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  • Objectif Captain Sparks

    Il y a du Sanseverino chez Captain Sparks et sa Royal Company. Voilà ce que l’on se dit dès la première écoute de son deuxième opus, Objectif lune.

    Sens du swing, utilisation sans complexe d’un big band sur-vitaminé et un interprète monté sur ressort et qui ne se prive pas de moquer les travers de notre monde complètement fou ("La bande à Picsou"). La vie, le bonheur, l’amour. Voilà, ce qui guide cet EP, comme le prouve les titres "La vie en rose" ou "On y va". 

    L’auditeur trouvera surtout chez le groupe rouennais Captain Sparks & Royal Company du soleil et de la fête, dans sa manière de marier les influences françaises, latines et urbaines. "Notre musique est faite pour être jouée en live, elle diffuse une énergie supplémentaire.  On assure une vraie présence scénique avec six musiciens. Les morceaux sont travaillés en ce sens" comme le confie Captain Sparks.

    Ambition musicale

    L’ambition musicale autant que la générosité et l’intelligence d’"Optimiste amateur" invitent à se sortir du marasme et aller à la quête du bonheur, à travers une mélodie excellemment travaillée et une orchestration à l’avenant. Sans doute l’un des plus beaux morceaux de l’opus.

    Tout aussi dense, "Objectif lune", qui donne son nom à l’album, fait marier chanson française, instruments traditionnels et rap, avant une redescente en douceur avec "Royale Compagnie", en featuring avec Ben Herbert Larue. Un morceau en forme de signature autant qu’un retour à ce qui fait finalement l’ADN de Captain Sparks : la chanson française à la Georges Brassens, Barbara et, bien sûr, Sanseverino. 

    Captain Sparks & Royal Company, Objectif Lune, 2023
    http://captainsparks.fr
    https://www.facebook.com/CaptainSparksRoyalCompany
    https://www.facebook.com/CaptainSparksRoyalCompany

    Voir aussi : "Bourlingueuse"

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  • Guerres et paix

    Roman ? Récit ? Chronique familiale ? Qui que vous soyez, ouvrez ! De Tatiana Pécastaing (paru chez LC Editions) est un peu tout cela à la fois, au point de désarçonner le lecteur dès les premières pages, lorsque la découverte d’une mystérieuse lettre (avec l’énigmatique phrase "Qui que vous soyez, ouvrez !" inscrite sur l’enveloppe) nous fait passer du Kiev soviétique de 1968 à la Russie tsariste de 1912. Cette fameuse lettre aura son explication bien plus tard dans le roman.

    Tatiana Pécastaing suit deux familles, celles précisément de deux de ses grands-parents. Il y a, d’un côté, Gustave, né en Ukraine. Son père était un opposant au régime tsariste, au point de s’approcher d’une organisation terroriste révolutionnaire menée par Alexandre Oulianov, frère de Lénine, arrêté et exécuté après une tentative d’assassinat contre le tsar Alexandre II. Le père de Gustave, Mikaël, est arrêté puis relâché, obligé de se faire discret. Or, c’est le régime tsariste que soutient son fils Gustave, à telle enseigne que lorsque la Révolution de 1917 éclate, le jeune homme s’engage auprès de l’Armée Blanche antibolchévique. En 1924, Gustave s’exile en France, abandonnant en Ukraine sa famille, et en particulier ses sœurs.

    D’un autre côté, il y a Ludmilla, issue d’une famille de Stalingrad, au sud de la Russie, famille victime de la soviétisation du pays, puis de la seconde guerre mondiale. Lorsque le conflit éclate, Ludmilla et ses proches se sont installés à Rostov-sur-le-Don. L’occupation allemande conduit la jeune femme au travail forcé en Allemagne. Libérée à la fin de la guerre, l’ancienne prisonnière de guerre ne peut que craindre son retour en URSS. Or, elle a rencontré un Français au cours de sa captivité. Elle le rejoint donc à Paris. Entre-temps, Gustave s’est marié à une Française et a même des enfants. Les deux anciens exilés se croisent en 1945 dans un village du sud-ouest. Il reste cependant leurs familles respectives restées en Ukraine et en Russie. 

    L’histoire – la grande – à hauteur d’hommes et de femmes

    L’histoire – la grande – à hauteur d’hommes et de femmes : voilà quel est l’atout essentiel du récit romancé de Tatiana Pécastaing. En dévoilant l’histoire vraie de ses grands-parents, nés en Ukraine et en Russie, elle nous entraîne dans les tourbillons d’un XXe siècle dominé par deux guerres mondiales et par deux totalitarismes aussi impitoyables l’un que l’autre.

    De Kiev au village de Saint-Martin-de-Seignanx, en passant par Moscou, Stalingrad, Sprockhövel au nord-ouest de l’Allemagne ou Paris : la destinée familiale de deux exilés, l’un ukrainien et l’autre russe, mérite d’être lue et découverte.

    Là où le récit devient incroyable et bouleversant est lorsque Gustave et Ludmilla font le voyage retour en pleine Guerre Froide pour retrouver leurs proches – ou ceux qui restent car les guerres auront été impitoyables. Les retrouvailles de Gustave, après son installation en France et une vie paisible avec une grande et belle famille, sont contées avec un grand souffle romanesque, en particulier lorsque l’auteure raccroche les wagons avec cette mystérieuse lettre du premier chapitre.

    Publié cette année, soit un an tout juste après le décès de Ludmila, Qui que vous soyez, ouvrez ! a une portée particulière. Le lecteur ne peut qu’avoir en tête la guerre en Ukraine, déclenchée en février 2022 par une Russie lorgnant vers son passé d’empire tsariste puis soviétique. Comme le rappelle Tatiana Pécastaing en préambule, les relations entre les deux pays ont été liés depuis des siècles. Raconter la fondation d’une famille aux origines russo-ukrainiennes en France a tout son sens, et prend une valeur humaine dont il est impossible de rester indifférent.   

    Tatiana Pécastaing, Qui que vous soyez, ouvrez !, LC Editions, 2023, 402 p.
    https://editionslc.fr/produit/qui-que-vous-soyez-ouvrez

    Voir aussi : "Désir ou amour, tu le sauras un jour"

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  • Bourlingueuse

    Partons à la découverte de Christina Rosmini et de son nouvel album mystérieusement intitulé INTI. "INTI" comme "intimité" ? Sans doute. Mais aussi et surtout comme comme Inti, le dieu du soleil chez les peuples andins.

    Voilà qui donne d’emblée un caractère lumineux et voyageur à l'opus. La Marseillaise Christina Rosmini fait en effet de chacun des quatorze titres de son opus autant de cartes postales, de l’Espagne ("Le temps qui passe", la sévillane "Oublions") au Québec ("La louve"), en passant par l’Afrique, l’Amazonie ("Rouge"), l’Argentine (le tango amoureux et de rupture "Mais pourquoi ?") et sa chère Méditerranée, avec le joli et sensuel cha-cha "Tant de fleurs".

    L’auditeur français sera sans doute plus frappé encore par la composition incroyable "Le konnakol du bon vieux temps". Christina Rosmini fait ici un périple musical du côté de l’Inde pour proposer en français – avec des extraits du répertoire de Farrukhabad Gharana – un konnakol, un duel de percussions vocales. Cela donne une forme de slam d’autant plus hyper-moderne que la chanteuse entend fustiger la nostalgie, sur le mode du "C’était mieux avant" (mais "avant… c’était quand ?", conclue-t-elle malicieusement). C’est aussi d’Inde dont il s’agit dans "Devi", une prière à destination de Devi, la Déesse-Mère en Inde. Christina Rosmini lui demande de l’éclairer sur les mystères et la folie du monde.  

    "Qu’il ne reste à l’inventaire / Qu’il ne reste en bandoulière / Qu’il ne reste que le bon / Et aucune amende amère / Aux refrains de notre chanson"

    Bourlingueuse dans l’âme, la chanteuse vient puiser ses inspirations de sons à la fois familiers ("Le kid") et venus d’ailleurs, à l’instar de la chanson pleine de nostalgie "Le temps qui passe" ou "Sous nos pieds". Impossible de ne pas parler de "La fea", une reprise en espagnol d’un chant traditionnel zapotèque de la région de Oaxaca au Mexique. Toujours en Amérique latine, la chanteuse française propose avec "Rouge" un chant enregistré au cœur de la forêt amazonienne, en hommage aux tribus des premières nations américaines et venant rappeler les saccages sur les forêts et les atteintes à la nature, fondamentale dans la culture des premiers peuples de ce continent ("Coule le sang sur les routes / Coulent les larmes vers l’océan"). L’auditeur sera frappé par l’authenticité de ce titre, tant Christina Rosmini sait admirablement marier chanson française et sons traditionnels andins, au service d’un message généreux autant que poétique ("Pleure l’esprit des rivières / Pleure le cœur des terres volées / Pleurent les fils et les mères / Pleurent les sœurs envolées").

    La voix douce et chaleureuse de Christina Rosmini sert admirablement des chansons engagées, que ce soit ces hymnes à la nature et à l’environnement ("La louve", aux accents également féministes ou "Something In The Air" sur la Terre-Mère) ou cet émouvant duo avec Ray Lema en hommage aux émigrés et victimes de l’Aquarius en 2017 et ses vingt-deux victimes, la quasi-totalité des femmes ("Sous nos pieds").

    L’engagement est-il encore tenable, se demande malgré tout la chanteuse dans "J’aurais voulu" ? "J’aurais voulu sauver la terre / J’aurais voulu sauver le beau / J’aurais voulu sabrer la guerre / Ouvrir des horizons nouveaux", chante Christina Rosmini. L’artiste entend bien, justement, ne pas se démobiliser : "Il faut malgré l’indifférence / Les doutes et la souffrance / Se dire qu’on avance / Et qu’avec un peu de chance / Ce sera mieux demain". Femme libre, elle le dit autrement dans cet autre morceau, "Because", sous forme de confession : "Je vivrai toujours / Au gré du hasard / Au son des guitares".  

    Des éclats de lumière et d’optimisme éclairent finalement ce très bel album, voyageur qui plus est. Il n’appartient qu’à nous d’oublier les mauvais jours, les rancunes, les espoirs déçus et cette tristesse qui gâche notre présent, chante enfin Christina Rosmini dans "Oublions (Sévillane de l’oubli) : "Qu’il ne reste à l’inventaire / Qu’il ne reste en bandoulière / Qu’il ne reste que le bon / Et aucune amende amère / Aux refrains de notre chanson".

    Christina Rosmini, INTI, Couleur d'Orange / L'Autre Distribution, 2023
    https://www.christinarosmini.com
    https://www.facebook.com/christinarosminiofficiel
    https://www.instagram.com/christina_rosmini

    Voir aussi : "À hauteur de Lhomé"

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  • Rien que de plus classique

    Rien de plus classique que Mozart. Et rien de plus classe ni de plus élégant non plus, semble nous dire Elizabeth Sombart, au piano pour les quatre célèbres concertos pour piano 20, 21, 23 et 27 du génie autrichien. Elle est ici accompagnée par le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet.

    L’auditeur retrouvera en premier lieu dans ce double album le lustre du 20e Concerto pour piano en ré mineur, romantique avant l’heure, plein de fièvre et de tensions ("Allegro"). La pianiste française s’y meut avec assurance et une solide maîtrise. On a aussi envie de dire que rien n’est sans doute plus piégeux que de se réapproprier des passages de musique classique devenus de véritables "tubes", à l’instar de la "Romanze". Pari réussi pour la pianiste française qui s’en sort sans esbroufe et avec la même assurance. L’"Allegro assai" est interprété avec une joie communicative et d’une magnifique expressivité.

    Le Concerto pour piano n°21 en ut majeur ne peut que caresser les oreilles de l’auditeur, qui retrouvera dès le premier mouvement une de ces mélodies éternelles ("Allegro Maestoso"). Le deuxième mouvement "andante" captera aussi bien les oreilles que le cœur, tout autant que l’enlevé "Allegro vivace assai", à la fausse légèreté.

    De véritables "tubes"

    Dans ce double album, il était impossible de passer à côté du chef d’œuvre incroyable qu’est le 23e Concerto pour piano en la majeur. Les trois mouvements respirent du même souffle et de la même luxuriance mélodique. Que l’on pense à cette arrivée magique du piano dans le premier mouvement "allegro". Il suffit de quelques notes pour le rendre bouleversant et inoubliable. On ne saura trop répéter à quel point Mozart sait rendre la légèreté profonde, alors que l’apparente simplicité mélodique se fait vite labyrinthique.

    Peu de concertos pour piano dans l’histoire de la musique n’ont proposé mouvement aussi bouleversant que le célèbre "Adagio" de ce 23e. Pas de maniérisme, pas d’exubérance, pas d’effets appuyés comme certains "tubes" populaires, mais un moment de grâce de près de sept minutes et demi, servi par une Elisabeth Sombart s’effaçant derrière la composition de Mozart. Le concerto se termine avec le luxuriant "Allegro assai" – une "résurrection" selon Olivier Messiaen – avec pas moins de huit épisodes thématiques. Une vraie œuvre dans l’œuvre.

    Pour compléter ce double album mozartien, Elisabeth Sombart propose son tout dernier concerto pour piano, le numéro 27 en si bémol majeur, que le compositeur autrichien a écrit en janvier 1791, soit quelques mois avant sa mort. Ce n’est certes pas le plus connu, mais la maîtrise du génie est indéniable et éclate à chaque mesure, non sans facéties (le premier mouvement "allegro"). Le mouvement suivant, "Larghetto", a ce singulier dépouillement, que vient contrebalancer la dernière partie, un "Rondo : allegro" mené avec une belle efficacité toute mozartienne.  

    Elisabeth Sombart fait plus que servir Mozart : elle lui rend hommage et le magnifie. 

    Wolfgang Amadeus Mozart, Concerts pour piano 20, 21, 23 et 27,
    Elisabeth Sombart au piano, Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet, Rubicon, 2023

    https://www.elizabethsombart.com
    https://rubiconclassics.com/release/mozart-piano-concertos-nos-20-21-23-27

    Voir aussi : "Les Schumann en majesté"

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  • Dames du temps jadis

    Voilà un genre musical et une époque qui passent complètement sous les radars. Le Moyen Âge. Une période injustement méprisée car mal connue, riche pourtant de chefs d’œuvres mais aussi et surtout de créations musicales que l’Ensemble Apotropïk propose de découvrir dans son magnifique album Bella donna, qui se veut une restitution et une découverte d’un vaste patrimoine musical encore méconnu. Le luthiste Clément Stagnol l’explique de manière passionnée et passionnante en présentation de l’album.

    Cet opus propose un mélange d’œuvres la plupart en vieux français du XIIe au XVe siècle, d’artistes divers, relativement méconnus – Comtesse de Dia ou Beatritz de Dia (fin du XIIe siècle), Bernard de Ventadour (v. 1125-v,1200), Guillaume Dufay (1397-1474) ou, plus célèbre, Guillaume de Machaut (v. 1300-1377) – mais le plus souvent anonymes ("Santa Maria amar", "Isabella").

    Cet album a été pertinemment partagé en trois parties, "Tempérance", "Charme" et "Tourment", donnant à cet opus une bonne cohérence, en dépit des sources disparates, s’étalant quand même sur cinq siècles !

    Un fil conducteur relie ces œuvres : celui de la figure féminine, qu’elle soit artiste (Beatriz de Dia) ou modèle célébrée, chantée, honorée, désirée, voire méprisée ("O cruel donna"). "Le pari de cet enregistrement est de donner voix à ces femmes, de façon plus ou moins détournée… Il s’agit de mettre en lumière (ces femmes), les faisant passer du rang d’objet à ce lui de sujet", explique Geneviève Brunel-Lobrichon. 

    Chantée, honorée, désirée, voire méprisée

    Quoi de plus logique, alors, que de faire commencer cet album par le sobre et délicat "A chantar m’er de so qu’eu no volria" de la Comtesse de Dia, avec ces paroles qui traversent les siècles et qui touchent encore : "Je veux savoir, mon cher et bel ami / Pourquoi vous m’êtes si farouche et endurci" (les paroles sont traduites en français moderne).

    Après un instrumental du troubadour Bernard de Ventadour ("Can l’erba fresc"), l’Ensemble Apostropaïk propose un chant religieux galaïco-portugais à la Vierge Marie, "Santa Maria leva", une manière aussi de marquer l’imprégnation profonde de la religion dans les arts du Moyen Âge, avec les deux figures marquantes dans la représentation féminine que furent Eve et s. Marie. Plus étonnant sans doute, le cantiga "Santa Maria amar" conte un miracle autour d’une abbesse tombée enceinte suite à un méfait du diable. "Nous devons beaucoup aimer…" répète le chant telle une litanie.

    Parmi les compositeurs connus, figure Guillaume de Machaut, dans le magnétique "Honte, paour, doubtance de meffaire", véritable illustration de la courtoisie médiévale – mais aussi du patriarcat : "Fidélité, amour et loyauté garder. / Tels sont les points que dans son cœur garde une dame / Qui de son honneur veut faire bonne garde". L’auditeur sera sans doute frappé par cette autre œuvre du chanoine français : "Phyton, le merveilleux serpent", étonnant chant faisant d’une femme éconduisant l’amoureux un monstre, mais un monstre plaisant et qui s’amuse du tourment.

    Autre compositeur masculin, Guillaume Dufay propose, après une longue introduction, un chant d’amour assez classique : une femme refuse le mariage qu’on lui impose et préfère mourir que voir son amoureux disparaître – condamné à mort. L’amour humain est encore présent dans l’album, parfois sous la forme de critiques. Inconstances, tromperies, dédains de la femme : tel est le sujet du chant tiré du Codex de Chantilly de la fin du XIVe et du début du XVe siècle, alors que la courtoisie en est à son chant du cygne.

    L’auditeur sera tout autant touché par cette complainte qu’est "Fortune, trop as vers moy grant tort" : "Il n’en est aucun qui croisse en réconfort / Et mon triste cœur tu l’as mis à la torture".

    Et si les dames du temps jadis n’avaient pas si changées que cela ? 

    Bella donna, Ensemble Apostropaïk, La Belle Abbesse, 2023
    Clémence Niclas (voix et flûtes à bec médiévales), Louise Bouedo (vièle à archet),
    Marie-Domitille Murez (harpe gothique), Clément Stagnol (luth médiéval)

    https://www.editionsdesabbesses.com
    https://www.apotropaik.eu

    Voir aussi : "Éternelle et musicale Norvège"

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  • À l’essentiel

    Préalablement à cette singulière expérience, il est indispensable de parler de son auteur, Maurice Barthélémy, ex Robin des Bois, scénariste et réalisateur (Casablanca Driver, Papa, Low Cost, Les Ex), et aussi écrivain et romancier. Son précédent livre, Fort comme un hypersensible, témoignait d’une de ces capacités exceptionnelles et qui peuvent devenir handicapantes.

    Dans son dernier livre, L’Expérience (éd. Plon), Maurice Barthélémy se fait romancier et suit les pas de Léo, un quadra sur la pente descendante. Divorcé, père d’une petite fille qu’elle ne veut plus voir, salarié "cleaner" dans une entreprise de nettoyage après décès, Léo plonge dans une profonde déprime. Il choisit un après-midi de la semaine de s’enfermer dans une salle de cinéma. Là, pendant deux heures, il coupe son téléphone. Il y a une seule personne dans cette salle, une femme. Mais aussi un écran qui s’allume et lui pose une question : "Ça va, Léo ?" Évidemment, ça ne va pas. L’expérience peut commencer.   

    Maurice Barthélemy va à l’essentiel, dans tous les sens du terme

    Dans ce court roman, Maurice Barthélémy plonge dans les pensées et l’âme d’un homme désœuvré, de notre époque d’ultramoderne solitude. Il le fait avec hypersensibilité mais aussi le sens de l’absurde, comme si Ionesco avait ressuscité et s’était téléporté en 2023.

    La solitude, un lieu hors du temps, le dialogue entre deux personnages et une présence venue d’ailleurs – l’écran d’une salle obscure. Le lecteur pourra aisément lire derrière ce roman qui se lit d’une traite une allégorie sur le cinéma. Un hommage et une déclaration d’amour.

    D’amour, il en est question justement : l’amour pour la fille de Léo, l’amour déçu pour son ex et un amour qui pourrait bien naître entre les deux spectateurs… Mais, impossible d’en dire plus dans cette chronique.

    Comment vivre sa vie dans le monde ? Comment prendre ses décisions, et comment savoir qu’elle est la bonne ? Maurice Barthélemy va à l’essentiel, dans tous les sens du terme. En désincarnant ses personnages – le troisième n’est-il pas une présence désincarnée sur un écran de cinéma ? – l’auteur entend rappeler, non sans humour, que la solution de nos problèmes existentiels est finalement au fond de nous. 

    Maurice Barthélemy, L’Expérience, éd. Plon, 2023, 128 p.
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/lexperience/9782259315913
    https://www.facebook.com/maurice.barthelemy

    Voir aussi : "Traîné dans la boue"

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  • À hauteur de Lhomé

    Une fois n’est pas coutume, c’est de rap, dont il sera question dans cette chronique. Mais c’est un rap à la fois ambitieux et d’une belle ambition littéraire, autant que musicale.

    Celui à qui on doit ce "Miracle(s)" – c'est le nom de son troisième album – est Lhomé, qui nous présente lui-même son opus dans son "Incipit" : "En chasseur d’âmes, j’traverse la mer des hommes en « Apnée » / J’écris des vagues au bout d’un songe, je suis « Au bout du monde » / Un dernier disque, un dernier rêve qui sonne au fouet du fiacre / Et cet album qui dans mon cœur s’annonce comme un « Miracle »". L’artiste ne le dit pas autrement dans "L’arche" : "J’défends le texte ad vitam æternam Lhomé c‘est pur, Lhomé c‘est du khalam".

    Quand je vous parlais de travail sur le texte, je ne vous mentais pas. Mais il faut ajouter aussi l’engagement, aux antipodes de beaucoup de rappeurs. Il y a du social, du positif et un regard porté à hauteur d’homme. Que l’on écoute ce formidable titre, "LBTC", une invitation à "laisser battre son cœur" et assumer son  bonheur. L’auditeur sera indéniablement touché par "Malik" consacré au deuil d’un enfant victime de la violence.

    Chez Lhomé, pas de textes où domine l’ego, mais des paroles pleines de sens tournées vers les autres, sans pour autant laisser de côté les préoccupations d’un artiste de son temps ("Miracle", "La clé"). Impossible non plus de ne pas parler de ce très beau titre qu’est "Sur mes pas", dans lequel le rappeur se retourne avec nostalgie sur ses souvenirs, ses bonheurs et ces petits bouts de vie, de bonheur et d’amour ("Je reviens sur mes pas / L’amour en mémoire").

    Chez Lhomé, pas de textes où domine l’ego mais des paroles pleines de sens

    Le rap de Lhomé navigue avec bonheur entre slam (le sombre, poignant et sans concession "Comme toi"), chanson françaises ("Plus que toi"), d’électro ("La musique faire", étonnant et passionnant renouvellement du rap urbain) ou  d’inspirations world (le très beau "Danser dans le ciel"). De ces influences vient sans doute le soyeux de ses compositions musicales, à l’instar de l’"Incipit", de "Process" ou encore des sons résolument pop de "La clé", en featuring avec Mirana. Ce qui n’empêche pas Lhomé de s’avancer vers le rap urbain. C’est "Sans thème", en featuring avec DDK, dans lequel l’artiste parle d’identité, de sa place dans la société, de ses rêves mais surtout d’authenticité. Que l’on pense également à "Golgotha (Pris sur moi)", véritable hymne au combat intérieur, à l’honnêteté en dépit des coups mais aussi à la générosité ("Accepter de ne rien recevoir en retour / Rien que des vautours").

    L’album se termine avec le passionnant et ambitieux "Kingsman". Lhomé s’y livre avec passion et montrant sa formidable maîtrise du son comme des textes, et dans lequel le rappeur clame haut ses ambitions : "Ma mission est claire, élever les cœurs, au rang des étoiles". Pari réussi.  

    Lhomé, Miracle(s), L'atelier du Pélican / Absilone, 2023
    https://www.lhome.fr
    https://www.facebook.com/Lhomeofficiel
    https://www.instagram.com/lhome.officiel

    Voir aussi : "Méfiez-vous de Ferielle"

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  • Un homme au dessus de tout soupçon

    "Aveu de faiblesse" aurait tout aussi bien pu être le titre du dernier livre de Frédéric Viguier, La Vérité n’aura pas lieu (éd. Plon). Aveu de faiblesse, comme le titre de son premier roman, comme aussi la dimension de culpabilité et cette manière d’observer l’âme humaine, celle précisément de son personnage principal sur lequel un écrivain doit se pencher.

    Frédéric Viguier utilise le "je" de l’auteur. Un auteur "à plein-temps" en plein doute littéraire après une première publication remarquée. Une lectrice, Gisèle Chabaud, le contacte et lui propose un sujet : écrire sur son fils Sylvain, qui s’est suicidé quelques années plus tôt après avoir été convoqué par la police pour une agression sexuelle sur une jeune fille.

    Gisèle veut réhabiliter l’honneur de son fils. Plutôt qu’une enquête, c’est un roman qui lui semble le plus à même de remplir ce rôle. Après pas mal d’hésitations, voilà donc notre narrateur parti sur les traces de son modèle, Truman Capote (De Sang froid), pour tenter de retracer un fait divers des plus banals. Mais comment raconter cette histoire ? Et surtout, Sylvain cachait-il quelque chose à ses proches ? L’écrivain s’interroge au fur et à mesure de son travail, conscient que ce qu’il va découvrir risque de déplaire à sa commanditaire.  "Ce n’est pas parce que j’ai écrit des livres que je me crois plus indispensable que la moyenne. Sylvain Chabaud méritait-il que je me repaisse de son cadavre ?"

    Il faut tout de même aller jusqu’à la dernière ligne pour deviner ce qui s’est passé

    L’auteur américain de De sang-froid est évoqué à plusieurs reprises dans le dense, nerveux et perturbant roman de Frédéric Viguier. Pour autant, La Vérité n’aura pas lieu se démarque du génie américain sur plusieurs aspects : il s’agit d’un roman ne se basant pas sur un fait divers identifiable, et cela ne concerne ni un crime de sang, ni un procès spectaculaire, puisque la convocation policière n’a été suivi d’aucune enquête officielle. Ce qui intéresse l’auteur est autant la destinée de son personnage principal – Sylvain Chabaud – que la manière de s’approprier une histoire pour en faire un roman.

    L’humour n’est pas absent, lorsque le narrateur aborde, principalement au début du livre, les affres de la création. Une fois le contrat signé entre la vieille dame et l’écrivain, le livre prend son envol. Dès le deuxième chapitre, c’est dans la tête de Sylvain Chabaud que se plonge le narrateur pour reconstituer le fil des derniers jours de son existence : ses journées de travail – et ses heures de voiture – la vie de famille, ses relations avec sa mère et surtout ses relations ambiguës avec Manon, la meilleure amie de sa fille Cassandra.

    Avec le même procédé, Frédéric Viguier choisit de s’intéresser à Alice, la femme de Sylvain, puis à Cassandra, à peine évoquée par Gisèle, transparente une bonne partie du livre, mais qui pourrait bien détenir la vérité, si tant est qu’elle existe car, comme le dit l’auteur dès le titre : "La vérité n’aura pas lieu". Il faut tout de même aller jusqu’à la dernière ligne pour deviner ce qui s’est passé, au terme d’un roman qui aura été aussi passionnant qu’un thriller. 

    Frédéric Viguier, La Vérité n’aura pas lieu, éd. Plon, 2023, 352 p.
    https://www.lisez.com
    https://www.fredericviguier.fr

    Voir aussi : "Lost"

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