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contemporain

  • L’autre Sonora

    Je vous avais parlé de Los Angeles, la tragédie en vers de Jean Hautepierre, un choix stylistique rare – quoique pas inédit – et qui vient donner un bon coup de fouet au théâtre contemporain. Deux ans après cette pièce, voilà que l’auteur publiait une suite, La Sonora (éd. de l'Œil du Sphinx) bouclant un cycle de quatre tragédies autour du thème de l’apocalypse.

    Un mot d’abord sur le titre et le thème de cette œuvre. Sonora fait référence à un État du Mexique, au cœur des années 1850, d’une expédition armée menée par Gaston de Raousset-Boulbon, un aventurier français, écrivain et surtout mercenaire plus que militaire qui fonde un État indépendant fantoche au cœur du Mexique, la République de Sonora.

    Ici, nous ne sommes ni au Mexique ni dans les années 1850 mais dans nos latitudes, après qu’une apocalypse ait balayé la surface du globe. Nous retrouvons Stello, déjà présent dans Los Angeles. 

    On peut saluer l’ambition littéraire de Jean Hautepierre

    Après que "la danse" se soit achevé, notre héros médite, devant le Docteur Noir, sur le néant mais aussi sur son retour en grâce. Son adversaire se nomme Le Roi Jaune. Une lutte eschatologique semble inévitable.

    On peut saluer l’ambition littéraire de Jean Hautepierre qui propose ici une tragédie en vers, faisant par là un pied de nez à la littérature moderne. La pièce n’a pas été jouée – ou pas encore, à l’instar de Los Angeles. Peu importe. Le texte se prête bien au livre. D'ailleurs, on peut imaginer les difficultés d’un metteur en scène face au dispositif scénique : chœurs, tirades exigeantes… et deux chevaux (acte III).

    Jean Hautepierre vient faire se marier littérature classique et œuvres modernes, à l’instar de Lovecraft. Archaïsme et contemporain viennent se percuter dans la violence, le bruit mais aussi les plaintes sur la fin du monde. Éloquent, bizarre et atypique pièce, à découvrir.    

    Jean Hautepierre, La Sonora – Tragédie,
    éd. L’œil du sphinx, coll. Les Inclassables, 2024, 60 p.

    https://boutique.oeildusphinx.com/fr

    Voir aussi : "Dans la cité des anges" 

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  • Minute, un peu de Stéphane Michot

    On le sait : rien n’est plus compliqué que la simplicité. La preuve avec Les Minutes du Soir (chez Indésens) avec le court (moins de vingt-quatre minutes) et lumineux album de Stéphane Michot. Décidément, la création contemporaine sait aujourd’hui toucher aux âmes, après des décennies de recherches et de concepts qui ont pu laisser pas mal d’auditeurs et d’auditrices à la porte.

    Les Minutes du Soir, ce sont quatorze pièces néo-classiques – on a même envie de dire post-romantiques – jouées au piano par le compositeur lui-même. Minute papillon, La Minute Blonde, La Minute Inutile ou Les Minutes de Raphaël : Stéphane Michot décline en musique ces courts moments, dans des pièces – des "miniatures", précise-t-il – ne dépassant jamais les deux minutes, à l’exception notable des Minutes se dessinent, des Minutes de l’Empereur, des Minutes Bleues, des Minutes de James… et des Secondes de Camille (sic).

    L’opus débute avec Minute Papillon faisant inévitablement penser à une variation des Variations Goldberg de Bach. Voilà qui lance un album séduisant de la plus belle des manières. Stéphane Michot poursuit avec une Minute Blonde, sur une veine plus romantique, comme dans une déclaration d’amour – à une jeune femme blonde ? On se laisse prendre par la main tout au long de cet enregistrement aux mélodies simples et envoûtantes (Les Minutes d’une Amandine, Les Minutes Bleues).

    La preuve que tout n’est pas entièrement perdu en ce bas monde

    Stéphane Michot sait tout autant être mélancolique (Les Minutes d’Ilan), rêveur (Les Minutes se dessinent), triste (La Dernière Minute) amoureux (La Minute Blonde, donc, mais aussi Les Secondes de Camille). Qu’un compositeur d’aujourd’hui se lance dans un projet tout autant sensible que conceptuel démontre que tout n’est pas entièrement perdu en ce bas monde. C’est d’ailleurs ce qu’il semble promettre dans la délicate Minute d’un Possible.

    Stéphane Michot connaît ses classiques, lui qui propose une Minute de l’Empereur semblant nous catapulter en plein XIXe siècle, dans un de ces salons bourgeois européens. Avec la Minute Inutile, le musicien propose une pièce dense et savoureuse semblant lorgner du côté de Yann Tiersen, à l’instar également des Musiques de Raphaël. Plus longue encore (un peu plus de deux minutes quarante-cinq), Les Minutes de James se montrent plus sombres, plus "sérieuses" même comme l’aurait dit Satie, un compositeur que Stéphane Michot ne renierait certainement pas.

    On parlait de simplicité, une obsession chez Debussy. Elle est déclinée sous forme de berceuse dans La Minute Sacrée. Élégance de la mélodie, toucher en finesse du pianiste. Oui, la simplicité est décidément un art et Stéphane Michot y excelle. 

    Stéphane Michot, Les Minutes du Soir, Indésens Calliope, 2025
    https://indesenscalliope.com/boutique/les-minutes-du-soir
    https://www.facebook.com/StefaneMC
    https://www.youtube.com/@psyshowman

    Voir aussi : "Souvent musique varie"

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  • Raga en contrepoints

    Disons-le : cet album, le premier de Shanker Krishnan, est à la fois incroyable, singulier et révolutionnaire. Oui, révolutionnaire ! Et on invitera les amoureux et amoureuses de la musique à venir y faire un tour, tant elle bouscule nos oreilles et vient les enrichir tout autant.

    Raga and Counterpoints est le titre de cet album sorti cette année chez Indian raga. Raga et contrepoints, donc. Très rapidement, le contrepoint est cette technique musicale d’écriture occidentale consistant à faire se coïncider plusieurs lignes musicales et voix pour former un ensemble cohérent. Pour aller plus loin, je vous invite à aller sur ce site. Qui dit contrepoint, dit Jean-Sébastien Bach. S’il n’a pas été l’inventeur du contrepoint, il en a fait un art indépassable. Le raga, lui, vient d’Inde et de la tradition musicale carnatique. Le raga est défini par une gamme aux riches ornements mélodiques.

    Le compositeur américain d’origine indienne Shanker Krishnan a choisi de marier ces deux méthodes et traditions pour créer cet enregistrement singulier. Le but ? Ni plus ni moins que bâtir un pont entre le baroque occidental et musique carnatique venue du sud de l'Inde.

    Raga and Counterpoint rassemble Fugue-Kriti et Fields od Dharma (Concerto-Kriti). Dès le premier mouvement de Fugue-Kriti, (Palavi), nous sommes en Inde, ce que les deux mouvements suivants (Anupallavi et Charanam) ne démentent pas. C’est dans le troisième mouvement, Charanam, que le mariage baroque-carnatique paraît le plus éloquent. Voyage musical et dépaysement garantis, non sans nostalgie, aidés en cela par l’instrumentation occidentalo-indienne, mêlant flûte, violon, Vînâ (un instrument de musique à cordes pincées) et mridang (un tambour en tonneau). Ajoutons également la trompette (formidable apport !), la harpe, le hautbois et le violoncelle. 

    On ne peut qu’applaudir à cet enrichissement mutuel et à cette rencontre voulue par Shanker Krishnan !

    Fields of Dharma se situe dans cette démarche d’ouverture. Ah, l’ouverture musicale ! On ne peut qu’applaudir à cet enrichissement mutuel et à cette rencontre voulue par Shanker Krishnan ! Le compositeur sait de quoi il parle, lui qui a passé son enfance à à Bombay et Madras, avant de s’expatrier, vivre et travailler entre Berkeley, New York, Washington D.C. et même Nashville, une ville riche d’un autre patrimoine musical.

    Parlons de ces mélodies qui s'inscrivent dans l'élégance structurelle du contrepoint et qui sont issues des ragas. Les modes et gammes de la musique carnatique évoquent un éventail d'émotions mais aussi d’ornements caractéristiques : oscillations microtonales, glissandos ou notes d’ornements rapides.

    Ornements avec le merveilleux premier mouvement de ces Fields of Dharma, Arjuna’s Lament. Cette pièce aux accents dramatiques s’inspire de la Bhagavad Gita, un texte sanskrit bien connu en Inde narrant une bataille vieille de 3 000 ans. À travers les yeux du héros Arjuna, le compositeur trace un portrait musical aux dilemmes universels : combattre les siens, vivre et assumer la victoire amère ou défendre la justice malgré les attachements personnels et matériels.  

    Les traditions indiennes, toujours vivaces dans ce pays-continent, sont enrichies par une écriture et une orchestration occidentale (Field of Battle). Tout cela paraît à la fois si naturel et si évident !

    L’éducation musicale occidentale de Shanker Krishnan semble prendre le dessus dans le troisième mouvement, Dilemma, comme si le compositeur exprimait un déchirement entre deux cultures qu’il aime tout autant et qu’il sait marier avec talent.

    Un dernier mouvement, le plus long (plus de sept minutes), Realization, vient conclure un grand album de réconciliation entre deux patrimoines musicaux. Rythmiques, palettes d’accords, mélodiques carnatiques et instrumentations richissimes achèvent de faire de cet enregistrement une œuvre audacieuse, généreuse mais aussi épique et universelle.

    Au fait, est-ce que je vous avais dit que cet album est unique en son genre ?

    Shanker Krishnan, Raga and Counterpoint, Indian Raga, 2025
    https://www.shankerkrishnanmusic.com
    https://www.indianraga.com
    https://www.facebook.com/IndianRagaProject

    Voir aussi : "Très grand Bacri"

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  • Dans la cité des anges

    La composition en alexandrin est un exercice si rare et si complexe que son utilisation par des auteurs contemporains donne paradoxalement à ces œuvres une éloquente modernité. La preuve avec Los Angeles, une tragédie de Jean Hautepierre sortie en 2022 aux éditions ODS.

    Los Angeles – littéralement "la cité des anges" – ne pouvait pas mieux se prêter à cette pièce s’interrogeant sur l’apocalypse, la vie, la mort, la lutte entre bien et le mal mais aussi la folie.

    Le premier acte démarre dans un casino. Einstein disait que Dieu ne joue pas aux dés. Stello, le personnage principal de la tragédie, lui, mise dans une cité que l’on dirait perdue. "En vain pour toi tourne sans fin la roue du monde", commente le chœur des démons. Jean Hautepierre choisit en effet de faire se dialoguer, pour l’essentiel, Stello et des chœurs. Ne surviennent qu’épisodiquement un Docteur Noir, réincarnation moderne du Docteur Faust, un ange, Galadriel et Satan. 

    L’utilisation de l’alexandrin est tout sauf accessoire

    On aura compris que dans cette vision fantasmagorique de Los Angeles, Jean Hautepierre a voulu écrire une tragédie antique de notre époque. Un choix qui n’est pas nouveau chez lui (Néron, Jean Sobieski). L’utilisation de l’alexandrin est tout sauf accessoire. Dans cette vision noire (et même très noire), la versification traditionnelle donne à la poésie le dernier mot. Voilà une tragédie atypique, a priori jamais jouée, et dont la découverte au format livre reste tout à fait pertinente.       

    sonora

    Voir aussi : "Sonnets pour ce siècle"

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  • Très grand Bacri

    Nicolas Bacri est l’un de nos meilleurs compositeurs contemporains, multiprimé et plusieurs fois nommé aux Victoires de la Musique classique. Très demandé, il est l’auteur de plus de 150 partitions, aussi bien dans la musique symphonique, l’opéra, la musique de chambre que l’oratorio. Il est de retour cette année avec un nouvel album, Da Camera (Passavant), interprété par Elizabeth Balmas, au violon et à l’alto et Orlando Bass au piano. L'enregistrement se compose de deux nocturnes et de trois sonates, toutes datant des années 2000 à 2019, si l’on met de côté la Sonata Da Camera aux dates de composition échelonnées sur plus de vingt ans.

    Mais commençons par le Notturna ed allegro op. 151, commandée au départ par la pianiste luxembourgeoise Sabine Weyer, une œuvre au départ pour trio piano-violon-violoncelle. Le compositeur précise que cette pièce peut être et, d’ailleurs, a été joué sur d’autres instruments, que ce soit en solo – on pense à la flûtiste Jieun Han – ou à plusieurs. Ici, au violon, alto et piano avec Elizabeth Balmas et Orlando Bass.

    Nicolas Bacri fait partie de ses compositeurs qui entendent réconcilier l’irréconciable : la musique contemporaine atonale et sérielle et le classicisme, sans a priori, en privilégiant le travail sur le langage (on pense au motif basé sur les lettres B.A.C.R.I., comme il le rappelle dans le livret du disque) mais aussi sur l’expressivité – on hésitera à employer le terme d’"expressionnisme". Le résultat de cette première nocturne c’est un dialogue, non sans tension – féminin et masculin, comme il le remarque lui-même – mais finalement tendre et qui va vers l’apaisement et un bel éclat de lumière.

    Influencé par le modernisme atonal du début du XXe siècle (on pense à Berg et surtout à Webern, pour sa sensibilité et sa précision), Nicolas Bacri a écrit en 1977, alors qu’il n’a même pas 17 ans, la Sonata Da Camera, op. 67. Il a retravaillé cette œuvre tout au long de sa carrière, en 1997 puis en 2000. Pour autant, reste l’essence "juvénile" de son thème. La passion se devine dans l’Andante de la Sonatina dont s’emparent avec fougue Elizabeth Balmas et Orlando Bass. Il faut de la technique pour s’attaquer à cette pièce ambitieuse et qui donne son nom à l’opus. C’est dire son importance. On parle d’expressionnisme dans cette sonate qui suit la carrière de Nicolas Bacri et à laquelle il avoue être attaché. Que l’on écoute le nerveux Scherzo et le long et bouleversant Pezzo elegiaco (adagio molto). On peut d’autant plus parler de romantisme contemporain. Le compositeur français évoque d'ailleurs la figure de Schubert lorsqu’il parle de "la douceur et la quasi naïveté" du thème centrale de la Sonate op. 67 qui se termine par des variations à la fois déroutantes et virtuoses (Variazioni). Elizabeth Balmas et Orlando Bass démontrent que l’audace moderne de l’atonalité n'est pas morte.

    Romantisme contemporain

    Autre Nocturne, Tenebrae, datée de 2015 et 2016, voit Nicolas Bacri revenir vers l’harmonie, sans pour autant tourner le dos à une construction musicale ambitieuse. Cette Nocturne n°6 a été écrite pour le piano. La prise de son met à l’honneur le jeu tour à tour puissante, élégant, sombre (d’où le titre Tenebrae) et expressionniste d’Orlando Bass. Le compositeur confie qu’il s’agit d’une de ses pièces pour piano les plus représentatives.  

    La Sonate n°2 op. 75 est proposée dans une version pour violon et piano. Elle date de 2002. Là aussi, elle peut s’écouter comme une réconciliation entre ses premières compositions sérielles et atonales et son retour vers la tonalité, avec toujours la recherche de l’expression et du sentiment. Il s’agit de l’une de ses pièces les plus significatives, comme il le confie lui-même et il est vrai qu’elle reste extrêmement jouée. Elizabeth Balmas et Orlando Bass s’affrontent plus qu’ils ne discutent, tout en tension (Introduction et Allegro), avant une Élégie à la fois sombre et mystérieuse. La violoniste semble voler au-dessus de ce mouvement qui voit dialoguer les deux instruments, tel un chant d’amour d’amour et de douleur, avant un long et éloquent silence. La Sonate n°2 se termine par un Rondo infernal, telle une danse des morts, tour à tour riante, menaçante mais finalement non sans rédemption.

    La Sonata Variata op. 75 est proposée dans une version pour alto seule. Elle a été écrite entre 2000 et 2001. L’auditeur ou l’auditrice découvrira un Nicolas Bacri joueur et ne tournant pas le dos à la mélodie (Preludio), pas plus qu’à ses influences classiques, à l’instar de sa Toccata rustica. Lorgnant du côté de Bach, le compositeur français fait se rejoindre archaïsme et modernité. L’alto reste tendu de bout en bout, avalant tout l’espace sonore durant deux minutes 30. Cette dernière sonate se termine par un finale nommé Metamorfosi. Un mouvement mystérieux, comme son nom l’indique. On est loin des premières œuvres atonales de Nicolas Bacri.

    L’artiste ne vend pourtant pas son âme à la modernité néoclassique. Toujours aussi exigeant, il reste un compositeur mû d’abord par l’émotion, l’expressivité et une écriture très fine, ce que le livret de l’album laisse à voir. Son homologue néerlandais John Borstlap a salué Nicolas Bacri comme "le compositeur français le plus important depuis Messiaen et Dutilleux" C’est dire l’importance de son œuvre, à découvrir ou redécouvrir donc.

    Nicolas Bacri, Da Camera,
    Elizabeth Balmas (violon et alto) & Orlando Bass (piano), Passavant, 2025

    https://www.facebook.com/nicolasbacriofficial
    http://www.nicolasbacri.net/biographiefr.html
    https://www.passavantmusic.com

    Voir aussi : "Un inconnu nommé Dupont"
    "Plus d’air, plus d’espaces"

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  • Soleils

    Voilà un album qui vient vous cueillir à froid et qui est à placer parmi les belles surprises du moment. Le compositeur libano-français Wassim Soubra propose, avec Il vento, un voyage se jouant des frontières, entre classique, contemporain et world music.

    Accompagné de Julie Sevilla-Fraysse au violon, de Khaled El Jaramani à l’oud et Henri Tournier à la flûte, Wassim Soubra, également au piano, ouvre grand un univers musical allant de l’Orient à l’Occident.  

    Il y a du soleil dans cet album de huit titres instrumentaux (Réfractions), du soleil mais aussi des images. C’est en vérité un beau "film" que nous propose le compositeur dont l’influence de Georges Delerue paraît tomber sous le sens (Fluctuations, Alizé). Le son de l’oud de Khaled El Jaramani vient apporter ce souffle et cette lumière méditerranéenne (Azur, Anima), rappelant les origines moyen-orientales de Wassim Soubra qui a quitté son pays en 1974, alors qu’éclatait la guerre civile.

    Une vraie bande originale de film !

    Le musicien connaît très bien le classicisme, que ce soit Bach ou Debussy dont il s’inspire pour ses compositions subtiles et aux riches couleurs (Le pêcheur solitaire). On saluera tout autant le travail de mélodiste de Wassim Soubra (Alizé, Le pêcheur solitaire) qui s’est entouré de musiciens apportant leurs couleurs et leurs sensibilités. On pense à la flûte magique d’Henri Tournier et le violoncelle néo-romantique de Julie Sevilla-Fraysse.

    Aucune fausse note dans ces huit titres dominés par la nostalgie (Anima) mais aussi la volonté de faire se rejoindre des cultures que l’on pense à tort comme irréconciliables. Wassim Soubra prouve le contraire. L’auditeur ou l’auditrice verra dans cet opus un livre d’images… musicales, que ce soit cette délicate rose d’un jardin du sud (La rose), les éclats de lumières du soleil méditerranéen (Réfractions), le ciel d’été (Azur) ou encore le vent (Il vento). Une vraie bande originale de film !  

    Une vraie et belle révélation que cet album incroyable, à écouter les jours de spleen.  

    Wassim Soubra, Il Vento, 2025
    https://www.instagram.com/wassim_soubra
    https://bfan.link/alize-1

    Voir aussi : "Melting-Pop"

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  • Haché menu

    Voilà un opéra qui vient bousculer, et par son sujet et par sa facture.

    Le sujet d’abord : dans Like Flesh, nous sommes dans un monde post-apocalyptique. La nature souffre, détruite par un capitalisme dément – ça ne vous rappelle rien ? Dans une forêt en feu, un homme et son épouse survivent. Une étudiante survient, à la fois curieuse et affolée par les incendies. Elle est accueillie par le bucheron et son épouse. Cette arrivée bouscule le couple de forestiers alors que les interrogations sur les souffrances de la nature se font jour. L’étudiante et la femme tombent amoureuses au moment où cette dernière, telle Daphné face à Apollon, se transforme en arbre.

    Écrire un opéra autour d’un sujet aussi actuel que l’environnement était une gageure à laquelle s’est attaquée avec ardeur et ténacité la librettiste Cordelia Lynn et la compositrice Sivan Eldar. Le résultat est cette œuvre lyrique en anglais, incroyable création pensant la souffrance des arbres, la douleur des hommes et des femmes, l’amour impossible mais aussi la cohabitation quasi impossible entre l’homme et la nature : "L’humain est venu dans la forêt avec une hache et nous avons crié de joie : « Regardez ! Le manche est des nôtres ! »", chante le chœur de la forêt. Éloquent, terrible et aussi cruellement poétique.    

    « Regardez ! Le manche est des nôtres ! »

    Parlons maintenant de la musique. Nous sommes dans une facture contemporaine. La musique de l’opéra a été conçue aux studios de l’Ircam et captée sur le vif par b•records à l’Opéra de Lille où il a été créé en janvier 2022. L’œuvre lyrique est riche de matériaux sonores, d’alliances entre instruments d’orchestre et machines électroniques. Sivan Eldar précise qu’elle a composé scène par scène, comme dans un dialogue perpétuel, rendant l’opéra tendu, et parfois oppressant. L’auditeur ou l’auditrice sera sans doute soufflé par cette extraordinaire scène VIII, fortement inspirée par le courant répétitif américain (What the human did next).

    Like Flesh séduit par sa nouveauté comme par l’enjeu proposé : la création contemporaine au service de messages sur les catastrophes climatiques présentes (les incendies en Australie en 2019 ont servi de point de départ à la création) et à venir. La femme-arbre, l’étudiante amoureuse et le forestier pris au piège nous bouleversent, a fortiori lorsque la forêt, omniprésente, parle : "Un jour nous reviendrons… Nous poussons sur les ruines de vos monuments… Nos racines poussent en chantant, trouvent d’étranges fossiles : un arbre, un squelette et une hache".

    Like flesh a été lauréat du prix Fedora pour l’Opéra 2021 avec le soutien de Generali.

    Like flesh, opéra de Sivan Eldar sur un livret de Cordelia Lynn,
    avec Juliette Allen, Helena Rasker et William Dazeley,
    Orchestre Le Balcon dirigé par Maxime Pascal, b•records, Live à l’Opéra de Lille, 2025 

    https://www.b-records.fr/disques/like-flesh
    https://www.opera-lille.fr/spectacle/like-flesh-2

    Voir aussi : "Premiers feux d’artifices romantiques pour Katok"

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  • … Un autre renouveau des Saisons

    Hier, je vous parlais d’un enregistrement très classique, et néanmoins vitaminée des Quatre Saisons de Vivaldi par le Klaipéda Chamber Orchestra. Place aujourd’hui, toujours chez Indésens, a une version cette fois beaucoup plus contemporaine de cette œuvre intemporelle que Max Richter a nommé The New Four Seasons – Vivaldi Recomposed. Les puristes ont hurlé lors de la création en 2012 de cette relecture qui est plutôt une composition originale à partir des Quatre Saisons de Vivaldi dans lequel se mêlent les cordes baroques et des nappes synthétiques de musique électronique.

    C’est de nouveau le Klaipéda Chamber Orchestra, dirigé par Mindaugas Bačkus qui se frotte à l’expérience, avec une nouvelle fois les solistes violonistes Justina Zajancauskaite, Ruta Lipinaityte, Egle Valute et Julija Andersson. Il faut saluer l’audace, et du compositeur allemand comme des interprètes dans ce qui apparaît comme une œuvre originale de notre siècle. Le livret nous apprend que Max Richter a supprimé "environ 75 % du matériau original de Vivaldi tout en conservant certains motifs célèbres" (Spring 1).

    Le baroque prend un sérieux coup de dépoussiérage, sans être pour autant étrillé ni trahi (Spring 2, Summer 1). L’esprit est là, dirions-nous, y compris dans l’Allegro du "Printemps" (Spring 3). Max Richter appartient au mouvement post minimalisme. Il est vrai que l’influence du minimalisme américain, certes dépassé ici, est évident. Les lignes musicales sont claires, modernes, néoclassiques et viennent servir le vénérable Vivaldi, non sans audace cependant.

    Quel tempérament !

    Les violonistes Justina Zajancauskaite, Ruta Lipinaityte, Egle Valute et Julija Andersson servent avec la même enthousiasme que leur autre version plus traditionnelle des Quatre Saisons (Summer 1), avec ardeur, hardiesse et même une sacrée solidité. Quel tempérament ! Max Richter peut se féliciter d’être aussi bien servi par ces violonistes ne se posant pas de questions. L’Adagio de "L’été" devient un chant funèbre. Sans doute l’une des plus belles bouleversantes parties de ces Nouvelles Quatre Saisons. Le Summer 3 est aussi naturaliste que l’était le Presto "orageux" de "L’Eté" de Vivaldi.

    Si Max Richter reprend la facture archaïque des danses du début de l’automne (Autumn 1), ce n’est pas sans faire des écarts à la composition originale : dépoussiérage en règle et coups d’archers tendus sont au menu de ce mouvement, finalement peu dépaysant. Pas plus dépaysant l’est l’Autumn 2, dans lequel le baroque revient en majesté. Finalement, voilà un "Automne" des plus séduisants, y compris dans sa troisième partie aux fortes influences du courant répétitif américain.

    Le premier mouvement de "L’Hiver" (Winter 1) reprend la structure de l’Allegro non molto originel de Vivaldi, avec ses célèbres lignes mélodiques, mais que Richter a ratiboisé avec audace. On trouvera cela génial ou au contraire inutile. Pour le Winter 2, la composition est nappée de sons électroniques, donnant à ce mouvement une aridité glaciale. Il semble voir de faibles flammèches tenter de réchauffer l’âtre d’une cheminée en plein hiver. La dernière partie, Winter 3, fait se mêler pour terminer post minimalisme et baroque, comme une synthèse de ces Nouvelles Quatre Saisons, incroyables et qui ont fait couler de l’encre à leur sortie.

    Max Richter, The New Four Seasons – Vivaldi Recomposed, Klaipéda Chamber Orchestra, dirigé par Mindaugas Bačkus, avec Justina Zajancauskaite, Ruta Lipinaityte, Egle Valute et Julija Andersson (violons),
    Indesens Calliope Records, 2025

    https://indesenscalliope.com
    https://www.koncertusale.lt/en/collective/klaipeda-chamber-orchestra
    https://maxrichtermusic.com
    https://www.facebook.com/zajancauskaite.justina
    https://rutalipinaityte.com/en/homepage
    https://www.instagram.com/eglevalute
    https://www.facebook.com/p/Julija-Andersson-100085192234016

    Voir aussi : "Un renouveau des Saisons…"

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