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violon

  • Si la musique m’était contée

    Il faut d’abord saluer la bonne idée de cet album entièrement consacré à des contes mis en musique par Dana Ciocarlie au piano et Vincent Figuri en récitant. Ajoutons pour être complet la participation du violoniste Christophe Giovaninetti et du clarinettiste Philippe Cupper.  

    Avant de nous intéresser à Ma Mère L’Oye, le chef d’œuvre de Ravel, parlons du premier conte de l’opus, aussi peu connu que son compositeur. Nikolaï Tcherepnine (1873-1945) a terminé Le Conte du pêcheur et du poisson en 1917, juste avant son exil de la Russie communiste. Il a mis en musique un texte de Pouchkine, souvent mal traduit par Le Petit poisson d’or. Cette histoire de poisson magique, d’un pêcheur bon et sage et de sa femme acariâtre a été mise en musique dans un style romantique typique de la la musique russe de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Le talent de conteur de Vincent Figuri hypnotise dans ce joli conte moral, à découvrir absolument dans cet enregistrement de Salamandre.

    C’est Vincent Figuri qui a écrit le texte pour Ma Mère L’Oye. Il est vrai que cette petite merveille de Maurice Ravel (1875-1937) ne pouvait pas être absente du programme de l’album. Pour cette composition délicate et instrumentale datant des années 1908-1912, Vincent Figuri a imaginé quatre textes autour des figures légendaires de La Belle au bois dormant, du Petit Poucet (également présent plus tard dans l’opus), de Laideronnette et de la Belle et la Bête. Le talent de narrateur de Vincent Figuri est porté par des musiciens respectant la composition hyper sensible de Ravel, en particulier dans cette merveille qu’est Le jardin féerique – sans texte.

    "Ah! pauvre petite innocente, que de transes, que d'angoisses pour ce premier aveu d'amour"

    Reynaldo Hahn (1874-1947) a 18 ans lorsqu’il compose son délicat Clair de lune, vraiment typique de cette musique française des années 1890-1900. Sur des mélodies simples, Louis Montégut a imaginé un texte à la fois naïf et romantique – et non sans humour – sur deux jeunes gens s’éloignant pour batifoler en paix. Mais, même au milieu d’une nature plus bruyante qu’on ne le croie, s’aimer est-il encore possible ? "Ah! pauvre petite innocente, que de transes, que d'angoisses pour ce premier aveu d'amour."

    La mère et l’enfant d’Edouard Lalo (1823-1892), de la même période, doit sa présence à son titre. Ces deux pièces instrumentales ont été transcrites par Florent Schmitt (dont on regrette qu’il soit toujours si méconnu) pour le violon et le piano. Elles ont la particularité de ne pas être accompagnées de textes. L’auditeur ou l’auditrice gouttera le travail de mélodie et la facture néo-romantique de ces deux morceaux rares.  

    De Marcel Landowski (1915-1999), on connaît surtout son conte La Sorcière du placard aux balais. Or, c’est une œuvre moins connue qui est proposée ici, à savoir une déclinaison du Petit Poucet : Le Petit Poucet joue du piano. Dans le livret de l’album, Vincent Liguri précise que Landowski propose ici une composition à vocation ludique autant que pédagogique. "Chaque pièce développe un travail sur les gammes, le jeun détaché, le legato, les notes répétées…" Cela donne une version du Petit Poucet étonnante et très moderne, par un compositeur contemporain qui a toujours revendiqué son attachement à la musique classique, tonale et à sa liberté. Voilà qui est parfait pour clore cet enregistrement attachant et qui restera longtemps dans les têtes.

    Tcherepnine, Ravel, Hahn, Lalo et Landowski, Contes
    (Conte Du Pêcheur Et Du Poisson - Ma Mère L’Oye,
    Au clair de lune, La mère et l’enfant, Le Petit Poucet joue du piano)
    ,
    Dana Ciocarlie (piano) et Vincent Figuri (narrateur), Salamandre, 2025

    http://www.salamandre-productions.com
    http://www.vincentfiguri.eu
    https://www.danaciocarlie.com

    Voir aussi : "Satie Cool"
    "Loïe Fuller sur les pas de Salomé"

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  • Lucia Micarelli a plus d’une corde à son arc

    Ce qui frappe d’emblée dans l’envoûtant album Anthropology c'est la voix de Lucia Micarelli. Be My Husband, qui ouvre son nouvel opus, est une reprise d’un standard jazz de Nina Simone, adaptation lui-même d’un chant traditionnel afro-américain, Rosie. Pour cette fois, l’artiste étasunienne abandonne son instrument fétiche, le violon, pour préférer une interprétation dépouillée voix-percussions. Audacieux et bouleversant.

    Elle se saisit plus loin de l’archer pour un air traditionnel roumain, Rustem, dans lequel la violoniste part dans une danse endiablée, offrant du même coup un aperçu de sa virtuosité. On sera captivé d’une autre manière par son interprétation incroyable d’une mélodie du compositeur élisabéthain Thomas Tallis (1505-1585). Sacrée découverte que ce Third Mode Melody ! On pourrait dire la même chose du traditionnel Very Day I’m Gone, chant de départ, chant de deuil et chant de l’exil bouleversant, interprété par une Lucia Micarelli, comme habitée : "Oh, the very day I′m gone / You will know what train I'm on / You will hear the whistle blow 100 miles / Hear the whistle blow 100 miles". Sans doute l’un de mes meilleurs titres de l’album.

    Après un passage par le jazz, tout en rythme et en sonorités du sud américain (1B d’Edgar Meyer) puis par la folk avec une reprise pudique de Both Sides Now de Joni Mitchell, c’est du côté du classique que l’on retrouve la musicienne et chanteuse. Place, en l’occurrence, à un monument de Jean-Sébastien Bach, l’Adagio de sa première Sonate pour violon en sol mineur BWV 1001. Vous me direz qu’il s’agit là d’un morceau incontournable, certes difficile et demandant une grande dextérité. Voilà qui illustre en tout cas à la fois la virtuosité et l’ouverture d’une musicienne s’attaquant à tous les registres de ses cordes – vocales… et celles de son violon, bien entendu.

    Un incroyable album pluriel qui rend Lucia Minarelli si attachante et si unique

    Lucas Micarelli ne pouvait pas ne pas explorer le répertoire contemporain. C’est chose faite avec le Duo pour violon et violoncelle (partie III) de Zoltán Kodály (1882-1967). N’oublions pas non plus sa version des Red Violin Caprices de John Corigliano, thème et variations composés pour le film Le violon rouge, film oscarisé en 1999 et tombé hélas dans un relatif oubli – si l’on excepte toutefois justement sa BO, devenue un classique.

    Parlons aussi de ces deux autres airs traditionnels que sont Black is the Color of My True Love’s Hair, une ballade écossaise bien qu’elle ait été aussi utilisée de l’autre côté de l’Atlantique dans les Chansons folkloriques anglaises des Appalaches du Sud de Cecil Sharp. L’album se termine avec le délicat Careless Love qui avait été immortalisé le siècle dernier par Madeleine Peyroux. L’artiste américaine s’empare de cette "ballade du XIXe siècle et de standard du Dixieland". Voilà qui achève de faire d’Anthropology un incroyable album pluriel, fascinant et qui rend Lucia Minarelli si attachante et si unique. On adore !

    Lucia Micarelli, Anthropology, Vital Records, 2025
    https://www.luciamicarelli.com
    https://www.facebook.com/luciamicarelli
    https://www.instagram.com/theloosh
    https://www.youtube.com/@LuciaMicarelliOfficial

    Voir aussi : "Altiera : ‘L’amour existe peut-être ailleurs, dans un autre univers, une autre dimension’"
    "Pas de pépin pour Julien Desprez"

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  • Bouquets de Fauré

    Pour terminer cette année 2024, quoi de mieux que de le faire avec Gabriel Fauré dont nous fêtons les 100 ans de sa mort. Une "Année Fauré", donc, et qui mérite ce Florilège proposé par Indésens. Les enregistrements proposés sur 2 CD s’étalent sur 50 ans, de 1974 à 2024.  

    La première partie de l’album est constituée du Quatuor pour piano et cordes n°2 op. 45 et de la première Sonate pour violon op. 13. Ces œuvres ont été enregistrées entre 2017 et 2024.

    Gabriel Fauré, dont la musique est parfois considérée à tort comme mièvre et trop classique, surprend par sa franche énergie et son audace romantique dans le Quatuor op. 45. L’ensemble constitué par Lauriane Corneille (piano), Hugues Borsarello (violon), Arnaud Thorette (alto) et Raphaël Perraud (violoncelle) restituent de concert la densité de cette pièce de 1886, en particulier l’Allegro molto moderato. La jeunesse, la vivacité et l’audace de l’Allegro molto frappent aux oreilles. On peut aussi parler d’efficacité du langage comme du sens mélodique du compositeur français. Ringard et dépassé, Fauré ? Sûrement pas à l’écoute du troisième mouvement Adagio ma non troppo, mystérieux, raffiné, élégant mais aussi doué d’une singulière modernité avec son piano central dans le quatuor (le jeu inspiré de Lauriane Corneille fait particulièrement merveille). Le finale Allegro molto achève de nous convaincre de l’importance de cette pièce à la fois puissante et lyrique.

    Le premier CD est complété par la Sonate pour violon n°1 op. 13. Elle est jouée ici au violon par Tatiana Samouil, avec David Lively au piano. La gestation de l’œuvre a duré deux ans, de 1875 à 1877, avant de trouver sa forme définitive qui a immédiatement conquis le public. Fauré impose son style fait de recherches mélodiques, d’élégance mais aussi de virtuosité (Allegro molto). Il y a cette délicatesse et cette onctuosité propre à la musique française durant la Belle Époque (le léger et espiègle Andante). Fauré insuffle tout autant une fraîcheur bienvenue dans l’avant-dernier mouvement Allegro vivo avant un finale Allegro quasi presto, enlevé, joyeux et que le duo Tatiana Samouil-David Lively mène avec éclat.  

    De véritables tubes classiques

    La seconde partie de ce double-album de Gabriel Fauré est consacré à des pièces brèves, et pour certaines archi-célèbres. Mettons de côté le Chant funéraire op. 117, tardif (il a été composé en 1921), seul opus religieux de l’album et dont la retenue méditative renvoie à son chef d’œuvre qu’est le Requiem. Le Chant funéraire est ici proposé dans une version  de l’Orchestre d’harmonie des Gardiens de la paix, dirigé par Désiré Dondeyne. Mélodies et Romances dominent ce programme, dans des enregistrements s’étalant sur 50 ans. La harpiste Marie-Pierre Langlament et le violoncelliste Martin Löhr sont les interprètes majoritairement représentés.

    Le terme angliciste de best-of n’est pas galvaudé pour ce qui est un choix de musique de chambre, à telle enseigne que les curieux et curieuses désirant mieux connaître Gabriel Fauré seront bien inspirés de se précipiter sur ce double album, et en particulier sur le second CD passionnant.

    On image l’embarras pour ne pas dire le déchirement des programmateurs dans le choix des pièces. Remarquons cependant que la première Mélodie, op. 7 (Après un rêve), est proposée dans deux versions, l’une avec harpe et violoncelle (Marie-Pierre Langlament et Martin Löhr), l’autre, plus éclatante, avec trompette et piano (Eric Aubier et Pascal Gallet).

    De véritables tubes classiques sont évidemment présents, que ce soit la troisième Romance sans paroles op. 17, avec Alexandre Gattet au hautbois et le pianiste Laurent Wagschal – que les fidèles de Bla Bla Blog connaissent bien maintenant. Autre pièce majeure, La Sicilienne op. 78, toujours avec Marie-Pierre Langlament à la harpe et Martin Löhr au violoncelle. Citons aussi le léger et gracieux Papillon op. 77. Cette pièce revient plus loin dans une étonnante version pour euphonium (Lilian Meurin) et piano (Victor Metral). N’oublions pas non plus la Fantaisie op. 79 aux allures de danse fantasmagorique, avec Vincent Luca à la flûte et Emmanuel Strosser au piano ou la Romance op. 69 – romantique et mélodieuse à souhait.

    Des Huit pièces brèves op. 84, cinq ont été choisies. Laura Bennett Cameron au basson accompagnée de Roger Boutry au piano en proposent deux, le Caprocioso de la n°1 et l’Improvisation de la n°5, adaptés pour cet instrument à vent séduisant et de plus en plus en vogue. Absolument immanquable ! Marie-Pierre Langlament et Martin Löhr sont de retour pour la délicate Sérénade op. 98. L’Élégie op. 24 ne pouvait pas ne pas figurer sur l’album. Elle est proposée dans une version pour harpe et violon.

    Marie-Pierre Langlament et Martin Löhr – encore eux – viennent conclure ce programme avec de nouveau les Romances sans paroles op. 17. Outre le retour de la 3e Romance, Andante moderato, figurent la 1ère Andante quasi allegretto et la 2e Allegro molto. Tout l’esprit de Fauré est là : lignes mélodiques irrésistibles et expressivité tout en retenue.

    Voilà un double-album capital pour découvrir ou redécouvrir la musique de chambre d’un compositeur capital. 

    Gabriel Fauré, Florilèges, Indésens Calliope, 2024
    https://indesenscalliope.com
    https://www.bs-artist.com/pages/communication

    Voir aussi : "Bonnes chansons de Fauré"
    "Élégies pour Fauré"
    "Fauré, cent ans après toujours jeune"

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  • Rita Strohl en robe de chambre

    Depuis quelques années, la musique classique revoit de fond en comble son catalogue avec un objectif remarquable : découvrir, redécouvrir et mettre en lumière des compositrices que l’histoire a oubliées. Parmi celles-ci, il y a Rita Strohl (1865-1941). La Boîte à Pépites s’est penchée sur cette musicienne française en proposant de nouveaux enregistrements via une série de coffrets.

    Sa musique de chambre fait l’objet d’un deuxième volume (il en comportera trois), avec des interprètes passionnés qui se sont penchés sur une œuvre rare mais d’un très grand intérêt. Il convient de citer les - jeunes - musiciennes et musiciens (car quelques hommes sont aussi de la partie) qui se sont attelés à la tâche de ressusciter une compositrice oubliée. Citons ces interprètes qui se sont lancés dans cette belle aventure : les violonistes Raphaëlle Moreau, Shuichi Okada, Alexandre Pascal, les altistes Léa Hennino, Claudine Legras, les violoncellistes Héloïse Luzzati, Edgar Moreau, Aurélien Pascal, la contrebassiste Lorraine Campet, le clarinettiste Nicolas Baldeyrou, les pianistes Célia Oneto Bensaïd (dont nous avons déjà parlé sur Bla Bla Blog) et Tanguy de Williancourt, avec également le Quatuor Dutilleux pour être complet.

    À la lisière du XIXe et du XXe siècle, la carrière de Rita Strohl épouse à la fois le classicisme français, le romantisme finissant (La Grande Fantaisie sur le premier CD) et le modernisme révolutionnaire qui est certes peu présent dans ce deuxième coffret. Une vraie belle découverte que celle de Rita Strahl qui nous fait dire que décidément parler de "sexe d’une œuvre" n’a pas grand sens. Le Moderato de La Grande Fantaisie nous entraîne, sous forme d'une valse, dans les salons français, encore tout imprégnés de classicisme mais aussi d’influences folkloriques qui en font une singulière composition. Rita Strohl n’oublie pas Bach, comme pour remettre l’église au milieu du village.  

    L’intimité le dispute à la légèreté dans le Septuor en ut mineur de 1890, avant une Romance surfant sur le mystère, l’onirique et la langueur. Cela fait de ce mouvement un joyau à ne surtout pas manquer et digne de figurer comme un des futurs grands tubes de la musique classique – on se plaît à rêver de l’utilisation qu’en ferait un réalisateur pour une BO. 

    Rita Strohl n’oublie pas Bach, comme pour remettre l’église au milieu du village

    Il y a de la légèreté, de la grâce et de l’enfance dans cet autre opus nommé Arlequin et Colombine. Les instruments se répondent avec une harmonie au service d’un discours amoureux (Allegretto quasi andantino) teinté de mélancolie (Andante).

    Rita Strohl soigne un univers musical bien à elle passant, dans le Quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano (2e CD du coffret), du pathétique au romantique, avec des envolées jeunes et joyeuses (Scherzo), de la virtuosité enthousiasmante et où la patte de Bach ressurgit (Thème et variations – Andante).

    L’auditeur sera capté par la texture soyeuse du Deuxième Trio en ré mineur admirablement servi par Raphaëlle Moreau, Edgar Moreau et Tanguy de Williencourt (Andante sostenuto – Allegro). L’auditeur découvrira tout autant le prenant Andante, "très mystérieux" comme l’indique ce deuxième mouvement. Plus romantique que cela, il n’y a pas. C’est un final coloré qui vient conclure ce formidable Trio, une vraie belle et géniale découverte de Rita Strohl.

    La violoniste Héloïse Luzzati et la pianiste Célia Oneto Bensaïd apportent un supplément d’âme supplémentaire à ce deuxième CD avec Solitude, une Rêverie pour piano et violoncelle datant de 1897. L’ombre de Gabriel Fauré plane sur cette courte pièce à la puissante mélancolie. On est là au cœur de la musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. La belle prise de son saisit au mieux la rondeur du violoncelle et le jeu tout en contrastes et en densité de Célia Oneto Bensaïd.  

    C’est singulièrement sur le CD 3 que l’on retrouve le Premier Trio pour piano, violon et violoncelle date de 1894. La compositrice a choisi de nommer les deux premiers mouvements, en plus des indications habituelles. Le premier mouvement, "Les adieux et le départ", est joué allegro. Voilà une scène d’adieu inhabituellement joyeuse. Invitation à se revoir ou bien plaisir de se retrouver seul ? On  laissera l’auditeur choisira ce que Rita Strohl souhaitait mettre en musique. Le deuxième mouvement, Adagio cantabile, est intitulé "Prière". Il est vrai que le contraste avec la partie précédente est saisissant. Les notes glissent et montent avec grâce, servies par une mélodie au majestueux classicisme.

    Le Quatuor Dutilleux est à la manœuvre pour nous faire découvrir le délicat Quatuor à cordes daté de 1885. Après le très court et grave Allegro ma non troppo, nous voilà partis dans un thème et des variations (Moderato) qui nous séduisent par le choix d’un mouvement passant de la séduisante mélopée aux accents baroques à la joyeuse danse devant des esprits capricieux. Voilà qui fait de ce passage un écart de la compositrice française vers la modernité.

    Celia Oneto Bensaïd vient conclure ce très beau coffret consacré à la musique de chambre de Rita Strohl avec la Musiques sur l’eau datant de 1903. L’ombre de Debussy plane sur cet opus en trois mouvements (Jeux de naïades, Barcarolle et Orage). Le jeu de la pianiste française séduit par sa simplicité, sa grâce et ses ondulations pleines de finesses, de naturel… et de naturalisme. Voilà qui permet de clore en beauté une rétrospective passionnante sur une compositrice trop vite oubliée et qui renaît aux oreilles de l'auditeur de 2024, 80 ans après sa mort. 

    Rita Strohl, Une compositrice de la démesure, Volume 2,
    Musique de chambre, La Boîte à Pepites, 2024, 3 CD

    https://elleswomencomposers.com
    https://www.presencecompositrices.com/compositrice/strohl-rita

    Voir aussi : "Album univers"
    "Résurrection"

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  • Sue-Ying Koang à l’attaque du Mozart suédois

    Oui, la musique classique reste un grand champ de découvertes, ou plutôt de redécouvertes musicales. On doit à la violoniste Sue-Ying Koang celle de Johan Helmich Roman (1694-1755), inconnu en France mais considéré dans son pays natal, la Suède, comme un père fondateur en musique classique. Ce qui n’empêcha pas Roman de voyager et de se produire à travers l’Europe, trouvant notamment, à l’instar de son contemporain Haendel, un point de chute en Angleterre avant de revenir à Stockholm où il obtient les faveurs de la cour royale. Intendant de la musique, il appuie de tout son poids pour favoriser la langue suédoise dans la liturgie mais aussi par la traduction des traités musicaux dans sa langue natale.  

    Sue-Ying Koang propose dans un enregistrement d’Indésens une sélection d’œuvres pour violon seul, rarement jouées comme le reconnaît l’interprète mais pourtant d’une grande richesse. La couleur, la chaleur et la vivacité frapperont l’auditeur, à commencer par les trois Övningar, des mouvements isolés qui ouvrent l’opus et qui sont des études et des "exercices pour le violon de Roman".  

    Le tout premier, en do mineur (BeRI 339), séduit par sa fougue que Sue-Ying Koang apprivoise avec une belle virtuosité. L’övningar en mi majeur (BeRI 332) est encore un de ces beaux voyages dans ce riche solo pour violon tout en arabesque. Celui en fa majeur (BeRI 348), aussi fantaisiste que mélancolique, prouve que Roman n’était pas qu’un compositeur technique et virtuose. Violoniste lui-même, il offre au violon une riche variété de sons, de rythmes et de tons. Il faut ajouter à cela une prise de son rendant au violon tout son éclat. D’autres övningars parsèment l’opus, dont celui, majestueux et éclatant, en ut majeur (BeRI 337), l’"étude" en mi mineur BeRI 347, technique et d’une belle virtuosité et L’övningar en sol mineur BeRI 336, dense et riche de ses multiples variations, avec les coups d’archers impeccables de Sue-Ying Koang.

    Coups d’archers impeccables de Sue-Ying Koang

    Parmi la vingtaine d’assaggi laissés par le compositeur suédois, Sue-Ying Koang en propose trois, la BeRI 312 en mi mineur, la BeRI 313 en fa dièse mineur et la BeRI 317 en en ut majeur. La violoniste précise dans le livret de l’album que "les sources musicales des assaggi sont fragmentaires", avec en outre des erreurs de copie, des pages manquantes et des doutes quant à l’ordre des mouvements. Elle précise que l’absence d’indications de la part du compositeur scandinave laisse à l’interprète une grande liberté, ce dont la violoniste entend bien profiter.    

    L’Assaggio en mi mineur cueillera au cœur l’auditeur par son mélange de retenue et d’insouciance. Roman était un voyageur européen, avons-nous dit. Ne serait-il pas passé par la France ? Cette question mérite d’être posée à l’écoute des quatre mouvements qui auraient pu être composés par Marin Marais (le bouleversant Non troppo adagio). Ce qui n’empêche pas le "Mozart suédois" de faire montre d’une légèreté dans le troisième mouvement Allegro moderato ou, mieux, le dansant Allegro sous forme de gigue. Nous voilà bien là au cœur du XVIIIe siècle européen.  

    L’Assaggio en fa dièse mineur prouve que Roman n’est pas à considérer comme un petit maître de cette époque, écrasé qu’il a pu être par les légendes de son époque qu’étaient Bach, Mozart ou Haendel. Sa subtilité et son audace sont évidentes dans le Non troppo allegro de cet assaggio, mêlant retenue, hésitations, suspensions mais aussi virtuosité que la violoniste rend avec un mélange de patience, de fougue et d’audace. Deux courts mouvements viennent clore cet assaggio, à savoir un Andante tout en pudeur et un Allegretto en forme d’au revoir.

    Moins baroque et plus classique dans sa facture, l’Assaggio en ut majeur séduit par sa simplicité et son élégance. Pas d’esbroufes dans l’interprétation de Sue-Ying Koang mais une très grande classe (Con spirito). L’auditeur sera pareillement sensible à la belle densité du Allegro assai comme aux multiples variations du dernier mouvement Andantino.  

    Parmi les surprises de cet opus passionnant, l’auditeur trouvera un arrangement par Johan Helmich Roman de l’Amen du Stabat Mater de Pergolese. Le compositeur italien se retrouve plus loin, cette fois dans une version pour violon, arrangée par Roman himself, du bouleversant Fac ut ardeat cor meum

    Sue-Ying Koang, Johan Helmich Roman,A Violin Solo, Indésens Calliope Records, 2024
    https://indesenscalliope.com
    https://sueyingkoang.com

    Voir aussi : "Fauré, cent ans après toujours jeune"

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  • Nuit et lumières chez les Schumann

    C’est par une œuvre collective que commence cet enregistrement d’œuvres de Robert Schumann pour violon et piano. La Sonate F.A.E. nous vient de deux figures majeures du romantisme – Brahms (pour le troisième mouvement "Allegro (Scherzo)" et Schumann pour les deuxième et quatrième mouvements, "Intermezzo" et "Finale". Le troisième est Albert Dietricht, compositeur du premier mouvement "Allegro". Les trois amis écrivent en 1853 cette sonate au nom étrange mais plein de sens : "F.A.E." pour "Frei Aber Einsam" ("libre mais solitaire"). Elle a été offerte cette année-là au violoniste Joseph Joachim. Ce dernier l’a d’ailleurs joué, tout comme Clara Schumann.

    Nous avions parlé il y a quelques semaines du "Scherzo" enregistré par Rachel Kolly et Christian Chamorel. Dans l’album Robert Schumann et son univers, proposé par Indésens, Yann Passabet-Labiste au violon et Bertrand Giraud au piano proposent les quatre mouvements de cette sonate, écrite avant que la maladie ne fasse taire Robert Schumann. Le compositeur vit une période tragique avec la mort de son jeune fils Emil en 1847, celle de son ami Felix Mendelssohn la même année et avant la détection d’une maladie mentale chez Ludwig, un autre de leur fils. Schumann vit particulièrement douloureusement cette période. La dépression succède à des crises d’angoisse et des hallucinations. Voilà pour le tableau de cette période sombre à nulle autre pareil. Autant dire que cette Sonate F.A.E. fait figure de petit miracle musical. 

    Saluons le premier mouvement "Allegro" d’Albert Dietricht, d’une belle richesse ornementale, servi qui plus est par des interprètes jamais en baisse de régime. Il s’agit du mouvement le plus long de la sonate (plus de douze minutes et demi). Avouons cependant qu’après cette romantique entrée en matière, on s’arrêtera particulièrement sur le court "Intermezzo" que Robert Schumann a annoté en allemand : "Bewegt, doch nicht zu schnell". La douleur déchire cette partie. Le piano de Bertrand Giraud se met légèrement en retrait pour laisser s’exprimer le violon de Yann Passabet-Labiste, sans jamais que le violoniste ne fasse preuve de pathos. Vient répondre la fougue et la verve de Johannes Brahms, le disciple et admirateur, qui en est au début de sa carrière. Les Schumann sont sa famille de cœur et Clara Schumann restera son amie et amour jusqu’à ses derniers jours.

    Cette fois, piano et violon viennent se répondre avec bonheur. La vigueur est là, mais aussi la passion et la tendresse. On est presque heureux de retrouver Robert Schumann dans un "Finale" au tempo vif, comme si le compositeur meurtri par trois années sombres revenait à la vie. Magnifique coup d’éclat que cette dernière partie qui prend par moment l’allure de marche décidée grâce au violon diabolique de Yann Passabet-Labiste.   

    La vigueur est là, mais aussi la passion et la tendresse

    Schumann, ses amis et sa famille pourrait s'intituler l'opus. C’est Clara Schumann qui poursuit le programme, avec ses trois Romances op. 22. Ecrites elles aussi en 1853, elles ont été, tout comme la Sonate F.A.E., dédiées au violoniste Joseph Joachim. L’esprit romantique souffle sur ce que l’on pourrait appeler une sonate pour piano et violon en trois mouvements, "Andante molto", "Allegretto ; Milt zartem Vort" et "Leidenschaftlich schnell". L’auditeur y lira de douloureuses plaintes, alors que le mari de Clara est pourchassé par ses démons intérieures ("Andante molto"), sentiments que vient nuancer la deuxième romance "Allegretto", mais non sans ce sens du spleen que parviennent à rendre le duo de musiciens et en particulier le violon de Yann Passabet-Labiste. Le "Leidenschaftlich schnell" prouve, s’il en était besoin de le démontrer, que Clara Schumann est au sommet d’un art musical, à l’égal au moins de Robert Schumann auquel elle a survécu quarante ans.     

    Autre Romances, celles de Robert Schumann, justement. Son opus 94 a été composé pour son épouse en 1849. Destinée pour le piano et le hautbois, elle est régulièrement jouée, comme ici, pour le violon et le piano. Une immense tristesse, que le violon de Yann Passabet-Labiste rend particulièrement bien, se dégage dans le "Nicht Schnell". "Simple, affectueux", indique la deuxième romance. Il est vrai qu’une relative légèreté est évidente, bien que la mélancolie ne soit pas absente. Un sentiment de vide se dégage encore plus de la dernière romance "Nicht Schnell", au mouvement pourtant "Moderato". Il y a ces légères mais réelles ruptures, rendant cette partie bien plus tragique qu’elle n’en a l’air.

    L’enregistrement se clôt avec la Sonate n°3 en la mineur. Composée par Robert Schumann en 1836. Il a 26 ans. Elle a l’impétuosité de la jeunesse (le premier mouvement allegretto "Ziemlich langsam") et cet évident souffle épique, porté par les deux interprètes décidément bien inspirés. Suit un "Intermezzo" plus court (deux minutes et demi), lent, gracieux et romantique, avant le "Scherzo" ("Lebhaft") enlevé et aux nombres pièges dont se tirent brillamment Yann Passabet-Labiste et Bertrand Giraud. Dans le "Finale", Robert Schumann termine par un ensemble de morceaux de bravoure, porté par des mélodies ardentes, pour ne pas dire enflammées. Nous sommes dans une période marqué par une union des plus compliquées entre Clara et Robert Schumann, avec toujours le romantisme en bande-son.   

    Robert Schumann et son univers, Yann Passabet-Labiste (violon) & Bertrand Giraud (piano), Indésens Calliope Records, 2024
    https://indesenscalliope.com/boutique/robert-schumann-son-univers
    https://www.bertrandgiraud.net
    https://www.facebook.com/yann.passabetlabiste

    Voir aussi : "Brahms doublement suisse (et même triplement)"

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  • Schumann et la petite bande des Fouchenneret 

    Pierre et Théo Fouchenneret et leur bande continuent chez b.records leur exploration de la musique de chambre de Robert Schumann. Place cette fois à un double album consacré à ses Trios et au Quartet pour piano et cordes. Ces œuvres ont été enregistrées en public à l’Auditorium de la Cité de la Musique et de la Danse de Soissons les 10 et 11 décembre 2023.

    De toutes les pièces de musique de chambre, le trio est très certainement l'un des genres les plus passionnants et les plus appréciés en raison de la composition ramassée qui oblige le compositeur à aller à l'essentiel. Le premier Trio op . 63 en ré mineur ne déroge pas à la règle avec deux premiers mouvements alliant équilibre et une énergie toute juvénile. Pour mener à bien des trios aussi techniques et engagées il faut un ensemble en parfaite osmose. C'est le cas pour le groupe formé par Pierre Fouchenneret au violon, Victor Julien-Laferrière au violoncelle et Théo Fouchenneret au piano. Le romantisme est à l'œuvre dans le troisième mouvement lent de ce premier Trio. Schumann s'y livre corps et âme dans des lignes mélodiques serpentant harmonieusement. Il faut se laisser perdre dans cette pièce à la mélancolie à la fois douloureuse et amoureuse. Le dernier mouvement sonne comme une consolation, mieux un retour à l'espoir et à la jeunesse, mais non sans des passages plus graves. Force reste aux puissances de la vie semble nous murmurer à l’oreille le compositeur allemand.  

    Le deuxième Trio op. 80 commence avec un certain enthousiasme, tout classique,  mais c'est bien le romantisme qui est à l'œuvre. Composé durant la même période que le premier – autour de 1847, bien que le compositeur a mis 3 ans a l'écrire – il était le préféré de Clara Schumann qui le jouait régulièrement. La passion éclate à chaque note et même un certain enthousiasme si l'on se laisse porter par le premier mouvement plein d'éclats mais aussi de pièges. Des défis que relèvent les frères Fouchenneret et Victor Julien-Laferrière. L'auditeur sera sans doute frappé par le contraste entre cette partie pleine d'insouciance et le deuxième mouvement lent et lascif. L'interprétation sait y mettre des couleurs et une jolie densité. Il semblerait que nous soyons dans un de ces boudoirs du XIXe siècle, témoins indiscrets d'une conversation badine entre Robert et Clara Schumann.

    La partie suivante s'apparente à une danse à l'infinie délicatesse. Le trio s'empare de ce mouvement avec ce qu'il faut de mesure. Plus classique que romantique, c'est une invitation a la promenade bucolique que propose Robert Schumann, mais non sans ces suspensions et ces hésitations qui apportent ce je ne sais quoi de mélancolie. Le premier disque du coffret se termine avec un dernier mouvement plus enlevé et relativement court (5 minutes 32). De quoi terminer ce deuxième Trio de Robert Schumann dans une belle allégresse. 

    Romantique à 200%

    1851 fut une année chargée pour le compositeur allemand qui avait fort à faire avec l'écriture de ses deux premières sonates pour violon, son travail sur sa Symphonie en ré mineur, sans compter des ouvertures d'opéra, des leader et des œuvres chorales. Pour ces raisons, le troisième Trio op. 110 n'a sans doute pas été sa composition prioritaire. Moins connu, il est aussi le moins joué en concert. On doit remercier les Fouchenneret de le proposer et de le faire découvrir ou redécouvrir. Le sens de la mélodie et la technicité d'écriture sont évidentes dans le premier mouvement. Un vrai univers à lui tout seul, avec ses arabesques, ses plages voluptueuses et ses décrochages.

    Succède immédiatement un mouvement lent qui commence de manière funèbre. L'interprétation captive par sa dimension pathétique. Là encore, l'osmose est là, entre les trois musiciens. Il semble que nous soyons là,  dans une veine toute romantique, dans une lutte de sentiments et dans un dialogue de cœurs. Après un troisième mouvement tempéré, sinon hésitant, mais non sans rythmes, suit la toute dernière partie de ce Trio dont l'auditeur goûtera les couleurs chatoyantes et les inventions mélodiques admirablement rendues par l'ensemble français. Nous sommes là dans un salon bourgeois de Düsseldorf, où à été composée cette œuvre, certes pas la plus connue du compositeur allemand mais pas la moins attachante.

    Lise Berthaud vient rejoindre les trois interprètes pour jouer avec eux le Quatuor pour piano, violon, violoncelle et alto. Il a été composé en 1842 et comporte lui aussi quatre mouvements. Félix Mendelssohn, à qui est dédié ce quatuor, sera le premier à le jouer. L'opus 47 témoigne lui aussi du souffle romantique et poétique de Robert Schumann. Derrière chaque note, il semble qu'apparaît la figure de son épouse Clara. 

    Écrit comme une sonate, le premier mouvement a ces longues respirations, ces incessants dialogues et ses envolées irrésistibles. Plus court (3 minutes 31), la partie suivante est un scherzo à la vivacité confondante, pour ne pas dire moderne. L'ensemble des Fouchenneret se sort admirablement de ses embûches musicales. Suit un troisième mouvement romantique à 200%. Il s'agit sans doute de l'une des meilleures parties de ce double album. L'auditeur aimera à se perdre dans ce somptueux voyage mené par un quatuor sachant allier virtuosité, respirations, sens du rythme et expressivité.

    Le double album se termine par le dernier mouvement du Quatuor op. 47. Un mouvement allègre presque léger qui se termine par de belles envolées lyriques. Il semble être guidé par la vie, l'amour, la jeunesse, la badinerie mais aussi la danse. Le romantisme fait roi.

    Robert Schumann, Trios et Quatuor piano et cordes, b•records, 2024
    https://www.b-records.fr/schumann-trios-et-quatuor-piano-et-cordes
    https://www.theofouchenneret.com
    https://pierrefouchenneret.com
    https://www.victorjulien-laferriere.com

    Voir aussi : "Romantique et métaphysique Schumann"

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  • Concerto pour le monde d’après

    Les deux premières surprises à la découverte du Concerto pour violon du compositeur américain Todd Mason viennent de la durée de l’œuvre – un peu plus de 23 minutes – mais aussi de sa structure – un seul mouvement, allegro. Cette composition de 2022 est proposée par Ulysses Arts dans un enregistrement tout juste sorti, avec Tosca Opdam au violon et avec le Budapest Scoring Orchestra dirigé par Péter Illényi.

    Todd Mason n’ambitionne ni plus ni moins que de proposer une œuvre pour notre temps, résolument contemporaine (elle a été composée en plein Covid), mais d’une si grande solidité qu’elle affrontera sans coupé férir le monde d’après.    

    Le concerto s’ouvre avec un gong, instrument des plus immémoriaux, comme le rappel que le compositeur entend s’accrocher au passé et à à de brillants anciens. Les noms d’Alban Berg et de Béla Bartók viennent inévitablement en tête. Le violon de Tosca Opdam entre en jeu très rapidement. La violoniste néerlandaise apporte son souffle lyrique, sa nervosité comme sa dimension pathétique dans cette œuvre aux multiples facettes et aux nombreuses ruptures de rythmes. Il semble que, vers le milieu du concerto, la violoniste et l’orchestre s’affrontent, avant que Tosca Opdam ne se lance dans une partie solo, offrant à cette allegro un singulier chant romanesque et mélancolique.    

    Une large palette de couleurs, de rythmes et d’émotions

    L’auditeur sera sans doute marqué par les influences de Todd Mason dans cette œuvre relativement courte. Nous parlions de Berg et Bartók. Il y a aussi le choix pour le compositeur américain de ne pas oublier la mélodie, le classicisme, le romantisme mais aussi la musique populaire, à travers par exemple des fragments de fanfare au début du concerto. Force reste toutefois au modernisme et au contemporain, ce qui donne à cette œuvre une large palette de couleurs, de rythmes et d’émotions, jusqu’aux dernières notes. Avec une Tosca Opdam encore une fois irrésistible.

    L’autre œuvre de cet enregistrement d’UA est cette Chamber Suite en trois mouvements, écrite en 2020. L’auditeur découvrira une composition plus familière à ses oreilles, plus tonale, avec des cordes incroyablement denses et riches. Todd Mason évoque pour le premier mouvement "Allegro deciso" une étonnante influence : celle de mélodies folkloriques arméniennes, preuve que, ici comme dans son concerto pour violon, le compositeur américain refuse de complètement tourner le dos au passé.

    Pour le deuxième mouvement "Expressivo", place à l’émotion mais aussi au tragique, à telle enseigne que l’on pourra y trouver la marque d’Henryk Górecki et de sa troisième Symphonie n°3 "des chants plaintifs". Quant au troisième et dernier mouvement, "Spirito", enlevé pour ne pas dire nerveux, il évoque une dance traditionnelle européenne, dans une facture classique, et qui aurait tout à fait sa place dans une BO de film ou de série.  

    Au final, avec ces deux œuvres, l’auditeur aura eu la chance de découvrir ou redécouvrir deux artistes passionnants : le compositeur Todd Mason et la violoniste Tosca Opdam. Gageons aussi que l’étonnant Concerto pour violon restera dans les mémoires. 

    Todd Mason, Concerto pour violon & Chamber Suite,
    Tosca Opdam, violon, Budapest Scoring Orchestra dirigé par Péter Illényi, Ulysses Arts, 2023

    https://www.ulyssesarts.com
    https://toddmasoncomposer.com
    https://toscaopdam.com/home
    https://www.instagram.com/toscaopdam/?hl=fr

    Voir aussi : "Courtoise et romantique Maguelone"

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