil au service du capitalisme moderne. Si le lecteur peut être critique sur les pages consacrées au "soulèvement des peuples", Nicolas Le Bault est plus pertinent lorsqu'il parle de la "la civilisation de l'oubli" qu'il compare avec le mythe des Lotophages.

    Évidemment, on tremble à la lecture de sombres prédictions ("[Dans] une économie automatisée, les hommes pourraient être tentés d'exterminer ceux dont le quotient intellectuel est inférieur à un certain niveau") tout autant qu'on se retrouve parfaitement en accord et ragaillardi par un vibrant appel à l'art et aux artistes.

    Nicolas Le Bault, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme, éd. La Reine Rouge, 2022, 101 p.
    https://whiterabbitprod.bigcartel.com
    http://www.nicolaslebault.com
    https://editionsdelareinerouge.bigcartel.com

    Voir aussi : "Terribles filles rêveuses"
    "Bernanos, les robots et la jobsolescence"

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  • Bernanos, les robots et la jobsolescence

    Un spectre hante l'Europe et le monde : le spectre de l’intelligence artificielle. Voilà en substance – et en imitant l’introduction du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx – les propos tenus le 20 juin dernier par le spécialiste de l’éducation Charles Fadel sur le site spécialisé CM Rubin World. Cette fondation s’est notamment donnée pour but de permettre à l’éducation de s’adapter à un monde de plus en plus mondialisé, pour le meilleur et pour le pire. Le site a donné la parole à Charles Fadel, fondateur et président du Center for Curriculum Redesign (CCR), également auteur d’un ouvrage de référence, Four-Dimensional Education: The Competencies Learners Need to Succeed (non-traduit en France).

    Charles Fadel ne fait pas preuve d’angélisme à l’égard de la révolution numérique et de son corollaire, l’intelligence artificielle (IA) : aux États-Unis, dit-il, dans les 15 ans, 38 % des emplois disparaîtront, annihilés par l’automatisation. La robotique atteindra des performances jamais atteintes, et qu’il sera impossible de freiner. Charles Fadel précise quels seront ces emplois en danger : ceux concernant les tâches routinières, qu’elles soient techniques ou non (comptabilité, centres d’appel, assistances basique, taxis ou sociétés de nettoyage). Autant dire qu’une pléthore de métiers est appelée à connaître une saignée dramatique.

    D’après l’auteur de Four-Dimensional Education, 9 à 50 % (sic) de la main-d'œuvre des pays développés est susceptible d'être automatisée au cours des prochaines décennies. Si le pronostic le plus optimiste laisse présager des troubles sociaux importants, le plus pessimiste fait figure de véritable cauchemar. L’automatisation des chaînes de productions automobiles avait envoyé en reconversion, au chômage ou à la retraite des millions d’ouvriers dans une relative indifférence ; qu’en sera-t-il lorsque les machines condamneront des centaines de milliers d’emplois à la "jobsolescence" ?

    La jobsolescence promise a, certes, son verso bénéfique : la création de nouveaux métiers. Charles Fadel prédit la naissance ou le développement de professions prometteuses : développeurs d’applications, ingénieurs de voitures autonomes, analystes en data, spécialistes en réseaux sociaux, opérateurs de drones ou designers écologiques. Le hic est que ces professions nécessitent un haut niveau d’expertise. Les places seront chères pour celles et ceux qui voudront être les acteurs de la révolution IA, comparable aux révolutions industrielles précédentes à ceci près que celle que nous sommes en train de connaître est lancée dans une course de vitesse effrénée. Contre cette roue infernale, notre atout majeur est l’éducation. Mais cette éducation devra faire sa mue pour donner des armes au plus grand nombre afin de s’adapter à cette mondialisation technique : "Nous avons besoin de courageux bâtisseurs de cathédrales! Nous devons également aborder les préjugés des experts traditionnels qui s'accrochent à leurs domaines étroits et aux vieilles expériences de nos parents."

    Il y a 70 ans, un auteur a prédit le mouvement technique et mondial de la robotique : Georges Bernanos, avec son essai polémique La France contre les Robots (éd. Castor Astral).

    Nous sommes en 1947. Dans un monde libéré du nazisme et tourné vers la lutte contre le communisme, l’auteur de Sous le Soleil de Satan lance un avertissement prophétique contre les machines et la technique : "La Civilisation des Machines est la civilisation de la quantité opposée à celles de la qualité. Les imbéciles y dominent donc par le nombre, ils y sont le nombre." En auteur catholique et engagé, Bernanos voit dans les robots la quintessence de l’inhumanité : "Dans la lutte plus ou moins sournoise contre la vie intérieure, la Civilisation des machines ne s’inspire, directement du moins, d’aucun plan idéologique, elle défend son principe essentiel, qui est celui de la primauté de l’action. La liberté d’action ne lui inspire aucune crainte, c’est la liberté de penser qu’elle redoute." Cette primauté de l’action et de l’efficacité nous renvoie à la réalité d’un monde libéral tourné vers la rentabilité à outrance. Bernanos a cette autre citation prophétique et ahurissante, écrite – rappelons-le – en 1947 : "Un jour, on plongera dans la ruine du jour au lendemain des familles entières parce qu'à des milliers de kilomètres pourra être produite la même chose pour deux centimes de moins à la tonne." Cela ne vous fait penser à rien ?

    70 ans plus tard, Charles Fadel fait écho à l’écrivain français grâce à cette alerte en forme de prière : "Nous devrons faire des efforts concertés entre les différents secteurs de l'éducation, des entreprises et des États pour s’adapter aux nouveaux emplois." Sans cela, il est fort probable que les robots et l’intelligence artificielle ne signent notre arrêt de mort : "Un monde gagné pour la Technique est perdu pour la Liberté", avertissait Bernanos en 1947. Nous voilà prévenus.

    CM Rubin World
    http://curriculumredesign.org
    www.twitter.com/@cmrubinworld
    Georges Bernanos, La France contre les Robots, éd. Le Castor Astral, 272 p.