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  • Du style à Gangnam

    Disons-le tout de suite pour s’en débarrasser : si Gangnam est devenu archi connu, c’est sans doute pour une raison pas très avouable, à savoir un tube de 2012 – et une chorégraphie improbable –  qui a définitivement lancé la mode internationale de la k-pop. Gangnam désigne surtout un quartier riche et hyper tendance de Séoul. Voilà, du reste, le cadre du dernier roman de Lee Hong, romancière coréenne remarquée dans son pays et qui vit actuellement en France.     

    La femme de Gangnam (éd. Decrescendo) c’est Oh Mina, animatrice télé douée et admirée. Belle, riche, vivant dans le quartier huppé de Gangnam, amoureuse de John qui lui voue une admiration sans borne. Or, la réussite de la jeune femme gêne. Après la disparition de sa chatte, c’est Oh Mina en personne qui est agressée et reçoit des lettres de menaces d’un stalker. Qui pourrait-il être ? John mène son enquête. Et si la réponse venait des jeunes années de la quadra ?

    Le portrait d’une femme écorchée vive

    Lee Hong a inventé un nouveau genre : "le roman de gangnam", des livres se situant dans le célèbre quartier huppé de Séoul, pour mieux mettre au jour la face sombre d’un milieu trop lisse pour être honnête.

    La femme de Gangnam commence comme un thriller hitchcockien. L’histoire d’une femme à la réussite insolente se déploie avec subtilité dans un chapitre étouffant et aux multiples indices qui laissera libre au lecteur ou à la lectrice de dénouer les liens.

    Se succèdent trois chapitres plongeant dans les souvenirs et l’âme d’une jeune femme coréenne au passé enfoui. Il y a une première union, un fils et une belle-famille étouffante. Lee Hong remonte le temps comme on dénoue une pelote de laine. On découvre une jeune mère malheureuse et les secrets d’une relation empoisonnée, avant un dernier chapitre qui nous amène vers un épisode se déroulant durant les JO de Séoul en 1988.

    Lee Hong propose avec ce roman déroutant le portrait d’une femme écorchée vive et qu’un fait divers a bousculé comme jamais. L’autrice coréenne surprend par son style à la fois moderne et subtil, posant des questions, semant des indices et laissant aux lecteurs et lectrices le soin de sonder l’âme d’une femme a priori exemplaire mais dont l'existence explose. Une sacrée découverte par une sacrée autrice à suivre absolument

    Lee Hong, La femme de Gangnam, éd. Decrescendo, 2025, 186 p.
    https://decrescenzo-editeurs.com/livre/la-femme-de-gangnam/

    Voir aussi : "Voyage vers les Corées"
    "Énergiquement fluide, intensément paisible"

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  • Pas de pépin pour Julien Desprez

    Attention, les oreilles ! Avec Abacaxi, le projet audacieux et passionnant de Julien Desprez, la guitare est poussée dans ses derniers retranchements, au service d’une création contemporaine audacieuse, sinon inédite. L’album est tiré d’une captation publique au Périscope de Lyon le 24 janvier 2024.

    "Abacaxi", qui signifie "ananas" en brésilien, n’a rien d’un voyage latino. Par contre, le dépaysement est là, dans cette manière de s’approprier guitares et batterie bousculées, triturées, perfusées de rythmes rock et funk et au service d’un nouveau langage musical (Licasso).

    Impossible d’être indifférent aux sons incroyables de Julien Desprez, à la composition et à la guitare, et de ses deux acolytes que sont Francesco Pastacaldi (batterie) et Jean-François Riffaud (basse). Devant le public du Périscope, le programme Abacaxi semble se jouer des outrances des grands guitaristes des années 60 et 70 – Jimi Hendrix en tête – pour montrer justement que l’on pouvait aller beaucoup plus loin dans la virtuosité,  en mêlant rock, musique industrielle et contemporain (les trois parties de Quetzal). Cet art de faire tomber les barrières entre genre et gravement séduisant. Et déstabilisant.

    Julien Desprez va jusqu’au bout de ses idées, étirant les six mouvements de l’album (Mainstream Desire dépasse les 13 minutes) pour en sortir tout le jus de son ensemble guitare-batterie-basse au service d’une composition incroyable d’imagination et même de mystère. 

    "Musique cubiste"

    Pour définir l’album, Julien Desprez parle de "musique cubiste", "une musique où les éléments sont balancés dans l’espace… aucun de nous ne joue en même temps. Les sons se répondent dans un autre espace" et se répondent, non sans improvisation. On pense à la partie III de Quetzal. "On joue avec l’écriture pour prendre des libertés", ajoute, non sans malice et enthousiasme, Julien Desprez.

    "Abacaxi" fait référence, non sans humour, à une expression locale qui veut dire, en français, "Il y a un pépin" – d’ailleurs, si pépin il y a eu durant ce concert du 24 juillet 2024, il n’a été que technique et géré avec humour, chaleur humaine… et partages de bières. Le public du Périscope a-t-il être déstabilisée par ce projet musical audacieux, pour ne pas dire "savant" ? Et bien, non ! "Parfois, cela provoque des sortes de transes dans le public. Ça crie !", ajoute le musicien et compositeur, ravi que l’aspect festif et rythmé de son opus ait trouvé ses admirateurs et admiratrices (Churros).

    La musique contemporaine est-elle forcément chiante ? La réponse est évidente avec cet album proposé par b.records. Julien Desprez et ses amis font de la guitare et de la basse des instruments ayant toute leur place dans la création actuelle, nous interrogeant même sur les dialogues sonores entre musique savante et mainstream (le somptueux, envoûtant et non moins inquiétant Mainstream Desire). Il s’agit sans nul doute d’un album qui mérite de faire date dans sa manière de bousculer les genres et de repenser les instruments pop-rock dans la composition actuelle. Et tout cela, en rythme et dans la bonne humeur. Yeah !  

    Julien Desprez, Abacaxi, b•records, coll. Périscope, 2025 
    https://www.b-records.fr/disques/abacaxi
    https://www.juliendesprez.com

    Voir aussi : "Pas si frivole que ça"

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  • Italianna crooneuse

    Bouffée d’air frais, de joie de vivre et de simplicité garantie pour cet album piano-voix mené par la chanteuse Kikka et le pianiste Oscar Marchioni. Idéal pour ce début d’été.

    Alegre Me Siento est leur 7e album, après 20 ans de collaboration entre jazz, soul et répertoire italien (Ultimo Caffè, Ie Nun Te Reggae Chiu’) : "C'est notre premier album en duo, on voulait mettre à nue notre complicité, notre synergie… En duo j'ai la possibilité de rechercher au mieux les possibilités et les nuances de ma voix."

    Le piano d’Oscar Marchioni met en valeur la voix de crooneuse de Kicca, capable d’alterner sensualité, séduction, espièglerie (Ie Nun Te Reggae Chiu) avec rythme (Stop And Go) et instants de mélancolies amoureuses (Sei), mais non sans moments graves et douloureux (le magnifique See Where Love Goes To Die), sinon tragiques (Sing About Heaven).  

    Bonheur, joie de vivre mais aussi amour forment l’ADN de ce séduisant album de jazz

    Le titre de leur nouvel opus, Alegro Me Siento – qui est aussi le titre du premier morceau –, ne saurait mentir : bonheur, joie de vivre mais aussi amour (Just Wanna Be Your Girl) forment l’ADN de ce séduisant album de jazz. Parlons d'amour et aussi d'amour qui finit mal. Même si séparation il peut y avoir, elle a des allures de libération ("Tomorrow i'm gone, no time for so longs, / Your lucky star, has now made it too far / And now it's me, and now it's time for me", Whoo You).

    Alegre Me Siento est une vraie bouffée de bonheur et de messages à la sérénité. En témoigne le joli titre The Way To Be Fine. Comment être heureux ? s’interroge Kicca : "Travaillez pour semer la beauté et oublier les difficultés, allongez-vous sous un arbre et respirez en silence, comptez les étoiles et faites des vœux d'amour" ("Work to Sow beauty and forget the hardships, / Lie down under a tree and breathe in silence, / Count the stars and make love wishes").

    C’est dans le swing que se termine l’album de Kicca et Oscar Marchioni (You Can’t Stop). Séduction et peps garantis. 

    Kicca & Oscar Marchioni, Alegre Me Siento, Inouïe Distribution / Cristal Publishing, 2025
    https://kicca.fr
    https://www.facebook.com/kiccaoscarmarchioniofficialpage
    https://www.instagram.com/kiccaoscarmarchioni

    Voir aussi : "Lucien Chéenne sous le soleil d’Astaffort"
    "Coquette comme Tuck"

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  • Chambord avec un grand "C"

    Qui dit Chambord, dit Château de Chambord. Et il est vrai que ce Petit Futé, conçu comme un carnet de voyage, ne passe pas sous silence ce joyau de l’Histoire de France, de l’Histoire de l’Art et de l’Histoire tout court. Un chapitre est d'ailleurs consacré à ce monument exceptionnel à plus d’un titre. Les auteurs et autrices rappellent à juste titre que "Chambord est le seul village de France intégré dans un domaine d’État. Un tel joyau méritait bien cette "règle de préservation."

    Mais ce guide des éditions Petit Futé entend aussi s’éloigner des chemins balisés que parcourent des millions de touristes. S’intéresser aux 17 communes du Grand Chambord c’est arpenter un territoire d’abord marqué par sa géographie et ses richesses naturelles : forêts – bien sûr – mais aussi faune et flore, sans oublier la Loire et ses traditions liées à la marine et à la pêche. Nous parlions de flore. Le carnet nous apprend que les bouleaux nombreux permettaient aux hommes préhistoriques de fabriquer un chewing-gum, dont la tradition se perpétue encore aujourd’hui. À Chambord, l’Archéovillage fait partie des lieux à découvrir. 

    Ouvrage tenant dans une poche de jean

    On trouvera dans ce guide, sur moins de 150 pages, un large tableau des traditions et des cultures d’un territoire archiconnu mais peu peuplé (21 000 habitants). Un court lexique solognot est même inclus dans cet ouvrage tenant dans une poche de jean. Celles et ceux qui veulent se restaurer ou faire des emplettes trouveront même quelques jolies adresses, idéales après une pérégrination à l’ombre du château imaginé par François Ier. Les idées de ballades et de sports ne sont pas oubliées, pas plus que les expositions, les festivals et les manifestations culturelles.

    Les 17 villages – Chambord compris – ont droit à leur chapitre. On y met à l’honneur leur histoire locale mais aussi leurs personnalités phares, à l’instar d’André Chéret, le créateur de Rahan (Tiens, de nouveau la Préhistoire !), un artiste qui a laissé une forte empreinte à la Ferté-Saint-Cyr. On y apprend aussi que Croucy a été un "petit temple de la musique", que Bauzy a été un village Résistant pendant la seconde guerre mondiale, que Fontaines-en-Sologne est fier de son observatoire, que Bracieux accueille la prestigieuse chocolaterie Max Vauché ou qu’à Tour-en-Sologne le Château de Villesavin abrite un Musée du Mariage, un musée des voitures hippomobiles et des voitures d’enfants mais qu’elle accueille aussi un jardin mellifère avec le CFA horticole de Blois. Puisque nous sommes dans la région du Val de Loire, le vin n’est pas oublié, avec les Cheverny, Cour-Cheverny et Crémants de Loire (chapitre "Mont-Près-Chambord").

    Ce Carnet de Voyage des éditions Petit Futé s’avère un excellent outil pour touriste curieux déambulant dans une région unique et attachante.

    Chambord et ses abords, éd. Petit Futé, coll. Carnet de Voyage, 2025, 144 p.
    https://www.petitfute.com

    Voir aussi : "Art à boire"
    "Il n’y a pas de requins dans la Loire"

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  • Satie Cool

    Alors que nous fêtons tout juste les 100 ans de la mort d’Erik Satie (1866-1925), voilà que nous arrive, en guise d’hommage, un album d’adaptations jazz par Hervé Sellin de quelques uns des chefs d’œuvre du compositeur français le plus extravaguant et le plus incroyable de l’histoire.

    Nous avions parlé il y a un an de cela de son album Fauré-Ravel, déjà des revisites jazz et déjà aussi des Jazz Impressions, tendant à prouver que les barrières entre genre ne demandaient qu’à tomber. Voilà qui est d’autant plus pertinent et excitant pour Erik Satie, génial et foutraque compositeur aux œuvres lentes et contemplatives. Mais comment le jazz et ses rythmes peuvent-ils s’emparer d’un compositeur moderne, admiré et toujours très actuel ?

    Hervé Sellin y répond sur le terrain de son instrument fétiche, le piano. La magnifique valse Je te veux devient un titre jazz moins sensuel et romanesque que mélancolique. Hervé Sellin assume son parti pris de faire de ce classique une pièce contemporaine sortant quelque peu de la valse originelle – que l’on est certes en droit de préférer.

    L’humour de Satie est restée dans la version de Sellin des Trois morceaux en forme de poire. Le jazzman se sert de la pièce originale pour en faire une "suite pour trois jazzmen improvisateurs". Erik Satie sourirait de voir sa création de 1903 prendre un tel lustre cool. Humour toujours avec ces Airs à faire fuir. Je parle bien du titre, espiègle, parce que ce morceau est d’une belle facture jazz pour une promenade des plus rafraîchissantes.  

    Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière

    Après la visite de la 2e Gnossienne, moins épurée et réellement séduisante pour son nouveau rythme, parlons de ces fameuses Gymnopédies qui ont indéniablement fait la notoriété d’Erik Satie. La première, en particulier, archi-jouée et archi-enregistrée, se devait de sortir des sentiers battus. Hervé Sellin a fait le choix de complètement la réinventer. Cette première Gymnopédie garde sa profonde mélancolie et sa lenteur chevillée au corps. Hervé Sellin l’adapte non sans smooth, grâce à la flûte inspirée de Christelle Raquillet. Même réinvention pour la 2e Gymnopédie. Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière, rythmée et avec ce je ne sais quoi de ce modernisme "satien". Imparable. La Gymnopedia proposé dans l’album est dédiée à Aldo Ciccolini qui fut le premier à enregistrer l’intégrale de la musique pour piano d’Erik Satie dans les années 60. Cette Gymnopedia se présente comme une vraie création originale. Hervé Sellin en fait une pièce délicate, marquant son respect pour un interprète capital dans l’histoire de Satie, tout comme dans la carrière d’Hervé Sellin.

    Les Trois mélodies, une pièce souvent présente dans les anthologies sur Satie, portent ces mystérieux titres, Les Anges, Élégie et Sylvie. Trois chansons que l’on croirait post-impressionnistes, même si elles se teintent de sons et de rythmes jazz. Hervé Sellin parle de son désir au sujet de ces pièces d’avoir voulu "déshabiller et reconstruire les chanson", sans ostentation mais avec sincérité et une forme de romantisme.  

    Parlons des Avant-dernières pensées. Hervé Sellinn prennent le risque de faire de ces adaptations jazz des moments uniques entre classique, jazz et contemporain. L’accent mélodique, pour ne pas dire désespéré, de Satie prend tout son sens, y compris lorsqu’il se fait néo-romantique (Idylle). Humour rime avec amour dans son Aubade audacieuse et entêtante. Quant, à la Méditation qui vient compléter ces Avant-dernières pensées, elle devient un titre contemporain, méditatif et déconcertant.    

    Quoi de mieux qu’une Belle excentrique pour terminer un album rendant hommage d’une belle manière à Erik Satie, toujours aussi moderne, un siècle après sa mort. Cette "fantaisie sérieuse" (c’est le sous-titre trouvé par le compositeur) est une suite de danses parodiant les musiques du music-hall. C’est une œuvre tardive datant de 1921, commandée pour un ballet de la sulfureuse chorégraphe Caryathis. Pour cette artiste scandaleuse, il fallait une musique ne se prenant pas au sérieux, vivante et vivifiante. Satie s’est à l’époque influencée par le jazz. Il revient ici grâce au piano d’Hervé Sellin, pour la première suite Grande ritournelle. Une petite merveille et, pour beaucoup, une découverte. Satie aurait remercié Sellin pour ces revisites séduisantes.  

    Hervé Sellin, Erik Satie, Jazz impressions, IndéSens Calliope, 2025
    https://hervesellin.com
    https://indesenscalliope.com

    Voir aussi : "Du classique, et que ça jazze !"

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  • Lucien Chéenne sous le soleil d’Astaffort

    Ne vous arrêtez par à ce look de hipster. Lucien Chéenne cache derrière sa barbe grisonnante l’âme d’un poète écorché vif.

    Hôtel, qui ouvre son nouvel album Larmes aux poings – un titre magnifique que plus d’un et plus d’une aurait pu trouver – un bel album de chansons pop. Dans ce morceau d’ouverture, il chante la désillusion de ces nouveaux voyageurs, de solitude des VRP  et de l’absurdité de ces "voyageurs du lointain", "des hôtesses sans prénom" et des "minibars dévastés".  

    Lucien Chéenne a composé ce nouvel album en partie à Astaffort avec l’aide de l’équipe de Francis Cabrel (Jérôme Attal, Julien Lebart, Olivier Daguerre). Il est vrai que l’on reconnaît les sensibilités pop-folk de Cabrel, tout comme le travail sur le texte. Que l’on pense à Je suis une fille, le portrait d’une jeune femme mal dans son genre ("Je suis une fille qui ne s’aime pas / Mais il y a un homme qui dort en moi"). Lucien Chéenne y interroge sa part féminine. "Je suis une fille est une folk-song qui trace son chemin entre Radiohead époque Ok Computer et le folk-rock psyché de Nino Ferrer période South", confie-t-il.

    Le folk se fait méditerranéen – on parlait, tout à l’air de la petite ville d’Astaffort – avec cet autre morceau Les écorchés. Lucien Chéenne y parle de l’exil, des voyages déracinants et de la dignité de ces écorchés cherchant à poser leur valise. "Dans leurs yeux brillent la lumière d’une allumette / Petite flamme qui danse encore malgré le vent".

    Lucien Chéenne est un artiste attachant, solide bonhomme ayant bourlingué et qui rend dans cet album attachant ses souvenirs, ses "parcours", ses chagrins même aussi ses espoirs, malgré tout ("Tout au long de nos parcours / On a couru derrière l’amour", Derrière l’amour).

    Lucien Chéenne est un artiste attachant, solide bonhomme ayant bourlingué

    Larmes au poing s’impose comme un opus honnête, sincère et sans artifices. Le règlement de comptes raconte un souvenir d’adolescent, celui d’un garçon refusant "la violence encore". La liberté, dit-il, c’est ne pas suivre "bêtement" les autres et assumer son bon côté : "À quinze ans j’irai pas / Au règlement de comptes / J’y pense depuis hier / Ma douleur est béante / Peu importe le bord / Et qu’importe mon clan". Un message à la fois subtil et sincère par un homme qui en sait quelque chose – il a été éducateur spécialisé dans une autre vie.

    Dans Crachés dessus, c’est le récit d’une séparation "sans issue" dont parle Lucien Chéenne. Le travail sur la mélodie est remarquable, tout comme la facture pop-rock et l’invitation au voyage pour tout lâcher, à l’instar de Jack Kerouac. S’il chante un "amour sacrificiel" avec le singulier Vautour de mes bras, c’est avec le morceau Moitié des vacances scolaires que Lucien Chéenne se livre le plus. Il raconte son rôle de père séparé, battant les kilomètres pour son père : "Moitié des vacances scolaires / À mille planètes de toi / Quinze jours les années impaires / Dis-moi quand tu reviendras". Sans doute l’un des meilleurs titres de l’album, pour l’originalité de son sujet, pour le travail sur le texte comme pour la composition et la production.

    Barbara avait chanté Nantes. Lucien Chéenne en parle dans un titre commençant sous forme de piano-voix au charmant accent suranné. La ville de Loire-Atlantique n’a pas le plus beau rôle : démente, nerveuse, démoralisante, étouffante et violente ("Nantes ma peine"). Comment s’en sortir ? En la fuyant, bien sûr.

    L’album se termine avec Sauvage ennui, mélancolique et touchant récit d’une rencontre : "Souvent je pense à cette nuit / À l’odeur de ta peau charbon / Qui me hante toujours / La vie est d’un sauvage ennui / Quand tu disparais de l’autre / Côté de l’île". Au sortir de cet opus, on a la sensation d’avoir rencontré un artiste au cœur grand comme ça.

    Lucien Chéenne, Larmes au poing, Flower Coast, 2025
    En concert le 16 août au Petit Poucet, Saint Léon (63)
    https://www.facebook.com/luciencheenneofficiel/?locale=fr_FR
    https://www.instagram.com/lucien.cheenne

    Voir aussi : "Voyages en Électronique"

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  • Être une femme libérée

    Irrésistible. Voilà le premier mot qui vient à l’écoute de l’album du groupe Womankind, Womanpower.

    Derrière ce projet, se cache Sylvie Burger qui a choisi de fusionner chansons françaises et sons latino-américains au féminisme enthousiasmant. Car, oui, cet album engagé refuse d’être chiant. C’est aussi une main ouverte et un cri du cœur, à l’instar de Dis-moi des mots ou, mieux, du premier titre, Aime-moi mens-moi. Un amour vibrant et chaleureux qui est pourtant tout sauf aveugle. Et c’est ça qui est bon.

    Womankind choisit des rythmes latinos pour rendre plus souriante des histoires de déception et de rupture (Rappelle-toi, You Don’t Desserve My Love). L’auditeur ne pourra pas être insensible au bouleversant Petit frère. Sylvie Burger raconte un traumatisant sourire d’enfance, à savoir la mort de son petit frère à l’âge de deux ans, lorsqu’elle n’en avait que cinq. Une déchirure d’autant plus tragique que l’enfant est enterré dans la brousse africaine. Vie en communauté, rupture à l’âge de 15 ans avec un petit copain… que lui a piqué son propre père, départ au Mexique (Apaga la luz), passage par la case prison après avoir été chanteuse officielle de la police nationale Mexicaine… Quelle vie ! 

    Quelle vie !

    Plus d’un et plus d’une ressortirait lessivé⸱e par ces aléas, voire jetterait l’éponge. Pas Sylvie Burger qui a au contraire trouvé dans ces aventures et mésaventures de l’énergie à revendre et de la matière à un album libre, ode à la féminité et à la vie. Ce n’est pas sans espièglerie que l’artiste confie qu’ado, elle a dû faire son "coming in" (sic), pour avoir le droit d’être une femme hétéro…  

    Sur un rythme latino, la chanteuse parle, dans Mon ex en Provence, d’un ancien petit ami qu’elle a quitté, entre résignation, regret et tendresse : " Je dois dire qu’il était plutôt mignon / Mais voilà un jour on a vu rouge à Orange / Et le jour où j’aurais pu lui dire oui j’ai dit non… Le soir quand il fait beau, celui à qui je pense / C’est mon ex".

    Pour Cosmic Cosma, Womankind propose un joli et jazzy hommage à Pierre Richard, "le plus grand de tous les maladroits que nous a donné le cinéma".

    Womanpower of Love c’est un réel chaudron de bonheur, de plaisir et de vie, sans oublier ces danses collées serrées (Sambasalsa) et ce superbe et attachant portrait de La Reine des Grambois, sans doute l’un des plus jolis titres de l’opus et vient conclure l'album.

    Womankind, Womanpower of Love, Inouïe Distribution, 2025
    https://www.facebook.com/womankind.fr
    https://www.youtube.com/channel/UCsQNgIldSr11Y7ZEoo5JJ2w


    Voir aussi : "Chaude et envoûtante Méditerranée"

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  • Pas si frivole que ça

    Reynaldo Hahn est partiellement tombé dans l’oubli. Voilà pourquoi l’enregistrement du Dieu bleu par Les Frivolités Parisiennes (b.records) prend tout son intérêt. Pour ce ballet en un acte crée en mars 1912, le compositeur français né au Venezuela en 1874 (et décédé à Paris en 1947) a composé une musique typique de sa réputation de mélodiste raffiné, attaché aux harmonies et à contre-courant du modernisme qui a vu naître la musique contemporaine au début du XXe siècle.

    Dès les premières notes du Prélude, nous sommes bien dans un esprit typique de la musique française de la Belle Époque : harmonique, onirique et fortement influencée par Debussy (que l’on pense au passage éloquemment intitulé Clair de lune). Reynaldo Hahn s’y meut avec grâce, pour ne pas dire magnificence.

    Le Dieu bleu était au départ une commande de Serge Diaghilev pour les Ballets Russes sur un argument de Cocteau. L’histoire s’apparente à un conte oriental et pittoresque, que ne manque pas de refléter la musique de Hahn (Première danse, Danse des porteuses d’offrandes et des musiciennes). Sur un argument assez classique – une histoire d’amour impossible entre une jeune femme et un prêtre voué à la religion et que le Dieu bleu va autoriser et accepter de bénir – le compositeur imagine une musique à la facture classique et aux inspirations orientales, l’histoire étant sensée se passer dans une Inde fantasmée. 
    Les spectateurs et spectatrices de 1912 ont été à l’époque convaincus par la qualité de la composition somme toute assez académique et n’étant pas sans rappeler le Shéhérazade de Nikolaï Rimski-Korsakov (Danse des Bayadères du Lotus). Reynaldo Hahn peut bien faire des concessions au modernisme dans un but expressionniste (Danse des Yoghis), il n’en reste pas moins vrai que son opus a bel et bien été éclipsé par ces autres ballets révolutionnaires que furent Petrouchka, L'Oiseau de feu ou le Sacre du Printemps dans les mêmes années.

    Son œuvre a été éclipsée par ces autres ballets révolutionnaires que furent Petrouchka, L'Oiseau de feu ou le Sacre du Printemps

    L’orchestre de 70 musiciens et musiciennes des Frivolités Parisiennes, que dirige Dylan Corlay, se pose en découvreur d’une œuvre qui n’en reste pas moins dense, intelligente et sensible. Romanesque et romantique aussi (Scène de la jeune fille), mais non sans moments tragiques, à l’instar de celui de La Colère des prêtres qui fait basculer l’histoire du couple. Pensons aussi aux apparitions fantasmagoriques de Monstres et démons.

    On ne sera paradoxalement pas dépaysé par ce ballet à la facture classique – les mauvaises langues utiliseront le terme "académique" – dont l’enregistrement public (à la Cité de le Musique et de la Danse de Soissons, en septembre 2023) présente l’avantage de sortir le Maestro Reynaldo Hahn d’un injuste oubli. Le musicologue Christophe Mirambeau parle dans le livret d’accompagnement de l’album de "l’incroyable modernité" du compositeur. Soulignons aussi qu’il s’agit d’une œuvre attachante dans sa simplicité (Le miracle, La déesse paraît).

    Le moment phare du ballet reste la danse éponyme du Dieu bleu. Le morceau séduit par sa richesse harmonique et par ses riches teintes orientales, poétiques à souhait. La musique de Reynaldo Hahn ne dépareillerait pas dans une bande originale de film actuel. Alors, parler d’auteur dépassé ? Oublions cela. L’ensemble des Frivolités parisiennes mettent à l’honneur une partition solide, raffinée et non sans originalité (L’enchantement divin), certes avec cet exotisme oriental typique de l’époque. Pour ne rien gâcher, ce conte dépaysant se termine avec un happy end, où l’amour des deux jeunes gens peut se vivre au grand jour (Les amants se réunissent) sous le regard des dieux (L’escalier d’or et la montée du Dieu). Une vraie belle curiosité. 

    Reynaldo Hahn, Le Dieu bleu, Les Frivolités Parisiennes,
    dirigé par Dylan Corlay, b•records, 2025

    https://www.b-records.fr/le-dieu-bleu
    https://reynaldo-hahn.net/Html/balletsDieuBleu.htm
    https://lesfrivolitesparisiennes.com

    Voir aussi : "4 voix désirables"
    "Loïe Fuller sur les pas de Salomé"

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