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allemagne

  • Philipp Scharwenka, nocturne et en pleine lumière

    Philipp Scharwenka (1847-1917)  n’est certes pas le plus connu des compositeurs allemands romantiques du XIXe siècle. Manque de bol pour Philipp Scharwenka à l’époque, sa notoriété avait déjà été quelque peu éclipsée par son frère Xaver, plus célèbre que lui – à l’exception toutefois des États-Unis où Philipp a remporté un certain succès. Oublié depuis, on doit son retour en grâce à un très joli album de la pianiste turque Cansu Sanlidag. Elle propose, sous le titre The Nocturnal Poet, des œuvres représentatives du compositeur, à savoir sa Ballade op. 94, la Rhapsodie op. 85 n° 1, le Scherzo op. 97 n°3 et les six premiers Abendstimmungen op. 107.

    Cansu Sanlidag caresse les touches de son clavier pour la langoureuse et mélancolique Ballade composée en 1894, ponctuée de moments lumineux et presque joyeux. L’influence de Chopin est évidente dans cette pièce. Rien d’étonnant que le compositeur polonais soit cité ici. Philipp Scharwenka et son frère Xaver sont natifs de Samter, actuelle Szamotuly, en Pologne. Ils ont par la suite rejoint en famille Berlin où le musicien a passé la majeure partie de sa vie. Il faut préciser que faire sa place musicale dans la bouillonnante capitale allemande n’a pas été simple. Après les décès des postromantiques allemandes que furent Liszt et Wagner, les Scharwenka ont été éclipsés par ces autres "monstres" qu’ont été Mahler, Wolf ou Richard Strauss. Aussi on ne peut que saluer l’entreprise de Cansu Sanlidag de faire sortir de l’ombre ce "poète nocturne".

    Faire sa place musicale dans la bouillonnante capitale allemande n’a pas été simple

    Les six Abendstimmungen op. 107 (littéralement "ambiances du soir") ont été composées en 1915. Philipp Scharwenka suit ses propres inspirations, bien loin du tapage de ses contemporains. Le néoromantisme est à l’œuvre chez lui, alors que la musique prend à l’époque bruyamment la voie de la modernité (Schoenberg, Berg et Webern, pour ne citer qu’eux). Pédagogue réputé, Philipp Scharwenka fait le choix du classicisme, de la pudeur et de la retenue. Cansu Sanlidag, dont la virtuosité est reconnue dans le monde, rend hommage à un compositeur aussi discret en ville que classique dans ses pièces (n°1). Le deuxième Abendstimmung renvoie à Chopin, lorsque le n°3 se fait plus onirique, plus inquiétant aussi. La Rhapsodie op. 85 datant de 1891, robuste et sombre, prouve que le romantisme est loin d’être mort lorsque Philipp Scharwenka compose cette pièce tourmentée et ambitieuse.

    Le quatrième Abendstimmung séduit par sa mélancolie au rythme entêtant, on pourrait même dire par sa dramaturgie exprimée par une Cansu Sanlidag décidément bien inspirée. Le n°5 laisse exploser les sentiments du compositeur allemand, avec toujours cette simplicité dans l’écriture et une interprétation hypersensible de la pianiste.

    Le sixième Abendstimmung s’écoute comme une saynète intime, touchante et simple. Philipp Scharwenka s’y montre tel qu’en lui-même, posé et à l’abri des tourments du monde, un monde à l’époque plongé dans le fracas de la première guerre mondiale – le musicien décède en 1917 sans avoir revu la paix.

    L’enregistrement se termine avec le Scherzo n°3, écrit en 1896. Le morceau a eu un joli succès à l’époque. Pétillant au départ, il monte peu à peu en gravité et en expressivité. Cansu Sanlidag s’y meut avec un naturel évident mais aussi un rare plaisir. Celui aussi d’avoir pu nous faire découvrir un compositeur injustement tombé dans l’oubli.     

    Philipp Scharwenka, The Nocturnal Poet, Cansu Sanlidag (piano), Pavane, 2025
    https://www.cansusanlidag.com
    https://www.instagram.com/p/DJznLjOtmmF

    Voir aussi : "Bach made in Rana"

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  • Jamais sans mon fils

    Un buzz existe sur Exterritorial : ce thriller allemand vient d’entrer dans le top 5 des films Netflix les plus vus sur la plateforme international. Singulier succès mais finalement pas si étonnant cela si on s’arrête sur la facture somme toute très classique dans les thrillers.

    Sara Wulf, ancienne soldate des forces spéciales, se remet difficilement d’un coup dur en Afghanistan. Gravement blessée suite à une attaque qui a tué son compagnon, elle ne vit que pour son fils Josh qui n’a pas connu su père. Elle s’apprête à quitter l’Allemagne pour rejoindre les États-Unis. Mais au Consulat américain de Francfort, son fils disparaît. La jeune femme est prise dans un complot. Commence une course contre la montre pour retrouver son enfant.   

    Le jeu rugueux de Jeanne Goursaud. Une sacrée révélation

    Sans être révolutionnaire, Exterritorial est un petit thriller à la fois malin, rythmé et servi par une actrice de premier choix, la formidable franco-allemande Jeanne Goursaud, dans le rôle d’une ex-militaire dont les compétences dans l’art de la guerre vont lui être très utiles. Mention spéciale pour Lera Abova, dans le rôle d’Irina, une ex-filtrée biélorusse servant de guide dans une partie du film.

    On est bien d’accord : le scénario pèche par manque de crédibilité – l’omniprésence des caméras de surveillance aussi nombreuses qu’inutiles – à moins qu’il ne s’agisse d’un message des créateurs – et des lacunes – mais où a été caché Josh.

    Mention spéciale par contre pour les courses poursuites, le long plan séquence des entrepôts à la piscine du consulat et le jeu rugueux de Jeanne Goursaud. Une sacrée révélation ! Pas étonnant que Netflix ait marqué les esprits avec ce film d’action distrayant venu tout droit de l’autre côté du Rhin.

    Exterritorial, thriller allemand de Christian Zübert,
    avec Jeanne Goursaud, Dougray Scott et Lera Abova, 2025, 109 mn, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81571720

    Voir aussi : "Dans la dèche"

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  • À Beethoven, l’humanité reconnaissante

    Peu connu mais archidoué, virtuose et romantique (son look sur la pochette d’album finit de nous convaincre), le pianiste Nikolay Khozyainov revient cet année avec un nouvel opus, Monument to Beethoven (Rondeau Production). Pourquoi, d’ailleurs, cette expression ? Il faut revenir aux années 1830-1840, soit quelques années après la mort du compositeur allemand. Franz Liszt entreprend de rendre hommage à son illustre aîné en faisant bâtir une statue à Bonn. Robert Schumann, Félix Mendelssohn et bien entendu Liszt sont sollicités pour composer des œuvres directement inspirés du répertoire de Beethoven, et en particulier de l’Allegretto de sa Symphonie n°7.

    Ce sont ces morceaux créés ad hoc que Nikolay Khozyainov a choisit d’enregistrer, en commençant par l’Allegretto originel, ici transcrit au piano par Liszt. C’est à un Everest que s’attaque le pianiste, dont la virtuosité n’écrase jamais la puissance dramatique ni la densité. Les respirations sont les bienvenues et viennent insuffler ce souffle que l’on appellera plus tard romantisme. Beethoven a fait de cette marche funèbre un mouvement allegretto, comme pour se jouer de la mort et donner à ce deuxième mouvement le pouvoir de la vie. Nikolay Khozyainov la rend dans un mélange d’ardeur, de passion et de gravité.

    Suit Robert Schumann avec ses Études en forme de variations sur un thème de Beethoven. 15 variations, rarement de plus d’une minute 30, s’approprient le thème principal de l’Allegretto de la 7e de Beethoven en variant les tempos, du Moderato au Prestissimo, en passant par le Passionato.

    Nikolay Khozyainov s’empare de cette œuvre rare de Schumann en prouvant le panel de son jeu, y compris des variations les plus sombres (Ohne Titel n°5) ou les plus techniques (Presto n°6). Schumann fait œuvre d’une grande liberté dans son appropriation du thème original (A11. Legato teneramente), ne s’empêchant pas des revisites franchement épatantes (B4. Ohne Titel) et transformant la marche funèbres en chants populaires (B5. Cantando), voire d’une singulière modernité (B7. Ohne Titel). Ces études se terminent de la plus belle des manière, avec la variation la plus longue de l’opus, tout en pudeur et en légèreté. Bref, un bel hommage à Beethoven. 

    Un bel hommage à Beethoven

    Plus courtes, les Variations sérieuses de Felix Mendelssohn Bartholdy prennent à la fois plus de liberté et plus de gravité avec l’Allegretto de Beethoven. Le Thema et les Variations balancent entre la luxuriance et romantisme fou.

    Beethoven est de retour avec une transcription par Liszt du lied An die ferne Geliebte ("À ma bien aimée"). L’histoire retient qu’il s’agit du premier cycle de lieder de l’histoire de la musique. Il est difficile de rester insensible à ce court morceau dont le pianiste rend toute la profondeur et toute la justesse sentimentale.

    La Fantaisie, op. 17 de Robert Schumann a ceci de particulier qu’elle fait partie des œuvres majeures du compositeur allemand. Cet opus autonome, en trois parties, n’a figuré que tardivement dans le programme hommage à Beethoven – en réalité les deux derniers mouvements – pour la souscription destinée à la construction de son monument à Bonn. La Fantaisie est au départ une déclaration à Clara Wieck, future Clara Schumann. Nikolay Khozyainov s’en empare avec délectation. Il y a du Beethoven dans la puissance évocatrice du 2e mouvement et la richesse de l’opus devient un envol du romantisme dans le dernier mouvement.

    Nikolay Khozyainov ne pouvait terminer ce Monument à Beethoven autrement que par une création, car il est lui-même compositeur. Avec son morceau Petals of Piece. Son hommage au compositeur allemand est aussi un chant de paix que lui avait commandé l’ONU en novembre 2022. dans cette œuvre contemporaine et post-romantique, c’est avec gravité que l’instrumentiste russe lance ses "Pétales de la Paix". Plus que jamais d’actualité pour cet artiste résolument engagé pour le pacifisme. 

    Nikolay Khozyainov, Monument à Beethoven, Rondeau Production, 2024
    https://www.nikolaykhozyainov.com
    https://www.bs-artist.com/pages/communication

    https://www.rondeau.de

    Voir aussi : "Beethoven, Intégrale, Première"

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  • La Belle affaire

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film La Belle affaire. Il sera visible du 18 au 24 septembre 2024. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 24 septembre 2024 à 20h30.

    1990, en pleine réunification complexe des deux Allemagne, les ouvriers d’un même quartier d’ex-RDA se retrouvent sans emploi. Ils découvrent un jour l’emplacement de milliers de billets est-allemands voués à être détruits. Ils ont trois jours pour s’en emparer et convertir l’argent en Deutsche Mark, en montant l’affaire qui changera leur vie.

    La Belle affaire, comédie allemande de Natja Brunckhorst
    avec Sandra Hüller, Max Riemelt, Ronald Zehrfeld
    Titre original : Zwei zu Eins
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1473

    Voir aussi : "Dos Madres"

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  • On ne meurt pas deux fois

    Qui a dit que le rock était mort, enterré par le rap, l’électro et la pop ? Le groupe Blue Deal entend bien montrer le contraire avec un album au titre éloquent à la James Bond, Can’t Kill Me Twice.

    Dès le premier extrait, "Short Time Runner", nous voilà en terre bien connue, le groupe allemand, dont il s’agit du deuxième opus, nous invitant à une plongée dans l’essence même du rock – batterie, guitares, sans oublier la voix rocailleuse de Joe Fischer.

    Le rock des quatre garçons dans le vent laisse largement la place au blues, savamment dosé dans le morceau "Hard Times", lorsqu’il n’est pas revendiqué, à l’instar du single "Got 2 Go". On retrouve dans ce morceau l’essence musicale du grand sud américain : les paysages désertiques et fascinants, la vie harassante, l’appel du grand large et un parfum de désillusion ("I need to make good money / I hope the eagles won’t fly too high").

    Le groupe européen venu de la Forêt Noire connaît ses classiques et entend bien non seulement revisiter le rock mais prouver que ce genre reste vivant et même promis à un grand avenir. Tout cela sonne vrai, avec ce qu’il faut de rugosité, y compris dans la jolie déclaration d’amour "Favorite Mistake".  

    Le blues devient caresse et le rock promesse

    "Can’t Kill Me Twice", qui donne son titre à l’album, séduit particulièrement par son rythme langoureux. Le blues devient caresse et le rock promesse.

    Avec "Bluecata", nous voilà dans un court titre pop-rock instrumental. Cette interlude musicale ouvre la seconde partie de l’album avec "1942" au blues assumé, avec cette touche seventies et ces riffs de guitares psychédéliques au service d’un morceau de plus de cinq minutes. L’ambition artistique du groupe Blue Deal est là, évidente et servie par une production impeccable.

    "Gilded Age" prend le contre-pied de "1942" avec un morceau très blues-rock à la ZZ Top, et plus dense (moins de trois minutes). L’auditeur se laissera également porter par la jolie balade "Seen To Be Believed", sans doute l’un des plus séduisants morceaux de l’opus.

    Can’t Kill Me Twice s’écoute comme une vraie déclaration d’amour pour un genre essentiel de la musique d’aujourd’hui. L’essence pure du rock est intacte dans l’énergique "Stand By" alors que le bien nommé "Over" vient clore avec élégance – et une facture là aussi seventies – un album prouvant, s’il en est besoin, que l’Europe est encore l’un des meilleurs ambassadeurs de la musique pop-rock... américaine. 

    Blue Deal, Can’t Kill Me Twice, Dixiefrog, 2024
    https://blue-deal.com/fr/home-fr
    https://www.facebook.com/BlueDealMusic
    https://www.instagram.com/bluedealmusic
    https://www.diggersfactory.com/fr/vinyl/318318/blue-deal-cant-kill-me-twice

    Voir aussi : "Qui êtes-vous, Nicolas Réal ?"

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  • Elaha

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Elaha. Il sera visible du 3 au 9  juillet 2024. Soirée débat le mardi 9 juillet à 20 heures 30.

    Elaha, une jeune femme d’origine kurde de 22 ans, cherche par tous les moyens à faire reconstruire son hymen pensant ainsi rétablir son innocence avant son mariage. Malgré sa détermination, des doutes s’immiscent en elle. Pourquoi doit-elle paraître vierge, et pour qui ? Alors qu’un dilemme semble inévitable, Elaha est tiraillée entre le respect de ses traditions et son désir d’indépendance.

    Elaha, drame allemand de Milena Aboyan avec Bayan Layla, Derya Durmaz et Nazmi Kırık, 2024, 110 mn
    Scénario : Milena Aboyan et Constantin Hatz
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1461
    https://www.waynapitch.com/elaha

    Voir aussi : "Fremont"

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  • La jeunesse au pouvoir

    C’est un Voyage à Paris que je vous propose. Enfin, quand je vous dis "Je vous propose", disons plutôt que ce périple est musical, puisqu’il s’agit de la captation d’un enregistrement public à l’Académie Orsay-Royaumont en mai dernier, avec quatre jeunes artistes venant présenter un choix d’œuvres des XIXe et XXe siècle.

    Comme le titre de l’album l’indique, les compositeurs français sont à l’honneur, quoique pas intégralement. Francis Poulenc ouvre le bal avec cinq courtes chansons (mise à part "Sanglots", d’environ quatre minutes) de ses Banalités, avec la mezzo-soprano Brenda Poupard et la pianiste Anne-Louise Bourion. Nous sommes ici au cœur de la tradition classique française, avec un compositeur qui est un jalon essentiel entre le classique et le contemporain, et qui mérite d’être découvert ou redécouvert (on pense au délicieux et original "Fagnes de Wallonie"). Parmi les morceaux, figure le bref air "Voyage à Paris" qui donne son titre à l’opus. L’auditeur s’arrêtera sans doute avec intérêt sur le sombre "Sanglots". Francis Poulenc revient plus tard dans l’album avec un air de ses Chansons gaillardes, le délicieux "Sérénade", interprété cette fois par le baryton basse Adrien Fournaison et la pianiste Natallia Yeliseyeva. Le compositeur met en musique en 1925 les paroles d’un texte anonyme du XVIIe siècle : "Avec une si belle main, / Que servent tant de charmes, / Que vous tenez du dieu Malin, / Bien manier les armes. / Et quand cet Enfant est chagriné / Bien essuyer ses larmes".

    Brenda Poupard et Anne-Louise Bourion s’attaquent ensuite à un compositeur allemand, et pas le moindre. C’est Franz Liszt qui est mis à l’honneur, avec trois lieder au romantisme intact. S’enchaînent, avec élégance les airs "Lasst mich ruhen" (composé vers 1858), le lancinant "Über allen Gipfeln ist Ruh" (autour de 1849) et le plaintif "Gebet" (plus tardif, 1878 environ).

    Ce voyage parisien se poursuit avec Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva s’attaquant – évidemment, serait-on tenté de préciser – au plus français et parisien sans doute des compositeurs français, Gabriel Fauré. La subtilité de l’auteur du Requiem est flagrante dans la chanson pleine de mélancolie "L’absente". Moins connu sans doute pour le grand public, Henri Duparc est mis à l’honneur dans le sombre et naturaliste "La vague et le clocher". Outre la "Sérénade" de Poulenc, le programme d’Adrien Fournaison et Natallia Yeliseyeva se poursuit avec un lieder du compositeur allemand du XIXe siècle Carl Loewe ("Elkönig"), assez typique du répertoire romantique, mais moins cependant que le "Harfenspieler I" de Franz Schubert. 

    Ambiance, ambiance

    C’est du reste ce dernier qui ouvre la section de la soprano Cyrielle Ndjiki Nya et la pianiste Kaoli Ono, avec deux autres lieder : "Der Zwerg" et "Totengräbers Heimwhle". L’auditeur gouttera la pureté de la voix de la soprano, naviguant dans les vagues pianistiques de Schubert avec un plaisir évident. Que l’on pense au lied "Der Zwerg", d’autant plus incontournable qu’il a été interprété par le passé notamment par Dietrich Fischer-Dieskau, Jessye Norman et, plus récemment, par Matthias Goerne. Déployant sa maîtrise, la soprano se montre puissante et sombre dans le "Totengräbers Heimwhle", le titre le plus long de l’album. On ne pourra qu’admirer la maîtrise et la technique du duo dans ce morceau plein de désespoir et d’appel à la paix définitive ("Ô destin / – Ô triste devoir – / Je n’en peux plus ! / Quand sonnerez-vous pour moi, / Ô heure de paix ?! / Ô mort ! Viens et ferme les yeux !"). Ambiance, ambiance.

    Au sombre romantisme vient succéder les Trois chansons de Bilitis de Debussy. Retour en France et à Paris, donc (L’homme est né à Saint-Germain-en-Laye et est mort dans le 16ᵉ arrondissement). L’auditeur gouttera avec délice ces airs impressionnistes portés par le piano plein de nuances de Kaoli Ono ("La flûte de pan") et l’étrange intimité ("La chevelure") qui sourd de ces chansons composées en 1897 d’après des textes originaux – et pseudo traductions du grec – de Pierre Louÿs : "Cette nuit, j’ai rêvé. J’avais ta chevelure autour de mon cou. J’avais tes cheveux comme un collier noir autour de ma nuque et sur ma poitrine". La modernité de Debussy est évidente dans "Le tombeau des naïades", mystérieux, inquiétant mais aussi sensuel : "Il me dit : « Les satyres sont morts. « Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau »".  

    Le ténor Ted Black, accompagné du pianiste Dylan Perez viennent conclure ce programme de Voyage à Paris avec, de nouveau, Debussy. Ils choisissent deux chansons des Proses lyriques, écrites entre 1892 et 1893. C’est le lyrique et romantique "De rêve", déployant de longues et colorées vagues, et le non moins lyrique "De fleurs". Ces mélodies ont été spécialement transcrites pour ténor. La voix à la fois puissante et subtile de Ted Black fait merveille dans ces airs d’une grande complexité, autant que brillants d’une lumière évidente ("De fleurs").

    Le programme et l’album se terminent avec un compositeur de la première moitié du XXe siècle. Erich Wolfgang Korngold, né en Autriche, est parti aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale où il a vécu et travaillé. Surtout connu pour ses BO de films hollywoodiens (Les Aventures de Robin des Bois, Capitaine Blood, L'Aigle des mers). Les lieder proposés, "Mond, so gehst du wieder auf" et "Gefasster Abschied" témoignent d’un esprit romantique tardif, atypique – et daté – alors que l’Amérique et l’Europe sont en plein mouvement contemporain. Cela ne nous empêche pas de découvrir avec plaisir un compositeur oublié, grâce à de jeunes talents qui n’oublient pas d’où ils viennent. 

    Voyage à Paris, Orsay-Royaumont Live, b-records, 2023
    https://www.b-records.fr/voyage-a-paris
    https://www.instagram.com/_brenda_poupard_
    https://www.linkedin.com/in/mlle-bourion
    https://www.facebook.com/AdrienFournaisonBarytonBasse
    https://natallia-yeliseyeva.com
    https://www.cyriellendjikinya.com
    https://www.kaoliono.com
    https://www.tedblacktenor.com
    https://www.dylanjohnperez.com

    Voir aussi : "En image, en musique et en public"

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  • Le ciel rouge

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Le Ciel rouge. Il sera visible du 23 au 28 novembre 2023. Soirée débat le mardi 28 novembre à 20H30.

    Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n’a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s’enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l’amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là.

    Le ciel rouge, drame allemand de Christian Petzold
    avec Thomas Schubert, Paula Beer et Langston Uibel, 2013, 102 mn
    Titre original : Roter Himmele
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1383

    Voir aussi : "Déserts"

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