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Non, le patrimoine n’est pas réservé aux grands ! La preuve, avec m'opération "C'est mon patrimoine !", pilotée par le ministère de la Culture qui permet à des jeunes de 6 à 18 ans, éloignés de la culture, de découvrir le patrimoine durant les vacances scolaires. Y compris cet été.
Visites théâtralisées, jeux de piste, ateliers lecture, danse, circassien, performances ou encore pratique des arts numériques : les enfants ont l'occasion de s’approprier de façon inédite le patrimoine.
500 000 jeunes ont été accueillis depuis 2005 dans 300 lieux patrimoniaux, avec 300 projets pédagogiques, dont 50% inédits cette année. L’opération
Ça se passe à Nantes tout ce mois d’août à l’atelier d’artistes du collectif Bonus. Les artistes Olivier Garraud et Gianpaolo Pagni ont été réunis par la commissaire d’exposition Capucine Bas Lorillot pour l’exposition "Entre les lignes".
Le dessin : voilà l’art qui réunit ces créateurs. Le dessin et plus spécialement la ligne, car c’est le maître-mot de cette exposition présentant deux artistes contemporains à découvrir.
Qu’est-ce que le dessin a encore à nous dire ? Quelle place peut-il encore à voir dans un domaine dominé par la peinture, la sculpture ou la performance ? Une première réponse peut se se formuler ainsi : le dessin permet de formuler la pensée et de la matérialiser en y laissant une empreinte.
Olivier Garraud et Gianpaolo Pagni s’y emploient avec leur style propre mêlant humour, naïveté et réflexions sur notre société. Que l’on pense à la série d’Olivier Garraud, L’Office du dessin : ses noirs et blancs contrastés, la simplicité enfantine des traits et ses messages dévoilés, par exemple, dans ce dessin d’une mairie sur le fronton duquel apparaît une devise républicaine reformulée ainsi : "Rentabilité, efficacité, productivité".
"Rentabilité, efficacité, productivité"
Son aîné Gianpaolo Pagni, né à Turin mais vivant et travaillant en France, questionne la notion de mémoire à travers une technique singulière : le dessin au tampon. Le plasticien a travaillé sur des matériaux recyclés (notices de médicaments, livres scolaires anciens ou albums Panini) pour bâtir une œuvre qui peut se voir comme "une archéologie à la fois personnelle et collective". Gianpaolo Pagni ne s’arrête pas à une seule technique : il s'investit autant dans la peinture, l'installation ou l'édition. Sa pièce Wall Stamping Book n°1 est entrée cette année dans la Collection Farnesina, la collection d’art contemporain du Ministère des Affaires Étrangères d’Italie à Rome.
Cet été, à Nantes, c’est le dessin, dans sa forme la plus simple et la plus efficace, qui est en première ligne d’une exposition à découvrir. Dans un univers quadrillé empruntant à la bande dessinée et jouant sur un langage démystifié, Olivier Garraud et Gianpaolo Pagni investissent pour la première fois l’espace du Collectif Bonus de Nantes en mettant en lumière leur réflexion sur la société et leur histoire personnelle.
Ça se passe dans la Cité des Ducs de Bretagne cet été, du 6 au 27 août.
Olivier Garraud, L’Office du dessin, 2020, papier quadrillé, acrylique, format 21x29,7 Olivier Garraud, L’Office du dessin, 2020, numéro 205, papier quadrillé, acrylique, format 21x29,7 Gianpaolo Pagni, Fotoromanzo For Me, série, 2020, tampon sur papier, 21 x 29,7 cm Gianpaolo Pagni, Fotoromanzo For Me, série, 2020, tampon sur papier, 21 x 29,7 cm
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Paru en France en 2019, le manga de Jirô Taniguchi, Furari (éd. Casterman) a déjà 10 ans. Il a pourtant tout du classique à lire absolument.
Le postula de cette bande dessinée est pourtant des plus simples : au XVIIIe siècle, un homme arpente les rues, les quartiers et les parcs de la cité d’Edo (l’ex Tokyo) et compte patiemment et régulièrement ses pas. Son but ? Cartographier sa ville. Il désigne ainsi son projet à sa femme Eï : "Ces doux paysages japonais… Cette topographie naturelle je veux l’enregistrer minutieusement sur des cartes pour les générations à venir".
Jirô Taniguchi fait de cette mission de géographe et de scientifique non pas un récit historique mais une série de tableaux renvoyant à une vision shintoïste du monde : "Le milan", "Les cerisiers", "La tortue" ou "Les étoiles".
Certes, il est question de la mission officielle que cet arpenteur obtient de l’empereur : établir des mesures jusqu’à Hokkaido ("L’orage"), mission qui prend forme dans le dernier chapitre ("La neige") et au cours duquel Eï va tenir un rôle important. Pour autant, l’objectif de Jirô Taniguchi est de suivre les pas de cet arpenteur dont les marches à longueur de journée sont un prétexte à redécouvrir une cité qu’il connaît bien, à croiser des habitants : vendeurs sur les marchés, clients attablés au restaurant, pêcheurs à pied, enfants joueurs ou poètes dont Issa Kobayashi (1763-1828). Il est aussi beaucoup question de repas et de haltes dans de simples échoppes tokyoïtes, à l’instar de l’autre ouvrage de déambulation de Tanigushi, Le Gourmet solitaire.
"Je marche sans m’arrêter, j’avance sur mon chemin"
Furari (terme qui signifie en japonais "au gré du vent") est aussi et surtout un récit méditatif suivant les pas d’un homme autant scientifique que poétique. "Pourquoi ce qui n’était qu’un passe-temps m’a ainsi embarqué vers quelque chose de si important ?" se demande-t-il. Le spectacle de fourmis s’affairant autour du cadavre d’un lucane le fait s’interroger sur le sens de ses marches à longueur de journée pour un objectif qui lui est propre ("Je marche sans m’arrêter, j’avance sur mon chemin").
Le manga de Jirô Taniguchi frappe par son élégance, sa simplicité mais aussi la sophistication de son découpage (que l’on pense aux chapitres "La baleine" et "L’éléphant"). La figure de l’arpenteur est bien entendu centrale dans ce livre où il est autant question de chiffres que de ces petites choses du monde, que ce soit un flocon de neige, une libellule ou un milan.
C’est avec son trio Triple Roots que le saxophoniste Eric Seva a réalisé son album bien nommé Résonances. "Résonances", comme le rappel de sons venus de loin, aussi bien géographiquement que temporellement.
Il est vrai que ce nouvel album est une invitation au voyage autant qu’une ode au dépaysement. Que l’on pense au mystérieux et languide "Luz de Port Coton" et surtout à "Les roots d’Alicante" qui ouvre l’opus avec son jazz cool et soyeux, pour ce morceau frais comme un matin d’été et sachant s’encanailler.
Coloré et teinté de mélancolie
Pour cet album à la fois coloré et teinté de mélancolie ("Résonances"), le saxophoniste est accompagné par Kevin Reveyrand à la basse et Jean-Luc Di Fraya à la batterie et aux percussions.
Eric Seva et ses amis de Triple Roots ne prennent pas en otage l’auditeur : ils le prennent délicatement par la main pour une jolie déambulation ("Le village d’Aoyha"). Tout aussi globe-trotteur, "Green Landscapes" a ce je ne sais quoi de délicat dans ce jazz qui vient doucement caresser les oreilles.
"Canopée", qui vient conclure l’opus du saxophoniste, exprime une superbe mélancolie, comme un atterrissage après un long voyage. Et de jolies vacances.
Jusqu’au 23 août 2021, Arte propose en replay le documentaire Clélia Cohen consacré à un film mythique, Emmanuelle. Véritable "coup de tonnerre" dans la France post-gaulliste, le long-métrage réalisé par un illustre inconnu, Just Jaeckin, photographe de son état, provoque le scandale autant qu’une véritable révolution sexuelle dans un pays corseté, rigide et moraliste.
Le documentaire de Clélia Cohen, Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français, raconte la genèse de ce long-métrage qui n’aurait jamais dû exister, son tournage chaotique par une jeune équipe et le formidable succès pour un film qui aura eu la chance de sortir au bon moment, avec le succès exceptionnel que l’on connaît : 9 millions de spectateurs en salles et plus de 500 millions dans le monde en comptabilisant les diffusions à la télévision.
Un homme porte le film : le producteur Yves Rousset Rouard, jeune publicitaire ambitieux, non sans un côté "Rastignac" : lorsqu’il se lance dans le cinéma au début des années 70, c’est pour faire beaucoup d’argent avec peu de financements. Le succès du Dernier Tango à Paris le convainc de s’intéresser à l’érotisme et de tourner lui aussi un film sulfureux. Guy Sorman propose à son ami l’adaptation du roman Emmanuelle d’Emmanuelle Arsan, sorti en 1959. Voilà qui tombe bien : lorsque le jeune producteur commence ses démarches pour les droits du livres, ces droits optionnés sont libres depuis 15 jours et n’ont pas été renouvelés. L’affaire est conclue pour quelques centaines d’euros. Le coup du siècle.
Le plus dur reste à venir : financer et tourner le film. Le choix de Just Jaeckin pour la réalisation peut surprendre : l’homme est un photographe et pas cinéaste. Le projet d’Emmanuelle aurait-il fait peur ? Yves Rousset Rouard assume en tout cas sa décision : Just Jaeckin aura l’œil pour prendre en main l’esthétisme du film et "faire de belles images", à défaut d'être un conducteur d'acteur honorable. Son but est de faire de l’érotisme chic : une sorte de Lui sur grand écran. Le documentaire d’Arte s’arrête sur le recrutement d’Alain Cuny parmi les rôles principaux. Bertolucci avait fait appel à Marlon Brando pour Le Dernier Tango à Paris ? Le producteur décide qu'Emmanuelle devra avoir elle aussi sa "star" : ce sera Alain Cuny, un nom prédestiné pour un film érotique, souligne, amusée, une spécialiste.
L’acteur, plus habitué à Claudel qu'à des productions érotiques soft, accepte – sans l’assumer vraiment – le contrat. Il est pour autant cocasse de penser que ce n’est pas pour cet acteur important du cinéma et du théâtre que l’on retient Emmanuelle mais pour la quasi inconnue Sylvia Kristel, une mannequin néerlandaise d’une vingtaine d’années. Le documentaire s’arrête longuement sur l’actrice, littéralement phagocytée par ce qui sera le rôle de sa vie : elle frappe par modernité, ses cheveux courts, sa féminité, sa sensualité et son look androgyne atypique et ultra-moderne qui n’est pas dans les critères de l’époque. C'est la vraie grande découverte des créateurs du film culte et ce qui va asseoir la popularité d'une œuvre scandaleuse portée par une inconnue.
La "star" Alain Cuny, un nom prédestiné pour un film érotique
Le documentaire décrit les affres du tournage incognito en Thaïlande avec une jeune équipe restreinte pendant 6 semaines et qui prend ce voyage pour des vacances. Just Jaeckin, inexpérimenté et souvent désabusé, doit tenir des engagements impossibles avec un budget serré et des acteurs aussi novices que lui : que l’on pense à une scène à cheval avant laquelle Sylvia Kristel avoue qu’elle n’a jamais monté de sa vie. Le film évoque aussi l’aventure de la scène la plus sulfureuse du film – celle de la cigarette.
En juin 1974, contre toute attente, le film connaît un succès prodigieux : on vient voir le film en couple ou entre amis et les tours operateurs prévoient même une sortie au cinéma pour permettre aux touristes étrangers de voir Emmanuelle sur grand écran. Le triomphe assure la fortune du producteur qui, grâce à son flair, a déjà prévu de tourner une suite.
Emmanuelle serait-il un film comme un autre ? Les interviewés répondent que non : il s’inscrit dans la révolution sexuelle des années 70 et propose une nouvelle lecture des rapports amoureux : féminisme, lesbianisme, expressions du désir féminin ou relations de couples. Mais un autre aspect est abordé dans le documentaire : celui de l’esthétisme qui a été dès le départ un facteur majeur du projet. Le look de Sylvia Kristel est abordé mais aussi d’autres éléments visuels qui ont influencé des graphistes comme Delphine Cauly. Elle parle de "choc graphique". N’oublions pas non plus le fameux fauteuil en rotin, paradoxalement très discret dans le film mais devenu un élément iconique.
Il reste la plus triste histoire de ce film : Sylvia Kristel, elle-même. Elle ne se remettra jamais complètement de ce rôle d'Emmanuelle qui l’a habitée jusqu’au bout, en dépit de ses rôles suivants. Elle est certes devenue un modèle et un sex-symbol mais son destin a un goût amer, comme s’il fallait qu’elle aide à "libérer les femmes en s’enfermant pour toujours".
Le documentaire proposé par Arte, Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français, est disponible en replay jusqu’au 23 août 2021. Quant au magazine Première Classics, il propose dans son numéro de juillet 2021 une passionnante enquête sur le film : "Emmanuelle : les secrets inavouables d'un film cul(te)".
Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français, documentaire français de Clélia Cohen, 2020, 53 mn, Arte, jusqu’au 23 août 2021 Emmanuelle, comédie érotique française de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel, Alain Cuny, Marika Green et Christine Boisson, 105 mn, 1974 https://www.arte.tv/fr/videos/094507-000-A/emmanuelle-la-plus-longue-caresse-du-cinema-francais "Emmanuelle : les secrets inavouables d'un film cul(te)", Première Classics, juillet 2021
Alexandre Monteiro, alias Hopare, est tout l’été invité exceptionnel du centre de shopping Westfield Forum des Halles à Paris. L’artiste plasticien propose au public une fresque immense sur le sol du Patio Pina Bausch.
Hopare revient ici à sa discipline première le Street Art, à travers un visage, son thème de prédilection : le visage.
L’artiste a commencé à se mettre au travail le 21 juin dernier. Il a pris possession du sol du Patio Pina Bausch, sous la canopée. Sa fresque coloré occupant plus de 250 m² prend la forme d’un visage féminin, que l’on imagine venant du bout du monde. L’œuvre est visible tout l’été par les Parisiens et les voyageurs de passage jusqu’à la rentrée.
Le mystère plane sur l’identité de ce personnage, mais à vrai dire l’essentiel est ailleurs : Le centre Westfield Forum des Halles a décidé de faire proposer cette œuvre d’art à son public : "Après de longs mois de séparation, nous avions à cœur d’offrir aux Parisiens une occasion de se retrouver autour d’une expérience culturelle et artistique hors normes !" déclare Jeremy Desprets, directeur du centre commercial des Halles.
Un personnage inattendu domine le polar de Sylvain Matoré,À l’abri du mal (éd. Le Mot et le reste) : c’est la nature et en particulier le massif pyrénéen.
L’intrigue se passe dans un coin reculé de cette région, dans la vallée de la Himone où coule la Lisette. On sera bien en peine de trouver trace de ce cours d’eau sur Google Maps, mais à vrai dire ce n’est pas ça le plus important.
Au milieu de la nature sauvage, une usine a été construite, une forge devenue un atelier de tissage puis, au XXe siècle une entreprise spécialisée dans le lait, Laely. Pour ses activités, les rejets toxiques sont devenus monnaie courante, des pratiques illicites mais faites en toute discrétion. Jusqu’au jour où le cadavre d’une femme est retrouvé sur la rive de la Lisette, non loin de l’usine en question. Sur le corps de la jeune femme, en sous-vêtements déposés non loin de là, on découvre des traces de brûlures au troisième degré. Les soupçons se portent très vite sur l’entreprise agroalimentaire, et en particulier sur son directeur, le cynique et ambitieux Jean-Paul Lanteau.
L’enquête, menée par la gendarmerie locale et deux agents vaillants mais peu habitués à ce genre d’affaires, font monter la pression sur l’industriel et le personnel de l’usine dont Abdel, un employé parti refaire sa vie dans les Pyrénées après quelques sales coups et un tour en prison de quelques années. Le coupable idéal. Sauf que ce dernier, ainsi que sa compagne Mélanie ne s’en laissent pas conter. Persuadés que c’est du côté de la direction de Laelys qu’il faut chercher la cause de la mort, ils montent une opération punitive contre celui-ci grâce à un autre couple, Marco et Angèle.
Simenon pyrénéen
À partir de la découverte d’un corps trouvé au pied d’une usine, une "malfaisante", Sylvain Matoré s’intéresse aux habitants d’un village perdu : un notable industriel, un ouvrier venu de la région parisienne au passé peu reluisant, un couple de baltringues, sans compter tous ces personnages secondaires pris volontairement ou non dans une histoire mêlant crimes, écologie, vengeance et pulsions.
En Simenon pyrénéen, Sylvain Matoré semble se désintéresser du meurtre de cette jeune femme qui, "à première vue… s’était baignée au mauvais endroit, au plus mauvais des moments." Son attention se porte plutôt sur la petite société de ce coin enclavé. Les habitants, nous dit l’auteur, sont d’abord dépendants de cette nature impressionnante, pour ne pas dire intimidante : "Les constructions humaines sont plus modestes, mais l’harmonie et l’équilibre y règnent, conséquences du respect des habitants pour la nature… Ici, les hommes n’ont jamais eu la prétention de faire une compétition de la beauté avec la nature, ils savent que ce serait perdu d’avance".
La mort de cette jeune femme est d’autant plus un choc dans ce village peuplé de gens modestes qu’il semble que la cause en soit une usine, construite comme un défi à la nature.
On peut lire À l’abri du mal comme un polar écologique, un sous-genre en vogue en cette période où l’environnement est dans tous les esprits. Sauf que Sylvain Matoré brouille les pistes en passant d’un personnage à un autre : la mort d’une jeune femme innocente devient le prétexte à une opération de pieds nickelés qui va vite montrer ses limites, pour ne pas dire qu'elle va s'avérer vaine et destructrice à bien des égards.
Personne n’est réellement à sauver dans cette histoire dense et crépusculaire où "les cols et les pics se tirent la bourre". Face aux éléments, aux montagnes, à une rivière insaisissable et à une vallée semblant vivre en autarcie, l’homme se révèle dans toute sa cruauté, son égoïsme, ses penchants et, finalement, son animalité naturelle.
Étrange album : avec Pelerinaj, Érol Josué transporte l’auditeur du côté des Caraïbes dans une musique mêlant avec bonheur world , électro, pop, chanson, jazz… et vaudou haïtien.
Oui, vaudou. Car Érol Josué, chanteur, danseur, conteur, chorégraphe, anthropologue mais aussi prêtre vaudou ("houngan"), fait de son opus aux 18 titres un vrai pèlerinage (d’où le titre de l’album) dans un pays riche, coloré, bruyant, complexe mais aussi blessé. C’est ainsi que l’on doit comprendre le titre créole "Je suis grand nèg" qui est aussi le chant d’un haïtien portant la voix de son peuple et des cinq piliers de ses souffrances : division, colonisation, division, évangélisation et corruption.
À l’image de ce pays, c’est le syncrétisme musical qui domine dans cet album riche, solide et cohérent. Syncrétisme car la place du religieux est bien présent, que ce soit dans les chœurs de "Mitolo", dans l’harmonium de "Pèlerinaj fla vodou" ou encore dans cette reprise folk et créole de l’"Ave Maria" de Gounod ("Palave Maria").
Chanteur, danseur, conteur, chorégraphe mais aussi prêtre vaudou
Érol Josué a pris son temps pour cet album personnel a plus d’un égard. La voix du chanteur s’envole avec grâce ("Badji") tout en se jouant de tous les registres : douleur ("Je suis grand nèg"), retenue ("Tchèbè tchèbè"), tendresse ("Avelekete"), sans jamais renier les traditions musicales haïtiennes ("Kafou", "Kase tonèl").
Le travail sur les sons est remarquable dans cet opus balançant sans cesse entre traditions et modernité. Pour "Gede Nibo" c’est du côté du jazz que s’aventure Erol Josué dans une musique métissée qui ne fait pas l’impasse sur les sons caribéens. "Sim goute w" est sans doute aussi le meilleur exemple de cette pop-folk teintée de musique traditionnelle… à moins que ce ne soit l’inverse. Quant à "Ati sole", on est dans cette musique vaudou mâtinée de sons rock, au service de l’identité haïtienne. L’électro n’est pas en reste ("Rèn sobo","Ati sole"), pas plus que ces recherches de sons inattendus, que ce soit des riffs de guitares ou des claquements de fouets ("Erzulie").
L’auditeur s’arrêtera assurément sur le morceau "Kwi a". Tout est là : l’efficacité de l’orchestration, le texte en créole et les percussions irrésistibles de justesse et de subtilité. Envoûtant, Pelerinaj l’est jusqu’aux dernières notes de "Kase tonèl", aux rythmiques envoûtantes. Sans oublier ces chœurs qui font toute la richesse d’un album bigarré, dense et ambitieux.