Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

faure

  • Fauré, cent ans après toujours jeune

    Peu d’instruments sont aussi à la fois élégants et humains que le violoncelle. Et si vous ajoutez à cela un répertoire aussi de la classe de Gabriel Fauré, voilà qui devrait définitivement vous convaincre de découvrir l’album que Pauline Bartissol – au violoncelle, donc – et le pianiste Laurent Wagschal consacrent à l’auteur du fameux Requiem.

    En cette année Fauré (le compositeur est mort en 1924), Laurent Wagschal consacre une intégrale de ses œuvres pour piano. Pauline Bartissol le rejoint dans ses enregistrements consacrés au violoncelle et au piano. Au programme, les deux Sonates op. 109 et 117 pour violoncelle et piano et des pièces de musiques de chambre devenues universelles, à savoir la Sérénade op. 98, la célèbre Élégie op. 24, la Romance op. 69, la naturaliste pièce intitulée Papillon op. 77 et la délicieuse Sicilienne op. 78.

    Honneur donc à sa Première Sonate, dont l’"Allegro" vient démontrer que Gabriel Fauré, tout classique qu’il soit, vient prendre au vol la modernité qui est en train de révolutionner la musique. Nous sommes en 1917. L’auguste compositeur français, déjà atteint d’une surdité partielle (et oui, comme Beethoven !), propose un opus dont la vigueur et la jeunesse frappent d’emblée dans le premier mouvement "Allegretto". Rythmes, densité musicale, recherches sonores, mais sans jamais sacrifier ses talents mélodiques, prouvent que Fauré est toujours en pleine possession de ses qualités de compositeur. Le violoncelle de Pauline Bartissol prend toute sa mesure et son ampleur, avec au piano un Laurent Wagschal au jeu capable de toutes les gymnastiques et de toutes les nuances, et sans jamais se laisser dépasser. L’auditeur sera charmé par le languissant "Andante". Les cordes du violoncelle vibrent comme jamais, aidées par une prise de son impeccable. Le piano se fait plus discret, presque en retrait dans cette lente marche contemplative et non sans mélancolie.

    Plus encore que dans les deux premières parties, le troisième mouvement "Allegro commodo" est à écouter comme un dialogue entre violoncelle et piano. Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’engagent avec passion dans ce qui ressemble à une série d’arabesques musicales. Fauré se dévoile ici comme un compositeur à la fois retors et passionnant dans son expressivité et son travail sur les matières sonores. 

     "Ah, tu as de la veine de rester jeune comme ça !"

    L’auditeur sera sans nul doute happé par les courtes pièces proposées (courtes si l’on excepte l’Élégie, longue de plus de 6 minutes mais qui en paraissent beaucoup moins). Voilà une Sérénade (l'opus 98) d’une vigueur et d’un mystère sans égal. Composée en 1908, elle est jouée avec légèreté par les deux interprètes, décidément au diapason.

    Nous évoquions l’Élégie. Magnifique et grandiose pièce, devenue un must au fil des années. Il y a cette ligne mélodique incroyable, ce rythme lancinant et le son déchirant du violoncelle, rendant cette Élégie en ut mineur d’une beauté poignante. La pièce a au départ été composée en 1880 pour une future sonate, avant de devenir un morceau autonome au succès critique et public jamais démenti.  

    Deux autres morceaux viennent compléter ces brèves pièces. Il y a Papillon op. 77, composé en 1898. L’auditeur se laissera charmé par le lyrisme et la volupté de cette œuvre à la fois romantique et naturaliste, aussi légère et insaisissable qu’un vol de papillon. Parlons ensuite de la Sicilienne op. 78, de la même année que Papillon, bien qu’elle ait fait l’objet d’un premier traitement cinq ans plus tôt sous la forme d’une pièce orchestrale destinée au théâtre. Ici, Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’harmonisent avec délicatesse dans une rêverie onirique. Le talent mélodique de Fauré est à l’œuvre dans cette pièce envoûtante qu’il inclura quelques années plus tard dans sa suite orchestrale Pelléas et Mélisande, certes moins connue que l’opéra de Debussy.

    Pour compléter le programme de cet album de Fauré, Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’attaquent à la Deuxième Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur op. 117. Le mouvement "Allegro" a ce je ne sais quoi d’émotions retenues mais aussi d’une sombre menace. Laurent Wagschal est impérial dans sa manière de structurer au piano cette œuvre à la fois complexe et séduisante. Quant à Pauline Bartissol, elle fait de son violoncelle un authentique être vivant aux mille aspirations et émotions.

    Voilà qui nous entraîne vers le sombre "Andante" qui s’écoute comme une marche funèbre. Il a été composé en 1921 à l'occasion des célébrations aux Invalides du centenaire de la mort de Napoléon 1er. Encore une histoire de commémoration et de centenaire. Le violoncelle est en vedette dans cette lamentation à la fois noble et pathétique, avec un piano tout aussi sombre. Les deux interprètes complètent cette sonate joyeusement avec un  "Allegro vivo" endiablé, pour ne pas dire joueur. Pauline Bartissol et Laurent Wagschal semblent s’amuser dans ce dernier mouvement. Qui aurait dit que Gabriel Fauré était capable d’une telle légèreté ? Vincent d’Indy lui-même s’en étonna à l’époque dans une lettre à la fois enthousiaste et admirative : "Ah, tu as de la veine de rester jeune comme ça !"

    Pauline Bartissol & Laurent Wagschal, Fauré, Complete Works for Cello and Piano, Indésens Calliope Records, 2024
    https://laurentwagschal.com
    https://www.facebook.com/laurentwagschal
    https://indesenscalliope.com 
    https://pauline-bartissol.com
    https://www.facebook.com/pauline.bartissol

    Voir aussi : "Fauré 2024"
    "Des papillons dans l’estomac"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Fauré, cent ans après toujours jeune

    Peu d’instruments sont aussi à la fois élégants et humains que le violoncelle. Et si vous ajoutez à cela un répertoire aussi de la classe de Gabriel Fauré, voilà qui devrait définitivement vous convaincre de découvrir l’album que Pauline Bartissol – au violoncelle, donc – et le pianiste Laurent Wagschal consacrent à l’auteur du fameux Requiem.

    En cette année Fauré (le compositeur est mort en 1924), Laurent Wagschal consacre une intégrale de ses œuvres pour piano. Pauline Bartissol le rejoint dans ses enregistrements consacrés au violoncelle et au piano. Au programme, les deux Sonates op. 109 et 117 pour violoncelle et piano et des pièces de musiques de chambre devenues universelles, à savoir la Sérénade op. 98, la célèbre Élégie op. 24, la Romance op. 69, la naturaliste pièce intitulée Papillon op. 77 et la délicieuse Sicilienne op. 78.

    Honneur donc à sa Première Sonate, dont l’"Allegro" vient démontrer que Gabriel Fauré, tout classique qu’il soit, vient prendre au vol la modernité qui est en train de révolutionner la musique. Nous sommes en 1917. L’auguste compositeur français, déjà atteint d’une surdité partielle (et oui, comme Beethoven !), propose un opus dont la vigueur et la jeunesse frappent d’emblée dans le premier mouvement "Allegretto". Rythmes, densité musicale, recherches sonores, mais sans jamais sacrifier ses talents mélodiques, prouvent que Fauré est toujours en pleine possession de ses qualités de compositeur. Le violoncelle de Pauline Bartissol prend toute sa mesure et son ampleur, avec au piano un Laurent Wagschal au jeu capable de toutes les gymnastiques et de toutes les nuances, et sans jamais se laisser dépasser. L’auditeur sera charmé par le languissant "Andante". Les cordes du violoncelle vibrent comme jamais, aidées par une prise de son impeccable. Le piano se fait plus discret, presque en retrait dans cette lente marche contemplative et non sans mélancolie.

    Plus encore que dans les deux premières parties, le troisième mouvement "Allegro commodo" est à écouter comme un dialogue entre violoncelle et piano. Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’engagent avec passion dans ce qui ressemble à une série d’arabesques musicales. Fauré se dévoile ici comme un compositeur à la fois retors et passionnant dans son expressivité et son travail sur les matières sonores. 

     "Ah, tu as de la veine de rester jeune comme ça !"

    L’auditeur sera sans nul doute happé par les courtes pièces proposées (courtes si l’on excepte l’Élégie, longue de plus de 6 minutes mais qui en paraissent beaucoup moins). Voilà une Sérénade (l'opus 98) d’une vigueur et d’un mystère sans égal. Composée en 1908, elle est jouée avec légèreté par les deux interprètes, décidément au diapason.

    Nous évoquions l’Élégie. Magnifique et grandiose pièce, devenue un must au fil des années. Il y a cette ligne mélodique incroyable, ce rythme lancinant et le son déchirant du violoncelle, rendant cette Élégie en ut mineur d’une beauté poignante. La pièce a au départ été composée en 1880 pour une future sonate, avant de devenir un morceau autonome au succès critique et public jamais démenti.  

    Deux autres morceaux viennent compléter ces brèves pièces. Il y a Papillon op. 77, composé en 1898. L’auditeur se laissera charmé par le lyrisme et la volupté de cette œuvre à la fois romantique et naturaliste, aussi légère et insaisissable qu’un vol de papillon. Parlons ensuite de la Sicilienne op. 78, de la même année que Papillon, bien qu’elle ait fait l’objet d’un premier traitement cinq ans plus tôt sous la forme d’une pièce orchestrale destinée au théâtre. Ici, Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’harmonisent avec délicatesse dans une rêverie onirique. Le talent mélodique de Fauré est à l’œuvre dans cette pièce envoûtante qu’il inclura quelques années plus tard dans sa suite orchestrale Pelléas et Mélisande, certes moins connue que l’opéra de Debussy.

    Pour compléter le programme de cet album de Fauré, Pauline Bartissol et Laurent Wagschal s’attaquent à la Deuxième Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur op. 117. Le mouvement "Allegro" a ce je ne sais quoi d’émotions retenues mais aussi d’une sombre menace. Laurent Wagschal est impérial dans sa manière de structurer au piano cette œuvre à la fois complexe et séduisante. Quant à Pauline Bartissol, elle fait de son violoncelle un authentique être vivant aux mille aspirations et émotions.

    Voilà qui nous entraîne vers le sombre "Andante" qui s’écoute comme une marche funèbre. Il a été composé en 1921 à l'occasion des célébrations aux Invalides du centenaire de la mort de Napoléon 1er. Encore une histoire de commémoration et de centenaire. Le violoncelle est en vedette dans cette lamentation à la fois noble et pathétique, avec un piano tout aussi sombre. Les deux interprètes complètent cette sonate joyeusement avec un  "Allegro vivo" endiablé, pour ne pas dire joueur. Pauline Bartissol et Laurent Wagschal semblent s’amuser dans ce dernier mouvement. Qui aurait dit que Gabriel Fauré était capable d’une telle légèreté ? Vincent d’Indy lui-même s’en étonna à l’époque dans une lettre à la fois enthousiaste et admirative : "Ah, tu as de la veine de rester jeune comme ça !"

    Pauline Bartissol & Laurent Wagschal, Fauré, Complete Works for Cello and Piano, Indésens Calliope Records, 2024
    https://laurentwagschal.com
    https://www.facebook.com/laurentwagschal
    https://indesenscalliope.com 
    https://pauline-bartissol.com
    https://www.facebook.com/pauline.bartissol

    Voir aussi : "Fauré 2024"
    "Des papillons dans l’estomac"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Fauré 2024

    2024 marque les 100 ans de la mort de Gabriel Fauré. Les hommages au créateur du célèbre compositeur. Et puisque l’œuvre de Fauré ne se résume pas au seul Requiem, le pianiste Laurent Wagschal propose une sélection de morceaux pour son instrument fétiche. Précisons que dans le cadre d'une intégrale pour piano de Fauré, cet album est un florilège de morceaux les plus représentatifs (Ballade, 6e et 7e Nocturnes, 5e Barcarolle et ses Thèmes et Variations) mais aussi de pièces plus rares. 

    Le programme débute par la Ballade op.19, une des pièces devenues emblématiques de Gabriel Fauré est le parfait reflet de cette musique française de la fin du XIXe siècle. Un mélange de légèreté, de grâce, d’exigence et de virtuosité caractérisent cette longue ballade qui peut se lire comme du romantisme à la sauce française – Wagner et Liszt ne sont pas loin dans cette pièce écrite entre 1877 et 1879 et dédiée à l’influent Camille Saint-Saëns.

    L’auditeur fondra sans nul doute à l’écoute de la Pièce brève op. 84 n°5. Ce sont une minute et vingt-six secondes au service d’une mélodie envoûtante qui convaincra même les peu familiers du classique.

    On connaît la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel. Voici une autre Pavane, op.50, composée en 1887. Outre le fait qu’une publicité l’ait rendue célèbre, cette Pavane a eu droit à de multiples versions et adaptations, y compris au cinéma. Laurent Wagschal l’interprète dans toute sa nudité, faisant honneur au talent de composition de Gabriel Fauré.

    On a beaucoup parlé de romance sur Bla Bla Blog, grâce aux Schumann. Voici dans ce album envoûtant la Romance sans parole en la bémol majeur op.17 n°3 datant de 1878. On se laissera happer par cette formidable et courte pièce à la grande délicatesse et à la mélodie inoubliable.

    Désireux de proposer un programme varié, c’est un impromptu qui est ensuite proposé, en l’occurrence celui en fa mineur op. 63. Celui-ci s’avère redoutable de technicité. Le moins que l’on puisse dire est que le pianiste s’en sort haut-la-main, alliant virtuosité, simplicité (dans la deuxième partie) mais aussi une forme de légèreté particulièrement bienvenue en ce moment. 

    La modernité n’y est du reste pas absente 

    Deux Nocturnes sont proposées, le n°6 op. 63 en ré bémol majeur d’une part et le n°7 op.74 en ut dièse mineur d’autre part. Bien entendu, qui dit "nocturne" dit Chopin. Cependant, Fauré ne fait pas le choix de la noirceur ou de la nuit, si l’on excepte le plus mélancolique Nocturne n°7, spécialement dans sa première partie. Il se montre au contraire lumineux et léger. Mais aussi romantique. Le lecteur pourra se sentir porté par ces pièces écrites dans les toutes dernières années du XIXe siècle.  

    Après le lent Prélude en sol mineur op. 103 n°3, une berceuse en forme de barcarolle, c’est justement la Barcarolle n°5 op.66 que nous propose Laurent Wagschal. On saluera le pianiste pour son interprétation se jouant des pièges techniques dans cette œuvre pleine d’élégance et de lyrisme. La modernité n’y est du reste pas absente dans ce morceau d’un classicisme très français.

    L’album se termine avec la plus grosse partie du programme, à savoir les Thèmes et Variations op.73. Le thème quasi adagio en ut dièse mineur, une singulière marche funèbre, est suivi de onze variations constituées de syncopes ("Variation III"), de tempo accélérés ("Variation II"), de moments paisibles ("Variation VIII") ou de temps expressifs ("Variation XI"). Classique dans l’âme, figure exemplaire de ce qui s’est fait de mieux dans le classicisme français, Fauré mérite d’être redécouvert, y compris dans son œuvre pianistique, tant son aura demeure cent ans après son décès. 

    Gabriel Fauré, The Essential Piano Works, Laurent Wagschal (piano), Indésens Calliope, 2024
    https://laurentwagschal.com
    https://www.facebook.com/laurentwagschal
    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Des papillons dans l’estomac"
    "Nuit et lumières chez les Schumann"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Fauré 2024

    2024 marque les 100 ans de la mort de Gabriel Fauré. Les hommages au créateur du célèbre compositeur. Et puisque l’œuvre de Fauré ne se résume pas au seul Requiem, le pianiste Laurent Wagschal propose une sélection de morceaux pour son instrument fétiche. Précisons que dans le cadre d'une intégrale pour piano de Fauré, cet album est un florilège de morceaux les plus représentatifs (Ballade, 6e et 7e Nocturnes, 5e Barcarolle et ses Thèmes et Variations) mais aussi de pièces plus rares. 

    Le programme débute par la Ballade op.19, une des pièces devenues emblématiques de Gabriel Fauré est le parfait reflet de cette musique française de la fin du XIXe siècle. Un mélange de légèreté, de grâce, d’exigence et de virtuosité caractérisent cette longue ballade qui peut se lire comme du romantisme à la sauce française – Wagner et Liszt ne sont pas loin dans cette pièce écrite entre 1877 et 1879 et dédiée à l’influent Camille Saint-Saëns.

    L’auditeur fondra sans nul doute à l’écoute de la Pièce brève op. 84 n°5. Ce sont une minute et vingt-six secondes au service d’une mélodie envoûtante qui convaincra même les peu familiers du classique.

    On connaît la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel. Voici une autre Pavane, op.50, composée en 1887. Outre le fait qu’une publicité l’ait rendue célèbre, cette Pavane a eu droit à de multiples versions et adaptations, y compris au cinéma. Laurent Wagschal l’interprète dans toute sa nudité, faisant honneur au talent de composition de Gabriel Fauré.

    On a beaucoup parlé de romance sur Bla Bla Blog, grâce aux Schumann. Voici dans ce album envoûtant la Romance sans parole en la bémol majeur op.17 n°3 datant de 1878. On se laissera happer par cette formidable et courte pièce à la grande délicatesse et à la mélodie inoubliable.

    Désireux de proposer un programme varié, c’est un impromptu qui est ensuite proposé, en l’occurrence celui en fa mineur op. 63. Celui-ci s’avère redoutable de technicité. Le moins que l’on puisse dire est que le pianiste s’en sort haut-la-main, alliant virtuosité, simplicité (dans la deuxième partie) mais aussi une forme de légèreté particulièrement bienvenue en ce moment. 

    La modernité n’y est du reste pas absente 

    Deux Nocturnes sont proposées, le n°6 op. 63 en ré bémol majeur d’une part et le n°7 op.74 en ut dièse mineur d’autre part. Bien entendu, qui dit "nocturne" dit Chopin. Cependant, Fauré ne fait pas le choix de la noirceur ou de la nuit, si l’on excepte le plus mélancolique Nocturne n°7, spécialement dans sa première partie. Il se montre au contraire lumineux et léger. Mais aussi romantique. Le lecteur pourra se sentir porté par ces pièces écrites dans les toutes dernières années du XIXe siècle.  

    Après le lent Prélude en sol mineur op. 103 n°3, une berceuse en forme de barcarolle, c’est justement la Barcarolle n°5 op.66 que nous propose Laurent Wagschal. On saluera le pianiste pour son interprétation se jouant des pièges techniques dans cette œuvre pleine d’élégance et de lyrisme. La modernité n’y est du reste pas absente dans ce morceau d’un classicisme très français.

    L’album se termine avec la plus grosse partie du programme, à savoir les Thèmes et Variations op.73. Le thème quasi adagio en ut dièse mineur, une singulière marche funèbre, est suivi de onze variations constituées de syncopes ("Variation III"), de tempo accélérés ("Variation II"), de moments paisibles ("Variation VIII") ou de temps expressifs ("Variation XI"). Classique dans l’âme, figure exemplaire de ce qui s’est fait de mieux dans le classicisme français, Fauré mérite d’être redécouvert, y compris dans son œuvre pianistique, tant son aura demeure cent ans après son décès. 

    Gabriel Fauré, The Essential Piano Works, Laurent Wagschal (piano), Indésens Calliope, 2024
    https://laurentwagschal.com
    https://www.facebook.com/laurentwagschal
    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Des papillons dans l’estomac"
    "Nuit et lumières chez les Schumann"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Du classique, et que ça jazze !

    Hervé Selin propose de nouvelles adaptations jazz dans son Jazz Impressions. Après Debussy, c’est Gabriel Fauré et Maurice Ravel qui ont les honneurs du pianiste français.

    L’opus commence par un véritable tour de force. En l'occurrence, Gabriel Fauré et son Requiem en mode jazz, avec une "Introduction" et un "Kyrie", moins funèbre que sombre et mélancolique. On peinera à retrouver l’aspect liturgique de ces premières Impressions. L’"Agnus Dei" sonne comme un chant d’amour paisible, avec des improvisations au piano qui ont toute leur place. Le lyrisme du "Libera Me" originel est plus intimiste et personnel dans cette revisite. Plus paisible aussi. Une vraie libération, aurions-nous envie d’écrire. Les connaisseurs de Fauré et de son Requiem peineront sans doute à reconnaître l’œuvre originale, en particulier dans cet extrait, léger et rafraîchissant.

    Tout aussi captivant, l’auditeur découvrira le sort que fait Hervé Selin à cet autre morceau de Gabriel Fauré, "Après le rêve". Onirique et mystérieuse, le clavier se déploie avec gourmandise dans cette mélodie au mystère intact. Pour "Pavane", le jazz se teinte de contemporain. Classique, moderne et cool. A-t-on jamais donné de tels qualificatifs au très sérieux Gabriel Fauré ?

    Classique, moderne et cool. A-t-on jamais donné de tels qualificatifs au très sérieux Gabriel Fauré ?

    Maurice Ravel vu par Hervé Selin constitue lui aussi une vraie découverte. Accompagné de Claude Égéa au bugle, le pianiste jazz propose une relecture à la fois audacieuse et respectueuse d’un extrait de son Concerto pour piano en sol majeur (l’"Adagio assai"). Cela sonne onctueusement aux oreilles, avec délicatesse et non sans éléments de surprise grâce à un superbe jeu de Claude Éléa au bugle.

    Deux extraits de l’opéra Daphnis et Chloé, dont la délicate "Danse religieuse", sont proposés dans une version instrumentale au piano solo. Sombre, onirique, presque debussyen, le jeu délicat d’Hervé Selin a ces touches impressionnistes captivantes mais aussi ces passages enlevés où s’exprime la liberté du pianiste. Il dit ceci de sa relecture en musique : "Le challenge d’inspiration absolue ! Le rapport à la danse, au chant du corps et, au-delà, au champ des possibles" , tout en, citant l’inspiration du Epistrophy de Thelonious Monk.

    Chic, on attendait le magnifique "Pavane pour une infante défunte" et le voici justement, revisité au jazz, cette fois dans "l’ombre d’un Duke Ellington" ! Dès les premières notes, l’auditeur reconnaît ce morceau au magnétisme sans égal. Le jazz lui va d’ailleurs comme un gant. Plus sombre que l’œuvre originale, cette pavane prend le parti de la modernité.

    Telle n’est pas la vision d’un autre classique de Ravel, cet extrait de Ma Mère L’Oye. "Le jardin féérique" prend le parti de la légèreté et de la joie grâce au formidable bugle de Claude Égéa.

    Après le crépusculaire du "Prélude à la nuit" de la "Rapsodie espagnole" de Maurice Ravel, l’opus se termine avec un "Prélude au piano", la seule œuvre de cet album qui a été écrite exclusivement pour le piano. Cette relecture aussi fine que cool peut aussi être écoutée comme un dernier caprice du jazzman : "Pour le début, j’ai volontairement égaré les notes du thème sur tout le clavier". Capricieux, disions-nous.

    Hervé Selin, Jazz Impressions, IndéSens, 2024
    https://hervesellin.com
    https://indesenscalliope.com
    https://www.radiofrance.fr/francemusique

    Voir aussi : "Un bon rafraîchissement pour les Suites de Bach"
    "Basson, toi mon ami"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Basson, toi mon ami

    Nous avions déjà parlé du basson dans une chronique consacrée à Rui Lopes. Cet instrument discret – et même trop discret – est une nouvelle fois mis en valeur dans un formidable album de compilations d’œuvres classiques et contemporaines. C’est Lola Descours qui mène le bal dans son formidable album Hommage à Nadia Boulanger.

    Au programme de la bassoniste, Stravinsky, Sains-Saëns, Nadia Boulanger (bien sûr), Lili Boulanger, Poulenc, Fauré, mais aussi Philipp Glass, Aaron Copland ou encore Piazzola. Autant de compositeurs qui ont entouré la musicienne, cheffe d’orchestre et pédagogue. Saluons aussi la présence de compositeurs souvent cantonnés à la musique de films mais qui sont réellement entrés dans le répertoire classique contemporain. Ce sont Michel Legrand, Jean Françaix, Leonard Bernstein et Vladimir Cosma.

    Une seule œuvre de Nadia Boulanger est proposée. Il s’agit du lumineux "La mer" qui s’écoute comme un hommage à Debussy. Lili Boulanger, décédée dans sa 24e année ne pouvait pas ne pas apparaître non plus dans cet hommage à sa sœur. Elle qui se savait tôt gravement malade, a laissé une œuvre évidemment incomplète mais en tout cas marquante. Lola Descours propose un "Nocturne" d’elle à la facture classique et aux délicats reflets que vient épouser le basson.  

    C’est une vraie gourmandise que d’écouter et de découvrir des œuvres et surtout un instrument au son rond et profondément humain. L’album commence par la Suite italienne sur Pulcinella d’Igor Stravinsky. Cette œuvre, au départ un ballet écrit en 1919 d’après des emprunts au compositeur baroque Pergolese, est devenu une suite orchestrale en 1932. Le basson de Lola Descours se fait tour à tout joueur ("Overture", "Tocata"), mélancolique ("Serenata"), amoureux ("Gavotte con due variazioni") et sombre en forme d’adieu ("Minuetto e Finale").

    Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui

    On a dit que cet album constitue un hommage et, mieux, un cercle d’amis et de proches de Nadia Boulanger. Parlons à ce sujet du "Maria de Buenos Aires" d’Astor Piazzolla que Nadia Boulanger, est-il dit dans le livret, encouragea, avec l’intuition que le musicien argentin devait assumer le choix du tango. On sait ce qu’il advint par la suite. Il y a une autre "Maria" dans l’opus. Il s’agit de l’héroïne légendaire de West Side Story. Lola Descours en propose une version pour basson à la toute fin de l’album. Leonard Bernstein a qualifié Nadia Boulanger de "Reine de la musique". La bassoniste propose une version épurée du classique de la comédie musicale new-yorkaise avec accordéon, rendant le titre plus bouleversant encore.

    C’est avec le morceau "Old Poem" que s’est concrétisée une autre relation artistique, cette fois entre Aaron Copland et la musicienne et pédagogue française. Le compositeur américain propose dans ce court morceau une essence à la fois moderne et une création aux sources anciennes. Le basson caresse chaque note, donnant à ce poème musical une teinte tout en romanesque.

    Il est naturel de trouver dans cet album la Sonate op. 168 pour basson et piano de Camille Saint-Saëns. Ce dernier l’a composé en 1921, peu avant sa mort. Il s’agit d’une des œuvres majeures du répertoire pour cet instrument mal-aimé. Lola Descours propose cette sonate en sachant que Saint-Saëns, un ami de la famille Boulanger, fut quelque peu misogyne pour Nadia Boulanger, sans doute un peu trop libre à son goût et pour son époque.      

    D’autres grands classiques de la musique française rejoignent cet enregistrement, à commencer par Francis Poulenc et trois courts morceaux élégants, "Fiançailles pour le rire", un extrait de La Courte Paille et un autre de Léocadia, le fameux air "Les chemins de l’amour", rendu célèbre à par Yvonne Printemps. Le basson est parfait pour rendre à cette chanson toute sa douceur. Gabriel Fauré est également présent la mélodie "Les berceaux", interprété là aussi avec piano et basson.

    L’auditeur découvrira avec bonheur le titre phare du film Le Jouet, avec un Vladimir Cosma plus inspiré que jamais et qui a fait de la BO de cette célèbre comédie une œuvre désormais classique. Autre compositeur pour le cinéma, Michel Legrand est présent avec le morceau "Watch What Happens". Le titre dira sans doute moins que l’œuvre dont il est tiré : Les Parapluies de Cherbourg.    

    Parmi les grandes figures de la musique contemporaine américaine, et outre Aaron Copland, Lola Descours a la bonne idée de proposer le passionnant "Love Divided Bye" de Philipp Glass. Le minimalisme est bien là mais le compositeur américain le mâtine de cet esprit français. Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui.

    La musicienne française vouait une tendresse et une admiration particulière pour Jean Françaix qu’elle a formé dès son enfance. Il est présent ici avec son "Divertissement pour basson et quintettes à cordes". Sérieux, légèreté, gravité, insouciance, classicisme et modernisme se marient avec bonheur dans cette œuvre de 1959 que l’on découvre grâce à Lola Descours. Le basson se fait plus discret, tout en restant central et capital. Un instrument roi, assurément.   

    Hommage à Nadia Boulanger, Lola Descours (basson), Paloma Kouider (piano),
    Trio ABC, Octuor de France, Indésens Calliope Records, 2024
    https://loladescours.com
    https://www.facebook.com/p/Lola-Descours-Bassoon

    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Rui Lopes, le basson peut lui dire merci"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Basson, toi mon ami

    Nous avions déjà parlé du basson dans une chronique consacrée à Rui Lopes. Cet instrument discret – et même trop discret – est une nouvelle fois mis en valeur dans un formidable album de compilations d’œuvres classiques et contemporaines. C’est Lola Descours qui mène le bal dans son formidable album Hommage à Nadia Boulanger.

    Au programme de la bassoniste, Stravinsky, Sains-Saëns, Nadia Boulanger (bien sûr), Lili Boulanger, Poulenc, Fauré, mais aussi Philipp Glass, Aaron Copland ou encore Piazzola. Autant de compositeurs qui ont entouré la musicienne, cheffe d’orchestre et pédagogue. Saluons aussi la présence de compositeurs souvent cantonnés à la musique de films mais qui sont réellement entrés dans le répertoire classique contemporain. Ce sont Michel Legrand, Jean Françaix, Leonard Bernstein et Vladimir Cosma.

    Une seule œuvre de Nadia Boulanger est proposée. Il s’agit du lumineux "La mer" qui s’écoute comme un hommage à Debussy. Lili Boulanger, décédée dans sa 24e année ne pouvait pas ne pas apparaître non plus dans cet hommage à sa sœur. Elle qui se savait tôt gravement malade, a laissé une œuvre évidemment incomplète mais en tout cas marquante. Lola Descours propose un "Nocturne" d’elle à la facture classique et aux délicats reflets que vient épouser le basson.  

    C’est une vraie gourmandise que d’écouter et de découvrir des œuvres et surtout un instrument au son rond et profondément humain. L’album commence par la Suite italienne sur Pulcinella d’Igor Stravinsky. Cette œuvre, au départ un ballet écrit en 1919 d’après des emprunts au compositeur baroque Pergolese, est devenu une suite orchestrale en 1932. Le basson de Lola Descours se fait tour à tout joueur ("Overture", "Tocata"), mélancolique ("Serenata"), amoureux ("Gavotte con due variazioni") et sombre en forme d’adieu ("Minuetto e Finale").

    Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui

    On a dit que cet album constitue un hommage et, mieux, un cercle d’amis et de proches de Nadia Boulanger. Parlons à ce sujet du "Maria de Buenos Aires" d’Astor Piazzolla que Nadia Boulanger, est-il dit dans le livret, encouragea, avec l’intuition que le musicien argentin devait assumer le choix du tango. On sait ce qu’il advint par la suite. Il y a une autre "Maria" dans l’opus. Il s’agit de l’héroïne légendaire de West Side Story. Lola Descours en propose une version pour basson à la toute fin de l’album. Leonard Bernstein a qualifié Nadia Boulanger de "Reine de la musique". La bassoniste propose une version épurée du classique de la comédie musicale new-yorkaise avec accordéon, rendant le titre plus bouleversant encore.

    C’est avec le morceau "Old Poem" que s’est concrétisée une autre relation artistique, cette fois entre Aaron Copland et la musicienne et pédagogue française. Le compositeur américain propose dans ce court morceau une essence à la fois moderne et une création aux sources anciennes. Le basson caresse chaque note, donnant à ce poème musical une teinte tout en romanesque.

    Il est naturel de trouver dans cet album la Sonate op. 168 pour basson et piano de Camille Saint-Saëns. Ce dernier l’a composé en 1921, peu avant sa mort. Il s’agit d’une des œuvres majeures du répertoire pour cet instrument mal-aimé. Lola Descours propose cette sonate en sachant que Saint-Saëns, un ami de la famille Boulanger, fut quelque peu misogyne pour Nadia Boulanger, sans doute un peu trop libre à son goût et pour son époque.      

    D’autres grands classiques de la musique française rejoignent cet enregistrement, à commencer par Francis Poulenc et trois courts morceaux élégants, "Fiançailles pour le rire", un extrait de La Courte Paille et un autre de Léocadia, le fameux air "Les chemins de l’amour", rendu célèbre à par Yvonne Printemps. Le basson est parfait pour rendre à cette chanson toute sa douceur. Gabriel Fauré est également présent la mélodie "Les berceaux", interprété là aussi avec piano et basson.

    L’auditeur découvrira avec bonheur le titre phare du film Le Jouet, avec un Vladimir Cosma plus inspiré que jamais et qui a fait de la BO de cette célèbre comédie une œuvre désormais classique. Autre compositeur pour le cinéma, Michel Legrand est présent avec le morceau "Watch What Happens". Le titre dira sans doute moins que l’œuvre dont il est tiré : Les Parapluies de Cherbourg.    

    Parmi les grandes figures de la musique contemporaine américaine, et outre Aaron Copland, Lola Descours a la bonne idée de proposer le passionnant "Love Divided Bye" de Philipp Glass. Le minimalisme est bien là mais le compositeur américain le mâtine de cet esprit français. Une influence de Nadia Boulanger ? Gageons que oui.

    La musicienne française vouait une tendresse et une admiration particulière pour Jean Françaix qu’elle a formé dès son enfance. Il est présent ici avec son "Divertissement pour basson et quintettes à cordes". Sérieux, légèreté, gravité, insouciance, classicisme et modernisme se marient avec bonheur dans cette œuvre de 1959 que l’on découvre grâce à Lola Descours. Le basson se fait plus discret, tout en restant central et capital. Un instrument roi, assurément.   

    Hommage à Nadia Boulanger, Lola Descours (basson), Paloma Kouider (piano),
    Trio ABC, Octuor de France, Indésens Calliope Records, 2024
    https://loladescours.com
    https://www.facebook.com/p/Lola-Descours-Bassoon

    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Rui Lopes, le basson peut lui dire merci"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Roxane Elfasci : "La relation avec un instrument est assez conflictuelle, c’est presque comme une passion amoureuse"

    Roxane Elfasci est un des gros coups de cœur de cette fin d’année, avec un album consacré à la guitare et à des adaptations passionnantes, étonnantes, enivrantes et parfois surprenantes pour cet instrument. C’est l’objet de Poésie française et Hommage à Debussy. Nous avons voulu en savoir plus cet projet musical mêlant tubes classiques, standards français et coups de cœur. Rencontre inédite avec Roxane Elfasci qui a la guitare dans la peau. 

    Bla Bla Blog – Bonjour Roxane. Vous proposez, avec votre Poésie française un album de reprises et d’arrangement à la guitare deux albums en un. Pouvez-vous nous raconter la genèse de cet opus ? Tout est parti, je crois de Youtube et d’une première version du Clair de lune.

    Roxane Elfasci – Bonjour, et merci pour l’intérêt que vous portez à mon album ! J’ai toujours eu un grand amour pour la musique française, et en particulier celle du tournant du 20ème siècle. Debussy est un compositeur sans égal, qui a su amener énormément de délicatesse et de poésie dans ses compositions. J’ai eu très tôt l’envie de m’approprier sa musique à la guitare, par le biais d’arrangements. Le premier enregistrement que j’ai réalisé a été le Clair de Lune en effet, puis j’ai enregistré un premier album, sorti en 2021, entièrement consacré à la musique de Debussy et à des hommages à sa musique écrits par d’autres compositeurs. Après cela, je sentais que tout n’avait pas encore été dit, c’est pourquoi j’ai voulu enregistrer un second album intitulé Poésie Française : on y retrouve un nouvel arrangement de Debussy, pour duo de guitares : La Valse Romantique, mais également des références à d’autres compositeurs iconiques français comme Fauré, Satie ou encore Saint-Saëns. L’album est comme une mosaïque, un patchwork de la poésie musicale de ces années-là, en France.  

    BBB – L’auditeur découvrira sans doute tout l’éventail de nuances que propose la guitare. Quelle relation avez-vous d’ailleurs avec cet instrument, mais aussi avec la musique classique, un genre où la guitare est présente de manière plus discrète que le piano ou le violon ? 

    RE – J’ai commencé la guitare très jeune et je ne l’ai jamais quittée depuis. Parfois, la relation avec un instrument est assez conflictuelle, c’est presque comme une passion amoureuse : il y a des moments de joies intenses, d’autres où on se sent malheureux, mais en fin de compte, je ne peux pas me passer de ma guitare, elle fait partie de ma vie et de mon quotidien. Je suis dépendante de son odeur, de la sensation tactile des doigts sur la touche, du son de ses six cordes, et de tous les effets que le travail d’un instrument procure sur les sens. Je n’écoute pas uniquement de la musique classique, mais il est vrai que mes plus grands émois musicaux proviennent de là. J’ai appris à l’écouter, à l’apprécier, à en connaître les secrets au fur et à mesure de mes études et c’est aussi ça qui me plaît : avoir cette écoute active, comprendre toutes les merveilles d’écriture d’une symphonie, d’un concerto, d’une sonate pour piano. Certes la guitare classique est un peu à part dans ce milieu, mais la volonté que j’ai eue de m’y consacrer entièrement est indissociable de l’amour que j’ai pour la musique classique et de la fascination que ce milieu exerce sur moi. 

    BBB – On est surpris de voir que la guitare sert admirablement bien des œuvres de Debussy, Satie ou Fauré. Pour vous, ces compositeurs allaient-ils de soi pour des adaptions à la guitare ? 

    RE – D’une manière générale, la guitare fonctionne très bien pour les adaptations d’énormément de styles musicaux différents. C’est un instrument polyvalent, polyphonique, et qui offre des ressources quasiment illimitées quant aux variétés de timbres ou de modes de jeu. Réaliser des arrangements a toujours été une tradition chez les guitaristes classiques. C’est aussi une manière pour nous de pallier les manquements de notre répertoire : Debussy, Satie et Fauré n’ont jamais écrit pour guitare par exemple. Toutes les œuvres ne sont pas arrangeables pour autant, et le travail de transcription commence d’abord là : choisir les œuvres qui fonctionneront, et déterminer également pour quelle formation de cordes pincées on va l’arranger : guitare seule, duo, quatuor… Dans l’album Hommage à Debussy, l’un des arrangements fait appel à une formation assez rare : un trio avec deux guitares et une guitare baryton (instrument peu commun): c’était la formation qui me semblait convenir le mieux pour recréer l’atmosphère énigmatique et profonde de La Plainte au loin du Faune de Paul Dukas, à l’origine écrite pour piano. 

    BBB – Pouvez-vous nous parler des adaptations en elles-mêmes, puisque vous êtes l’auteure de quelques-unes d’entre elles, dont les Gymnopédies de Satie, La Rêverie de Debussy ou sa première Arabesque. Quelles sont les difficultés lorsque l’on passe d’une œuvre composée pour le clavier à la guitare ? 

    RE – Le piano offre un très grand ambitus, avec plus de sept octaves de jeu. La guitare elle, a un ambitus beaucoup plus réduit, qui s’étend sur un peu plus de trois octaves, avec un accès déjà plus difficile aux suraigus pour la main gauche. Par ailleurs, le pianiste dispose de ses dix doigts sur le clavier, ce qui lui permet une grande facilité de phrasé. À la guitare, nous sommes limités par les quatre doigts de la main gauche. Mais c’est ce qui est formidable aussi avec la guitare : c’est qu’elle arrive à rendre possible ce qui semble parfois impossible ! Je me souviens que lorsque j’avais travaillé sur l’arrangement de l’Arabesque, j’avançais pas à pas, mais je trouvais à chaque fois des solutions étonnantes qui ravivaient mon amour pour la guitare car je prenais conscience de toutes ses possibilités. On trouve des astuces, des combinaisons d’arpèges, des choix d’octaviation, des scordatura arrangeantes, un usage approprié des harmoniques etc. qui permettent de s’en sortir. Un arrangement réussi, c’est lorsqu’on oublie quel a été l’instrument destinataire et qu’on se laisse entièrement convaincre par le nouvel instrument.  

    "Il y a certaines œuvres classiques qui sont devenus de tels "tubes" qu’ils sont presque passés dans le registre populaire"

    BBB – Parlons aussi d’Édith Piaf. Voilà une présence étonnante dans cet album. Pourquoi ce choix ? 

    RE – Il y a certaines œuvres classiques qui sont devenus de tels "tubes" qu’ils sont presque passés dans le registre populaire : c’est le cas de la Gymnopédie n°1 de Satie ou encore du Cygne de Saint-Saëns, et à l’inverse, des musiques populaires d’une telle richesse mélodique et orchestrale, qu’on les considère comme des "grands classiques". J’ai voulu illustrer cette perméabilité de la frontière entre musique classique et musique populaire en insérant ces deux pièces chantées par Édith Piaf à la fin de l’album. Je trouve qu’elles illustrent tout autant la poésie française que la Gymnopédie de Satie par exemple. Par ailleurs les arrangements de ces deux chansons de Piaf sont incroyables : ils ont été réalisés par Roland Dyens qui est probablement l’un des guitaristes que j’admire le plus, tant pour son exceptionnelle inventivité de compositeur et de transcripteur que pour ses qualités uniques d’interprète et d’improvisateur. 

    BBB – L’auditeur sera frappé par cette Marseillaise de Baden Powell, si mélancolique, si romantique… On sent que vous avez pris plaisir à surprendre et désarçonner.

    RE – J’avais découvert cette version de La Marseillaise il y a quelques années déjà, et j’avais tout de suite été séduite par la douceur de ses harmonies et la sobriété de l’écriture, à contre-pied de l’ambition martiale de l’hymne français. Cet arrangement a été écrit par Baden Powell, un guitariste et compositeur brésilien que j’affectionne beaucoup. On peut trouver sur YouTube une vidéo où on l’entend jouer cette Marseillaise. La partition n’est qu’une retranscription de ce moment live. J’ai depuis le début cette idée d’insérer La Marseillaise dans l’album Poésie Française, car ce disque est aussi une manière pour moi de manifester mon patriotisme. Je suis en effet une grande admiratrice de la culture française : son histoire, sa musique, sa littérature, sa gastronomie, ses paysages… C’est elle qui a nourri ma sensibilité et mon approche artistique, et j’ai souhaité lui rendre hommage ainsi avec ma guitare. 

    BBB – Quels sont vos projets pour 2024 ? Un nouvel album ? Une tournée ?

    RE – J’aimerais consacrer du temps en 2024 à promouvoir ce nouvel album. De nouvelles vidéos doivent encore sortir, notamment celle de la Valse Romantique, et quelques concerts sont prévus pour l’instant. J’ai toujours en tête de nouvelles idées d’albums, et je suis actuellement en train de travailler avec mon duettiste Baptiste Erard sur un projet autour de la musique de Philip Glass. J’ai par ailleurs un nouveau projet musical avec une chanteuse lyrique mezzo-soprano, Marthe Alexandre, que j’avais rencontrée il y a quelques années lors de concerts aux Arènes de Montmartre l’été. Nous commençons à jouer notre programme en public, et nous cherchons à multiplier progressivement les concerts en 2024. Je travaille également régulièrement avec mon quatuor de guitares, la Quatuor Iberia ; nous venons de sortir notre première vidéo sur YouTube, il s’agit d’une valse vénézuélienne composée par Jorge Cardoso. Nous avons également pour projet d’enregistrer un disque très prochainement. 

    BBB – Merci, Roxane.

    Roxane Elfasci, Poésie française et Hommage à Debussy, Amigo, 2023
    https://roxane-elfasci.com
    https://www.instagram.com/roxanelfasci
    http://amigo-musik.se/en

    Voir aussi : "Guitare et classique by Roxane Elfasci"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !