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Dès les premières notes d’Iris, la première piste de Mirages II, nous sommes bien au pays de l’électronique. JB Dunckel et Jonathan Fitoussi proposent avec leur nouvel opus Mirages II ce qui se fait de meilleur dans un style puisant loin ses sources, du côté de l’électro des années 70 et 80. Les lignes mélodiques et le rythme séduisent rapidement – le fameux Iris, donc.
Les inventions sonores laissent deviner le travail qu’il leur a fallu pour concocter un opus imparable, à la fois mélodieux, intelligent et envoûtant (le mystérieux Ghost Town).
Dans Marimbalum, on devine que les deux compères ont lorgné du côté du courant répétitif contemporain (à commencer par Philip Glass et Steve Reich) pour bâtir un titre à la fois actuel, dépaysant et hyper-moderne. Et entêtant.
Cette étrange sensation de dépaysement à l’écoute de Mirages II, avec ces sons comme venus d’un autre lieu ou d’une autre époque, celle précisément des seventies, lorsqu’un petit monde musical découvrait les possibilités infinies des machines (Karakoum).
Dépaysant et hyper-moderne
Au fur et à mesure que l’opus déploie ses vagues synthétiques, on reste en apesanteur, surpris et carrément séduits par JB Dunckel et Jonathan Fitoussi, se permettant autant des digressions vers le pop-rock – mais toujours en instrumental (Spark) ou vers une forme de minimalisme, ce qui n’est pas le plus aisé (Atlantica).
L’auditeur se laissera transporté par ces séquences ne s’étirant pourtant pas démesurément en longueur – un seul titre, Marimbalum, dépasse les 7 minutes. JB Dunckel et son acolyte Jonathan Fitoussi utilisent l’électronique à bon escient, sans jamais accumuler des couches de sons (Tanzanite). La rythmique est tout aussi bien pensée. L’album se termine sur le subjuguant Automnal Equinox, le point final d’un joli voyage. Sacrée découverte.
Partons aux origines du rock avec le bien nommé Originsdu bluesman lyonnais Léo Benmass. Direction donc les States. Mettons sous couvert les idées qui fâchent avec un pays décidément bien insaisissable – restons poli – en ce moment.
Voilà un premier album qui s’assume tel qu’il est, en déclinant le rock sur toutes ses coutures : rock indé, blues rock, pop et même rockabilly. Après un début prometteur – roulements de guitare, voix rocailleuse de Léo Benmas (Origins) – place au rockabilly, assumé et sans fausses notes (le séduisant Let Me Love You Baby).
Le rock sur toutes ses coutures
Impossible de parler de Léo Benmass sans citer les deux musiciens qui l’accompagnent, Arnaud Liatard à la batterie et Martin "Blues" Cortel à la basse, car c’est en trio que se produit le guitariste et chanteur. Les trois proposent ainsi une version décomplexée du Voodoo Child de Jimi Hendrix, avant une reprise, elle aussi séduisante, du désormais classique Riders on the Storm des Doors. Revisite oui mais dans la même facture que la bande à Jim Morrisson.
Pour See My Troubles, nous voilà dans le sud américain, chaud, poussiéreux et douloureux. Ambiance blues pour ce morceaux roulant comme une mécanique bien huilée. On se laissera encore plus séduire par la jolie ballade In The Deep Of My Soul au pop-rock très nineties. Un morceau capable de faire tomber n’importe qui. Après le séduisant et formidable Excuse Me, c’est du côté de Woodstock que se termine le voyage de Léo Benmass. Une fin de voyage psychédélique et rock. Cela va sans dire.
Bla Bla Blog n’a peur de rien. Musique contemporaine, classique, art underground, thrillers populaire, chanson ou séries injustement méconnues. Nous ne refusons rien. Un exemple supplémentaire avec un très joli roman feel good. Pourquoi ? Parce que ce genre est celui qui marche le mieux dans un monde des livres souvent morose. Nous avons choisi aujourd’hui une jeune auteure passée par une petite maison d’édition à Romans-sur-Isère, à savoir Ode Hélie qui vient de paraître Là où refleurissent les roses aux éditions du Flair.
Adélie est une jeune Parisienne d’adoption à la carrière remarquable et qui n’en est qu’à ses débuts. Elle travaille dans une agence de pub au 17e étage d’un immeuble en verre et s’attaque à un très gros dossier pour une compagnie aérienne. Pression maximum pour elle. Elle sèche d’autant plus que son compagnon la quitte du jour au lendemain. À cela s’ajoute une mauvaise nouvelle : le décès de sa grand-mère qui l’a élevée. La vieille dame tenait une pâtisserie à Valfleury, dans le sud de la France. Voilà Amélie seule héritière d’une obscure boutique. Elle descend au village un week-end pour régler l’héritage et la future vente d’un commerce qu’elle ne veut ni ne peut tenir. Son court séjour lui permettra de s’aérer les idées au sujet de sa vie personnelle et professionnelle car elle se sent dans un cul-de-sac. C’est aussi un voyage vers son passé.
Il y est aussi question de réconciliation entre contraires
Retour aux sources dans ce très joli roman d’Ode Hélie qui se lit comme une petite douceur. L’autrice ne cherche ni à impressionner son monde ni à révolutionner l’histoire de la littérature. Elle suit une working girl ambitieuse qui a finalement plus laissé de plumes derrière elle qu’elle ne pensait. La vie parisienne, l’ambition professionnelle, un petit copain qu’elle a lentement mais sûrement délaissé. Une vie que des millions de personnes connaissent ou ont connu et qui fera écho en elles.
Voilà donc notre jeune héroïne dans un village du sud qui se veut moins réaliste que symbolique des lieux d’enfance idéalisés. Adélie y retrouve la trace de sa grand-mère et se rend compte qu’elle a laissé une empreinte indélébile sur Valfleury. Sa petite-fille a-t-elle le droit de liquider son héritage ? Pas si simple. Il y est question bien entendu de responsabilité mais aussi d’accomplissement personnel et professionnel.
Un roman sur la fuite d’une grande ville austère vers un village idyllique – avec par dessus le marché un amour naissant ? Pas si simple. Car dans ce récit feel good, il y est aussi question de réconciliation entre contraires et le mélange des ingrédients qui font les meilleurs desserts ("La pâtisserie, c’est comme la vie, il faut parfois oser mélanger les ingrédients pour obtenir la recette parfaite !").
Cette romance à la douce amertume est une jolie surprise pleine de générosité.
Ce sont des histoires de tangos que nous propose Ophélie Gaillard dans son dernier double album, Cello Tango. Voilà qui peut paraître surprenant de la part d’une violoncelliste abonnée au répertoire classique, que ce soit Fauré, Bach, Chopin ou Brahms. C’est par contre oublier que la musicienne s’intéresse à la création contemporaine depuis des années et ne dédaigne pas faire des passerelles entre les différents genres.
Ophélie Gaillard confie que l’idée de ce projet vient de son idée de mettre en lumière le répertoire du compositeur argentin Alberto Ginastera (1916-1983), présent dans plusieurs œuvres, La Puneña n°2 op.45, La Pampeana n°2 op. 21 et deux chansons (Canciones op. 3).
Commençons donc avec ces œuvres dont le modernisme, certes sombre ("Harawi", Puneñas n°2), pourra désarçonner dans un opus consacré au tango. Ophélie Gaillard offre une entréepassionnante dans l’œuvre du compositeur argentin relativement peu connu dans nos contrées. On ne taxera pas la musicienne de facilité. Alberto Ginastera mérite cependant que l’on se penche sur son œuvre. Il a su s'inspirer de la musique de son pays tout en l’ancrant dans la modernité, avec des rythmes carnavalesques à la fois endiablés et désespérés menés par une Ophélie Gaillard solide et et expressionniste ("Wayno Karnavalito", Puneñas n°2). Plus mystérieuse encore est la Pampeana n°2, avec son court mouvement Lento rubato, précédant un Allegro au rythme de tango revisité et fiévreux. La musicienne qui se met au service d’un compositeur disparu il y a plus de 40 ans et, pourtant, tellement actuel ! Une nouvelle preuve s’il en est avec le pathétique Lento ed esaltato, en forme de chant funèbre. N’est-ce pas l’Argentine abîmée par la dictature militaire des années 60 à 80 qui s’exprime ? Alberto Ginastera a d’ailleurs vécu la censure puis l’exil. Le court Allegro vivace vient clore cette Pampeana, un mouvement sombre mais qui se veut aussi un appel à la vie et à la liberté. Comment rester indifférent au travail et à l’art d’un musicien argentin contraint de suivre de loin les affres de son pays ? Nahuel di Pierro vient interpréter dans le second CD deux chansons des Canciones op. 3 d’Alberto Ginastera. La nostalgie et la mélancolie cachent mal mal la douleur du déchirement natal (Canción al árbol del olvido), même si le désespoir ne peut se cacher trop longtemps (Canción a la luna lunanca).
La danse la plus sensuelle et en même temps la plus existentielle qui soit
Le tango, la danse la plus sensuelle et en même temps la plus existentielle qui soit, est représentée dignement par Astor Piazzolla. Inévitable. L’album rassemble des standards de tangos du célébrissime compositeur. Ophélie Gaillard aurait eu bien tort de ne pas s’en emparer, que ce soit Milonga for Three, Fuga y misterio derrière lequel se cachent les influences de Bach, le délicat Viage de bodas ou encore le désormais classique air de María de Buenos Aires, "Yo soy María", interprété avec conviction et tempérament par Inès Cuello. L’auditeur découvrira sûrement ce singulier titre de Piazzolla qu’est Vayamos al diablo, faisant se rejoindre tango traditionnel, rythmiques traditionnelles et facture moderne. Il faudra tout autant s’arrêter sur l’ambitieuse pièce Las Cuatro erstaciones Porteñas : Otoño porteño. Ces Estaciones porteñas constituent une suite en quatre parties, appelées "Saisons" – été, printemps, automne et hiver. Une œuvre réaliste et un hommage à Buenos Aires par le génie argentin.
Piazzola est présent dans le second disque du double album, avec le magnétique Milonga sin palabras, l’irrésistible et sensuel Regreso al amor, le sombre La Muerte del Angel et le désormais classique Oblivion, arrangé par William Sabatier et qu’interprète Agnès Jaoui.
Hormis Ginastera et Piazzolla, on retrouvera dans ce convaincant opus de tangos des œuvres d’autres compositeur et compositrices. L’enregistrement débute d’ailleurs avec le pianiste argentin Osvaldo Pugliese (1905-1995) avec sa Negracha arrangée par William Sabatier.
Le Volver d’Alfredo Gardel et d'Alfredo Le Pera est présent, comme de juste, mais singulièrement sans ses paroles, ce qui permet de s’arrêter sur la qualité de la composition musicale – et en particulier sur le dialogue entre le violoncelle d’Ophélie Gaillard et le bandonéon de Juanjo Mosalini.
L’auditeur ou auditrice découvrira sans doute la compositrice Rosita Melo (1897-1981), présente dans l’album avec un de ses airs, la séduisante et mélancolique valse Desde el alma. Une autre compositrice a les honneurs de l’enregistrement, Mercedes Sosa (1935-2009). Celle que l’on surnommait "La Negra" est connue en Argentine comme chanteuse s’intéressant au folklore de son pays. Elle est présente dans l’album dans une de ses pièces, La Zafrera, ici interprétée en instrumental avec le violoncelle vibrant et vivant d’Ophélie Gaillard.
Dernière découverte de ce côté de l’Atlantique, celle de Julián Plaza (1928-2003), homme à tout faire du tango, proche d’Osvaldo Pugliese, musicien admiré, bandonéoniste, arrangeur génial, chef d’orchestre et ici compositeur. Avec Nocturna, arrangé par Juanjo Mosalini, il suit les pas de Piazzolla, mais tout en gardant son identité propre. Cette pièce séduit par sa liberté, son espièglerie mais aussi son attachement aux rythmes et musiques traditionnelles argentines.
L’album ne pouvait se terminer que par un standard – avec un grand "S" –, à savoir La Cumparsita de Gerardo Matos Rodríguez. Quelques coups de talons rythmés pour saluer ce programme argentin, séduisant et revivifiant ! Merci, Ophélie Gaillard, qui répondra très prochainement et en exclusivité, aux questions de Bla Bla Blog !
On peut élever une statue à La Boîte à Pépites, un éditeur qui a courageusement choisi de mettre à l’honneur des compositrices oubliées – un euphémisme, hélas ! Pour cet album consacré à Liza Lehmann (1862-1918), née anglaise d’un père allemand, Lucile Richardot, la mezzo-soprano française réclamée dans le monde entier, vient donner de sa voix et de sa sensibilité pour sortir de l’ombre 24 chansons. La diva est accompagnée par Anne de Fornel au piano. L’enregistrement contient également des interprétations du baryton Edwin Crossley-Mercer, de la soprano Marie-Laure Garnier et de la violoniste Manon Galy.
Chanteuse renommée à son époque, soutenue par Clara Schumann en personne, Liza Lehmann doit son passage à la composition à un problème de santé puis à un mariage qui la pousse à se retirer de la scène lyrique alors qu’elle n’a que 34 ans. C’est la composition qui a maintenant ses faveurs, avec en particulier la musique de chambre (Trois Valses de Sentiment, Album Of Ten Pianoforte Sketches, Good Night, Babette!, pour ne citer que ces opus). Mais c’est avec la mélodie qu’elle perce réellement.
Sa "première composition sérieuse" est In A Persian Garden, un cycle de 22 mélodies pour quatre voix et piano qui lui assure un incontestable succès. Ce cycle est salué à son époque comme la meilleure pièce jamais écrite par une compositrice. L’album contient deux morceaux de cet opus, Ah! Moon of my Delight et Ah! Not a Drop. Il y a du néoromantisme dans ces deux extraits, plus occidentaux qu’orientalisants – ce qui contredit le titre de l’œuvre.
Hormis ces deux extraits d’In A Persian Garden et la charmante mélodie You And I sur un texte de Mary Atnold Childs (1897), l’enregistrement propose des airs du XXe siècle.
Compositrice prolifique, Liza Lehman a écrit en tout plus de 350 mélodies, un genre particulièrement prisé en Angleterre. On imagine le choix cornélien de devoir choisir 24 pièces, témoignant de l’inspiration et du travail d’une compositrice sensible et engagée car l’artiste a défendu toute sa vie l’égalité entre hommes et femmes, à une époque où ce combat semblait perdu d’avance.
Le tact de Lucile Richardot sert des mélodies au romantisme certain inspiré des lieder du XIXe siècle (The Beautiful Lady), sur des textes brillants (The Lake Isle Of Innisfree de W.B. Yeats). Le classicisme de la compositrice anglais ne l’empêche pas d’affirmer sa personnalité (Dusk In The Valley). Londonienne d’origine, Liza Lehmann rend hommage à la campagne (A Bird In The Sky) et aux traditions en s’inspirant des traditions folkloriques, à l’exemple d’un extraits de ses chants folkloriques bretons (I Dreamt My Love Was Singing).
Une compositrice sensible et engagée
Lucile Richardot excelle dans cette découverte de ce patrimoine musical anglais qui sait toucher aux cœurs (Echoes). William Shakespeare n’est pas absent dans l’album. Edwin Crossley-Mercer interprète avec Lucile Richardot un extrait du Marchand de Venise (le somptueux How Sweet The Moonlight Sleeps Upon This Bank). Restons au XVIe siècle avec Ben Johnson, un contemporain de Shakespeare, dont la compositrice anglais a mis en musique un de ses poèmes, The Lily Of A Day, aux paroles qui résonnent plus que jamais en 2025 : "Ce n'est pas en croissant comme un arbre / En masse, que l’homme devient meilleur… / En de petites proportions, nous voyons de véritables beautés ; / En de courtes mesures, la vie peut être parfaite".
On saluera le travail mélodique sur un texte d’Evelyn Young, In The Watches Of The Night, ou encore sur la chanson The Guardian Angel, écrit par Edith Nesbit. Beaucoup de femmes sont du reste mises à l’honneur dans ce très bel album, que ce soit Constance Morgan (Evensong), Marguerite Radclyffe Hall (le délicat The Silver Rose), Ethel Clifford (l’onirique By The Lake) ou Christina Rossetti (le funèbre When I Am Dead, My Dearest, composé quelques semaines avant le décès de Liza Lehmann).
L’originalité de la compositrice étincelle également dans l’enlevé Good Morning, Brother Sunshine! écrit par J.W. Foley ou dans l'extrait du cycle à succès The Daisy-Chain datant de 1901 (Il No One Ever Marries Me). L’auditeur pourra être subjugué par ce singulier song tiré d’un superbe texte – traduit de l’azéri – de Mirza Shafi, Oh, Tell Me, Nightingale ("Ô dis-moi, Rossignol, doux oiseau, / Pourquoi ta voix ne se fait plus entendre, / Emplissant nos âmes de ravissement"). Lucile Richardot sert encore le mélange de puissance évocatrice et de subtilité lorsqu’elle interprète un poème amoureux de Robert Browing (Love, If You Knew The Light), lorsqu’elle déclame un amour avec tendresse et romantisme (Thoughts Have Wings) ou lorsqu’elle se fait onirique (When The Shadows Fall Tonight).
Pour beaucoup, Liza Lehmann sort enfin de l’ombre. Grâce à La Boîte à Pépites, donc. Gros Big up pour cette maison, infatigable dans son projet artistique !
Il souffle un souffle de rock dans Out Of The Blues, le nouvel album de Salah Khaïli, plus rapide que le vent, pour reprendre un de leur – court – titre (le bondissant Faster Than The Wind).
Salah Khaïli, en featuring avec le chanteur Eric D. Larsen pour son nouvel opus, arpente les terrains du rock américain et anglais avec une belle audace et un sacré savoir-faire. Car, oui, il faut un sacré aplomb pour se frotter au rockabilly (Dolly) avant de s’attaquer à du rock-blues, à l’instar de la session live Hey ou du formidable Happy Duck qui sent bon le foin séché, le diesel et la poussière du Tennessee. Au chant, Eric D. Larsen impose sa patte dans un album où il se fond avec bonheur.
Ses ballades rock et blues sont un bel hommage au sud américain (Speechless), ce qui n’empêche pas Salah Khaïli et ses amis – Eric D Larsen, donc, au chant, à l'harmonica, et à la guitare, Emmanuel Sunee à la basse et Christophe "Tito" Taddei à la guitare – de proposer des titres rock originaux et d’une belle facture, à l’image du scintillant et pop-rock No Borders. Irrésistible.
Ça sent bon le foin séché, le diesel et la poussière du Tennessee
Out Of The Blues recèle des perles sombres aux étranges éclats. On pense à l’instrumental Hit The Sack et surtout à Avalanche, un titre rock mêlant talk-over, riffs de guitares, batterie entêtante et échos inquiétants. Pas de demi mesure pour Salah Khaïli qui n’hésite pas à lorgner vers du rock bon et dur, avec un Eric D. Larsen comme en lévitation (Macadam). Une preuve supplémentaire s’il en était besoin avec la ballade acoustique Speechless, l’un des plus beaux morceaux de l’opus.
Dans Where Are My Schoes, le rock rugit et menace. Les guitares dominent, riffent et renvoient aux plus belles heures des seventies, lorsque le genre faisait la pluie et le beau temps. Salah Khaïli domine son sujet et offre l’un des plus beaux hommages à une musique que l’on a envie d’espérer immortelle.
Qu’on ne s’y trompe pas. En dépit des roulements rock de guitares entêtantes de Dust qui ouvre l’album Staring At The Sun, Lumio entend proposer un opus pop d’une fort belle facture. La voix caresse gentiment les oreilles, les mélodies ont été travaillées avec soin, le musicien ne se prive pas d’électronique et la prise de son est à saluer pour sa qualité et sa pertinence.
Derrière Lumio, se cache Niko Gamet qui propose ici son nouvel opus, après deux albums sous son nom, Le signe du cœur en 2014 et Leaving Tomorrow en 2016. C’est naturellement vers les États-Unis que se tourne le regard du musicien, auteur, compositeur et interprète. Que l’on pense à ce double hommage à la Route 66 et au groupe mythique Guns N' Roses dans le morceau Road & Rose, d’une facture pop très actuelle.
Nous parlions d’influence US. C’est de nouveau entendable avec Grateful, singulier retour vers les Beach Boys et son génial leader et inspirateur Brian Wilson car nous sommes clairement ici du côté de la Californie.
L’art de surprendre et de prendre l’auditeur à froid
D’invention, Lumio n’en manque pas, avec l’art de surprendre et de prendre l’auditeur à froid, à l’instar de By Your Side, avec cette guitare entêtante mêlée à des sons électroniques inquiétants, ce qui n’empêche pas le musicien de se laisser à de jolis titres pop. On pense au magnétique Nowhere derrière lequel se cache un artiste que l’on sent écorché vif ou encore à Rising Moon, sombre et poétique morceau s’agençant avec autant que précédant le tout aussi étrange Secretly. Nous sommes ici dans un esprit seventies lorsque les morceaux s’émancipaient joyeusement des règles commerciales pour créer des concepts albums.
L’ambition est bien là, dans cet opus imaginé et conçu avec soin. La voix est feutrée et touchante et les inventions sonores parsèment l’enregistrement sans jamais le cadenasser (This Precious Day).
Pour Another Life, Lumio fait le choix de la ballade et de la simplicité. Le musicien chante l’attente et la fatigue au cours d’une nuit où il espère un signe ("I wait for a sign that something’s gonna happen with us").
Et si l’album n’était pas juste un appel à la méditation ? Voilà ce que l’on peut se dire à l’écoute de Staring At The Sun qui vient conclure l’opus. Un instant magique qui fait disparaître nos peurs, sécher nos larmes et rendre nos chants d’amour bien plus forts.
Attention à l’endroit où l'on met les pieds. Avec ce troisième volume deLa Dimension perdue, le cycle de bande dessinée underground de Nicolas Le Bault, le moins que l’on puisse dire c’est que l’artiste ne s’embarrasse pas de bienséance ni de vouloir plaire à tout le monde.
Son univers de La Dimension perdue est un singulier projet sous un format magazine dans lequel l’histoire s’efface devant le graphisme brut, le surréalisme, la provocation, l’excès, sur fond de conte immoral autour de la violence domestique. L’histoire est finalement moins importante que les images choc et des saynètes comme sorties d’un cauchemar. L’auteur y parle de l’enfance martyrisée, des adultes – hommes – coupables et pervers et des traumatismes dont il est impossible de sortir.
Conte immoral
Karine est la narratrice du récit contant la disparition de sa sœur Aurélia. Les jeunes filles sont soudées par la souffrance que leur inflige leur père, un homme affublé d’un groin en guise de nez. Voilà qui est éloquent ! Dans leur chambre commune, les adolescentes se noient dans un jeu vidéo (presque) aussi sordide que leur propre existence. Il y est question d’un chevalier, Boy, venu sauver des habitants, de jeunes filles transformées en poulpe, d’une princesse en danger et d’un œil maléfique.
Voyage virtuel ? Enfermement dans une maison haïe et dangereuse ? Réflexions sur l'intime et les blessures de l'enfance et l'adolescence ? Il y a de tout cela à la fois dans cet épisode de La Dimension perdue. Une autre dimension faite de cauchemars, comme le dirait une célèbre série, mais aussi de traumatismes. Pour lecteurs avertis.