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Bandes dessinées et mangas - Page 8

  • Je ne suis pas un héros

    Disons-le au moment d’ouvrir cette chronique :  14 Juillet de Bastien Vivès n’est pas l’actualité la plus chaude du dessinateur français, puisqu’il est sorti il y a un an. Aujourd’hui, celui qui peut être qualifié comme l’un des auteurs de BD les plus importants et les plus doués de sa génération, propose une aventure de Corto Maltese, reprenant le personnage mythique imaginé par Hugo Pratt.

    C’est d’un autre roman graphique dont je vais vous parler : 14 Juillet (éd. Casterman), avec Martin Quenehen au scénario. Récit à la fois sombre, intime et ancré dans notre époque, il risque de désarçonner les familiers de Bastien Vivès par son parti-pris socialo-politique.

    Le héros de ce récit tendu est Jimmy Girard, gendarme de son état : un homme solide, vanté par son supérieur pour ses capacités physiques, son esprit d’initiative et son charisme. Une collègue, Stéphanie, n’est pas insensible au charme du militaire, dont le destin va basculer sous la chaleur écrasante d’une petite ville du sud de la France. 

    Jimmy devient la figure du héros universel, mais non sans failles

    Lors d’un banale contrôle routier, Jimmy et ses collègues vérifient les papiers d’un homme venu s’installer dans la région. Il s’appelle Vincent, est un jeune retraité qui vient de perdre sa femme dans un attentat et est accompagné de sa fille, Lisa. Vivès est fasciné par ce duo aux comportements et aux mobiles des plus étranges. Une filature mène le gendarme sur la piste de Vincent jusque dans un quartier HLM. Jimmy s’engage dans une initiative à gros risque.

    Le graphisme de Bastien Vivès est reconnaissable entre tous : efficacité des traits à peine esquissés, travail sur le noir et blanc et sur les palettes de gris, avec des visages et des corps réduits à leur plus simple expression. Jimmy devient la figure du héros universel, mais non sans failles. Il faut lire et relire 14 Juillet pour comprendre la profondeur du récit dévoilant les failles des personnages et en particulier du gendarme Jimmy, trouvant dans Vincent la figure du père qu’il a perdu et dans Lisa une jeune femme fatale et inaccessible.    

    En faisant rejoindre les angoisses contemporaines de nos sociétés, la violence d’une actualité récente et l’intimité d’un militaire ordinaire, Bastien Vivès et Martin Quenehen proposent un roman graphique d’une belle maîtrise, où les silences et les non-dits sont bien plus importants que les mécanismes d’un récit patiemment construit.

    Bastien Vivès et Martin Quenehen, 14 Juillet, éd. Casterman, 2020, 256 p.
    https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums/quatorze-juillet
    http://bastienvives.blogspot.fr
    https://www.instagram.com/bastienvives

    Voir aussi : "Changez-vous, mademoiselle"
    "Les meilleurs amis du monde"

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  • Respect pour les femmes

    Il y a bien longtemps de ça, dans une tribu bien patriarcale comme il le faut, vivait Tréponème, une intrépide, audacieuse et ambitieuse héroïne qui n’avait jamais pu montrer ses talents de guerrière. Voilà pour la situation du nouveau volume de la saga de BD Débiles & Dragon de Biglio, Manu et Albo (éd. Shockdom). La jeune femme doit à la tradition d’être recluse au village dans des tâches domestiques ou bien servir de concubine. Et être fille du chef Gunman, pas plus évolué que ses congénères mâles, n’est pas forcément un avantage supplémentaire. 

    Tréponème n’est pas dupe de cette injustice traditionnelle, ce que sa mère Perestrojka dit en ces termes  : "Toujours le même merdier. Les hommes chassent. Les femmes s’occupent des huttes. Ou pire encore des morveux". Alors que  Perestrojka est invitée à nettoyer la tente du chaman Ötzi, elle apprend de sa bouche la légende d’une guerrière, Fallope, qui a renversé l’ordre patriarcal en ramenant un objet mystérieux, l’œuf d’or du Mégathérium magique. Une statue a été érigée en son honneur, mais cette statue a disparu sous des ronces avec le temps. Retrouver cette statue et renouveler l’exploit de Fallope pourrait bien être la solution du respect du genre féminin.  

    Anachronismes, humour, clins d’œil aux auteurs, un soupçon d’érotisme

    Anachronismes, humour, clins d’œil aux auteurs, un soupçon d’érotisme : ce nouveau volume de Débiles & Dragons n’a pas froid aux yeux. Le tout dans une bande dessinée qui fait alterner les points de vue chronologiques et les héroïnes qui deviennent interchangeables : Tréponème, Perestrojka et Fallope. L’enjeu du récit est une improbable chasse à la statue et d’un animal mystérieux, le Cosmos-Favone, situé dans les profondeurs de Toncoeur (sic). Pour arriver à rétablir l'honneur des guerrières, 100 ans après l’aventure de Fallope, Trémonème aura besoin aussi des hommes, trois guerriers, Dioxine, Houblon et Akkacielle. Ils ne seront pas de trop pour affronter l’ignoble Assioma.

    Mais les auteurs font surtout de cette bande dessinée une contribution bourrée d’humour à destination des guerrières de toutes les époques qui s’ignorent, qui n’osent l’être ou bien qui se sentent exclues par un  patriarcat toujours présent. Et rien que cela, ça mérite notre respect.

    Luigi Cecchi (Bigio), Emanuele Tonini (Manu) et Alberto Turturici (Albo),
    Débiles & Dragons, Tréponème – La Légende de Fallope, éd. Shockdom, coll. YEP !, 2021, 64 p.

    https://shockdom.com/negozio/yep/deficients-dragons-treponema-e-la-leggenda-di-falloppia

    Voir aussi : "Faites un vœu"

    manu,albo,débiles et dragons,bd,bande dessinée,tréponème,féminisme,italie,fallope,patriarcat,deficients & dragons

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  • Des filles atomiques

    Le grand intérêt de Radium Girls de Cy (éd. Glénat), Prix BD 2021 du site Lecteurs.com, est de raconter une histoire éloquente : celle d’ouvrières américaines contaminées par le radium au cours de la première moitié du XXe siècle.

    Le récit commence en 1918 lorsqu’Edna Bolz est recrutée comme ouvrière dans une usine d’horlogerie. Elle est chargée de peindre minutieusement les aiguilles de cadrans de montres, grâce à une technique de "marquage aux lèvres" (le "lip" et "dip"). Le hic d’importance, et dont personne n’est conscient des conséquences est que la peinture utilisée, permettant de lire l’heure dans le noir, est bourrée de radium. Bientôt, les premières ouvrières tombent malades puis meurent dans d’atroces souffrances.

    Une histoire vraie de lanceuses d’alertes 

    Pour raconter cette histoire vraie de lanceuses d’alertes – l’expression n’existait pas à l’époque – qu’étaient Edna Bolz, Grace Fryers, Katherine Schaub, Albina Maggia, Mollie Maggia et sa sœur Quinta Maggia, Cy choisit de faire un récit raconté à hauteur de femme, sans misérabilisme ni effets  appuyés. Au noir et blanc qui aurait pu être de circonstance, la dessinatrice choisit des couleurs pastel : le violet et le vert… radium.

    Ce qui intéresse Cy est le combat de ces ouvrières modestes, en guerre contre leur employeur et contre la société pour faire reconnaître leur maladie professionnelle. "On observe l’injustice, la machinerie de la Société de l’époque", dit Cy dans l’interview en fin de volume. Il s’agit aussi et surtout d’un combat féministe, ce que l’auteure commente ainsi : "Mon travail fait écho à ce bouillonnement, de même que la lutte des femmes des années passées fait écho aux luttes des femmes d’aujourd’hui".

    En sortant, Edna, Grace, Katherine, Albina, Mollie et Quinta de l'oubli, Cy a fait plus que réhabiliter des victimes du radium : elle redonne vie à des combattantes et des figures du féminisme.   

    Cy, Radium Girls, éd. Glénat, 2020, 136 p.
    https://maistaistoidonc.blogspot.com
    https://www.glenat.com/karma/radium-girls-9782344033449

    Voir aussi : "Faites un vœu"

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  • Le plus moderne des Astérix

    Certes, toute aventure d’Astérix est surveillée mais pa 39e du petit Gaulois, Astérix et le Griffon (éd. Albert René), était d’autant plus attendue qu’elle était la première depuis la mort d’Uderzo, survenue l’an dernier. C’est dire comme cet opus de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad apparaît comme un jalon important dans l’histoire de cette saga.

    Pour ce nouvel épisode, Astérix et Obélix, accompagnés du druide Panoramix et du fidèle Idéfix, partent au Barbaricum, cette vaste zone située au-delà de l’Empire, effrayante, étrange mais aussi fascinante. Le druide gaulois a été appelé à l’aide par le chaman Cékankondine. Dans le même temps, César décide d’y envoyer une armée pour y chercher le griffon, un animal fantastique qui serait du plus bel effet à Rome. Pour cela, ils ont une otage qui doivent, selon eux, les conduire vers le précieux griffon – si encore il existe. Le géographe, au nom prédestiné de Terrinconus, est chargé de mener la légion vers cet objectif. La rencontre entre Romains et Gaulois sur les terres barbares promet d’être explosive.

    On sait que les aventures d’Astérix alternent entre histoires au sein du village et excursions dans le vaste Empire romain. Pour Astérix et le Griffon, le voyage des valeureux résistants gaulois se passe dans une contrée exotique, à la limite du fantastique. Il y est question d’un monstre légendaire, du confins du monde (occasion de parler malicieusement de la théorie de la terre plate) mais aussi d’amazones.

    La révolution féministe de #MeeToo est évidemment passée par là

    Ces Amazones sont d’ailleurs l’une des créations les plus intéressantes de l’album : ces femmes guerrières – que ce soit Maminovna, Kalashnikovna ou Krakatnova – dominent une petite société où ce sont les hommes qui sont chargés des tâches ménagères. La révolution féministe de #MeeToo est évidemment passée par là.

    Moderne, l’album l’est aussi dans ses clins d’œil : dans la grande tradition de la saga imaginée par Goscinny et Uderzo, Terrinconus a les traits d’une célébrité, en l’occurrence Michel Houellebecq. Et toujours dans la modernité, les deux auteurs font un sort aux théories du complots et aux fake news.

    L’album se termine avec un banquet final, mais aussi une fin non sans un mystère autour de l’impressionnante, muette et sémillante Kalashnikovna.

    Un très bon album, moderne et graphiquement réussi grâce à des paysages dessinés avec soin. 

    Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, Astérix et le Griffon, éd. Albert René, 2021, 48 p,
    https://www.asterix.com

    Voir aussi : "Astérix dans la gueule du griffon"

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  • Faites un vœu

    Salvatore Callerami au texte et au dessin et Antonio Fassio à la couleur signent le premier volume de la bande dessinée Dandelion (éd. Shockdom).

    Ce n’est pas une mais trois histoires qui sont proposées, en plus d’un prologue. La magie est le dénominateur commun de ces contes, destinés autant aux adultes qu’aux enfants.  

    Wéma est la charmante petite héroïne du volume. Il s’agit d’une dandelion, un esprit invisible née à partir d’un pissenlit sur lequel on souffle – le dandelion étant en botanique l’autre nom de cette fleur commune.

    Wéma ("Bienveillance") est une créature protégée par son guide, le lion Jua. La mission du dandelion ? Contribuer à rendre le monde et les hommes meilleurs en réalisant des vœux ("Le mal est partout. Il peut surgir au coin de la rue… la plupart du temps il se manifeste… comme une vocation naturelle de l’être humain"). Une petite fille lui donne l’occasion d’exercer son pouvoir le jour où elle souffle sur un pissenlit : Wéma doit répondre au vœu de rendre le chat de cet enfant éternel. Sur les conseils d’Yvonne, une déesse de retour d’exil, le dandelion part à la recherche de Kadish, une magicienne et protectrice des chats. Wéma s’embarque dans une aventure délicate et dangereuse. 

    Un chant d’amour pour les chats

    Le premier volume de Dandelion se lit comme un ensemble de contes à la fois fantastiques et philosophiques. Dans ce récit initiatique, Il y est question de l’enfance, de la cruauté de la vie et de la consolation que peuvent-être les souvenirs et la mémoire : "Apprendre à connaître le souvenir est important. Mais aussi savoir maintenir l’équilibre entre les plus tristes et les plus heureux".

    Le récit de Wéma ("Les lunes des chats") est suivi par deux autres histoires. L’une est consacrée à la genèse de Kadish, l’esprit des chats ("Kadish, la Dame des Chats") tandis que l’autre, plus moderne, raconte l’histoire de "Liubov, la petite fille à la robe de soie", dans une mise en page pastel, aux traits esquissés et au graphisme s’approchant de celui de certains mangas.

    La bande dessinée de Callerami et Fansion est aussi un chant d’amour pour les chats : "Égocentriques et toujours à la recherche d’attentions. [Les chats] ont l’habitude d’enchanter ceux qui les aiment par des miaulements langoureux, pour que l’homme préserve leur mémoire, seul moyen que leur esprit ne se dissipe pas complètement… Des souvenirs qui peuvent apporter du plaisir, mais aussi nous faire regretter ce que nous avons perdu."

    Salvatore Callerami et Antonio Fassio, Dandelion, vol. 1, Faites un vœu,
    éd. Shockdom, 2021, 96 p.

    https://shockdom.com
    https://www.facebook.com/salvo.callerami
    https://www.facebook.com/fassioantonio

    Voir aussi : "Frohe Weihnachten, Giulia"

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  • "Le bon vieux temps ? Non, merci. J’en viens"

    Cette phrase cinglante est lancée par Jean Rohou, le co-auteur de Fils de Ploucs (éd. Ouest-France). Clara Vialletelle est au dessin pour l’adaptation en BD de ce témoignage sur une Bretagne aujourd’hui disparue.

    Sans nostalgie ni misérabilisme, Jean Rohou raconte les premières années de sa vie. Né en 1934 à Plougourvest dans le Finistère, non loin de Landivisiau, l’enfant d’ouvriers agricoles est au coeur des traditions et des us et coutumes de son pays isolé. Comment vivait-on dans cette campagne bretonne ? Quel était le poids des traditions ? Quels étaient les lieux de vie ? Que mangeait-on ? Comment s’habillait-on ? Comment se passaient le travail, les loisirs et les grands événements comme les mariages ou les fêtes locales ?

    Jean Rohou raconte ses souvenirs et ses réflexions en les mêlant à des portraits de personnes, proches ou non, croisés dans ses jeunes années. Parmi ces figures centrales, figure en bonne place la mère de Jean, Anastasie "Dynamique, agile, intelligente".  Ce pilier de la cellule familiale va prendre une place considérable au début de la seconde guerre mondiale. Le destin de cet homme, devenu universitaire et écrivain, est riche de récits éloquents, telle que la mort d’un grand-père pendant la Grande Guerre.

    Un pari osé pour cette jeune illustratrice de 26 ans. 60 années la séparent de Jean Rohou

    Fils de Ploucs avait fait l’objet d’un récit en trois tomes, parus entre 2005 et 2016. Le roman graphique de Clara Vialletelle devrait être le premier volume d’une saga passionnante sur un Breton au cœur du XXe siècle. Évidemment, un tel projet littéraire n’est pas sans évoquer l’œuvre de Pierre-Jakez Hélias, Le Cheval d’Orgueil. Jean Rohou se montre singulièrement sévère à son sujet : "C’est un conteur : le travail des conteurs est de raconter des histoires ! Mais celui-là prétend décrire la réalité."

    Pour illustrer Fils de Ploucs, c’est Clara Vialletelle qui s’est frottée au jeu. Un pari osé pour cette jeune illustratrice de 26 ans. 60 années la séparent de Jean Rohou. C’est dire que le projet littéraire et graphique est aussi une histoire de passage de mémoires : "L’histoire occupe une grande place. C’est même un personnage principal, puisque l’intérêt est de nous montrer comment on vivait à cette époque, comment on travaillait dans le milieu rural", dit-elle. Suite à ce constat, la dessinatrice, connue pour une première BD prometteuse parue en 2018 (C'est décidé, je pars en Inde), s'est appuyée sur les rares images d'archives et a fait appel à la mémoire de Jean Rohou. "Dans un souci de véracité", elle a finalement choisi de réduire sa palette, habituellement très colorée, pour ne conserver que quelques tons qui mettent en lumière l'aspect austère et pourtant bien réel de cette enfance en Bretagne dans les années 1930.

    C’est passionnant, instructif, émouvant. À découvrir absolument, en attendant la suite du récit de Jean Rohou.

    Jean Rohou et Clara Vialletelle, Fils de Ploucs,  éd. Ouest-France, 2021, 142 p.
    https://editions.ouest-france.fr/fils-de-ploucs-t2-poche-9782737354571.html
    https://claravialletelle.wordpress.com
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Rohou
    https://www.facebook.com/claravialletellepro

    Voir aussi : "Frohe Weihnachten, Giulia"

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  • Chers yōkai, où êtes-vous?

    Nous avions parlé il y a quelques semaines du duo d’Atelier Sentô et de leur très bel album Rêves de Japon. Il paraissait indispensable de revenir sur le très bel album qui a fait connaître les plus nippons de nos auteurs français, Cécile Brun et Olivier Pichard. Si le terme de mangaka peut aller à merveille à des auteurs de BD, c’est bien eux. Avec Onibi, sorti en 2016 aux éditions Issekinicho.

    L’amour du Japon est à chaque page de cette bande dessinée racontant les pérégrinations de Cécile et Olivier – les deux auteur, donc – au Pays du Soleil Levant dans la région de Niigata. Les deux globe-trotteurs ont posé leur valise dans le village de Saruwada où se déroule un festival. Au cours de leur pérégrination, ils entrent dans une échoppe où un vieil homme leur vend un appareil photo sans âge. Il s’agit d’un bi-objectif très particulier puisqu’il a la faculté de pouvoir photographier des yōkai, ces esprits légendaires hantant le Japon. Muni de l’appareil, le voyage continue, avec un objectif supplémentaire pour les deux Français : capter ces fantômes. 

    Un joli conte sous forme de manga à la facture occidentale

    Faux-récit de voyage, Onibi (du nom d’une des nombreuses créatures artificielles) est un joli conte sous forme de manga à la facture occidentale. Cécile et Olivier partent autant à la recherche de yōkai, renards magiques et autres fantômes qu’à la rencontre des habitants des Japonais qui les côtoie. C’est souvent autour d’un bento, d’un bol de soupe ou d’une tasse de thé que se font les conversations : la rencontre d’une vieille femme avec un animal fabuleux lorsqu’elle était enfant, la découverte d’un "monde flottant", une montagne magique ou une ville construite entre deux mondes.

    L’appareil-photo est au cœur de ce voyage et les auteurs ont astucieusement choisi de ponctuer les chapitres par les clichés pris par l’héroïne, mais qu’elle ne verra finalement pas, au contraire du lecteur. Cela donne à l’album une impression supplémentaire de mystère, bien plus que si le duo de l’Atelier Sentô s’était contenté d’une BD classique. Onibi se termine avec un carnet de bord, qui n’est pas sans renvoyer à leur album plus récent, Rêves du Japon.

    Atelier Sentô, Onibi, Carnets du Japon invisible, éd. Issekinicho, 2016, 128 p.
    http://ateliersento.com
    https://www.facebook.com/AtSento
    https://www.issekinicho.fr

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"

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  • Frohe Weihnachten, Giulia

    Avec Bonjour, Offenbach !, paru aux éditions Shockdom, Luigi Formola et Antonio Caputo proposent une bande dessinée particulièrement sensible, racontée et dessinée à hauteur d’homme et de femme, sur un sujet a priori aride : l’immigration.

    Le récit se déroule en Allemagne au cours des années 70. Il faut tout de même préciser que le choix de cette période n’est pas le plus important. Ce qui l’est plus est le choix de faire de cette histoire ordinaire un conte de Noël.

    Le personnage suivi par les auteurs transalpins est précisément une Italienne, Giulia. Elle s’est installée avec sa famille en Allemagne, à Offenbach-sur-le-Main, non loin de Francfort. Mariée et mère de deux enfants, elle travaille dans un hôtel-restaurant, ne comptant pas plus ses heures et ses week-ends que Paolo, son mari, un ouvrier des chantiers. Les deux enfants, Nicola et Teresa ont commencé leur scolarité au milieu de nouveaux camarades de classes, pas souvent très drôles pour ces petits Italiens et même carrément racistes pour le dire franchement ("Ton père creuse la terre comme un homme des cavernes ? et ta mère est une domestique qui vide nos poubelles"). 

    Un conte de Noël

    C’est donc en Allemagne que la famille italienne s’apprête à passer son premier Noël, loin de sa terre natale, et pour Giulia cette acculturation est cruelle : "Je ne peux pas me permettre que l'âme de ma famille s’assombrisse, recouverte par une couche de neige… Je ne peux pas m'enfermer dans une cage où il n'y aurait que le travail." Cette fêtes de fin d’année ont un goût cruel pour cette immigrée italienne, pourtant a priori parfaitement intégrée mais pour qui il manque sans doute l'essentiel : "Rêver d'un peu d'amour,  de romantisme, n'est plus la priorité. Cela a cessé de l'être au moment où nous avons passé la frontière italienne…"

    Bonjour, Offenbach ! propose une histoire simple et touchante : celle d’immigrés catholiques italiens devant se faire à une nouvelle vie, un nouveau pays, une nouvelle langue et une nouvelle culture.

    En dépit du choix pertinent de placer ce récit dans le passé, les questions posées par Giulia restent toujours valables : comment refaire sa vie ailleurs ? Que faire de ses origines ? Comment vivre le racisme ? L’une des réponses à ces questions existentielles, c’est Giulia elle-même qui la propose, avec justesse : "Souvent la vie nous oblige à être un passager à la merci de ses choix… Ce qui compte, ce n'est pas la chaleur de l'endroit où l'on vit… mais la chaleur qui touche l'âme".

    Luigi Formola et Antonio Caputo, Bonjour, Offenbach !, éd. Shockdom, 2021, 128 p.
    https://shockdom.com
    https://www.instagram.com/luigi_formola

    Voir aussi : "Ce que l’on fait et ce que l’on est"

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