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Sue-Ying Koang à l’attaque du Mozart suédois
Oui, la musique classique reste un grand champ de découvertes, ou plutôt de redécouvertes musicales. On doit à la violoniste Sue-Ying Koang celle de Johan Helmich Roman (1694-1755), inconnu en France mais considéré dans son pays natal, la Suède, comme un père fondateur en musique classique. Ce qui n’empêcha pas Roman de voyager et de se produire à travers l’Europe, trouvant notamment, à l’instar de son contemporain Haendel, un point de chute en Angleterre avant de revenir à Stockholm où il obtient les faveurs de la cour royale. Intendant de la musique, il appuie de tout son poids pour favoriser la langue suédoise dans la liturgie mais aussi par la traduction des traités musicaux dans sa langue natale.
Sue-Ying Koang propose dans un enregistrement d’Indésens une sélection d’œuvres pour violon seul, rarement jouées comme le reconnaît l’interprète mais pourtant d’une grande richesse. La couleur, la chaleur et la vivacité frapperont l’auditeur, à commencer par les trois Övningar, des mouvements isolés qui ouvrent l’opus et qui sont des études et des "exercices pour le violon de Roman".
Le tout premier, en do mineur (BeRI 339), séduit par sa fougue que Sue-Ying Koang apprivoise avec une belle virtuosité. L’övningar en mi majeur (BeRI 332) est encore un de ces beaux voyages dans ce riche solo pour violon tout en arabesque. Celui en fa majeur (BeRI 348), aussi fantaisiste que mélancolique, prouve que Roman n’était pas qu’un compositeur technique et virtuose. Violoniste lui-même, il offre au violon une riche variété de sons, de rythmes et de tons. Il faut ajouter à cela une prise de son rendant au violon tout son éclat. D’autres övningars parsèment l’opus, dont celui, majestueux et éclatant, en ut majeur (BeRI 337), l’"étude" en mi mineur BeRI 347, technique et d’une belle virtuosité et L’övningar en sol mineur BeRI 336, dense et riche de ses multiples variations, avec les coups d’archers impeccables de Sue-Ying Koang.
Coups d’archers impeccables de Sue-Ying Koang
Parmi la vingtaine d’assaggi laissés par le compositeur suédois, Sue-Ying Koang en propose trois, la BeRI 312 en mi mineur, la BeRI 313 en fa dièse mineur et la BeRI 317 en en ut majeur. La violoniste précise dans le livret de l’album que "les sources musicales des assaggi sont fragmentaires", avec en outre des erreurs de copie, des pages manquantes et des doutes quant à l’ordre des mouvements. Elle précise que l’absence d’indications de la part du compositeur scandinave laisse à l’interprète une grande liberté, ce dont la violoniste entend bien profiter.
L’Assaggio en mi mineur cueillera au cœur l’auditeur par son mélange de retenue et d’insouciance. Roman était un voyageur européen, avons-nous dit. Ne serait-il pas passé par la France ? Cette question mérite d’être posée à l’écoute des quatre mouvements qui auraient pu être composés par Marin Marais (le bouleversant Non troppo adagio). Ce qui n’empêche pas le "Mozart suédois" de faire montre d’une légèreté dans le troisième mouvement Allegro moderato ou, mieux, le dansant Allegro sous forme de gigue. Nous voilà bien là au cœur du XVIIIe siècle européen.
L’Assaggio en fa dièse mineur prouve que Roman n’est pas à considérer comme un petit maître de cette époque, écrasé qu’il a pu être par les légendes de son époque qu’étaient Bach, Mozart ou Haendel. Sa subtilité et son audace sont évidentes dans le Non troppo allegro de cet assaggio, mêlant retenue, hésitations, suspensions mais aussi virtuosité que la violoniste rend avec un mélange de patience, de fougue et d’audace. Deux courts mouvements viennent clore cet assaggio, à savoir un Andante tout en pudeur et un Allegretto en forme d’au revoir.
Moins baroque et plus classique dans sa facture, l’Assaggio en ut majeur séduit par sa simplicité et son élégance. Pas d’esbroufes dans l’interprétation de Sue-Ying Koang mais une très grande classe (Con spirito). L’auditeur sera pareillement sensible à la belle densité du Allegro assai comme aux multiples variations du dernier mouvement Andantino.
Parmi les surprises de cet opus passionnant, l’auditeur trouvera un arrangement par Johan Helmich Roman de l’Amen du Stabat Mater de Pergolese. Le compositeur italien se retrouve plus loin, cette fois dans une version pour violon, arrangée par Roman himself, du bouleversant Fac ut ardeat cor meum.
Sue-Ying Koang, Johan Helmich Roman,A Violin Solo, Indésens Calliope Records, 2024
https://indesenscalliope.com
https://sueyingkoang.com
Voir aussi : "Fauré, cent ans après toujours jeune"
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