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sonate

  • Franck par Lazar

    César Franck : voilà un compositeur discret, pour ne pas dire oublié, et dont la popularité semble beaucoup se limiter au "Panis angelicus". Dommage. On doit remercier le pianiste français Ingmar Lazar pour ce choix d’œuvres pour piano, à commence par la délicate première sonate commençant par un "Larghuetto-Allegro moderato" tout en finesse.

    Avec César Franck, on est au cœur de cette musique française de la deuxième moitié du XIXe siècle. Alors que la musique allemande et romantique domine et que le modernisme s'annonce, la France reste dans une facture classique, avec parfois une fausse candeur ("Adagio, andante moderato"), mais sans jamais vendre au diable son élégance, ni ses influences romantiques (le troisième mouvement de la Sonate n°1, "Rondo, allegro vicace").

    L’auditeur trouvera ce puissant, subtil et ambitieux "Grand Caprice" (1843), aux arabesques sonores incroyables et demandant à l’interprète – ici, Ingmar Lazar – une virtuosité implacable.

    Puissant, subtil et ambitieux 

    L’album proposé par Hänssler et Ingmar Lazar propose un premier "Prélude, aria et fugue" en trois parties, avec toujours cette facture romantique au classicisme très "musique française". On se croirait dans les salons bourgeois du début de la IIIe République, car l’œuvre a été écrite entre 1886 et 1887. César Franck se déploie avec tact et brillance les trois mouvements.

    L’auditeur s’arrêtera sans doute avec plaisir sur le lent, tourmenté et aux accents nostalgiques et douloureux "Aria" ("lento"), avant un "Final" enlevé, pour ne pas dire agité ("allegro molto ed agitato").    

    L’album d’Ingmar Lazar se termine par un dernier "Prélude, choral et fugue". Écrite en 1884, l’œuvre se place d’emblée, à travers son titre, sur les pas de Jean-Sébastien Bach, avec un "Prélude" moderato au romantisme bouillonnant. Le "Choral, "poco più lento" se déploie avec une grâce indéniable, servi par un pianiste magnétique.

    Avec le dernier mouvement, "Fugue", nous voilà chez Bach. Mais un Bach catapulté en pleine deuxième mouvement du XIXe siècle, avec cette touche française propre à César Franck.    

    Et si l’on concluait en disant que l’album propose là l’une des plus séduisantes découvertes du compositeur français ? 

    César Franck, Piano Works, Ingmar Lazar, Hänssler, 2023
    https://www.facebook.com/ingmarlazarpiano
    https://www.ingmar-lazar.com
    https://haensslerprofil.de/shop/soloinstr-ohne-orchester/cesar-franck-piano-works

    Voir aussi : "Histoires de roux et de rousses"

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  • Rui Lopes, le basson peut lui dire merci

    Le basson. Voilà un instrument rare, peu mis en valeur dans le répertoire classique, si ce n’est dans les grands orchestres, mais noyé dans la masse... Voilà qui rend la démarche du bassoniste Rui Lopes passionnante. Grâce à son album Close Encounters, il nous fait découvrir son instrument à travers un choix d’œuvres d’Édouard du Puy, Wynton Marsalis (et oui!), mais aussi Camille Saint-Saëns et Astor Piazzolla. À noter aussi la présence d'artistes moins connus, la compositrice Helena Winkelman et Marcelo Nisinman.

    Le son rond, grave, picaresque, pour ne pas dire pittoresque, du basson se déploie avec fraîcheur dans le "Quintette pour basson, violons, alto et violoncelle" d’Édouard Du Puy. L’auditeur découvrira sans doute ce compositeur suisse de la fin du XVIIIe siècle, à la facture très classique, pour ne pas dire mozartienne, mais qui nous ouvre une jolie œuvre mettant en relief et en valeur le basson.  

    L’auditeur sera certainement intrigué par l’apparition de Wynton Marsalis dans ce programme classique et contemporain. Le jazzman figure dans une pièce à la contemporanéité déconcertante, "Meeelaaan, pour basson et quartette à cordes". Une composition à la fois austère, rigoureuse et où le jazzman se joue paradoxalement du rythme. Les cordes se triturent ans tous les sens et tous les espaces pour ce morceau en trois mouvements à l’étonnante modernité mais où le jazz n’est pas absent, pas plus que ses revisites de styles et de danses populaires, "Blues", "Tango" et "Bebop". Marsalis propose ainsi une rencontre inédite entre des musiques et des rythmes que tout opposait a priori

    Après cette légende de la musique, place à des nouveautés, avec d’abord la compositrice Helena Winkelman et sa création pour Rui Lopes, "Gott-Fa", sous-titrée "Deux scènes pour basson et orchestre à cordes". Les deux mouvements, ou "scènes", "Gott – In nomine" et "Fan – Respect the machine", sont à découvrir avec attention. La première scène, "Gott – In nomine", est un lancinant chant de plus de 12 minutes, tour à tour méditatif, plaintif et inquiétant. Dans la deuxième scène, "Fan – Respect the machine", plus courte (moins de 6 minutes), c’est le rythme et le mouvement qui est au centre. Comme une machine infernale, le basson de Rui Lopes prend les choses en main, avec un appétit insatiable et une audace, à l’égal de celle de la compositrice. 

    Rui Lopes serait-il raide dingue du tango ?

    Autre création contemporaine et création, "Rui’s Tango" est, comme son nom l’indique, une autre création autour de la célèbre danse argentine, cette fois par Marcelo Nisinman, qui nous vient – est-ce un hasard ? – d’Argentine. En trois mouvements, son tango prend des allures de revisite audacieuse – moins sans doute que celle de Winton Marsalis toutefois – sans pour autant trahir l’essence du tango : rythme, passion, sensualité, mais avec cette folie amoureuse que l’on trouve dans le deuxième mouvement "Andante, Vielas de Alfama", sans oublier ce sens de l’expérimental ("Allegro"). 

    Il est heureux qu’après ces découvertes et ces créations, Rui Lopes revienne aux grands classiques, à commencer par la "Sonate pour basson et piano op. 168" de Camille Saint-Saëns. L’auditeur sera agréablement chatouillé par cette œuvre à la fois modeste (moins de 13 minutes pour les trois mouvements), délicate et d’une belle construction mélodique et harmonique, à l’instar du troisième mouvement "Adagio – Allegro moderato". 

    Rui Lopes serait-il raide dingue du tango ? Car ce genre fait de nouveau l’objet d’un titre, le dernier de l’album. Le bassoniste reprend la célèbre "Etude n°3" d’Astor Piazzolla. Superbe, passionnant et un très bon exemple d’adaptation réussite, pour un instrument que le musicien défend admirablement bien : "J’ai toujours été fasciné par la façon dont le son du basson se mêlait à celui du quatuor à cordes. Pour cet album, j’ai choisi des œuvres que j’aime jouer, certaines originales, d’autres « ré-arrangées ». J’ai ensuite demandé à des compositeurs que j’admire d’écrire pour cette formation. Deux des pièces ont été enrichies d’une contrebasse".

    Exemplaire et remarquable, à plus d'un titre.

    Rui Lopes, Close Encounters, Prospero, 2023
    https://www.facebook.com/ruilopesmusic/?locale=fr_FR
    https://www.rui-lopes.com

    Voir aussi "Majeur !"

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  • Amitié franco-allemande

    Un album classique a attiré mon attention : les deux sonates pour piano et violon de Richard Strauss et César Franck jouées par Brieuc Vourch au violon et Guillaume Vincent au piano, chez FARAO Classics.

    Il peut paraître étrange de rassembler dans un même album deux compositeurs du XIXe siècle a priori antagonistes : l’un allemand et l’autre français, dans une période marquée par des conflits meurtriers entre ces deux pays. Une objection qui peut facilement être retoquée par le pedigree des deux interprètes : Brieuc Vourch Guillaume Vincent, tous deux nés à Paris mais vivant et travaillant essentiellement de l’autre côté du Rhin, entendent mettre en musique cette amitié franco-allemande à travers ce très joli opus de musique de chambre.

    L’album de Brieuc Vourch et Guillaume Vincent commence par Strauss et une œuvre de jeunesse que le compositeur a écrite lorsqu’il n’avait pas 25 ans."Le seul révolutionnaire de son temps" disait de lui Arnold Schoenberg. Il est vrai qu’en dépit de la facture classique et romantique de la sonate opus 18 écrite à l’époque de son poème symphonique Don Juan, Richaud Strauss déploie toute sa technicité et son audace dans le travail sur les timbres comme sur le rythme.

    Au sombre romantisme du premier mouvement (Allegro ma non troppo) succède l’Andante cantabile "Improvisation" avançant à pas feutrés aux deux instrumentistes au diapason et luttant à armes égales dans cette sonate robuste mais équilibrée. L’œuvre de Strauss se termine par le troisième mouvement Andante et Allegro d’abord sec et sombre avant qu’il ne s’envole grâce au violon de Brieuc Vourch. Les solistes font du dernier mouvement un ultime salut aux volutes somptueuses et à l’architecture musicale exigeante. L’allégresse exprimée se mêle de tons mélancoliques dans ce Finale aux multiples reflets. 

    "J‘ai beaucoup osé, mais la prochaine fois, vous verrez, j‘oserai encore plus"

    La deuxième œuvre de l’album est la sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck. Elle a été écrite en 1886 et dédiée au violoniste Eugène Ysaÿe. C’est l’une de ses pièces les plus jouée. Quatre mouvements composent cet opus, sans doute moins audacieux que l’œuvre de jeunesse de Strauss. Il faut dire que Franck a 40 ans de plus que son contemporain allemand. Le texte de présentation de l’album de Brieuc Vourch et Guillaume Vincent rapporte les mots éloquents  du musicien français à l’époque de la réception, disons fraîche, de sa Symphonie en ré mineur écrite à la même époque : "J‘ai beaucoup osé, mais la prochaine fois, vous verrez, j‘oserai encore plus." Franck n’est pas un novateur comme l’a pu l’être Strauss. Son mouvement Allegretto moderato a une facture plus légère, fraîche et éthérée comme un nuage, aux antipodes de la sonate d’airain de Strauss.

    Pour l’Allegro, Franck fait de sa musique un saisissant moment de symbolisme. On croit voir des ondines apparaître grâce au violon hanté de Brieuc Vourch, accompagné par un Guillaume Vincent tout en mesure et en discrétion. C’est l’infinie délicatesse encore qui préside au mouvement Recitativo-Fantasia (ben moderato) avant le dernier mouvement Allegretto poco mosso, une dernière partie presque joueuse et rondement menée par le duo franco-allemand.

    Ce n'est pas la moindre des qualités de Brieuc Vourch et Guillaume Vincent que de nous faire entrer dans ce répertoire du XIXe siècle avec talent, générosité et un grand sens du dévouement. "La sculpture du son est le seul métier du musicien, son travail est artisanat. Le narcissisme n‘y a pas de place. Seuls le dévouement, la patience et la discipline constituent la trame de la création" disent les deux musiciens en "artisans" de la musique, au service des deux compositeurs les plus créatifs de leur temps.  

    Brieuc Vourch et Guillaume Vincent, Richard Strauss / César Franck, FARAO Classics, 2021
    https://www.brieucvourch.com
    https://www.guillaumevincent.net
    https://www.farao-classics.de

    Voir aussi : "Au salon avec Chopin et Haley Myles"

    © Andrej Grilc

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