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science-fiction - Page 4

  • Bon sang ne saurait mentir

    Débarrassons-nous pour commencer de ce qui fait la singularité a priori du film Possessor : le réalisateur, lui-même. Le nom de Brandon Cronenberg ne vous est certainement pas inconnu : il s’agit ni plus ni moins que du fils de David Cronenberg, le cinéaste de Crash, de La Mouche ou d’ExistenZ. Voilà qui situe déjà le personnage, à bonne école s’agissant de films fantastiques un tantinet barrés.

    Les fils ou filles de sont légion dans le milieu du cinéma et, comme souvent, sans cracher sur les avantages d’être intégrés dans un milieu et d’en connaître les codes, le rejeton ou la rejetonne décide la plupart du temps de "tuer le père" (ou la mère) en choisissant un univers diamétralement opposé (que l’on pense à Francis Ford Coppola et à sa fille Sofia).

    Or, la singularité de  Brandon Cronenberg c’est qu’il a choisi de suivre le même chemin artistique que son père : une science-fiction dystopique dans lequel le corps humain est trituré jusqu’à devenir déviant. Un choix qui a porté a priori chance à Brandon Cronenberg puisque son deuxième long-métrage, Possessor, a obtenu le Grand prix du Jury au dernier Festival international du film fantastique de Gérardmer.

    Le corps humain est trituré jusqu’à devenir déviant

    Bon sang ne saurait mentir, donc, et ce n’est pas rien de le dire. Dans un futur proche, Tasya Vos (Andrea Riseborough) est une agente un peu spéciale, chargée de se débarrasser physiquement de personnes, au terme d’un contrat signé avec une agence gouvernementale. Sa couverture est imparable : une technologie lui permet d’endosser le corps d’une tierce personne qui se charge de la sale besogne. Pour une de ses missions ultra-secrète, elle prend possession du corps du petit ami de la fille d’un riche homme d’affaire. La mission ? Tuer le beau-père. Sauf que rien ne se passe comme prévu et la mission se transforme en carnage.

    Les fans de Cronenberg trouverons dans le Possessor de Brandon Cronenberg un peu de l’ADN de son père : milieux inquiétants, personnages torturés et corps mis à contribution, ce qui n’est pas sans soulever le cœur et vous donner des sursauts. On appréciera les images et les effets spéciaux proches de l’abstraction, avec un travail remarquable sur les gros plans (la photographie est de Karim Hussain).

    Dans cette réflexion sur la déshumanisation, cela ne surprendra personne que les personnages apparaissent éthérés et lointains – si l’on excepte la scène intimiste avec la famille de Tasya.  Brandon Cronenberg, derrière cette dystopie horrifique, parvient à laisser passer un message sévère autour des nouvelles technologies et des sociétés de surveillance. 

    Voilà qui fait de Possessor un film d'horreur réussi et intelligemment fait, quoiqu'un peu clinique. 

    Possessor, thriller horrifique anglo-canadien de Brandon Cronenberg,
    avec Andrea Riseborough, Christopher Abbott, Jennifer Jason Leigh,
    Tuppence Middleton et Rossif Sutherland, Canada et Roy, 2020, 105 mn, Canal+

    https://www.possessormovie.com
    https://festival-gerardmer.com/2021

    Voir aussi : "Montagnes russes"

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  • Lorsque la réalité dépasse la science-fiction  

    Intelligences artificielles, robots, voyages dans l’espace, extraterrestre, fins du monde ou utopies environnementales : voilà les sujets traités par Ariel Kyrou pour son dernier livre, Dans les Imaginaires du Futur (éd. ActuSF), sorti cette année, terminé et publié alors que la planète connaissait sa première grande pandémie mondiale. Une actualité dont l’auteur ne se prive pas de faire référence, comme un pied de nez à ses réflexions sur les récits imaginés par nombre d’auteurs de SF, de films, de BD ou de séries a priori d’abord destinés au seul divertissement.

    Précisions d'emblée que les imaginaires dont parle l'auteur concernent d’abord la science-fiction. La fantasy est laissée de côté (si l’on excepte la place laissée à Game of Thrones), notre auteur ayant choisi finalement de parler d’anticipation, du futur et de réflexions sur notre monde et sur le futur.

    En quoi les imaginaires peuvent nourrir nos réflexions sur l’avenir de l’espèce humaine et de la terre ? Voilà l’objet de l’essai d’Ariel Kyrou, constitué de 5 grandes parties et d’une conclusion de 30 pages. À cela, s’ajoute ce que l’auteur appelle une "volte-face d’Alain Damasio", qui est en réalité, n'en déplaise à l'auteur, moins un contre-point à l’essai qu’une sorte de préface en plein milieu de l’ouvrage.

    Fort de sa culture immense, comme l’écrit Alain Damasio, Ariel Kyrou "ne cherche pas l’exhaustivité" en proposant un ouvrage encyclopédique, mais il s'évertue à raconter des récits de SF – souvent mâtinés de fantastiques – permettant de déchirer le rideau de l’imaginaire et "désincarcérer le futur". À ce sujet, il faut évoquer la brillante analyse du roman Je suis une légende de Richard Matheson et de ses adaptations cinématographiques.

    "L’imaginaire n’est ni positif ni négatif par lui-même", annonce-t-il, avant de préciser que son livre "n’oppose pas la raison à l’imaginaire, la quête rationnelle du « vrai » aux mensonges de ces « histoires » que nous racontent les pouvoirs asservissants." C’est d’abord sur une définition – ou plutôt des définitions – de l’imaginaire que s’attaque d'abord Ariel Kyrou, déroulant des réflexions sur les idéologies, les utopies et les dystopies. En quoi la science-fiction peut-elle avoir sa place dans le réel, et plus précisément dans l’anticipation – à l’instar de la Red Team de l’Agence de l’Innovation de Défense (AID) ?    

    Le deuxième chapitre de l’essai s’intéresse aux "créations technologiques" et au progrès, en abordant des thématiques très courantes dans la SF : l’intelligence artificielle, la "singularité technologique", le tout numérique, l'autonomie des machines ou les dérives prométhéennes des géants des nouvelles technologies – avec notamment des passages importants consacrés à Elon Musk (SpaceX). L’auteur considère que c’est "cette alliance entre des projections fictionnelles et la recherche scientifique qui constitue l’essence de ce qu’on appelle l’IA." Une telle considération amène naturellement l’écrivain à cette figure légendaire et inquiétante qu’est HAL, de 2001 L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick, tant progrès et déclin humain semblent être indubitablement liés. 

    "Retour sur terre"

    Voilà qui nous mène à l’une des parties les plus sombres du livre, "fins du monde" (chapitre III). C’est la "pluralité des effondrements" qui intéresse d'abord Ariel Kyrou : virus et contagion (l’écriture du livre a singulièrement couru pendant la crise sanitaire), destructions des écosystèmes, stérilité (La Route), dérèglement climatique et bouleversements sociaux (Le Transperceneige) amènent à des tableaux littéralement apocalyptiques et post-apocalyptiques. Et là, Ariel Kyrou a cette mise en garde : que "la fiction post-apocalyptique" ne soit pas "idéologique, voire réactionnaire" et que le "demain, après le cataclysme, [ne soit pas] une caricature de l’hier." Dit autrement, le futur peut-il être "la continuation sans surprise du présent" ? Des auteurs répondent par la négative grâce à des apocalypses originaux et délirants : J.G. Ballard, Philip K. Dick ou, plus récemment, Liu Cixin dans Le Problème à trois Corps).

    A contrario, pour l’auteur, "les fictions de fin du monde, ou plutôt de fins de notre monde, nous permettent de travailler nos peurs, même peut-être de les convertir en actions politiques, en espoirs et en pistes pour d’autres façons de vivre."  En bref, "un désir collectif de recommencer à zéro".

    Une section est consacrée à des thèmes que la SF a largement abordés et "imaginés" : les extraterrestres, la conquête spatiale (largement "ancrée dans la vieille logique productiviste. Capitaliste. Extractiviste" est-il écrit), la conquête de Mars (vue sous sa dimension imaginaire, pour ne pas dire délirante) et l’articulation entre Dieu et la vie extra-terrestre. Avec cette question finale bien plus capitale qu'il n'y paraît : est-il vraiment opportun et surtout prudent d’envoyer un salut amical aux aliens ? Est-ce bien raisonnable d’avoir la tête dans les étoiles ? s'interroge encore Ariel Kyrou, qui écrit ceci : "Le souci du sol et de nos interactions avec les agents de Gaïa ne s’oppose pas, mais au contraire se marie à merveille avec l’exploration des étoiles.

    "Retour sur terre" donc pour la dernière section du livre consacrée justement à Gaïa, dans laquelle le spécialiste réunit "imaginaires de l’écologie et de la technologie." Dans ce chapitre V, à la fois plus engagé, plus sombre et plus complexe, Ariel Kyrou dépasse le thème de l’imaginaire pour aborder celui de des utopies, non sans l’utilisation de termes qui pourront dérouter pas mal de lecteurs et lectrices : "entropie", "néguentropie", "luddite", "homo-ingénierie" ou "biotopie." L'imaginaire prend ici véritablement corps grâce à des réflexions autour des utopies et des dystopies, avec ces questions fondamentales à se poser : "Qu'est-ce qui est souhaitable et qu'est-ce qui ne l'est pas ? " Dans cette dernière partie, l'auteur se risque à l'engagement : "L'utopie peut d'un même élan contribuer à la réinvention de concepts comme l'argent ou le travail selon d'autres principes, plus solidaires dans leurs mécanismes mêmes."

    Cela ne veut pas dire pour autant que l’auteur veuille tisser un scénario pour le futur, ni faire des prophéties de Cassandre : "Ballard nous rappelle que ni l’enfer ni le paradis ne sont pour demain, pas plus que ne le sont le rêve transhumanisme et son miroir inversé, la fin du monde, que nous vivons d’ores et déjà au quotidien." La réalité frappe à la porte de cet essai qui a pour épicentre l’imaginaire et le futur. En abordant ces événements que sont les accidents nucléaires de Tchernobyl ou de Fukushima ou bien encore le projet social et alternatif de ZAD à Notre-Dame-des-Landes, Ariel Kyrou entend "désincarcérer le futur"  et le rendre perméables à notre présent. Et de nous prévenir au sujet des avertissements sombres liés à l’environnement : "Notre planète n’est guère menacée à très long terme… [Mais] pour nous, microbes humanoïdes qui nous agitons sur son corps pluriel et imprévisible, c’est une autre histoire."

    Ariel Kyrou, Dans les Imaginaires du Futur, éd. Actusf, coll. Trois Souhaits, 2020, 621 p.
    https://www.editions-actusf.fr/a/anonyme/dans-les-imaginaires-du-futur
    @ArielKyrou

    Voir aussi : "Les veilleurs immobiles"
    "Quand la science-fiction chinoise s'éveillera"

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  • Dans la zone

    Depuis plusieurs mois, on l’attendait. – Quoi ?– Le retour de Twilight Zone. La Quatrième Dimension a fait les beau jours de la télévision depuis 1959 et a marqué des générations de spectateurs. Rod Steiger, créateur et narrateur concis et froid, présentait des épisodes tour à tour fantastiques, incroyables, facétieux et troublants, parvenant à chaque fois – ou presque – à dérouter des spectateurs scotchés devant ces petits bijoux, ne dépassant souvent pas les 25 minutes. La série américaine s’offrit même le luxe de s’offrir quelques stars : Buster Keaton, Lee Marvin, Mickey Rooney, Robert Redford, Dennis Hopper, Leonard Nimoy, Charles Bronson, Agnes Moorehead, Patrick Macnee, Martin Landau, Roddy McDowall ou Peter Falk.

    Il y a eu dans les années 80 une nouvelle version, cette fois en couleur et avec une voix off venue d’outre-tombe. Avouons-le : la magie n’opérait plus. Une Treizième Dimension, diffusée au début des années 2000, plus discrète encore, ne marqua pas plus les esprits, malgré la présence de Forest Whitaker en narrateur. La version en noir et blanc de Rod Steiger continuait à être la référence considérée comme indépassable. Cette année, nous apprenions que Twilight Zone revenait, avec cette fois Jordan Peele (Get Out, Us, la série Fargo) dans le rôle du narrateur, apparaissant au début et à la fin de chaque épisode. Quelles surprises allaient nous proposer ce nouveau Twilight Zone ? 

    Pour cette saison proposée par CBS, 10 épisodes sont proposés, avec le même ADN : des scénarios alambiqués, une intrigue se terminant par une chute spectaculaire ou étonnante et des personnages perdus dans une réalité qui perd soudain pied, sans oublier la bande originale reprise pour les génériques de début et de fin et le célébrissime thème de Jerry Goldsmith.

    Sans oublier le célébrissime thème de Jerry Goldsmith

    La première saison de la série propose dix histoires mystérieuses et parfois terrifiantes de gens ordinaires perdus dans une autre dimension, faite tour à tour de rêves, de cauchemars ou de folies. Un humoriste sans talent se voit proposer un talent soudain et irrésistible mais à un prix très élevé. Un passager apprend en détail par un podcast que l’avion où il est embarqué va s’écraser. Une femme noire va essayer de déjouer un destin cruel grâce à un caméscope aux étranges pouvoirs. En Alaska, une policière se trouve nez à nez avec un voyageur pendant la nuit de Noël. Un conseiller un communication suit un jeune garçon, persuadé qu’il peut devenir le futur Président. Quatre astronautes sont en toute vers Mars sans doute au plus mauvais moment. Une jeune femme est témoin d’une pluie de météorites aux conséquences incroyables… Voilà quelques épisodes proposés, pouvant séduire ou non, avec des mention spéciales pour Cauchemar à 30 000 pieds pour son ton grinçant, au formidable Replay, interprété de main de maître par Sanaa Lathan et à Pas tous les hommes, efficace, engagé et lorgnant avantageusement du côté de Stephen King.

    Le racisme, le populisme, le féminisme, les menaces qui pèsent sur la planète, la bioéthique ou la soif de célébrité : finalement c’est de notre monde et de nous que parlent ces épisodes fantastiques, tout comme la guerre froide, l’apocalypse nucléaire ou les OVNIS (qui ne sont cependant pas absents de la version de Jordan Pelle) étaient des thèmes abordés dans les épisodes des années 60.

    Ces dix voyages entre rêves et cauchemars, malgré quelques ratés (Six degrés de liberté) sont à découvrir en ce moment. Bienvenue dans la quatrième dimension. Forcément mémorable.

    The Twilight Zone, série de science-fiction et fantastique de Jordan Peele
    saison 1, 2019, sur Canal+

    Voir aussi : "Fallait-il une nouvelle adaptation du Nom de la Rose ?"

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  • Années après années

    Il fallait bien une série pour proposer une fiction d’anticipation qu’est Years and Years. Sur six épisodes, cette création britannique, créée conjointement par la BBC et HBO, suit une famille sur plusieurs années, dans une Grande-Bretagne qui s’apprête à tomber sous la coupe d’une dangereuse populiste. De 2019 à 2034, les Lyons vivent les petits et les grands moments de leurs existences. Les tragédies du monde viennent leur rappeler que leur cohésion familiale risque d’être mise à mal dans un pays tombé sous la coupe de dirigeants dénués de tout scrupule.

    Years and Years déroule patiemment les heurs et les malheurs de citoyens lambda, dont la cohésion, l’originalité, pour ne pas dire la douce folie, semblent inaltérables. Il y a d’abord le joli couple formé par Stéphen et Celeste (formidables Rory Kinnear et T’Nia Miller), à l’existence dorée. Il y a Danny (Russell Tovey), le frère idéaliste et à la joie de vivre communicative. Il y a la grand-mère Muriel (Anne Reid), jouant le rôle de matriarche insubmersible depuis l’abandon de parents, dont on apprendra quelques éléments parcimonieusement dévoilés au fur et à mesure de la série. Edith Lyons (Jessica Lynes) ne fera son apparition que plus tardivement, mais son rôle va devenir essentiel à la série. Et puis, il est impossible de ne pas parler de Lydia West dont le personnage de Bethany, d’abord relativement discret, constitue l’une des inventions scénaristiques les plus incroyables.

    Mélange de Donald Trump, de Viktor Orban et de Marine Le Pen

    Tout ce petit monde se croise, discute (beaucoup), s’aime, se taquine, s’interroge sur son avenir, échafaude des projets, rêve ou désespère : une famille – presque – ordinaire, quoi, découvrant grâce à la télévision et Internet une personnalité publique haute en couleurs, Vivienne Rook, jouée Emma Thompson dans un de ses rôles les plus hallucinants. Cette politicienne, à la tête d’un modeste parti populiste, allie la provocation, la fausse connivence, les discours démagogiques et les coups d’éclat pour arriver au pouvoir. Ce mélange de Donald Trump, de Viktor Orban et de Marine Le Pen avance ses pièces dans un pays miné par la crise, le Brexit, les incertitudes liées au climat, les migrations et des technologies de plus en plus envahissantes. Sans rien spoiler, le spectateur devine très vite que Vivienne Rook ne restera pas éternellement cette politicienne reléguées aux marges de la politique.

    Years and Years capte avec attention et avec une rare sensibilité et les grandes mutations du monde contemporain : populisme, dérèglements climatiques, intelligence artificielle, révolution biotechnologique ou transhumanisme sont développés sous la forme d’une fiction d’anticipation qui nous touche car elle parle aussi de la vie quotidienne d’une famille qui pourrait être la nôtre. Les scénaristes développent l’ampleur de ces changements à travers une dystopie prenant l’allure d’un drame familial. C’est à la fois malin, passionnant et ambitieux. Car jamais, même en parlant de transferts génétiques, de transhumanisme ou de conflit nucléaire Years and Years ne tombe à côté de la plaque. Tout paraît si plausible que le spectateur en sort remué.

    Le dernier épisode, sans aucun doute le plus passionnant pour sa tension dramatique, se termine par un immense point d'interrogation, augurant une deuxième saison tout aussi captivante. 

    Years and Years, série d’anticipation de Russell T. Davies, avec Emma Thompson,
    Rory Kinnear, Russell Tovey, T'Nia Miller, Jessica Hynes,
    Ruth Madeley, Anne Reid et Jade Alleyne
    Grande Bretagne, saison 1, six épisodes, 2019

    Actuellement sur Canal+
    https://www.bbc.co.uk/programmes/m000539z

    Voir aussi : "Deus ex machina"

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  • Un frigo intergalactique

    Le moins que l'on puisse dire est que L’‎Œil du frigo sait faire montre d'une grande ouverture d'esprit, car après un billet sur Don Camillo en Russie cette fois c'est Le Cinquième Élément de Luc Besson qui a droit aux faveurs de notre spécialiste ès frigo au cinéma.

    Bonjour à tous, les petits voyeurs du frigo. Alors là, cette semaine, on a du lourd : la version frigo du Cinquième Élément... Brrr, ça fait froid dans le dos...

    On se dit qu'à cette époque, les frigos tous connectés seront pleins et achalandés comme il se doit, avec un gars qui viendra vous livrer à jour fixe tout ce que vous avez déjà ingurgité. Ben non! La preuve est là, si on se fie au fabricant du futur : le frigo sera vide.

    Si on associe le mot "immonde" prononcer par Bruce, avec l'ouverture du frigo on a là tout l'intérêt du réalisateur pour cet objet. C'est pas bien, M. Besson de ne pas aimer les frigos ! D'autant que dans ce cas là, les barquettes n'ont pas de logo, il y a vaguement quelque chose de pourri dedans. Quant à mettre des corn-flakes au frais, on est en pleine science-fiction : c'était peut être l'idée du film. À y regarder de plus près, ce ne sont pas des corn-flakes, mais des Gemini, une sorte de gâteau du futur en forme de vaisseau intergalactique, avec une boite moche et sans doute un cadeau à gagner dans la boîte - comme à l'époque du paquet Bonux (les digitals natives, vous pouvez sauter ce passage, il n'est pas pour vous). Encore un assistant réalisateur qui a placé là ses souvenirs d'enfants.

    Bon revenons au film, je plains le cameraman qui, enfermé dans le frigo, fait un plan de bas en haut pour nous montrer ces barquettes vides. Bravo ! Surtout que, d'après cette scène, on comprend que c'est assez petit chez Korben Dallas ("Dallas moultipass..." : les initiés comprendront).

    Heureusement, la gueule de Bruce est là : cicatrice à l'épaule et cigarette à l'envers. Rien que lorsqu'il met en place le café, dans cette machine du futur, on est dans le film.

    Alors, je vous le dis : non "le cinquième élément" n'est pas en gestation dans le frigo : on aurait eu un indice, j'en suis sûr. Besson aime parfois jouer les finauds, alors il va falloir voir le film. Pour les curieux, Luc accouche pour nous le livrer, ce secret, vers la fin du film...

    ODF

    Le Cinquième Élément, film de science-fiction de Luc Besson, avec Bruce Willis, Milla Jovovich, Ian Holm, Gary Oldman et Chris Tucker, 1997, 126 mn

    Voir aussi : "L’‎Œil du Frigo débarque sur Bla Bla Blog"
    "Le Cinquième Élément et son Frigo"
     

     

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  • 2001 a 50 ans

    2018 marque les 50 ans de mai 68. Mais cette année, le cinéma fête le cinquantenaire d’une autre révolution, cinématographique celle-là. C’est en effet le 2 avril 1968 qu’est sorti aux États-Unis 2001 : L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick. Rappelons que Bla Bla Blog avait consacré par le passé un hors-série sur ce cinéaste exceptionnel. Cette fois, nous ferons un focus sur ce film de science-fiction majeur à travers le passionnant essai de Roberto Lasagna (2001 : L’Odyssée de l’Espace, éd. Gremese), complet et richement illustré.

    Il y a cinquante ans tout pile, donc, sortait ce fameux 2001, film de SF spectaculaire autant que fable métaphysique sur la destinée humaine. Réflexion géniale, travail cinématographique à la perfection rarement égalée, coup de poing visuel et véritable révolution artistique, c’est peu de dire que Stanley Kubrick a réussi là un coup de maître qui fait que 2001 n’a jamais vieilli. Le réalisateur disait de ce film qu’il le considérait comme son plus réussi : "J’ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne l’entendement et ses constructions verbales, pour pénétrer directement l’inconscient avec son contenu émotionnel et philosophique. J’ai voulu que le film soit une expérience intensément subjective qui atteigne le spectateur à un niveau profond de conscience, comme la musique."

    Roberto Lasagna spécialiste et critique cinématographique italien consacre tout un essai à 2001 : L’Odyssée de l’Espace. Il en explique la genèse, la fabrication, l’histoire et en fait une exégèse qui ravira les cinéphiles et spécialement les amoureux de Kubrick. L’auteur rappelle à quel point le huitième film du réalisateur américain a marqué à plus d’un titre. Pour la première fois, en effet, Stanley Kubrick entend, après le succès de Docteur Folamour, ne plus être dépendant des studios hollywoodiens. Il vit désormais en Angleterre et choisit les studios londoniens de la Metro-Goldwyn-Mayer qu’il transforme en véritable laboratoire pour créer un film de science-fiction qu’il veut d’un réalisme absolu.

    La plus ahurissante ellipse du cinéma

    Mais à ce réalisme du décor et des vaisseaux spatiaux vient répondre un discours scientifique pointu et pensé avec Arthur C. Clark (sa nouvelle écrite pour l’occasion, La Sentinelle). 2001 est aussi un manifeste au langage cinématographique époustouflant de créativité, cette "sémantique des images" dont parle Roberto Lasagna : le fameux monolithe noir, l’os devenu arme préhistorique se transformant en navette spatiale dans la plus ahurissante ellipse du cinéma, le personnage et supercalculateur HAL ou la dernière séquence psychédélique jusqu’à l’apparition du fœtus astral.

    Roberto Lasagna revient de manière très pertinente sur le contexte de la SF en 1968 : à ce titre, 2001 sera le premier véritable film de space-opera doté d’effets spéciaux réalistes : "Grâce à une rigueur scientifique nouvelle pour l’époque, Kubrick souhaitait prendre ses distances des space operas des années cinquante dont la crédibilité était proche de zéro. Afin d’éviter que les planètes et les vaisseaux spatiaux ne ressemblent à des maquettes à petite échelle, il fit fabriquer de grands modèles avec une précision méticuleuse, puis les filma avec une caméra Panavision 65mm qui permettait une très haute définition."

    Délaissant le langage des dialogues au profit de l’écriture visuelle ("46 minutes de dialogues sur les 139 de la durée totale du film"), Kubrick ne fait cependant pas de son 8e film une simple œuvre spectaculaire. L’émotion et l’éblouissement sont bien au cœur de son film. Mais ce qui le caractérise 2001 est une ambition philosophique et métaphysique : "La machine narrative – en réalité presque une non narration – n’est pas seulement belle à contempler : c’est une machine significative, où l’observateur, comme l’astronaute Bowman, sont invités à se poser des questions. Après tout, le cadrage de l’os qui se transforme en vaisseau spatial – le raccord le plus célèbre du film et peut-être de toute l’histoire du cinéma – exige un effort d’interprétation spécifique."

    Un trip sans LSD

    Arthur C. Clark et Stanley Kubrick interrogent l’intelligence humaine et artificielle, la persistance des instincts, le culte de la technologie, le destin de l’espèce humaine ou le concept de vérité et de révélation, comme le conceptualise brillamment Roberto Lasagna.

    Au-delà de la première séquence, "À l’aube de l’humanité," celle sur la lune ou celle de l’affrontement entre HAL et ses collègues astronautes humains, le spectateur qui découvre 2001 restera sans doute d’abord marqué par le dernier voyage de David Bowman vers Jupiter, "un trip sans LSD" comme le remarque malicieusement l’auteur et aussi, cinématographiquement parlant, "une union impensable entre cinéma expérimental et cinéma grand public…"

    C'est dans cette dernière partie du film, sans doute, que divergent le plus les interprétations : voyage dans le passé ou le futur ? Macrocosme ou microcosme ? Visions de Bowman ou de son double ? Réflexion phénoménologique sur la perception ? On peut saluer dans l’essai de Roberto Lasagna les références artistiques éclairant les intentions de Kubrick : Ivan le Terrible de Eisenstein, le Christ du Jugement dernier de Michel-Ange ou Ulysse de James Joyce : "Comme chaque chapitre du plus grand roman du XXe siècle est écrit dans un style particulier, le film de Kubrick semble être un voyage dans l’histoire du cinéma, qui commence par le muet (la partie préhistorique africaine), se poursuit par la comédie musicale (les vaisseaux dansant la valse de Strauss), et arrive au parlant (la partie faite de dialogues qui a pour protagoniste le scientifique Floyd), il revisite divers genres à la façon de la science fiction (le duel David/Hal n’est-il pas le passage biblique du défi David/Goliath ?) et se termine par un morceau lysergique de pur cinéma underground."

    Un argument supplémentaire pour voir et revoir 2001 : L’Odyssée de l’Espace, et le redécouvrir grâce au regard affûté et passionné de Roberto Lasagna.

    Roberto Lasagna, 2001 : L’Odyssée de l’Espace, éd. Gremese,
    coll. Les meilleurs films de notre vie, 96 p. avril 2018

    2001, L'Odyssée de l'Espace (2001 : A Space Odyssey) de Stanley Kubrick, avec Keir Dullea, Gary Lockwood et William Sylvester, Etats-Unis, 1968, 139 mn

    "Hors-série Kubrick"

  • Cherche communicateur Star Trek, neuf ou peu servi, pas sérieux s'abstenir

    Spotern : Voilà un site qui devrait fortement intéresser pléthore de professionnels mais aussi de fans, nourris et marqués par des œuvres cultes telles que Star Wars, Harry Potter, Le Prisonnier ou Le Seigneur des Anneaux.

    Disons-le d'emblée : limiter Spotern à une plate-forme pour fanbase est limitatif. En réalité, ce site mi-communautaire mi-commercial pourra être utile à quiconque voudra faire sensation auprès de ses amis, ses collègues ou encore sa famille, et tout passionné désireux de s'offrir un accessoire ou vêtement légendaire.

    L'univers de Spotern est celui de la télévision ou du cinéma. Vous rêvez de porter la veste en cuir d'Han Solo dans l'épisode VII de Star Wars ? Le site vous conduira vers la boutique en ligne Sky Seller qui propose une réplique vendue pour la modique somme de 168 $. Envie de vous replonger dans Autant en Emporte le Vent ? Vous pouvez vous offrir pour 44 $, chez Museum Replica, le "chapeau barbecue" de Scarlett O'Hara. Plus proche de nous, les fameux gants en cuir de Ryan Gosling dans Drive vous coûteront 44,50 £ chez Woords of Shropshire. Fans de Star Trek, la réplique du mythique communicateur – en Bluetooth – vous reviendra pour la bagatelle somme de 149,50 $ sur le site de Shop Star Trek ou 52,56 $ chez Amazon : avec ça, les les possesseurs du dernier iPhone pourront se rhabiller.

    Et si vous cherchez désespéramment la toupie d'Inception, une réplique de la bague de Gatsby / Leonoardo di Caprio, le blouson de Marty McFly (Retour vers le Futur) ou une copie du globe terrestre dans Le Dictateur, vous pouvez encore faire appel à la communauté de Spotern. Le site promet d'être une caverne d'Ali Baba pour fans de séries autant que pour accessoiristes, stylistes, cinéphiles ou cosplayers de tout poil.

    Grâce à un système participatif, les membres de la communauté peuvent créer un "spot" afin de signaler le site marchand vers lequel un objet culte peut être acheté – avec une commission à la clé.

    Mieux que Le Bon Coin, Spotern promet d'être le site des aficionados de tout poil. Au fait, qui a un communicateur Star Trek chez lui ?

    http://www.spotern.com

  • Quand la science-fiction chinoise s’éveillera

    Je sais ce que vous allez dire : s'inspirer, pour le titre de cette chronique, de l’ouvrage d’Alain Peyreffite, Quand la Chine s’éveillera... le monde tremblera, est facile. Pourtant, cette accroche illustre parfaitement la "longue marche" de la république sino-communiste pour s’installer dans des domaines où elle était jusque-là absente, sinon invisible. Et parmi ces domaines, il y a la science-fiction. À bien y réfléchir, quoi d'étonnant dans un pays où la conquête spatiale est devenue depuis quelques années l'une des priorités du pays de Mao ?

    Un roman illustre cette intrusion dans la SF. En publiant le premier tome de sa saga Le Problème à trois Corps, le romancier Liu Cixin ne se contente pas de rafler une pléthore de récompenses (les Nebula Awards ou Xing yun, et surtout le Prix Hugo) : il donne à la science-fiction chinoise une reconnaissance mondiale et contribue à renouveler ce genre. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai. En 1989, en pleine révolution avortée – et sanglante – de Tien-an-men, Cixin avait écrit Chine 2185, roman cyberpunk chinois interdit mais distribué sous le manteau. La revue spécialisée Perspectives chinoises, dans un numéro consacré à la science-fiction chinoise (Fictions utopiques et dystopiques en Chine contemporaine, 2015), y voit un ouvrage fondateur, à la fois engagé, inventif et provocateur, "au carrefour du roman politique fantastique et de la science-fiction." Le premier tome du Problème à trois Corps prend avec un contre-pied passionnant la question de la survie planétaire : dans une galaxie lointaine, la civilisation trisolarienne vit ses derniers temps. Elle met en place un plan pour venir coloniser une planète habitable, la terre. L’engouement pour ce cycle en trois volumes a secoué le petit milieu de la SF et promet de ne pas retomber car une adaptation cinéma est déjà en préparation.

    Justement, parlons ciné et SF. Le numéro de décembre 2016 de Mad Movies, le magazine spécialiste du cinéma fantastique, présente un dossier éloquent sur l'interventionnisme et l'influence de la Chine à Hollywood, y compris dans le domaine du cinéma fantastique et dans la science-fiction. Le journaliste Alexandre Poncet parle des enjeux économiques énormes comme des règles que les décideurs chinois imposent aux blockbusters. Les créateurs du Ghostbusters version 2016 ont appris à leur dépend qu'on ne met pas impunément en scène des fantômes dans le pays de Confucius. De même, le comité de censure communiste a passé à la moulinette des superproductions comme Suicide Squad ou Terminator Genesys. Les producteurs américains ou européens font le dos rond face à un pays au marché gigantesque et au pouvoir économique indéniable. Mad Movies cite par exemple le rachat par le groupe chinois CIH de 75 % des parts de Framestone, spécialiste des trucages (Gravity, Harry Potter ou Les Gardiens de la Galaxie). En 2016, Wanda Group a acquis pour 3,5 milliards de dollars Legendary Entertainment, producteur de Pacific Rim, Jurrasic World ou encore la dernière trilogie Batman. Quant à Marvel, il fait les yeux doux au public chinois en lui offrant une version longue d'Iron Man 3 – agrémentée d'une séquence en mandarin. Serions-nous dans une époque charnière ? On peut sans doute le penser : après "les premiers flirts" et la phase d'interventionnisme économique, la Chine pourrait bien jouer des coudes pour imposer sa griffe dans la SF – et le cinéma en général. Le film le plus cher du cinéma chinois, La Grande Muraille, avec Matt Damon dans le rôle principal, sort d'ailleurs en ce moment. Dans la science-fiction, la production n'en est qu'à de timides débuts. Fin 2016, est sorti Mad Shelia, furieusement pompé sur le tout dernier Mad Max. Un frémissement qui pourrait être annonciateur d'autres productions.

    Mais l'autre audace de la SF chinoise pourrait bien venir d'un autre domaine : l'Internet. L'un des succès les plus étonnants est l'auteur à succès Tang Jia San Shao (Zhang Wei, pour l'état civil), qui a reçu le coup de force de devenir millionnaire grâce à la publication sur le net de ses romans de fantasy. Son secret ? Vendre les droits de ses créations et de ses contenus (un concept chinois inédit, l'IP) pour le cinéma, la télévision ou le gaming. Les revenus directs de la consultation en ligne de ses œuvres ne représentent que 2 à 3 % de ses revenus. Mais la stratégie juridico-artistique de cet auteur de 35 ans lui permet aujourd'hui de drainer autant de revenus qu'un Stephen King ou qu'un George RR Martin, excusez du peu ! Et voilà l'ambitieux écrivain en ligne, auteur d'œuvres à succès dans son pays (Douluo Dalu ou Child of Light, quasi inconnues en Europe) rêvant de bâtir un empire à la Disney. Rien que ça ! En attendant, Tang Jia San Shao est le visage de cette littérature en ligne, souple, populaire, interactive mais aussi parfois frustrante. L'écrivain chinois admet en effet que beaucoup de romans proposés sur Internet sont des œuvres incomplètes. Tang Jia San Shao ne cache toutefois  pas sa satisfaction d'avoir su faire de sa passion pour l'écriture un tremplin qui pourrait l'amener loin. Lorsque la science-fiction et la fantasy chinoise s'éveilleront, celui-ci pourrait bien en être l'une des figures de proue.

    SinoSF, blog consacré à la science-fiction chinoise
    Liu Cixin, Le Problème à trois Corps, éd. Actes Sud, 2016
    Brice Pedroletti, "Premier du genre", in Le Monde, 11 novembre 2016
    "Mad in China", in Mad Movies, décembre 2016
    Amy Qin, "Making Online Literature Pay Big in ChinaMaking Online Literature Pay Big in China", in New York Times, 11 novembre 2016
    Wuxiaworld.com