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  • Séries, science, santé et sexualité

    Les séries, on le sait, sont l’une des grandes révolutions culturelles de ces vingt dernières années. C’est donc fort logiquement que l'elles peuvent être d’un intérêt considérable lorsqu’il s’agit d’étudier leur impact dans la société.

    Marie Potvain, doctorante chercheuse en Santé Publique, travaille actuellement sur les séries (Netflix, Amazon ou Disney+) et leur usage potentiel pour la promotion de la santé sexuelle des jeunes. Cette étude a pour but de promouvoir une éducation aux sexualités plus inclusive, plus ancrée dans les centres d'intérêts des jeunes. L’un des objectifs est de développer de nouveaux outils de promotion de la santé.

    Pour ce faire, la chercheuse de l’Inserm est à la recherche de jeunes volontaires ayant entre 11 et 24 ans pour participer à des entretiens. Pendant 1 heure 30 à 2 heures environ, les personnes intéressées peuvent parler de ce qu’ils aiment, de ce qu’ils regardent sur les écrans et de leurs expériences avec les séries et comment les séries parlent d'amour, de sexualité et de genre.  Tel est l'objet de ces entretiens qui prennent la forme d'une discussion informelle. Aucun prérequis n'est nécessaire à part regarder des séries.

    Les personnes intéressées (âgées de 11 à 24 ans) peuvent contacter  Marie Potvain. La participation se fait sur la base du volontariat. Chacun peut se retirer de l'étude à tout moment.

    Voir aussi ce document téléchargeable. 

    Appel à participant·e·s : "Séries, Santé, Sexualité"
    Étude validée par le Comité d'Évaluation Éthique de l'Inserm avis n° 21-827
    marie.potvain@inserm.fr
    https://www.linkedin.com/in/marie-potvain-779182172
    https://www.inserm.fr
    https://eceve.fr
    https://larca.u-paris.fr

    Voir aussi : "En amour, qui, aujourd’hui, doit faire le premier pas ?"
    "C’est pas de la télé, c’est HBO"

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  • Les loups sont entrés dans Paris

    Pour avoir l’explication du titre des chroniques de Lola Lafon, Le Loup, l’épée et les Étoiles (éd. Le 1, L’Aube), il faut aller au texte éponyme qui donne son nom au livre.

    L’auteure fait référence à un piège utilisé par les habitants de l’Arctique pour tuer des loups. Une épée couverte de sang est enterrée dans la glace. L’animal commence à lécher la lame apparente et s’y coupe. Trop affamé, il ne se rendre compte que c’est son propre sang qu’il finit par lècher, jusqu’à perdre connaissance et mourir. La bête est ainsi victime de son propre aveuglement ainsi que dans son appétence, tout comme nous pouvons l’être avec les réseaux sociaux : "Facebook promet la satiété, quand on ne sait pas de quoi on a faim", argumente Lola Lafon qui fait de ce court texte une dénonciation des pièges algorithmiques.

    À l’exemple de ce texte, publié en juin 2019 dans Le 1, le recueil que propose la romancière et musicienne est un ensemble de chroniques sur notre société contemporaine, mais aussi sur la fragilité ("Éloge de la fragilité"), sur les agressions sexuelles (le poignant "La traversée") ou sur la famille de l'auteure ("Le courage de ma grand-mère"). Lola Lafon se fait aussi chroniqueuse engagée et virulente lorsqu’elle parle de l’exploitation sociale et économique dans les milieux intellectuels ("Le jeu de la marchande") et sur les renoncements de la gauche contemporaine face aux injustices ("Fini de pleurnicher").

    Aucun algorithme n’a prévu de se mettre à la place de nos étoiles égarées

    Deux portraits de femmes complètent ce court recueil, deux hommages aussi. Celui d’une des nombreuses oubliées de notre histoire, Émilie Lamotte, fondatrice d’une colonie libertaire et éducatrice à Saint-Germain-en-Laye au début du XXe siècle ("Le combat d’Émilie") et un hommage à la célèbre danseuse Sylvie Guillem ("Lettre à Sylvie").

    Le Loup, l’épée et les Étoiles fait figure d’instantané passionnant lorsqu’il aborde la beauté et le courage de la liberté ("Un souvenir d’audace ?") ou bien lorsqu’il propose une réflexion sur le Grand Confinement de 2020 ("Le rien et l’immensité").

    Dans notre monde soumis à l’appétit de loups de toute sorte, la voix de Lola Lafon est précieuse. Chacun et chacune doit se ressaisir et se battre pour les vraies valeurs de l'humanité, dit-elle encore, ce qui pourrait être le cœur de son message : "Aucun algorithme n’a prévu de se mettre à la place de nos étoiles égarées, la place est libre, elle est à nous".

    Lola Lafon, Le Loup, l’épée et les Étoiles, éd. Le 1, L’Aube, 2021, 121 p.
    http://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/le-loup-lepee-et-les-etoiles
    https://le1hebdo.fr

    Voir aussi : "Trumpatisme en Amérique"

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  • Anti-Genèse

    Il y a des œuvres qui, dès leur sortie, semblent hors du temps. Elles font figure d’objets artistiques indéfinissables, exigeants et déstabilisants. Le Cheval de Turin, le dernier film du réalisateur Béla Tarr (en tout cas, selon lui qui a décidé d’abandonner la mise en scène) peut être défini comme tel. Le long-métrage est sorti il y a 10 ans mais il mérite bien d’être redécouvert. Rappelons aussi que le film avait à l’époque obtenu l’Ours d’argent au Festival de Berlin, provoquant aussi bien des louanges que des critiques sévères pour son aridité.

    Mais de quoi parle Le cheval de Turin, dont le titre lui-même peut étonner ?

    Une voix off commence par raconter l’histoire de ce fameux cheval que croisa le philosophe Friedrich Nietzsche à Turin. Nous sommes en 1889 et l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra est témoin d’une scène entre un paysan tentant de faire avancer son cheval qui refuse d’obéir. Furieux, le maître fait pleuvoir sur sa bête des coups de cravache, sous l’œil interloqué de badauds, dont Nietzsche. Ulcéré par la scène, le philosophe se précipite vers le cheval, lui entoure l’encolure et l’embrasse dans un geste de consolation. De retour chez lui, bouleversé par ce qu’il vient de voir, il commence à délirer. Débute pour le penseur une période de 11 années de démence qui se terminent avec sa mort. La voix off précise que ses derniers mots pour sa mère furent ceux-ci : "Mutter, ich bin dumm". La traduction française peut être lue à double sens : "Mère, je suis bête". La voix off conclut sa présentation en précisant qu’on ne sait pas ce qui est arrivé à ce fameux cheval de Turin.

    Le film du cinéaste hongrois entend a priori suivre l’histoire cet animal. La scène d’ouverture est d’ailleurs celle du retour d'un cheval au bercail, mené par son maître. Ils rejoignent une bicoque dans un paysage désertique battu par les vents et où vit légalement la fille de du conducteur. La suite du film raconte six jours dans la vie de ces trois personnages : le vieil homme, la jeune femme et leur cheval. Interviendront également un étrange visiteur prophétique et aussi, quoique plus brièvement, un groupe de tziganes.

    Chaque plan est bâti comme un tableau à l’esthétisme soigné

    Pas de trace de Nietzsche donc, si ce n’est par allusions allégoriques, que ce soit avec la mort de Dieu (les références religieuses sont bien présentes), le ton prophétique du film ou encore cet éternel retour, lorsque le vieil homme et la fille tentent de partir de leur maison avant d’y revenir. 

    Le cheval de Turin s’attache à six jours de ce couple taiseux et de leur cheval. Six jours à la portée bien entendu symbolique et derrière laquelle on pourra voir dans ce film aride une "anti-Genèse" : un couple isolé dans une terre non pas paradisiaque mais infernale (un arbre fantomatique et une campagne balayée par les vents) et un animal qui n’est pas un serpent diabolique mais un cheval paisible, innocent et tourmenté ("Tu ne vas nulle part", lui dit la jeune femme), celui qu’aurait pu défendre Nietzsche à Turin avant de sombrer dans une folie de plusieurs années.

    Voilà qui donne à ce film un caractère allégorique. Sur une musique néoclassique, sombre et lancinante de Mihály Vig et servi par la photographie en noir et blanc somptueuse de Fred Kelemen, Béla Tarr fait le choix courageux de la longueur et de la lenteur. Chaque plan est bâti comme un tableau à l’esthétisme soigné, mais aussi académique et froid selon les détracteurs.

    Des scènes sont comme figées, tournées dans la durée, mais non sans ellipses, telle la toute dernière séquence. Le spectateur assiste, pendant les 2H30 du film à des moments quotidiens et ordinaires : la jeune femme s’occupant du cheval dans l’écurie, aidant le père à s’habiller, préparant le repas ou allant au puits. Il y a aussi le lent et somptueux travelling du début avec le vieil homme dans sa carriole. Les moments contemplatifs sont également nombreux. 

    La caméra s’attarde sur de petits gestes : le poêle que l’on charge, les vêtements que l’on range ou une bible que l’on lit. Au bout d’une heure, un dialogue singulier a lieu entre le vieil homme et un mystérieux visiteur, dans une ambiance tout aussi lugubre, filmée avec une économie de moyen autant qu’un travail esthétique remarquable dans les cadrages et la lumière. Dans ce quasi monologue, le spectateur a la clé du film, Béla Tarr y dévoilant son message apocalyptique et nihiliste.

    Le visionnage du Cheval de Turin est ardu, certes, mais sa découverte ou redécouverte est importante, le dernier film du réalisateur hongrois pouvant figurer, selon ses plus ardents défenseurs, parmi les œuvres les plus importantes de ces 10 dernières années. Rien que ça. 

    Le Cheval de Turin (A Torinói ló), drame hongrois, français, allemand, suisse et américain de Béla Tarr,
    avec János Derzsi, Erika Bók et Mihály Kormos, 2011, 146 mn, noir et blanc, en DVD et Blu-Ray, Blaq Out

    https://www.dulacdistribution.com/film/le-cheval-de-turin/55

    Voir aussi : "Jolie bouteille, sacrée bouteille"
    "Borges magyar"

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  • L’Yelle du Verseau

    Il ne faut pas que l’on s’y trompe. Derrière sa facture noire (que ce soit la pochette, les thèmes et jusqu’aux morceaux "Noir" ou "Peine de mort"), L’Ère du Verseau est un majestueux et coloré album. Un vrai hymne à la vie, à la liberté et à l’amour ("Je t’aime encore"). Yelle prouve ainsi, à l’instar du peintre Pierre Soulages que le noir peut être une vraie couleur lumineuse.

    Yelle ouvre avec cet opus une ère importante dans sa carrière. Qu'on le sache aussi : l'artiste bretonne est plus connue à l’étranger qu’en France, avec des tournées mondiales qu'elle" évoque dans "Interpassion" ou dans "Mon beau chagrin" : "Il est sept heures du matin / À l'aéroport de Mexico / Nous avons joué hier, enfin tout à l'heure / Et nous jouerons ce soir à Miami / Puis Orlando, puis Atlanta / Et ainsi de suite, jusqu'à San Diego… / On arrive / On vient vous voir / On sait que c'est vous / Qui nous déplacez".

    Yelle, chanteuse à l’aura grandissante, fait le choix de chansons mixés à un électro-pop inventif ("Vue d’en face") et elle sait surprendre à chaque titre : rythmes sophistiqués ("Émancipense", "Karaté", "OMG!!!"), voix tendue ("J’veux un chien") ou bien veloutée ("Roméo"), apports de sons orientaux (le formidable "Menu du jour"), humour ("Ici et maintenant"), sans compter le travail sur des textes ramassés et d’une efficacité redoutable (l’immanquable et le désormais célèbre "Noir").

    Yelle semble avoir écrit et chanté son album comme un tout à la fois cohérent et parsemé de contre-pieds et de surprises : le dansant et drôle "Karaté" ("Comment t'es sur le tatami quand t'es pas caché, quand t'as pas d'amis") côtoie une balade amoureuse amère ("Je t’aime encore"), quand la musicienne ne se fait pas chanteuse engagée et féministe : c’est "Émancipense", mot-valise en forme d’hymne à la liberté ("Aime en silence / Ce que tu penses / Émancipense / Ce que tu danses").

    Yelle semble avoir écrit et chanté son album comme un tout à la fois cohérent et parsemé de contre-pieds et de surprises

    Oui, Yelle brouille les pistes grâce à sa spontanéité et de sa folle inventivité. À cet égard, "Menu du jour", l’un des meilleurs morceaux de l’opus, surprend par son audace musicale autant que textuelle ("Dispensez-moi de tous ces bras / Le long des corps, je ne les vois pas / Délicatesse contre mes fesses / Empresse-moi de tes dix doigts"). Plus étonnant encore, dans "Vue d’en face" la Briochine se glisse dans la peau d’une jeune femme désœuvrée ("Je m'ennuie dans mon salon") et pour qui l’aventure commence en face, chez les voisins qu’elle observe en catimini et en toute illégalité ("Comme elle est belle vue d'en face / On voit les gens qui s'enlacent / Je me suis perdue dans vos intimités / C'est tous les jours que je suis intimidée / Autour de moi tout s'efface / J'ai oublié mes ennuis"). Pas besoin d’invitations, chante Yelle avec un mélange d’aplomb et de candeur : " Je tourne en rond et je me noie dans vos vies / Moi dans le noir je m'efface".

    L’auditeur trouvera singulièrement dans le morceau phare de l’opus, "Noir", le titre le plus rythmé, le plus joyeux et même le plus coloré de L’Ère du Verseau. Il n’y a qu’à écouter le début du morceau : "Elle, sourire jusqu'aux oreilles / Même quand rien ne va plus / On la dit sympathique / Rien, jamais aucun problème / Même quand tout ne va plus / Elle est belle, elle est chic / Résolution en millions de couleurs / Rayon de soleil et bonne humeur". Un morceau à écouter en plein volume si vous avez l’âme grise.

    C’est encore de vie, d’amour et de générosité dont il est question dans le mal nommé "Peine de mort" : "On abolit la peine de mort / On n'abolit pas les couleurs / T'as voulu planter le décor / J'ai voulu calmer ta douleur".

    L’Ère du Verseau est un album optimiste, libératoire et cathartique d’une jeune femme qui se cherchait, comme elle le chante dans "Un million" : "Un million de vies cachées / dans mon angle mort / À l'abri je sors, je m'ignorais." N’est-ce pas un message adressé à celles et ceux en mal de vivre et de bonheur ? "J'attends le moment / Le moment où ça casse / Ici et maintenant / Mais pour l'instant ça passe" ("Ici et maintenant").

    Aucun doute : Yelle entre indubitablement dans une nouvelle ère. Il sera maintenant difficile à la scène française de faire sans elle.

    Yelle, L’Ère du Verseau, Idol, 2020
    https://yelle.fr
    https://www.facebook.com/yelleofficial

    Voir aussi : "Clou en plein cœur"

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  • Froides épurations

    S’il y a un seul élément justifiant que l’on s’intéresse à Shadowplay c’est avant tout l’époque et l’année (1946) et la ville (Berlin) où se déroule ce polar (très) noir. Après l’excellentissime Babylon Berlin de l’entre-deux-guerres, Shadowplay fait un focus sur la ville allemande, mais cette fois quelques mois après la chute du nazisme et la fin de la seconde guerre mondiale.

    Cette période est si peu connue qu’il semble qu’un voile pudique ait été jetée sur la courte période qui a marqué l’Allemagne en voie de dénazification – une "épuration" comme on l’a théorisé de ce côté-ci du Rhin. Berlin est coupée en quatre par les vainqueurs de la guerre, les États-Unis, l’URSS, la Grande-Bretagne mais aussi – curieux revers de l’histoire – la France.

    L’Allemagne est le grand vaincu de la guerre : les nazis sont morts ou alors en fuite et la population a été saignée, spécialement du côté masculin, à telle enseigne que dans la série Shadowplay, l’unité de police que rejoint le policier américain Max McLaughlin (Taylor Kitsch) est dirigée et occupée majoritairement par des femmes. La tâche est évidemment ardue pour ces fonctionnaires catapultées là.  Dès centaines de milliers de crimes sont commis chaque année dans l’ex et future puissance allemande et la pauvreté est à son maximum dans ce qui n’est qu’une ville en ruine.  

    Voilà pour le tableau. Un tableau incroyable où règnent mafias, luttes politico-militaires entre anciens alliés, petits et grands larcins, meurtres et impunités à tous les étages. L’Allemagne vaincue est plus qu’humiliée : punie, déchirée et réduite à l’état de non-nation et de chaos. 

    L’Allemagne punie et réduite à l’état de non-nation et de chaos

    Max McLaughlin débarque de son Amérique natale après une enfance difficile et marquée par un crime familial, il vient officiellement aider la policière Elsie Garten (Nina Hoss) à organiser une unité de police allemande digne de ce nom. L'officier et ses agents n’ont que des barreaux de chaise en guise d’armes, avec une ancienne banque leur servant de commissariat de police. En réalité, Max est surtout à Berlin pour aller sur la piste de son frère qui a disparu à la fin de la guerre. Alors qu’un mafieux "recrute" des femmes désespérées et isolées pour ses affaires (prostitution, chantages et crimes en tout genre), un tueur en série s’attaque à d’anciens nazis et les tue au terme de longues agonies.

    Shadowplay est une série historico-policière sur plusieurs niveaux : l’histoire personnelle de Max, d’abord, à la recherche de son frère. Disons que c’est l’aspect le moins intéressante de cette histoire, jusqu’à ce que les deux frères, nommés Max et Moritz – comme les deux personnages d’un classique de la littérature pour enfants – ne s’affrontent sur le terrain de la dénazification. Il y a également l’enquête autour du redoutable l’Engelmacher, le sinistre docteur Hermann Gladow (Sebastian Koch) et de son armée féminine que rejoint dès le premier épisode la troublante Karin Mann (Mala Emde). À cela s’ajoute une intrigue autour d’Elsie et de son mari prisonnier dans les geôles soviétiques.

    Les personnages féminins sont au cœur d’une intrigue à double voire triple détente. Berlin repose sur elles, tout comme le crime comme le suggère la structure mafieuse du docteur Gladow. Nous ne serions pas tout à fait complet si on oubliait le personnage équivoque de Tom Franklin  joué par  Michael C. Hall (Dexter). Quant à, Tuppence Middleton, elle joue Claire Franklin, son épouse dans la série : une autre femme trouble, énième profiteuse autant que victime d’une guerre qui n’était pas encore froide.

    Shadowplay, série franco-germano-canadienne de Måns Mårlind,
    avec Taylor Kitsch, Michael C. Hall, Logan Marshall-Green, Nina Hoss,
    Tuppence Middleton et Sebastian Koch, Saison 1, 2021

    https://www.canalplus.com/series/shadowplay

    Voir aussi : "Crimes et chaos à Berlin"
    "Les maîtres du ghetto"

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  • Stéphanie Acquette, visionneuse

    Diaporama, de Stéphanie Acquette, se dérobe sous les pieds de l’auditeur qui pouvait s’attendre à un album léger et simplement nostalgique, comme l’illustre cette visionneuse que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

    La Nordiste dévoile en ce début d’octobre un premier opus prometteur après une série de tournées sur la scène parisienne (Les 3 Baudets, le Pop In, le Supersonic, Les Étoiles…) et plusieurs théâtres de France (le Volcan, le Train-Théâtre, L’Adagio, l’Éden…).

    Coloré, cinématographique, imagé, pétillant, faussement léger et parfois même très grave : Diaporama propose une série de tableaux proposé par une chanteuse à l’écriture fine. Stéphanie Acquette sait aussi bien parler des départs sans retour avec ce je ne sais quoi de nonchalance et d’innocence ("Sans regret / Tu m’appelleras mais en vain / Je serai sur le chemin / Chemin sans destination", "Je m’en vais") que d’amour ("Dans l’insouciance") ou de regrets et d’occasions manquées ("On est passés pas loin / Ou presque / Mais c’est passé quand même / Notre opportunité", "D’un rien").

    N'oublions pas non plus "Mona", une chanson sur La Joconde, légère comme un verre d’Alka Selzer  : "Qui êtes vous par temps clair ?" se demande la chanteuse dans ce joli titre sous forme de dialogue imaginaire.

    Dans "La source", présent dans deux versions, Stéphanie Acquette se fait à la fois évanescente et songeuse, mélancolique aussi dans cette ballade au délicat souffle poétique : "J’ai verrouillé la mer / Les éléments calcaires / Plus rien n’est latent / Une guerre de cent ans / Saura nous défaire". Mais derrière le calme, ponte la tempête : "Tu as marqué la sécession /Tu as flambé les fondations". Cette guerre de cent ans est conviée de nouveau dans un autre morceau, parlant d’amour, d’absence, d’éternel retour et d’espoir ("Cent ans"). 

    Il ne manque plus que le fume-cigare, la coupe de champagne et le déshabillé qui va bien

    Bien dans son époque, la chanteuse parle dans "Jour Levant" de ces pays voisins en guerre que nous ne voulons pas voir ("Les paumes plaquées sur nos paupières / Nos fauves sur vos terres arasées." Cet Ibrahim à qui s’adresse le morceau est le symbole – et sans doute plus qu’un symbole – de ces conflits que Stéphanie Acquette poétise avec tact mais non sans rudesse : "Ibrahim dans tes fracas intimes / Ibrahim Ibrahim / Où la raison s’abîme / Le voile tâché de sang / la fosse au charnier et l’encens".

    Musicalement, "Une party"  est une jolie bossa nova – non sans un joli jeu de mot ("oh c’est beau ça") – et où le farniente côtoie la sensualité, si ce n’est l’érotisme : "Nos vacances ont du bon / Tous les trois ensemble en infusion… / Oh j’adore ça, vous aimer / D’un peu plus loin  d’assez près / Du haut de mon hamac".

    Sur une chanson aux teintes jazzy, "Lasse", Stéphanie Acquette se dévoile en femme fatale languide : "Je suis viscère, je suis suie / Près du miroir gris / Je penche de nacre à organdi / Dragué poudré, paupières mi-closes…" Il ne manque plus que le fume-cigare, la coupe de champagne et le déshabillé qui va bien.

    Le travail sur le texte (Juan Tabakovic est l'auteur de quatre titres, "Lasse", "Ma source", "Jour Levant" et "Une party) est d’autant plus remarquable que Stéphanie Acquette, une vraie révélation musicale de la scène française, écrit et chante avec justesse pour explorer nos vies égoïstes, non sans existentialisme : "Chacun pour soi / Pulvériser et scinder les atomes / Larguer les ardeurs monochromes / A croire que seul on n’est plus personne".

    Stéphanie Acquette, Diaporama, Sanctuaire Records / Inouïe Distribution, 2021
    https://stephanieacquette.com
    https://www.facebook.com/stephanieacquettemusic
    https://www.instagram.com/stephanie_aqt

    Voir aussi : "Experience rock of the Salator"

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  • À la recherche de l’idée perdue

    Le lecteur peut se leurrer en ouvrant cet étonnant livre de David Foenkinos, Qui se souvient de David Foenkinos ? (éd. Gallimard). La couverture annonce qu’il s’agit d’un roman, en dépit de la facture autobiographique racontant une période de page blanche qui a suivi la publication de son premier succès, Le Potentiel érotique de ma femme. "J'étais alors dans la promesse. Pourquoi les choses ont-elles si mal tourné ? Depuis ce succès qui s'efface des mémoires, j'ai publié quatre autres romans et tous sont passés inaperçus. J'ai tenté d'analyser les raisons de mes échecs, mais il est impossible de comprendre pourquoi l'on devient invisible. Serais-je devenu médiocre ? Suis-je trop allé chez le coiffeur ?"

    Ainsi commence ce qui peut s’apparenter à une autofiction. Sauf qu’ici, il n’est pas question d’une autofiction sombre dans laquelle les récriminations le disputent aux ressassements et aux confessions les plus sordides . Non. Dans Qui se souvient de David Foenkinos ?, l’auteur de La Délicatesse opte d’emblée pour l’humour, et disons-le : ce livre est à la fois drôle, inventif et astucieux. L’auteur n’hésite pas à s’autocritiquer : "Était-ce la vie d’un écrivain ? Un écrivain à échecs, sûrement. Je me rappelle comment mon entourage s’enthousiasmait pour mes livres au tout début. J’étais un auteur Gallimard, le sang de Proust coulait dans mes veines… Déporté vers le néant littéraire, j’étais devenu décalé. Par rapport à quoi, ça je ne savais pas."

    Autodérision réjouissante

    Lorsque le récit commence, David Foenkinos est en proie à une série de crises dans sa vie : il vient d’avoir la quarantaine et ses projets artistiques battent de l’aile. Marié, père d’une adolescente, Victoria, légèrement tête-à-claque mais qu’une carrière de tenniswoman douée lui semble promise, l’auteur vit une crise de couple. Sa femme Laurence ne le supporte plus et se lasse de la voie sans issue de son écrivain de mari.

    Il y a bien ces voisins, les Martinez, un vieux couple fusionnel passionné de voyages mais pour le reste, David Foenkinos craint qu’il ne devienne bientôt qu’un inconnu dans le monde des lettres. Or, de retour en train de Suisse après un séjour pour se "régénérer", David Foenkinos a la certitude qu’une idée de livre lui a traversé la tête. Mais impossible de s’en souvenir. Il ne lui reste plus qu’à partir à la recherche de cette idée.

    Le thème de l’écrivain incompris et torturé par les affres de la création ("les affreux de la création" comme le chantait Serge Gainsbourg) est un poncif. Mais David Foenkinos le traite avec intelligence et humour, tout en faisant le portrait d’un homme – lui-même – se cherchant une place mais aussi l’amour. Car l’amour est présent dans ce roman parlant de littérature mais aussi de mort, comme l’écrit l’auteur. David Foenkinos croise tour à tour ces voisins attachants et bouleversants, la troublante Caroline ("[Elle] entrait dans ma vie parce qu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle") et bien sûr Laurence, même si le couple qu'il forme avec elle n’en finit pas de mourir.

    Loin de faire l’autofiction d’un écrivain maudit, David Foenkinos fait preuve d’une autodérision réjouissante, même si cet humour peut être grinçant lorsqu’il est existentiel : "  Je venais de me diagnostiquer un amour et je savais par expérience les épuisements à venir. Quand on a deux cœurs en soi, les risques d'infarctus doublent."

    La solution à ce qui s’apparente à une dépression et à des doutes intérieurs, sera résolue au terme d’un nouveau voyage en Suisse pour retrouver la trace de cette idée – dont le lecteur ne saura rien. Là n’est pas le plus important : l’amour et la construction de soi, plutôt qu’un nouveau livre, auront le dernier mot. 

    David Foenikinos, Qui se souvient de David Foenkinos ?, éd. Gallimard, 2007, 179 p. 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "A la place du mort"
    "Deux morts, deux divorces et autant d’histoires d’amour"

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  • Jolie bouteille, sacrée bouteille

    On sait que l’on peut faire un mauvais film avec une bonne idée, mais peut-on faire un film excellent avec une idée, sinon mauvaise, du moins improbable ? La réponse est oui, si l’on pense au dernier film de  Thomas Vinterberg, Drunk, avec la star mondiale Mads Mikkelsen dans le rôle-titre.

    Le réalisateur de Festen et théoricien du "Dogma 95", a fait en 2020 son grand retour avec cette comédie dramatique et sociale, sur fond de réflexions sur l’alcool et sur son importance sociale. Contre toute attente, Drunk a récolté pléthore de récompenses : les César, Oscar et BAFTA du meilleur film étranger, une coquille d’argent au Festival international du film de Saint-Sébastien en 2020, sans compter les principaux prix du cinéma européen (meilleur, film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur acteur pour Mads Mikkelsen).

    Autant dire que Drunk est marquant en dépit de son pitch à bien des égards piégeux. Quatre amis danois, des quadragénaires et professeurs de leur État, se lancent, lors d’une soirée, dans une expérience folle – puisqu’il fait bien appeler les choses par leur nom : mettre en pratique une théorie selon laquelle l’homme naît avec un déficit d’alcool de 0,5 g/litre de sang. Pour retrouver un équilibre, chacun devrait absorber de quoi retrouver cette dose originelle. Les quatre amis décident donc de consommer régulièrement de l’alcool, mais avec une rigueur toute scientifique. Toutefois, l’expérience a ses limites et finit par déraper.

    On devine les écueils qui attendaient Thomas Vinterberg et sa famille d’acteurs et d’actrices : une suite de scènes de bitures (certes, qui existent), un discours convenu sur les ravages de l’alcool ou une comédie à la fois lourdingue et pleine de pathos. Rien de tout cela, cependant, dans Drunk.

    Le passage vers une folie provisoire et un état de transe

    C’est d’abord le petit groupe d’amis quadras qui intéresse le réalisateur danois, auscultant les blessures, le rêves brisés et les déchirures de ces amis, lancés dans une quête improbable du bonheur. La présence magnétique de Mads Mikkelsen y est pour beaucoup : on est bouleversés par Martin, ce professeur d’histoire qui a perdu la flamme et voit son couple couler. 

    Des critiques ont vu, à juste titre , Drunk comme une critique sociale du Danemark, pays paisible, poli et convenu que les quatre modestes professeur secouent en mettant en pratique une expérience autant improbable que choquante. Que l’on pense à cette scène où un professeur de philosophie encourage son élève à prendre quelques rasades d’alcool pour pouvoir affronter un examen et disserter sur Kierkegaard !

    Thomas Vinterberg est maître dans son art de filmer les scènes de boissons : bouteilles que l’on débouche, verres de vin blanc portés à la bouche, scènes de beuveries ou encore cette manière de pousser tel ou tel à à s'en servir encore un... Boisson sociale s’il en est, l’alcool devient aussi, dans la dernière scène électrisante où Mads Mikkelsen montre tous ses talents de danseur, un produit euphorisant permettant le passage vers une folie provisoire et un état de transe que les Grecs anciens n’auraient pas renié. 

    Placer l’alcool au cœur d’un film était un pari risqué. Il est réussi à plus d’un égard dans Drunk, jusque dans le choix musical, bien plus malin qu’il n’y paraît : les musiques traditionnelles danoises – prouvant la dimension sociale du long-métrage – côtoient un répertoire classique et en premier Tchaïkovski (La Tempête) et Schubert (la fameuse Fantaisie en fa mineur). Deux compositeurs  évidemment consommateurs d’alcool, voire qui avaient des problèmes avec la bouteille. 

    Drunk, comédie dramatique danoise de Thomas Vinterberg,
    avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Magnus Millang et Lars Ranthe, 2020 , 115 mn, MyCanal, Canal+

    https://www.hautetcourt.com/films/drunk
    https://www.facebook.com/theofficialmads
    https://www.canalplus.com/cinema/drunk/h/14878879_40099

    Voir aussi : "Lumineuse secte"

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