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Pas si frivole que ça

Reynaldo Hahn est partiellement tombé dans l’oubli. Voilà pourquoi l’enregistrement du Dieu bleu par Les Frivolités Parisiennes (b.records) prend tout son intérêt. Pour ce ballet en un acte crée en mars 1912, le compositeur français né au Venezuela en 1874 (et décédé à Paris en 1947) a composé une musique typique de sa réputation de mélodiste raffiné, attaché aux harmonies et à contre-courant du modernisme qui a vu naître la musique contemporaine au début du XXe siècle.

Dès les premières notes du Prélude, nous sommes bien dans un esprit typique de la musique française de la Belle Époque : harmonique, onirique et fortement influencée par Debussy (que l’on pense au passage éloquemment intitulé Clair de lune). Reynaldo Hahn s’y meut avec grâce, pour ne pas dire magnificence.

Le Dieu bleu était au départ une commande de Serge Diaghilev pour les Ballets Russes sur un argument de Cocteau. L’histoire s’apparente à un conte oriental et pittoresque, que ne manque pas de refléter la musique de Hahn (Première danse, Danse des porteuses d’offrandes et des musiciennes). Sur un argument assez classique – une histoire d’amour impossible entre une jeune femme et un prêtre voué à la religion et que le Dieu bleu va autoriser et accepter de bénir – le compositeur imagine une musique à la facture classique et aux inspirations orientales, l’histoire étant sensée se passer dans une Inde fantasmée. 
Les spectateurs et spectatrices de 1912 ont été à l’époque convaincus par la qualité de la composition somme toute assez académique et n’étant pas sans rappeler le Shéhérazade de Nikolaï Rimski-Korsakov (Danse des Bayadères du Lotus). Reynaldo Hahn peut bien faire des concessions au modernisme dans un but expressionniste (Danse des Yoghis), il n’en reste pas moins vrai que son opus a bel et bien été éclipsé par ces autres ballets révolutionnaires que furent Petrouchka, L'Oiseau de feu ou le Sacre du Printemps dans les mêmes années.

Son œuvre a été éclipsée par ces autres ballets révolutionnaires que furent Petrouchka, L'Oiseau de feu ou le Sacre du Printemps

L’orchestre de 70 musiciens et musiciennes des Frivolités Parisiennes, que dirige Dylan Corlay, se pose en découvreur d’une œuvre qui n’en reste pas moins dense, intelligente et sensible. Romanesque et romantique aussi (Scène de la jeune fille), mais non sans moments tragiques, à l’instar de celui de La Colère des prêtres qui fait basculer l’histoire du couple. Pensons aussi aux apparitions fantasmagoriques de Monstres et démons.

On ne sera paradoxalement pas dépaysé par ce ballet à la facture classique – les mauvaises langues utiliseront le terme "académique" – dont l’enregistrement public (à la Cité de le Musique et de la Danse de Soissons, en septembre 2023) présente l’avantage de sortir le Maestro Reynaldo Hahn d’un injuste oubli. Le musicologue Christophe Mirambeau parle dans le livret d’accompagnement de l’album de "l’incroyable modernité" du compositeur. Soulignons aussi qu’il s’agit d’une œuvre attachante dans sa simplicité (Le miracle, La déesse paraît).

Le moment phare du ballet reste la danse éponyme du Dieu bleu. Le morceau séduit par sa richesse harmonique et par ses riches teintes orientales, poétiques à souhait. La musique de Reynaldo Hahn ne dépareillerait pas dans une bande originale de film actuel. Alors, parler d’auteur dépassé ? Oublions cela. L’ensemble des Frivolités parisiennes mettent à l’honneur une partition solide, raffinée et non sans originalité (L’enchantement divin), certes avec cet exotisme oriental typique de l’époque. Pour ne rien gâcher, ce conte dépaysant se termine avec un happy end, où l’amour des deux jeunes gens peut se vivre au grand jour (Les amants se réunissent) sous le regard des dieux (L’escalier d’or et la montée du Dieu). Une vraie belle curiosité. 

Reynaldo Hahn, Le Dieu bleu, Les Frivolités Parisiennes,
dirigé par Dylan Corlay, b•records, 2025

https://www.b-records.fr/le-dieu-bleu
https://reynaldo-hahn.net/Html/balletsDieuBleu.htm
https://lesfrivolitesparisiennes.com

Voir aussi : "4 voix désirables"
"Loïe Fuller sur les pas de Salomé"

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