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Joyeux anniversaire à Bla Bla Blog, qui fête ce jour ses neuf ans.
Vous avez bien compté : presqu'une décennie de chroniques culturelles - livres, musiques, cinéma, séries, expositions - au service de la curiosité. Plus de 2200 chroniques par votre bloggeur préféré !
Bla Bla Blog continue après une brève coupure estivale avant d'entamer une nouvelle saison. Je vous parlerai de rentrée littéraire avec d'excellents ouvrages, de musique classique avec des enregistrements des 20e, 21e, 23e et 27e concertos pour piano de Mozart par Elizabeth Sombart. Je vous proposerai aussi une nouvelle incursion dans l'univers décomplexé des sœurs Berthollet.
Il sera aussi question de musique médiévale avec un enregistrement qu'il me tarde de vous faire découvrir, aussi de jazz avec le retour du trio Pilc Mountain Hoenig, de plusieurs découvertes, dont le Miracle(s) de Lhomé, mais aussi de BD, avec la découverte d'une personnage singulière de la mafia américaine.
Et, bien sûr, toujours, notre hors-série sur la Confrérie des 10001 Pages.
J'ai hâte de vous retrouver !
Photo : Pexels - Polina Tankilevitch
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En un peu moins de 90 pages, Ritchi propose une plongée à la fois rafraîchissante et pleine de nostalgie vers le pays de son enfance. C’est toute la richesse de son album Reviens Gamin ! (aux éditions Rendez-vous sur mars).
Nous sommes dans les années 70 et à l’orée des années 80. L’auteur est un gamin d’une dizaine d’années. Son quotidien est l’école, les copains (les copines, parfois), les jeux, la télé, une mère au foyer, un père, militaire de carrière et autoritaire et des rêves pleins la tête.
En 17 chapitres de 3 à 7 planches, Ritchi parle d’anecdotes tour à tour cocasses, évocatrices, cruelles ou franchement tordantes : une cabane de gosse qui a failli se terminer en catastrophe, une visite forcée à la gendarmerie du coin, une croustillante course de natation, un Noël en famille où les "héros" sont un père mal luné et son fils, et sans compte ces portraits typiques : militaires rigides, enfants insouciants, hippies tombés du ciel et parents vite dépassés par leurs progénitures.
Des souvenirs liés à la télévision en noir et blanc, aux cassettes audio ou à l’encyclopédie populaire Tout L’Univers
Reviens Gamin ! se veut une petite madeleine de Proust pour l’auteur, autant que le rappel, au lecteur, de ce qu’était cette période des seventies et eighties, à la fois plus frustre, plus naïve et plus joyeuse. Nostalgique, mélancolique mais aussi critique et caustique, Ritchie trace un joli portrait d’enfant autant que celui d’un monde disparu. Le lecteur pourra y retrouver lui-même des souvenirs liés à la télévision en noir et blanc, aux cassettes audio ou à l’encyclopédie populaire Tout L’Univers.
Le coup de crayon rapide et efficace de Ritchi sert au mieux ces mésaventures introduites par des citations de Freud, Françoise Dolto, Socrate, Pascal, Nietzsche, Voltaire, Spinoza, Lao Tseu et Confucius – beaucoup Confucius, le bédéiste ne cachant pas son goût pour la philosophie chinoise.
Tout cela donne un album vivifiant et souriant, à lire d’une traite cet été.
C’était une tradition ancestrale chinoise, connue de nom sous nos latitudes, mais dont peu connaissent à la fois la réalité, l’importance et la cruauté.
Le dessinateur Li Kunwu, l’un des plus importants artistes chinois du 9e art, s’empare de ce sujet en parlant de la nounou qu’il avait lorsqu’il était enfant, une femme née à la toute fin de l’Empire chinois. C'est le sujet de sa bande dessinée sortie il y a trois ans, Pieds bandés (éd. Kana).
Chunxiu a été l’une de ces millions de petites filles chinoises à qui l’on avait bandé les pieds. Une coutume traditionnelle qui en a fait l’une des victimes de la jeune République chinoise puis de la Révolution communiste. Li Kunwu nous raconte son histoire, des années 1900 jusqu’à sa mort à la fin du siècle dernier.
Un noir et blanc brut et sans concession
C’est dans un noir et blanc brut et sans concession que Li Kunwu nous fait entrer dans la Chine traditionnelle, celle de la paysannerie pauvre et façonnée par des traditions multimillénaires.
Les pieds bandés étaient considérés comme un atout pour des jeunes filles que les familles voulaient bien marier. Un vrai atout de séduction, pour ne pas dire une "chance", mais avec son corollaire cruel : bander les pieds des fillettes (l’âge idéal était de six ou sept ans, apprend-on) constituait une torture avant d’être un handicap pour les victimes qui avaient ensuite le plus grand mal à marcher.
En racontant l’histoire de Chunxiu, c’est l’histoire d’un pays qui est évoqué, avec ses évolutions sociales et politiques, ses mouvements révolutionnaires, pas forcément acceptés par la paysannerie chinoise, et ses millions de victimes, dont Chunxiu.
Li Kunwu a été fait Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2022, preuve, s’il en est, qu’il reste une figure capitale de la bande dessinée mondiale.
Les tintinophiles se précipiteront sans doute sur cet ouvrage, conçu comme un lexique dédié à l’un des personnages les plus fameux de l’œuvre d’Hergé : le Professeur Tournesol, dit Tryphpon Tournesol, un prénom insolite qui fait l’objet d’une entrée à la lettre T.
Précisons que si on retrouve quelques illustrations dans le livre de Pierre Bénard, Tryphon de A à Z (éditions 1000 Sabords), aucune ne vient de l’œuvre d’Hergé, conséquence – on s’en doute – de ses ayant-droits, connus pour défendre l’héritage du dessinateur belge jusqu’à bloquer toutes les initiatives des amoureux de Tintin. Mais fermons la parenthèse.
Depuis Le Secret de Rackham Le Rouge (voir "Requin" à la lettre R), le savant fait partie, avec Haddock et Tintin (sans oublier Milou), de la triade partie dans des aventures les plus incroyables : d’une île au trésor à plusieurs péripétie en Syldavie, en passant par la Suisse, l’Océanie et bien entendu la lune.
À ce sujet, l’auteur note que la plus incroyable aventure de Tournesol, sa "page glorieuse", le voyage sur l’astre lunaire (Objectif Lune et On a marché sur la lune) n’est qu’évasivement évoqué dans les albums suivants, comme si un voile pudique était jeté sur cette épopée, ou "preuve (…) que l’épopée lunaire n’a pas fait grand bruit dans le monde, alors que le portrait de Tryphon aurait dû s’afficher partout".
Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?
Qu’en est-il du personnage, si attachant et finalement à la fois humain et insaisissable ? A priori, il reste l’un des moins mystérieux du panthéon tintinesque. Et pourtant, que de contrastes entre l’inventeur doux dingue des débuts – celui du requin sous-marin et de la machine à brosser les vêtements – et l’ingénieur aéronautique capable d’envoyer l’homme sur la lune ! Et que pourrait-on dire du concepteur de l’arme à ultrasons, sans doute aussi terrible que la bombe A (L’Affaire Tournesol) ? Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?
En tout cas, Tournesol est bien un génie incompris, ce que Pierre Bénard dit dans son article "Panthéon" : "On peut en citer qui eurent, pour moins que ça, les honneurs du tombeau des Grands Hommes".
Il faut aussi parler de cet homme plus ambivalent qu’il n’y paraît : maladroit, sourd comme un pot jusqu'à être asocial, Tournesol sait aussi se montrer d’une rare violence, lorsque par exemple Haddock touche sa corde sensible – le fameux "zouave", un mot qui a failli mettre le programme spatial à l’eau (Objectif Lune).
L’auteur de ce dictionnaire amoureux s’étend paradoxalement moins sur les amis de Tournesol – si l’article sur "Haddock" est riche, celui sur "Tintin" est plus maigre, quant à "Nestor", il n’apparaît carrément pas – que sur les modèles de Tryphon. Les savants évoqués sont légion, à commencer par Auguste Piccard qui a servi de modèle. Pierre Bénard s’avère particulièrement pertinent lorsqu’il traite d’autres figures moins connus, à l’instar d’Isidore Isou, de Robert Godart ou Robert Oppenheimer (nous en parlions plus haut)
Un mot enfin sur ces autres savants des aventures de Tintin, débarqués au moment de l’arrivée de Tournesol – les Calys, Sakharine et autres Halambique – comme s’il fallait pour Hergé avoir ces figures en guise de prototypes avant d’inventer, justement, le génial inventeur.
Roman graphique, magazine ou concept d’art contemporain ? Il y a un peu de tout cela à la fois dans La Dimension perdue, le deuxième numéro proposé Nicolas Le Bault.
Bla Bla Blog suit avec passion depuis plusieurs années l’aventure de White Rabbit, à l’origine de plusieurs projets tout aussi passionnants que dingues. On retrouve dans ce deuxième numéro de La Dimension perdue ce qui fait l’univers et la facture de Nicolas Le Bault.
Rêve ou cauchemar ? Les nuits de Karine sont des plus perturbées. Elle se réveille dans la maison de son enfance. Son père a quitté son lit pour descendre à la cave. Elle l’y trouve, ivre, et, en poursuivant sa quête, découvre une adolescente prisonnière.
Psychanalyse et tourments sociaux
Il n’est pas nécessaire d’avoir lu le premier volume de La Dimension perdue pour découvrir ce numéro à ne pas mettre entre toutes les mains. Le sexe la violence, l’inceste et la souffrance servent de matériaux à Nicolas Le Bault pour parler de l’intimité, des peurs, des cauchemars et des innocences sacrifiées.
On est dans une zone crépusculaire où la psychanalyse, les tourments sociaux et l’underground se fondent dans une histoire au graphisme de Nicolas Le Bault identifiable entre tous : personnages naïfs, couleur omniprésente, ligne claire et symbolisme fort.
Nicolas Le Bault poursuit son roman graphique avec une foi de charbonnier intacte. Et c’est très bien.
Étonnante et émouvante BD. Mais aussi cinématographique, si l’on veut ajouter un adjectif. Sort en ce mois de juin la dernière création de Guillaume Carayol et Stéphane Sénégas, Un chemin vers Pépé, aux éditions de la Gouttière, dans la collection DoRéMi Chat.
Un mot sur cette collection au concept inédit mis en place par les éditions de la Gouttière et l'Orchestre de Picardie. DoRéMi Chat propose à des auteurs de s’inspirer d’un morceau de musique classique. Cette oeuvre fait à la fois l'objet d'un livre de bande dessinée et d'un concert interprété par l'Orchestre de Picardie. Une jolie, passionnante et intelligente idée pour les enfants et toute la famille. En 2023, c'est le duo Carayol/Sénégas qui se sont prêtés à l’exercice. Pour leur BD Un chemin vers Pépé, ils ont choisi la 35e Symphonie de Mozart.
Un livre de bande dessinée et un concert interprété par l'Orchestre de Picardie
Du héros de cette BD, le lecteur ne saura rien. C’est un enfant d’une dizaine d’années, sans prénom. Il a deux parents et surtout un grand-père, le fameux Pépé.
Les auteurs nous entraînent sur les pas de l’enfant, au pays des rêves, de la souffrance – mais aussi de la musique de Mozart. Lorsque commence l’histoire, le garçon écrit une courte lettre émouvante à son grand-père dont il est privé de visite à l’hôpital afin de le "protéger". Le lecteur comprend que la mort rôde. Elle se personnalise sous la forme d’un étrange personnage volant. Lorsque la nuit vient, l’enfant rêve, et son compagnon – un nuage noir muni d’une paire d’yeux – l’accompagne dans un étrange pays. Mais l’hôpital redouté n’est pas loin.
Lorsque le récit de Pépé et de son petit-fils commence, le lecteur y trouvera sans doute une lointaine référence à Little Nemo, bande dessinée pionnière et fondamentale dans l’histoire du 9e art. Ici, pas de dialogues, pas de commentaires, pas de bulles mais un jeune personnage omniprésent, une présence quasi fantomatique de Pépé et un découpage cinématographique soigné. Les notes de Mozart surgissent vers la moitié du livre, comme autant d’apparitions fantastiques et rassurantes.
Un chemin vers Pépé se veut un excellent livre pour parler du deuil. Avec, en plus, une ouverture vers la musique classique et Mozart.
Dans ce nouvel opus baptisé "Le Bal des saisons", toujours aux éditions Tabou, nous sommes dans un univers de fantasy où la nature a le plus beau des rôle. On y croise des fées, des lutins, des êtres surnaturels, des esprits de la nature – évidemment –, sans oublier des sortilèges, des sorts funestes et un monde de fantasy courant de graves dangers. Mais tout cela est mâtinée de sensualité, d'érotisme et de d'esprit mutin.
Alors que le lutin Rhuyn surprend les ébats de la fée Alina avec son amant Amandil, il tombe nez-à-nez avec le Père Nature – être antipathique portant avec lui le froid et l’hiver. Provoqué, Rhuyn accomplit l’irréparable et tue le vieillard, avant d’endosser ses traits. La forêt magique est en danger.
Katia Even fait montre de son espièglerie habituelle, en habillant son esprit libertin et canaille des habits de la fantasy
Le Peuple des Brumes n’est certainement pas un conte pour enfants. C’est même tout le contraire ! Katia Even fait montre de son espièglerie habituelle, en habillant son esprit libertin et canaille des habits de la fantasy.
Enfin, "habits"… Façon de parler, car les personnages de son récit sont aussi peu vêtus qu’ils ne font du plaisir un art de vivre et un but en soi. Et c’est du reste ce plaisir qui va leur sauver la mise.
Les coups de crayon de Styloïde sont impeccables pour allier naïveté et érotisme, dans des ébats torrides où l’humour n’est jamais absent. Il y a aussi une vraie philosophie de vie derrière ce Peuple des Brumes, dans lequel nature, environnement, innocence et sensualité font bon ménage.
Au départ, Les Gouttes de Dieu est une série de mangas de Tadashi Agi et Shū Okimoto. En tout, 70 tomes ont été publiés, formant un cycle inattendu autour du vin et de l’œnologie. Sort en ce moment l’adaptation télé de ce manga. La série créée par Quoc Dang Tran célèbre aussi les liens forts et passionnés entre la France et le Japon. Première entorse de cette version filmée des Gouttes de Dieu, les scénaristes ont choisi une Française – et non pas un Japonais, comme dans le manga d’origine.
Camille Léger, jeune Parisienne, ex petite génie en œnologie, est en froid avec son père depuis des années, lorsque ce dernier l’appelle de Tokyo pour réclamer sa présence. L’homme est très malade. Lorsque sa fille accepte de le rejoindre, il vient tout juste de mourir. Au Japon, l’ouverture du testament, ayant en jeu un superbe appartement tokyoïte de plusieurs millions d’euros et surtout une collection de grands crus unique au monde, prévoit une clause inattendue : la fortune d’Alexandre Léger reviendra soit à sa fille, soit à son fils spirituel, Tomine Issei, au terme d’un concours de dégustation de vin en trois manches. Or, ce Japonais a un palais exceptionnel, tandis que Camille a fait une croix définitive sur l’œnologie.
Comment rattraper le temps perdu et renouer avec son passé
Les deux premiers épisodes des Gouttes de Dieu, passionnants de bout en bout, indiquent clairement l’enjeu de ce testament d’un excentrique : comment rattraper le temps perdu et renouer avec son passé. Le cœur de la série, c’est bien sûr le vin, et en particulier les crus français.
Cette création internationale fait une série de va-et-vient entre la France et le Japon. La fortune de l’œnologue et créateur d’un guide des vins renommé parvient à être – presque – secondaire dans une histoire qui allie astucieusement liens familiaux, passions réfrénés (soit par Camille, soit par la mère et le grand-père de Tomine) et plongée dans le milieu de la viticulture (avec mention spéciale pour Gustave Kervern, en propriétaire de domaine faussement bourru et vrai sensible).
Les deux premiers épisodes campent efficacement l’héroïne, d’abord fâchée à mort avec son père, avant de trouver dans son exil au Japon une raison d’espérer.
À partir du deuxième épisode, a lieu la formation accélérée pour permettre à Camille de retrouver ses connaissances, ses réflexes mais aussi ses goûts. Pour cela, les créateurs de la série ont opté pour les mêmes idées que les mangas : faire de la dégustation un voyage intérieur où se mêlent images, sensations et rêves éveillés.