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états-unis - Page 2

  • Billie Eilish est-elle une bad girl ?

    Le 26 janvier dernier, la 62e cérémonie des Grammy Awards récompensait de cinq prix une gamine de 18 ans, moins d’un an après la sortie de son premier album, When We All Fall Asleep, Where Do We Go? : artiste révélation de l’année, chanson de l’année, enregistrement de l’année et meilleure prestation pop solo pour Bad Guy, meilleure album pop et album de l’année pour son premier opus : n'en jetez plus ! Billie Eilish marquait de son empreinte la scène pop-rock, tout en devenant la première star milléniale, puisque la jeune femme est née en Californie le 18 décembre 2001.

    Dans la biographie qu’Adrian Besley consacre à la chanteuse (Billie Eilish, La biographie non officielle, éd. Albin Michel), c’est autant la précocité que l’importance de l’Internet et des réseaux sociaux dans la révélation de cette chanteuse qui frappe les esprits.

    Certes, l’enfance et la famille de Billie Eilish Pirate Baird O’Connell ont une importance capitale dans sa carrière, puisque ses parents sont tous les deux des artistes et que la jeune star travaille étroitement avec son frère Finneas, lui aussi récompensé lors des Grammy Awards (Adrian besley lui consacre un chapitre entier, preuve de son importance). Pour autant, l’auteur insiste sur l’éducation "ordinaire" de Billie Eilish, si l’on oublie toutefois une scolarisation à domicile par un père et une mère, artistes mais modestes.

    Sa précocité ahurissante a été soulignée à de multiples reprises : "Son histoire fait désormais partie de la grande histoire de la pop, et sera répétée un million de fois", avance Adrian Besley, non sans ostentation. À l’âge de 14 ans, suivant les pas de son frère de quatre ans son aîné, Billie Eilish publie sur Soundcloud les morceaux sHE’s brOKen, Fingers Crossed, puis Ocean Eyes. Ils portent déjà l’empreinte de la chanteuse : textes personnels et sombres, rythme électronique, accompagnements minimalistes et voix fragile, presque murmurée. Ocean Eyes se fait remarquer sur les réseaux sociaux et le morceau reçoit en quelques mois un accueil enthousiaste, tant de la part des professionnels que du grand public.

    "Son histoire fait désormais partie de la grande histoire de la pop, et sera répétée un million de fois"

    La suite est un engrenage de concerts électriques, de collaborations artistiques prestigieuses, de clips tous aussi originaux les uns que les autres et d’une ascension irrésistible. Son succès passera par les États-Unis mais surtout, singulièrement, par la Nouvelle Zélande et l’Australie, qui ont accueilli avec enthousiasme ses premiers concerts dès 2017.

    L’ouvrage d’Adrian Besley est évidemment destinée avant tous aux fans de l’artiste américaine, membre emblématique de la génération Z. Adolescente starisée, Billie Eilish apparaît aussi comme une jeune femme n’ayant jamais caché ses fragilités et sa longue période de dépression, tout en assumant pleinement son nouveau statut, grâce à des looks toujours plus extravagants les uns que les autres – une vraie bad girl –, sans oublier ses engagements (le droit des femmes et l’écologie notamment). Adrian Besley ne met pas de côté ses autres passions : la danse, la réalisation de clips, la mode (nous l’avons dit), mais aussi le rap (XXXTentacion, Drake, Mehki Raine), qui continue d’influencer sa musique, avant tout pop (surnommée "gloom pop", "pop dépressive", pour ses détracteurs).

    Un chapitre entier est consacré à l’album phare de sa jeune carrière, When We All Fall Asleep, Where Do We Go?, que le journaliste intitule tout simplement : "Quatorze œuvres d’art" : "une collection soigneusement composée de pistes [titres] qui, si elles fonctionnent indépendamment, s’alimentent les uns des autres pour créer un ensemble harmonieux." Cet opus sera suivi de concerts marquants qui vont finir d’asseoir son statut : "Billie est la nouvelle reine de la pop, mais il lui reste à procéder à son couronnement. Et peut-on rêver mieux pour célébrer sa réussite que Coachella ?" C’est lors de l’édition d’avril 2019 du prestigieux festival américain, au cours de deux soirées, que Billie Eilish finit de s’imposer, avant ses récompenses quelques mois plus tard aux Grammy Awards.

    La biographie d’Adrian Besley a été terminée en mars 2020, alors que le Grand Confinement obligeait à mettre à l’arrêt l’essentiel de sa vie musicale. Il faudra attendre cet automne pour la découvrir finalement dans un autre rôle : celle d’auteure et d’interprète du titre phare du prochain James Bond, Mourir peut attendre. Le plus célèbre des bad boys sera célébré par celle qui les a chantés avec génie, mais qui n’est pas, à coup sûr, une bad girl, elle.

    Adrian Besley, Billie Eilish, La biographie non officielle, éd. Albin Michel, 2020, 245 p.
    https://www.youtube.com/channel
    https://www.albin-michel.fr/ouvrages/billie-eilish-la-biographie-non-officielle

    Voir aussi : "Quatre filles dans le Levant"

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  • Matthew Rhys sur les pas de Raymond Burr

    On l’a sans doute un peu oublié, mais Perry Mason fait figure de monument télé depuis une cinquantaine d’années. L’avocat américain créé par l'écrivain Erle Stanley Gardner a fait l’objet de plus de 80 romans policiers avant de devenir célèbre dans le monde entier grâce à une série télé dans les années 60, incarnée par le non-moins légendaire Raymond Burr. Un Raymond Burr qui reviendra presque vingt ans plus tard pour rempiler dans une trentaine de téléfilms, jusqu’à la mort de l’acteur.

    HBO a eu la bonne idée de redonner vie à Perry Mason, tout en choisissant de propulser notre avocat particulièrement obstiné, dans les années 30. Les fans de Raymond Burr s’en étonneront sans doute, mais, réflexion faire, ce choix paraît judicieux pour un personnage qui a été créé en pleine Dépression américaine.

    Pour jouer le rôle de Perry Mason, il fallait un acteur d’envergure qui puisse faire oublier l’acteur qui lui a donné vie pendant cinquante ans. Pour la série sortie cette année, c’est Matthew Rhys qui se colle à l’exercice, et l’on est bien obligé d’admettre qu’il incarne avec justesse et talent le rôle de cet avocat, qui n'est plus la figure aristocratique incarnée par Raymond Burr mais un homme blessé par son passé et un écorché vif.

    Monument télé

    Celui qui n’est au début de la série qu’un détective privée attaché au service du cabinet d’avocat d’EB Jonathan peine à se remettre de son expérience sur le front français pendant la Grande Guerre.

    Dans le Los Angeles des années 30 pourri par la crise et la misère, un enfant est tué après avoir été enlevé à ses parents, deux fervents croyants d’une secte chrétienne, menée par une gourou illuminée, sœur Alice McKeegan (Tatiana Maslany). Cette histoire de meurtre sordide devient bientôt une affaire dans laquelle se mêlent politique, religion, business, règlements de compte mais aussi les rumeurs les plus folles puisque le père puis la mère du petit Charlie sont tour à tour accusés de la mort e leur propre enfant. Perry Mason suit l’affaire qui va bientôt avoir des conséquences inattendues.

    Dans cette série estampillée HBO, la qualité est au rendez-vous pour ce qui s’apparente à une superproduction avec costumes d’époque et reconstitution fidèle du Los Angeles des années 30. Matthew Rhys, qui avait été révélé dans cet autre chef d’œuvre qu’est The Americans, parvient à faire oublier Raymond Burr en donnant à son Perry Mason l’épaisseur d’un antihéros pugnace, perspicace mais aussi fragile. À noter aussi la présence de Della Street, interprétée par la formidable Juliet Rylance.

    J’oubliais : on apprend cette semaine qu’une deuxième saison de Perry Mason est déjà programmée. Chic.

    Perry Mason, série dramatique américaine de Rolin Jones et Ron Fitzgerald,
    avec Matthew Rhys, Tatiana Maslany, John Lithgow,
    Chris Chalk, Shea Whigham et Juliet Rylance,
    HBO, saison 1, 8 épisodes, 2020, sur OCS et Canal+

    https://www.hbo.com/perry-mason
    https://www.canalplus.com
    https://www.ocs.fr

    Voir aussi : "Le paradis d'Hollywood"

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  • Lillie country

    Mieux vaut tard que jamais : Lilie Mae toque discrètement à nos oreilles grâce à son premier album sorti il y a un an pile (Other Girls for That).

    Mais qu’est-ce qui fait la singularité de cette artiste quasi inconnue en France ? Sans doute qu’elle s’approprie la country, un genre injustement boudé et moqué par le public français, à l’oreille musicale pourtant infaillible – non, je déconne…

    Bref, Lillie Mae, découverte par Jack White en personne, s’impose par son choix de trousser des titres mêlant country et pop folk avec une rare sensibilité (Wash Me Clean, You’ve Got Other Girls for That).

    À l’instar de Ben Harper, ses pairs ne s’y sont pas trompés qui ont fait de Lillie Mae une de ces nouvelles voix américaines à suivre.

    Au public français de se débarrasser de ses préjugés pour craquer sur cette chanteuse pop-rock country, à la voix et au physique fragile et irrésistible.

    Lillie Mae, Other Girls for That, Third Man records, 2019
    https://www.lilliemaemusic.com

    Voir aussi : "O'Brother"

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  • L’expérience Jimi Hendrix en concept album

    Comment évoquer en images et en BD Jimi Hendrix ? Comment rendre sa mesure à une carrière fulgurante et à bien des égards révolutionnaire ? Car on a tendance à oublier que la carrière du guitariste et chanteur américain n’a duré que quatre années, au sein de son groupe The Jimi Hendrix Experience.

    Mattia Colombara (au scénario) et Gianluca Maconi (au dessin) proposent dans Jimi Hendrix-Requiem électrique un biopic sous forme de bande dessinée qui condense en 144 planches la vie de l’artiste né en 1942 à Détroit et mort à 27 ans après une surconsommation d’alcool et de calmants. Trop court sans doute pour développer tous les aspects de sa vie, mais suffisamment documenté pour proposer un récit qui a vocation à être "universel", comme le disent les auteurs. Les fans de Jimi Hendrix adoreront et les autres se passionneront pour la découverte ou redécouverte de celui qui est considéré comme l’un des plus grands musiciens et guitaristes du XXe siècle.

    Le lecteur replonge dans la vie brève mais passionnante d’un afro-américain, marqué par une vie familiale compliquée (il ne rencontre son père qu’à trois ans, après la démobilisation de celui-ci et la fin de la seconde guerre mondiale) et la découverte de la guitare à l’âge de quinze ans, qu’il apprend quasiment seul. Son début de carrière est chaotique : maigres cachets, petits clubs et groupes plus ou moins obscurs. Il finit par côtoyer quelques grands noms, avec plus ou moins de bonheur : Ike et Tina Turner, Little Richard ou Sam Cooke. Sa rencontre avec la mannequin Linda Keith lui permet d’approcher Chas Chandler, le bassiste des Animals, qui lui ouvre bien des portes.

    Une carrière marquée par la ségrégation et le racisme

    La suite, se sont d’autres rencontres – les Beatles, Paul McCartney et surtout Eric Clapton – mais surtout des concerts qui vont entrer dans les annales : les premières parties des concerts de Johnny Hallyday en 1966, le festival de Monterrey en 1967, Woodstock un an plus tard et l’Île de Wight l’année de sa mort, durant l’été 1970.

    Les auteurs ont choisi de s’approprier le nom du groupe du guitariste, pour proposer "un livre qui joue avec les règles de la bande dessinée comme Jimi jouait avec les structures musicales." Trois parties constituent cet album "concept", avec une introduction, un intermède (qui est aussi un hommage au 2001 : L’Odyssée de l’Espace de Kubrick) et un épilogue. Chacune des trois parties regroupe trois chapitres consacrés à des chansons de Hendrix : Woodoo Chile, Crosstown Traffic, Burning Of The Midnight Lamp, Castle Made Odf Sand, Fire, All Allong The Watchtower, Machine Gun, Hear My Train Coming et Woodoo Child (Slight Return). De ce point de vue, la lecture des notes des auteurs en toute de livre est intéressante pour comprendre leur démarche artistique. Au passage, l’ouvrage dépeint sans l’enjoliver cette période extrêmement riche, sans gommer ses travers : drogues, producteurs sans état d’âme et discrimination.

    Graphiquement, Gianluca Maconi a fait le choix du noir et blanc pour leur Jimi Hendrix-Requiem électrique. Un choix compréhensible, dans la mesure où la carrière de Hendrix a été marquée par la ségrégation et le racisme, y compris lorsque le chanteur était au sommet de sa gloire. Lors d’une interview, les auteurs lui font dire ce cruel constat : "Les blancs dansaient et s’amusaient en nous écoutant… Mais lorsque la musique s’arrêtait, on redevenait des déchets." Le message est poignant et renvoie bien entendu à une réalité toujours d’actualité. Il reste aujourd’hui son œuvre musicale exceptionnelle… et quelle guitare !

    Mattia Colombara & Gianluca Maconi, Jimi Hendrix-Requiem électrique
    éd. Graph Zeppelin, 2020, 144 p.

    https://www.facebook.com/GraphZeppelin
    https://www.jimihendrix.com/fr/biographie

    Voir aussi : "Clatpton, toujours debout"

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  • Furieux kurofune

    Cela fait longtemps que le manga a su gagné ses lettres de noblesse bien au-delà du Japon. S’essayant à tous les genres, les mangakas ont aussi investi le domaine de l’histoire : la preuve avec Funestes Vaisseaux du scénariste Wilson Michel Sean et de la dessinatrice Akiko Shimojima.

    L’histoire racontée dans cette bande dessinée, à la facture plutôt classique dans son découpage comme dans son dessin, raconte une période peu connue sous nos contrées : celle de la crise de l’époque Edo, dont l’un des épisodes les plus emblématiques fut la pression des Occidentaux, bien décidés à réitérer le même coup de force qu’ils avaient accomplis en Chine (les deux Guerres de l’Opium et le traité de Nankin). L’Asie est un territoire immense qui aiguise l’appétit des Russes, des Britanniques, des Néerlandais, des Français mais aussi des États-Unis, qui ne sont pas encore la grande puissance qu’ils seront quelques décennies plus tard, mais qu’ils aspirent à devenir : car tel est bien l’enjeu de cet épisode qui va traumatiser le Japon, autant qu’il va permettre de consolider une identité commune.

    En mai 1853, le contre-amiral américain Perry arrive avec trois navires au large des îles Ryuku. Ces "funestes bateaux noirs" ("kurofune") vont bientôt devenir l’obsession des Shoguns au pouvoir ? Perry est chargé par le Président américain Franklin Pierce d’exiger des droits commerciaux et l’installation de mandats commerciaux au cœur du Japon.

    Des conséquences incommensurables

    La jeune nation a des ambitions géopolitiques très gourmandes, et entend bien asseoir sa position, au détriment d’un pays, le Japon, d’autant plus tétanisé par l’agressivité du militaire que le pays est resté replié sur lui-même depuis deux siècles. Seul le port de Nagasaki est ouvert au commerce étranger. Dans ce contexte favorable pour lui et son pays, Perry menace de prendre de force la capitale Edo – future Tokyo. Bientôt, les trois navires arrivent dans la baie de la capitale japonaise. La période d’intimidation commence vraiment, et elle aura des conséquences incommensurables.

    Wilson Michel Sean (The Garden, The Minamata Story) et Akiko Shimojima (Les 47 Ronins, Les Secrets du Ninja) retracent un an d’un épisode important dans l’histoire du pays du Soleil Levant. Un gros travail de documentation autant que de scénarisation permet d’avoir ce manga à la fois passionnant, vivant et accessible. Akiko Shimojima électrise le récit grâce à un découpage des cases très cinématographique. Les traits des personnages sont expressifs et un soin particulier est donné aux décors et aux bateaux.

    Funestes vaisseaux se veut aussi une introduction au Crépuscule des Samouraïs, autre volume de cette collection consacrée à l’histoire du Japon en manga.

    Wilson Michel Sean & Akiko Shimojima, Funestes vaisseaux, éd. Graph Zeppelin, 2020, 192 p.
    https://seanmichaelwilson.weebly.com
    http://akiko2010.blogspot.com
    https://www.facebook.com/GraphZeppelin
    http://www.tabou-editions.com

    Voir aussi : "Merveilleuses artilleuses"

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  • Cours, Etsy, cours

    Unorthodox a été la série à succès inattendue de cette période de confinement. Une mini-série en réalité : avec quatre épisodes cette création Netflix n’impose pas un temps interminable de binge-watching. Là est sans doute l’une des raisons du succès d’Unorthodox. Mais pas que.

    À vrai dire, la série allemande avait tout pour faire fuir de nombreux spectateurs : le récit a priori aride d’un déracinement et d’une séparation, une plongée dans l’univers peu connu des hassidiques, des acteurs inconnus et le refus du spectaculaire.

    Esther Schwarz est Etsy, une jeune New-yorkaise élevée dans un milieu orthodoxe extrêmement pieux, si pieux que le respect des rituels juifs vire à l’obsession jusque dans la vie quotidienne. Etsy a été élevée par sa grand-mère et sa tante après la séparation de sa mère, Alex, partie vivre en Allemagne. Le père, lui, est incapable de l’élever. Alcoolique et aussi croyant que les autres membres de sa famille, il a laissé sa mère et sœur le soin de s’occuper de sa fille. Et s’occuper d’elle signifie surtout la marier.

    Sa famille lui trouve un homme, Yanky Shapiro, aussi respectueux des traditions qu’il peut être doux et très réservé. Mais les relations entre Esther et Yanky s’aggravent en raison de la pression sociale pour qu’elle devienne mère. Un an après les noces célébrées en grande pompe, Etsy décide de fuir pour rejoindre Berlin. Sa mère y vit toujours, mais entre les deux femmes les liens ont été coupés depuis longtemps, car Alex elle-même a dû se séparer de son mari peu de temps après la naissance d’Essther. Pendant ce temps, le rabbin de la communauté hassidique demande à Yanky de partir en Europe récupérer son épouse. Pour l’accompagner, on lui impose la présence de son cousin Moishe. Les deux hommes s'envolent pour Allemagne pour retrouver celle qui a fui leur communauté.

    Il faut la voir débarquer à Berlin, à la fois éblouie, fascinée et apeurée

    Unorthodox est l’adaptation du récit autobiographique de Deborah Feldman, The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots (2012). Pour raconter cette histoire d’une fuite et d’une libération, les showrunneuses ont insisté sur la construction intérieure d’Esty, se trouvant du jour au lendemain livrée à elle-même dans un monde qu’elle ne connaît pas. Il faut la voir débarquer à Berlin, à la fois éblouie, fascinée et apeurée. Une baignade, un concert de musique classique ou une soirée en boîte de nuit prennent des allures de découvertes ahurissantes et déstabilisantes. Esty y découvre à cette occasion l’amitié, l’amour, une vocation mais aussi la grisante incertitude de la liberté.

    Esther est interprétée par Shira Haas, impressionnante de bout en bout et littéralement métamorphosée lors de son arrivée en Europe. Elle endosse avec un naturel désarmant cette femme déracinée d'un milieu toxique et bien décidée à se battre pour exister. Mais cette quête pour son identité en cache une autre : celle d’une jeune femme juive se reconstruisant sur les lieux mêmes où la Shoah a pris corps. La série multiplie les références et les symboles de ce traumatisme : la fameuse baignade dans le lac en face de Wannsee (le lieu de la tragique conférence du 20 janvier 1942), la tête rasée d’Etsy, des conversations sur le nazisme et même une chemise rayée que porte un moment la jeune femme.

    On ne racontera pas la fin de cette série, qui fait d’un concours de musique la conclusion d’un récit intelligent et émouvant sur la liberté, les racines, le féminisme mais aussi la réconciliation.

    Unorthodox, mini-série dramatique allemande d’Anna Winger et Alexa Karolinski
    avec Shira Haas, Amit Rahlav et Jeff Willbursch
    une saison, 4 épisodes, 2020, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81019069

    Voir aussi : "Mando, l'autre Boba Fett"

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  • Les Formento, par un concours de Circonstance

    Par un concours de circonstances, je suis tombé sur les bien nommées Circumstance des Formento, grâce au site Rocky Girl.

    Les Formento, BJ et Richeille, est un couple à la ville et dans les arts, alliés dans une photographie élégante et exigeante, réconciliant création contemporaine et pop-art. Leurs clichés sont des mises en scènes savamment travaillées dans lesquelles se devinent l’influence du cinéma américain.

    C’est du reste aux États-Unis que les Formento ont posé leur valise à partir de 2009, pour cinq mois de pérégrination dans une Amérique irréelle, figée dans une époque qui pourrait se situer entre les années 50 et 70. Ils en ont sorti la série Circumstance : American beauty on bruised knees, appelée plus sobrement Circumstance.

    La crise des subprimes est passée par là

    La date de ce projet n’est pas anodine. En 2009, la crise des subprimes est passée par là. Les États-Unis sont à terre, démolis, empêtrées dans une remise en question traumatisante de leur american way of life et du libéralisme anglo-saxon. C'est cette occasion que choisissent les Formento pour se lancer dans un voyage passionnant, traversant 25 États et photographiant 50 femmes rencontrés par hasard, dans la rue ou sur Internet.

    Dans des paysages dévastés ou désertiques, pour ne pas dire post-apocalyptiques, le couple de photographes met en scène des modèles sublimes mais aussi esseulées, abandonnées et en attente de quelque chose ou de quelqu’un. Dans des poses maniéristes, ces femmes s’abandonnent, mélancoliques, bouleversantes et attachantes. En réponse à la crise économique, il semble qu’il y a cette crise existentielle qui n’est jamais apparue aussi prenante et aussi sexy que dans cette série de Circonstances. 

    http://formento2.com

    Voir aussi : "Baigneuse sortant des eaux"

    © Formento

  • Cons et néocons

    michael wolff,donald trump,steve bannon,ivanka trump,jared kushne,états-unis,maison blanche,tea party,néoconservateurs,essai"Un idiot entouré de clowns" : c’est le punchline en quatrième de couverture de l’essai qui a déstabilisé la Maison Blanche de Donald Trump. C’est à Michael Wolff, écrivain et journaliste américain que l’on doit Le Feu et la Fureur (éd. Robert Laffont), véritable réquisitoire contre le Président américain populiste, arrivé au pouvoir il y a à peine deux ans, à la surprise générale.

    Parlons justement de cette prise de pouvoir. Le 8 novembre 2016, Trump et son équipe s’apprêtent à laisser la Maison Blanche à Hillary Clinton : "Il ne va pas gagner! Ou alors, perdre c’est gagner." Cette défaite annoncée jusque dans l’équipe du candidat républicain sonne en réalité comme un triomphe et un gage de futures victoires : Trump pourrait devenir un véritable martyr politique et asseoir une popularité mondiale, sa fille Ivanka et son gendre Jared Kushner deviendraient des célébrités et permettraient de développer la marque Trump, Steve Bannon, l’idéologue, prendrait la tête du Tea Party et des néoconservateurs et le Parti Républicain retournerait à son fonctionnement habituel après cette parenthèse électorale – un véritable cauchemar pour leurs augustes représentants.

    Sauf que rien ne se passe comme prévu : lorsque après 20 heures les résultats tombent, les témoins croisent le futur Président désigné fantomatique. Quant à sa femme, Melania, elle est en larmes, "et ce ne sont pas des larmes de joie." Seul Banon semble être amusé par ce coup de poker incroyable qui voit accéder le plus improbable des candidats à la tête de la plus grande démocratie du monde.

    Steve Bannon est paradoxalement le personnage principal du récit vrai de l’accession au pouvoir du néocon "idiot" et arriviste qu'est Trump. Des chapitres entiers sont consacrés à ce véritable aventurier de la politique américaine qui a fait du Président son instrument pour faire triompher ses thèses d’extrême-droite et faire "crever la bulle du ‘gauchisme internationaliste...’"

    "Jarvanka"

    Un drôle d’instrument en vérité, car Trump se révèle, sans surprise, comme particulièrement retors à comprendre, voire à maîtriser lorsque la diplomatie exige du sang-froid. Le 45e Président américain s’avère être tout aussi atypique dans le paysage politique outre-atlantique que Bannon : capricieux, rancunier, insaisissable et atterrissant dans une Maison Blanche dont il ne comprend pas le fonctionnement.

    Autres personnages de cette saga présidentielle : le couple Ivanka-Jared, dénommés "Jarvanka, telle une entité unique. La fille et le gendre de Trump c’est la famille au pouvoir. Ils bénéficient d’un statut à part et de responsabilités étendues. Trump confie même à son beau-fils le dossier du proche-Orient. Vaste défi pour un tel néophyte ; mais Trump ne l’est-il pas lui-même ?

    Michael Wolff consacre de longues pages, bien documentées, à l’affaire russe, qui continue d’empoisonner la vie politique américaine. La question brûlante est posée : l’équipe Trump a-t-elle truqué les élections à l’aide des Russes ? La justice et les médias s’engouffrent dans cette affaire d’État. Le scandale pousse Trump à surréagir à coup de colères, de limogeages et de fake news.

    Le lecteur français a droit, dans Le Feu et la Fureur, à une véritable plongée dans l’Amérique politique américaine, au point parfois de se perdre au milieu de personnages publics ou médiatiques inconnus de ce côté-ci de l’Amérique. Un index permet, heureusement, de s’y retrouver, et l’on découvre un pays devenu comme fou et sans boussole depuis qu’un con et un néocon a pris la main sur la plus grande démocratie du monde, pour quatre ans – sinon plus.

    Au secours : les populistes sont au pouvoir !

    Michael Wolff, Le Feu et la Fureur, Trump à la Maison Blanche,
    éd. Robert Laffont, 2018, 370 p.