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Vous qui méprisez les romances, allez donc faire un tour du côté de chez Camille Emmanuelle, auteure de l’irrésistible et intelligent Cucul, paru chez Verso.
Camille Emmanuelle est un pseudo, en hommage à Emmanuelle Arsan (l'auteure d'Emmanuelle). Voilà qui situe déjà le personnage. Quant au titre de son roman, la lectrice ou le lecteur devinera immédiatement qu’il se veut ironique. Voilà un roman assez incroyable, unique dans son genre, et ayant déjà provoqué son petit effet puisqu’il devrait être adapté pour le cinéma.
Marie Couston, modeste professeure de français dans un lycée parisien, a un secret. Après son boulot, devant son ordinateur, elle devient Eva M. Becker, une autrice de romances qui lui permet d’arrondir les fins de mois de la respectable prof. Son personnage fétiche, James Cooper, est l’archétype de ce type de romans : jeune, sexy, riche et tombeur. Or, l’éditrice de Marie – la fictive maison d’édition Sensuelle – exige que l’écrivaine abandonne l'eau de rose pour de la dark romance, très en vogue chez les adolescentes, le cœur de cible. Que Marie/Eva transforme son héros en personnage aussi attirant que dominateur et, finalement, misogyne et manipulateur est insupportable. De colère, elle écrit un chapitre dans lequel elle tue son héros. Mal lui en prend. Le lendemain, le fringant James apparaît en chair et en os, chez elle, dans son petit appartement parisien. Elle va devoir cohabiter avec lui, pour le meilleur et pour le pire. Et continuer de garder secret son second job en dépit de son colocataire décalé et peu ordinaire.
Personnage de fiction aussi sexy qu’inadapté socialement
Voilà un roman réjouissant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il reprend les codes de la romance traditionnelle (non sans quelques sérieux coups de canif à la dark romance) : personnages typés, structure de ces récits à l’eau de rose, maisons d’édition travaillant sans vergogne avec des auteurs interchangeables (la fin de Cucul est, à cet égard, éloquente) et réflexions sur le lectorat de ces récits populaires.
Camille Emmanuelle choisit de faire parler son héroïne. Là est sans doute tout le sel de Cucul. Marie se confie avec une verve hilarante et de l’auto-dérision à revendre. Elle partage ses galères avec franchise : ses amis, ses amours, ses emmerdes, mais aussi sa sœur, ses relations toxiques avec une insupportable éditrice, ses collègues de travail – au lycée – mais aussi James. Le boulet qu’elle voit débarquer chez elle, son personnage de fiction, s’avère vite aussi sexy qu’inadapté socialement. Comment, cependant, ne pas succomber pour lui ?
Cucul est un sacré moment de plaisir par une auteure qui, mine de rien, passe quelques messages bien sentis dans un roman faussement léger… et pas du tout cucul, justement.
Vous qui méprisez les romances, allez donc faire un tour du côté de chez Camille Emmanuelle, auteure de l’irrésistible et intelligent Cucul, paru chez Verso.
Camille Emmanuelle est un pseudo, en hommage à Emmanuelle Arsan (l'auteure d'Emmanuelle). Voilà qui situe déjà le personnage. Quant au titre de son roman, la lectrice ou le lecteur devinera immédiatement qu’il se veut ironique. Voilà un roman assez incroyable, unique dans son genre, et ayant déjà provoqué son petit effet puisqu’il devrait être adapté pour le cinéma.
Marie Couston, modeste professeure de français dans un lycée parisien, a un secret. Après son boulot, devant son ordinateur, elle devient Eva M. Becker, une autrice de romances qui lui permet d’arrondir les fins de mois de la respectable prof. Son personnage fétiche, James Cooper, est l’archétype de ce type de romans : jeune, sexy, riche et tombeur. Or, l’éditrice de Marie – la fictive maison d’édition Sensuelle – exige que l’écrivaine abandonne l'eau de rose pour de la dark romance, très en vogue chez les adolescentes, le cœur de cible. Que Marie/Eva transforme son héros en personnage aussi attirant que dominateur et, finalement, misogyne et manipulateur est insupportable. De colère, elle écrit un chapitre dans lequel elle tue son héros. Mal lui en prend. Le lendemain, le fringant James apparaît en chair et en os, chez elle, dans son petit appartement parisien. Elle va devoir cohabiter avec lui, pour le meilleur et pour le pire. Et continuer de garder secret son second job en dépit de son colocataire décalé et peu ordinaire.
Personnage de fiction aussi sexy qu’inadapté socialement
Voilà un roman réjouissant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il reprend les codes de la romance traditionnelle (non sans quelques sérieux coups de canif à la dark romance) : personnages typés, structure de ces récits à l’eau de rose, maisons d’édition travaillant sans vergogne avec des auteurs interchangeables (la fin de Cucul est, à cet égard, éloquente) et réflexions sur le lectorat de ces récits populaires.
Camille Emmanuelle choisit de faire parler son héroïne. Là est sans doute tout le sel de Cucul. Marie se confie avec une verve hilarante et de l’auto-dérision à revendre. Elle partage ses galères avec franchise : ses amis, ses amours, ses emmerdes, mais aussi sa sœur, ses relations toxiques avec une insupportable éditrice, ses collègues de travail – au lycée – mais aussi James. Le boulet qu’elle voit débarquer chez elle, son personnage de fiction, s’avère vite aussi sexy qu’inadapté socialement. Comment, cependant, ne pas succomber pour lui ?
Cucul est un sacré moment de plaisir par une auteure qui, mine de rien, passe quelques messages bien sentis dans un roman faussement léger… et pas du tout cucul, justement.
Un mot un destin (éd. Litos), le recueil de chroniques de la journaliste et historienne Clémentine Portier-Kaltenbach présente la première particularité de dresser le portrait de 90 femmes remarquables, célèbres ou non, de l’Antiquité à nos jours, d’Agrippine la Jeune, mère de Néron, à l’Américaine Dorothy Counts-Scoggins, figure antiségrégationniste, en passant par Marie-Antoinette, Margaret Michell ou Françoise Sagan. Il faut saluer le talent de l’autrice qui parvient à aller à l’essentiel, chaque chronique ne dépassant pas les trois pages.
La seconde particularité du recueil est d’accoler à chacune de ces femmes un mot permettant d’expliquer en quoi elle a marqué son époque, souvent en bien, parfois en mal à l’instar d’Elena Ceaucescu, l’épouse du dictateur roumain ou encore Agrippine. Pour ce personnage devenu légendaire, Clémentine Portier-Kaltenbach a choisi le mot "Matricide", bien logique étant donné le destin de Néron et de son implacable mère. Pas mal de termes tombent sous le sens : "Libertinage" pour la courtisane Ninon de Lenclos, "Baccalauréat" pour la première bachelière de l’Histoire, Julie-Victoire Daubié ou "Bikini" pour Ursula Andress.
Bien entendu, le lecteur "musclera" son vocabulaire avec des termes aussi rares que "Réticule", "Autodidaxie" ou "Épectase". Ceci dit, c’est d’abord le portrait de ces femmes, que l’on qualifiera aisément de courageuses et même de "puissantes", qui constitue le gros atout de ce recueil de chroniques.
Bien entendu, le lecteur "musclera" son vocabulaire avec des termes aussi rares que "Réticule", "Autodidaxie" ou "Épectase"
Quels sont les plus petits dénominateurs communs de ces femmes ? Certainement de s’être battues pour s’imposer, ou du moins d’avoir tenté de se faire leur place dans un monde dominé par les hommes. Les mariages arrangés sont légion dans le recueil, que ce soit la pathétique union entre Philippe Auguste et la jeune princesse danoise Ingeburge, le couple ennuyeux que formait Louise de Bourbon-Condé avec un fils illégitime de Louis XIV, sans oublier le mariage raté de Valentine de Chimay.
Il y a aussi ces relations, devenues légendaires, que ce soit Carol Lombard et Clark Gable qui ne s’est jamais remis de la mort prématurée du seul amour de sa vie, Clara Goldschmidt à jamais liée avec André Malraux ou encore Sophie de Ruffey dont le décès touchera Mirabeau au plus haut point. Le lecteur sera par contre certainement refroidi par l’étonnant et pas envieux portrait de Colette, une "Cougar" (c'est d'ailleurs ce mot qui la définit dans le recueil) à la fois irrésistible, dévorante et parfois gênante.
Ces 90 destins réservent bien des surprises. On apprendra ainsi qui était Dido Elizabeth Belle, une jeune femme noire devenue la première aristocrate anglaise de couleur dans le pays de Jane Austen. On en saura un peu plus sur Sophie Germain, une mathématicienne maintenant reconnue, sur Betsy Balcombe qui a été la singulière, touchante et dernière "relation" féminine de Napoléon en exil, sans oublier Eleanor Roosevelt, première "vraie" First Lady au caractère incroyable. Sans compter ces inventrices parfois oubliées, moins célèbres que leurs inventions : l’aquarium de Jeanne Villepreux-Power, le parachute de Jeanne Labrosse-Garnerin ou encore… Wonder Woman, une création – par un obscur psychologue américain – inspirée par deux femmes. Shoking !
Un mot un destin (éd. Litos), le recueil de chroniques de la journaliste et historienne Clémentine Portier-Kaltenbach présente la première particularité de dresser le portrait de 90 femmes remarquables, célèbres ou non, de l’Antiquité à nos jours, d’Agrippine la Jeune, mère de Néron, à l’Américaine Dorothy Counts-Scoggins, figure antiségrégationniste, en passant par Marie-Antoinette, Margaret Michell ou Françoise Sagan. Il faut saluer le talent de l’autrice qui parvient à aller à l’essentiel, chaque chronique ne dépassant pas les trois pages.
La seconde particularité du recueil est d’accoler à chacune de ces femmes un mot permettant d’expliquer en quoi elle a marqué son époque, souvent en bien, parfois en mal à l’instar d’Elena Ceaucescu, l’épouse du dictateur roumain ou encore Agrippine. Pour ce personnage devenu légendaire, Clémentine Portier-Kaltenbach a choisi le mot "Matricide", bien logique étant donné le destin de Néron et de son implacable mère. Pas mal de termes tombent sous le sens : "Libertinage" pour la courtisane Ninon de Lenclos, "Baccalauréat" pour la première bachelière de l’Histoire, Julie-Victoire Daubié ou "Bikini" pour Ursula Andress.
Bien entendu, le lecteur "musclera" son vocabulaire avec des termes aussi rares que "Réticule", "Autodidaxie" ou "Épectase". Ceci dit, c’est d’abord le portrait de ces femmes, que l’on qualifiera aisément de courageuses et même de "puissantes", qui constitue le gros atout de ce recueil de chroniques.
Bien entendu, le lecteur "musclera" son vocabulaire avec des termes aussi rares que "Réticule", "Autodidaxie" ou "Épectase"
Quels sont les plus petits dénominateurs communs de ces femmes ? Certainement de s’être battues pour s’imposer, ou du moins d’avoir tenté de se faire leur place dans un monde dominé par les hommes. Les mariages arrangés sont légion dans le recueil, que ce soit la pathétique union entre Philippe Auguste et la jeune princesse danoise Ingeburge, le couple ennuyeux que formait Louise de Bourbon-Condé avec un fils illégitime de Louis XIV, sans oublier le mariage raté de Valentine de Chimay.
Il y a aussi ces relations, devenues légendaires, que ce soit Carol Lombard et Clark Gable qui ne s’est jamais remis de la mort prématurée du seul amour de sa vie, Clara Goldschmidt à jamais liée avec André Malraux ou encore Sophie de Ruffey dont le décès touchera Mirabeau au plus haut point. Le lecteur sera par contre certainement refroidi par l’étonnant et pas envieux portrait de Colette, une "Cougar" (c'est d'ailleurs ce mot qui la définit dans le recueil) à la fois irrésistible, dévorante et parfois gênante.
Ces 90 destins réservent bien des surprises. On apprendra ainsi qui était Dido Elizabeth Belle, une jeune femme noire devenue la première aristocrate anglaise de couleur dans le pays de Jane Austen. On en saura un peu plus sur Sophie Germain, une mathématicienne maintenant reconnue, sur Betsy Balcombe qui a été la singulière, touchante et dernière "relation" féminine de Napoléon en exil, sans oublier Eleanor Roosevelt, première "vraie" First Lady au caractère incroyable. Sans compter ces inventrices parfois oubliées, moins célèbres que leurs inventions : l’aquarium de Jeanne Villepreux-Power, le parachute de Jeanne Labrosse-Garnerin ou encore… Wonder Woman, une création – par un obscur psychologue américain – inspirée par deux femmes. Shoking !
Après son essai biographique sur l’italienne Letizia Battaglia (Letizia Battaglia, Une Femme contre la Mafia), Frederika Abbate s’intéresse de nouveau au combat féminin dans son dernier opus, La Femme est une île (éd. de la Reine Rouge). Ou plutôt les combats de femmes, car c’est ni plus ni moins qu’au néo-féminisme post-meetoo qui intéresse l’auteure. Et le moins que l’on puisse dire c'est que son essai polémique va en défriser plus d’une.
Arrêtons-nous pour commencer sur le titre. La Femme est une île fait référence à une publicité de Guy Laroche pour un parfum : "La femme est une île, Fidji est son parfum", dit le slogan. Frederika Abbate y voit une métaphore à la fois poétique et philosophique sur la femme, proche de la nature et symbolisant la sensualité, la maternité, l’environnement mais aussi un vrai univers à elle toute seule : "Elle est une île de n’exister que par rapport à elle même".
Elle-même femme, consciente du poids qui a pesé sur son genre depuis des millénaires, l’auteure n’en demeure pas moins très critique sur le néo-féminisme. Elle entend démontrer qu’il pèche par son incohérence, ses raccourcis, sa mauvaise fois et ses combats parfois vains. Or, ce mouvement, certes louable à ses débuts, a pris le virage d'une doxa qui "n’a de cesse de dresser les gens les uns contre les autres".
Frederika Abbate cogne et cogne dur, y compris contre des intellectuelles pourtant réputées comme indiscutables. La première est Simone de Beauvoir (Le Deuxième sexe) qui, sous couvert d’existentialisme, énonce qu’on ne naît pas femme mais qu’on le devient. Ce serait un peu vite oublier, conteste Frederika Abbate, que l’on vient de la nature, que l’on naît au monde et que l’on est. En comparant la philosophe française à cette intellectuelle avant-gardiste qu’était Lou Andréas-Salompé, Frederika Abbate préfère parler d’essentialisme et du retour au réel, avec pour commencer cet événement structurant dans le genre qu’est la maternité.
Court mais tonique essai
Genres, espèces et sexes sont justement interrogés dans le court mais tonique essai. Les néo-féministes trépigneront à la lecture du livre : instrumentalisation du viol, critiques contre des figures du mouvement (Françoise Héritier, Chloé Delaume, Virginie Despentes ou Pauline Harmange et son brûlot au titre éloquent, Moi, ce que je déteste, ce sont les hommes) et ces combats qui peuvent laisser perplexe (critiques contre le maquillage – féminin – ou enfants interrogés dès leur plus jeune âge sur leur "vrai" genre).
Frederika Abbate ne prend pas la défense des hommes – tel n’est pas son propos – mais préfère pointer du doigt les dangers d’une nouvelle idéologie : "le désert sensuel", "l’angoisse sexuelle", la dénatalité, la liberté individuelle parfois remise en question et les différences sexuelles trop vite gommées "sous prétexte d’égalité". Comme le dit l’adage, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
L’amour se trouverait dévitalisée ou en tout cas condamné à l’être. Frederika Abbate ne s’en prend cependant pas au transgenre pas plus qu’à l’androgynie qui sont devenus quasi indiscutés pour ne pas dire respectés et parfois admirés. Elle s’attaque plutôt à cette non-détermination ou plutôt cette auto-détermination qui interroge le genre humain lui-même.
Et si l’essai de Frederika Abbate se donnait aussi à lire comme une prière à la réconciliation, au refus de la détestation du genre masculin et au retour à l’amour ? Et aux amours.
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film L’Affaire Nevenka. Il sera visible du 27 novembre 2024 au 3 décembre. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 3 décembre 2024 à 20H30.
À la fin des années 90, Nevenka Fernández, est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez. C’est le début d’une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s’en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès.
Inspiré de faits réels, L’Affaire Nevenka révèle le premier cas de #MeToo politique en Espagne.
Voilà une singulière et inédite rencontre que propose Bla Bla Blog. Il s’agit de celle avec Erika Lust, réalisatrice, productrice (ERIKALUST), photographe et auteure. Sa spécialité ? Le porno, mais un porno où le féminisme serait au cœur. Cette artiste et intellectuelle, aussi engagée que provocatrice, a bien voulu répondre à nos questions.
Bla Bla Blog – Bonjour, Erika. Vous portez plusieurs casquettes – réalisatrice, photographe, productrice, écrivaine, essayiste, féministe engagée, spécialiste du porno. Vous-même, comment vous définiriez-vous ?
Erika Lust – Bonjour Bla Bla Blog. Oui, je pense que j'ai plusieurs casquettes, mais avant tout, je dirais que je suis une réalisatrice de films, car c'est ainsi que j'ai commencé ma carrière. Tout a commencé avec un film que j'ai réalisé en tant qu'étudiante en master d'études de genre il y a plus de 20 ans, The Good Girl. J'ai essayé de partir du cliché du film porno avec le livreur de pizza, mais en axant toute l'intrigue sur le point de vue féminin et le désir féminin. Je dirais que j'étais déjà une féministe convaincue à l'époque, mais ce film et son succès m'ont servi de tremplin pour produire et écrire d'autres films, et même pour m'essayer à la photographie.
BBB – Vous avez beaucoup écrit et filmé autour de la pornographie, et en particulier de la pornographie féminine. Ce concept peut surprendre. Comment le définiriez-vous ? Et surtout, qu’est-ce qui différencie le porno masculin du porno féminin ?
EL – Je pense que le point important dans mon école de pensée est de se demander comment un porno éthique et féministe est possible, plutôt que de faire strictement la différence entre le porno "masculin" et le porno "féminin". Une chose qui m'a aidée dans mon travail, c'est de croire vraiment que le porno peut être féministe. Chez ERIKALUST, nous avons prouvé qu'il pouvait l'être depuis 20 ans maintenant. Nous sommes habitué.es à ce que le porno gratuit en ligne soit rempli de jeux de pouvoir fatigants qui ne mettent en avant que des organes génitaux - féminins - et des parties du corps, mais pas le plaisir des femmes. Le porno réalisé avec des valeurs féministes vise essentiellement à montrer une représentation authentique de la sexualité humaine. Le "porno féministe" vise à montrer des adultes consentants qui parlent avec respect de leurs désirs et de leur sexualité dans le cadre d'une relation sexuelle égalitaire, où le consentement mutuel et affirmatif est clairement montré comme une priorité au lieu de normaliser les simulations de coercition ou d'abus.
BBB – Le féminisme semble, chez vous, indissociable de la représentation du plaisir féminin. C’est un concept relativement nouveau, il me semble. Est-ce à dire que le porno en est encore à ses balbutiements ?
EL – Je ne pense pas que le porno en soit à ses débuts. En revanche, je pense que lier porno et féminisme est un phénomène plus récent, que l’on doit au féminisme pro-sexe, dont je me revendique. Longtemps, on avait cette idée que féminisme signifie anti porno, et anti travail du sexe au sens large. Ce n’est pas ma conviction. Pour moi, se contenter de rejeter un contenu qui existe déjà (le porno masculin mainstream) sans y apporter un regard féminin, c’est nier le désir sexuel des femmes. Elles aussi aiment parfois regarder du sexe, et aimeraient aussi voir leurs propres désirs représentés à l’écran. C’est ce que j’aimerais pouvoir leur offrir, à elles et aux hommes qui ont tout à gagner à se représenter la sexualité autrement.
BBB – Vous avez écrit ceci : "Pour de nombreuses personnes, qu'elles en soient conscientes ou non, le porno est leur principale source d'éducation sexuelle". Ce constat éloquent ne vous rend-il pas triste ?
EL – C'est un constat triste mais réel. En l'absence d'une éducation sexuelle adéquate et actualisée, le porno est devenu la principale source d'éducation de nos enfants, que cela nous plaise ou non. Nous ne pouvons pas empêcher les enfants de trouver ces sites, alors au lieu d’ignorer ce fait, éduquons-les. Si nous parlons franchement du porno avec eux, cela devient immédiatement moins honteux et ouvre le dialogue, ce qui permet un apprentissage sain et actif.
"Le porno a sa place dans le cinéma d'aujourd'hui"
BBB – Mal-aimé et déconsidéré en raison de ses représentations crues du sexe, qu’est-ce que le porno peut-il toutefois apporter dans le domaine de la culture comme dans la société ?
EL – Je pense que le porno a sa place dans le cinéma d'aujourd'hui. En fait, la plupart des gens ont normalisé la présence de scènes de sexe, même les plus crues, dans le cinéma grand public. À condition que les films aient une qualité cinématographique et un regard à la fois bienveillant et inclusif, je pense que le contenu pornographique peut faire travailler l'imagination, susciter des fantasmes et alimenter le désir chez les adultes consentants qui le regardent. Dans le cas du porno féministe et inclusif, il peut apporter une meilleure représentation des sexualités dans leur spectre large, et aider à la fois les femmes à se réapproprier leurs propres désirs, et les hommes à mieux comprendre et réaliser quels sont ces désirs spécifiques, parfois distincts des leurs.
BBB – Depuis le début du mouvement MeeToo, voyez-vous des changements importants dans le milieu porno et dans la représentation du sexe au cinéma ?
EL – Bien sûr ! Ce mouvement s'est produit en même temps dans l'industrie du cinéma grand public et du cinéma pour adultes. Le mouvement MeToo a eu un impact énorme sur notre industrie, et ceux qui ont violé le consentement, tout comme à Hollywood, ont été écartés et ont dû remettre en question leur place au sein de l'industrie. Je pense que MeToo a eu un effet positif considérable en inspirant les gens, en particulier les femmes du monde entier, à remettre en question les dynamiques du pouvoir patriarcal et à élever la voix pour dénoncer les abus sur leur lieu de travail, que ce soit sur les plateaux de tournage d'Hollywood ou dans n'importe quel autre bureau de n'importe quel autre secteur d'activité. Il y a eu une poussée puissante pour se soutenir mutuellement et cesser de normaliser l'abus de pouvoir, principalement par les hommes sur les femmes, qui concerne malheureusement tant de personnes dans les différentes couches de la société dans laquelle nous vivons, et pour créer une prise de conscience et une responsabilisation à cet égard.
BBB – Parlons séduction et vie amoureuse. Depuis MeeToo, est-ce que la drague est devenue, selon vous, has been ?
EL – Je ne le pense pas, et heureusement ! Je dirais que les codes de la drague ont évolué vers un mieux : vers plus de consentement et de respect mutuel. C'est ce que j'essaie de montrer dans mes films. Malheureusement, force est de constater que dans de nombreux secteurs, et sur de nombreux tournages, il y a encore beaucoup de machisme dans la manière dont la séduction est représentée. Et pourtant, demander la permission, respecter, offrir sans insister : c'est tellement plus sexy que de forcer ! Sur ma plateforme XConfessions, où je crée du porno à partir des fantasmes et des demandes de mes consommateur⸱ices, beaucoup d'entre elles et eux m'ont indiqué qu'ils trouvaient très excitant que les acteurs aient des échanges consensuels, qu'ils demandent le consentement de leur partenaire ou qu'ils décrivent ce qu'ils veulent faire à l'autre avant de le faire, pour laisser la place au « non ». D'ailleurs, chez ERIKALUST, nous mettons toujours à disposition des coordinateurs d'intimité, qui sont chargés de veiller à ce que le consentement et le respect mutuel soient respectés tout au long des scènes tournées par les performeurs, avant, pendant et après chaque tournage.
BBB – Pour conclure, la pornographie peut-elle être engagée, pour ne pas dire intello ?
EL – Oui, bien sûr, c'est politique. La pornographie est politique, même si elle ne veut pas l'être, même si elle n'a peut-être pas l'intention de l'être. Mais elle l'est, parce que la pornographie contient des messages sur la façon dont nous nous comportons. Et parce que la pornographie est politique, nous pouvons l'utiliser comme un outil pour raconter d'autres récits. Nous pouvons l'utiliser pour que les femmes puissent s'émanciper en voyant d'autres femmes prendre du plaisir. Sans une représentation inclusive du sexe, les femmes risquent de découvrir leur sexualité sous une approche violente et dominatrice, tandis que les hommes font l'expérience d'une sexualité marquée par la pression de la performance. Ce n'est qu'en redonnant au porno son caractère éminemment politique et son potentiel transformateur pour la société que nous pourrons lui rendre ses lettres de noblesse, en montrant à l'écran des sexualités libres, multiples, belles, féminines, respectueuses, des corps réalistes et des individus de tous âges, dans le respect permanent de chacun. Je suis convaincue que tout le monde gagne à regarder du porno éthique !
Peu de bandes dessinées françaises ont eu une telle longévité, avec en plus des critiques quasi unanimes, suivies en plus par des millions de lecteurs et lectrices.
C’est en 1984 – autant dire une éternité – que François Bourgeon sortait aux éditions Glénat le primer tome desPassagers du Vent. La série en compte déjà neuf, parfois en deux parties, sans compter les hors-séries, et risque bien de ne pas se terminer de sitôt.
Intitulé La Fille sous la Dunette, le premier tome est illustrée par une magnifique couverture, sans doute l’une des plus belles et des plus mythiques de la BD moderne. On y voit Isa, l’héroïne de la saga, agrippée en pleine tempête aux cordes d’un trois-mâts. La jeune femme brune aux yeux d’un bleu profond, fixe l’horizon, habillée tel un simple matelot.
Nous sommes au début des années 1780. Le monde est encore sous d’anciens régimes mais les têtes commencent à évoluer.
Une magnifique couverture, sans doute l’une des plus belles de la BD moderne
Isabeau, c’est Isabeau de Marnaye, une identité d’autant vite oubliée qu’elle a été abandonnée par son père à un couvent avec une de ses amies, Agnès. Bientôt, les enfants sont confondues mais restent néanmoins inséparables. C’est, du reste, sur un trois-mâts que le marin Hoel surprend Isa et son amie. Fasciné, le jeune homme tente de s’approcher d’elles, à ses dépends.
Commence une série d’aventures qui mènera Isa et ses amis de l’Angleterre aux comptoirs africains, en passant par Nantes et les Antilles.
Le lecteur sera sans doute décontenancé par le lettrage des bulles et par la richesse de l’intrigue, désarçonnante dans le tome 5. Toutefois, la lecture de cette saga vaut le coup : des héroïnes modernes, des planches rythmées, une intrigue engagée (féminisme, humanisme, colonisation), d’audacieuses prises de risque (sexe, violence, tortures, exécutions).