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science-fiction - Page 3

  • Pouvoir pour les femmes

    Le moins que l’on puisse dire c’est que Flore Cherry nous prend à contre-pied avec son premier roman Matriarchie (éd. la Musardine). Alors oui : la journaliste, chroniqueuse radio spécialiste des questions sexuelles, créatrice du salon de la littérature érotique et des "Écrits polissons" est dans son domaine de prédilection avec un roman faisant la part belle au sexe, au féminisme et aux rapports entre hommes et femmes. Elle est aussi publiée chez son éditrice favorite, La Musardine, spécialiste historique de la littérature érotique exigeante et engagée. Ceci étant dit, il faut souligner l’audace de l’auteure avec ce roman que l'on peut qualifier de science-fiction, qui ressemble à peu de livres connus et qui risque bien de secouer le lecteur.

    Nous parlions de féminisme. C’est bien le thème central de Matriarchie, un mot qui est bien évident à rapprocher de la patriarchie, ces gouvernements et autorités uniquement détenus par des hommes. Flore Cherry imagine justement une revanche des femmes dans un futur relativement proche.    

    Imaginez, nous dit en substance l’auteure, que la France soit, en 2100, une "matriarchie". Les femmes ont pris le pouvoir sous la pression de mouvements féminismes. Elles ont surtout été bien aidées par une opération de communication et de manipulation "pour faire passer l’envie aux hommes de voter" lors des Présidentielles de 2022, et ce grâce à des parties fines organisées à des fins politiques. Lors de cette année politique et historique, la France bascule dans un nouveau régime, une matriarchie, donc.

    En 2100, une Présidente est chef de l'Etat. Elle se nomme Éléonore et pousse sur le devant de la scène Diane Maurepas. De nouvelles élections présidentielles approchent et un parti concurrent, le Parti Familial, dirigé par Fernand Fuego, entend bien mettre fin à la matriarchie à l’œuvre dans le pays. 

    Un récit où la science-fiction et l’anticipation ont toute leur place

    Mais en quoi consiste cette matriarchie précisément ? C’est là que tout le talent de Flore Cherry s’exprime, à travers un récit où la science-fiction et l’anticipation ont toute leur place. Les femmes sont au pouvoir et ont proposé aux hommes, avec succès, de se défaire librement de leurs droits civiques afin de pouvoir accéder aux "Maisons des plaisirs", des bordels institutionnalisés, fréquentés par des hommes comme par des femmes - qui les dirigent. Parmi les responsables de ces maisons closes d’un nouveau genre figure Athéna Sollipe, l’une des personnages-clés du roman.

    Outre cette tenancière et la figure montante Diane Maurepas, deux hommes, Matrior Marcel, un domestique ("matrior") au service de la politicienne et Fernand Fuego, futur candidat aux Présidentielles, sont les autres voix du récit. Soulignons ici l’ironie de l’auteure qui choisit des prénoms de déesses grecques pour ses héroïnes (Athéna, Diane) et deux prénoms, disons d’un autre âge pour être gentil, pour ces hommes (Fernand, Marcel).

    La multiplicité des points de vue sert à merveille la fluidité du roman alternant luttes politiques pour le pouvoir, histoires d’amour pour le moins contrariées, étreintes épicées et destinées parfois cruelles, à l’image du parcours pathétique (dans tous les sens du terme !) de Marcel, ancien haut-fonctionnaire devenu homme à tout faire, chauffeur et nounou, devant se séparer de sa patronne Diane et surtout de la fillette dont il s’occupe et dont il est attaché.

    Les scènes d’alcôves sont autant de prétextes à mettre en scène les rapports de force entre hommes et femmes, comme des réflexions sur la normalisation sexuelle et la place de la sensualité. Flore Cherry réserve quelques surprises à Diane et Fernand, dans une fin plus ouverte que jamais.

    Avec Matriarchie, Flore Cherry apporte un vent de fraîcheur à la littérature de SF, en y insufflant un souffle sensuel et érotique incroyable, tout en parlant d'amour, avec justesse. L’auteure connaît son sujet et on peut la suivre les yeux fermés lorsqu’elle nous guide par la main dans les couloirs de l’ex-magasin de La Samaritaine, devenue cette luxueuse maison de plaisirs où les orgies ont toute leur place.

    Mais derrière ces scènes où le sexe peut parfois être triste, il y a un discours réfléchi sur le féminisme et sur la place des hommes et des femmes. Athéna l’exprime ainsi : "Matriarchie n’était pas conçue pour que ce genre d’émotions circule librement, sans pouvoir en tirer avantage. Ils avaient tout normalisé : ils m’avaient transformée en poupée et ils l’avaient transformé en client… Ce monde avait tué notre amour."

    Flore Cherry, Matriarchie, éd. La Musardine, 2022, 224 p.
    https://www.lamusardine.com
    https://m.facebook.com/flore.cerise
    https://www.union.fr
     
    Voir aussi : "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"
    ”J’incarne en quelque sorte « la maîtresse d’école »”

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  • Goldorak, go !

    "Accours vers nous, prince de l'espace, Viens vite, viens nous aider. Viens défendre notre terre, elle est en danger…" : beaucoup d’entre vous aurons reconnu l’un des génériques de Godorak, la série phare de la fin des années 70. Par la suite, le robot mythique né au Japon allait devenir en France un véritable phénomène de société et lancer la mode du manga.

    C’est (presque) sans surprise que ce soit précisément de France que renaisse Godorak et consorts – Actarus, Vénusia, Alcor et autres Phénicia – à travers une bande dessinée imaginée et scénarisée par Xavier Dorison et parue aux éditions Kana. Trois autres auteurs rendent hommage à l’œuvre mythique de Gō Nagai :  Denis Bajram, Brice Cossu et Alexis Sentenac. Trois amoureux du "merveilleux robot" et "chevalier solitaire", dont Actarus est autant le pilote que l’alter-humain – ou plutôt "alter extra-terrestre", puisque le Prince d’Euphor est un réfugié sur terre après une guerre et un génocide sur sa planète.

    Grâce à la magie de la BD, la série animée Goldorak qui se déroulait à la fin des années 70, reprend vie quelques années plus tard… à notre époque. Les héros, que ce soit Vénusia, Alcor, Mizar, le professeur Procyon, Rigel ou Banta se sont pour la plupart dispersés et perdus de vue. Quant à Actarus et Phénicia, ils ont quitté la terre pour rejoindre leur planète d’origine. Évidemment, Goldorak est parti avec eux. Mais lorsqu’un Golgoth, appelé Hydragon, fond sur la terre – plus précisément sur le Japon – c’est la panique. Goldorak paraît être la seule parade contre cette nouvelle attaque de l’Empire de Vega. Sauf que cela fait depuis des années qu’il est à des années-lumière de la planète bleue. 

    Splendeur visuelle

    Un revival est toujours un exercice à haut vol. Comment faire revivre un héros mythique que la mémoire et la nostalgie ont figé dans une sorte de formol ? Le risque de trahison est à très haut risque.

    Or, le pari est réussi pour cette BD qui marque le retour du héros géant, de son pilote Actarus, du fougueux Alcor et de la douce Vénusia. On oubliera le petit souci chronologique concernant Rigel : l’action se passe dans les années 2010-2020, ce qui rendent les souvenirs de cet ancien soldat de la Guerre du Pacifique peu probables.

    C’est bien là le seul point faible d’un roman graphique qui puisse ses références graphiques dans le manga, comme il se doit. Les fans de Goldorak retrouveront notamment les célèbres batailles et armes de guerre du géant d’acier : "Atolargue.. Astérohache… Pulvonium… Achiléochoc..."

    Mais là où les scénaristes se montrent malins et intelligents c’est dans le refus de tout manichéisme, y compris lorsqu’il s’agit de parler d’une civilisation extraterrestre destinée à annihiler la terre pour la coloniser. Actarus se dévoile en frère d’arme autant qu’en ennemi soucieux de garder une coexistence pacifique entre peuples ennemis. Le conflit va finalement se terminer de manière inattendue, dans une conclusion des plus ouvertes.

    Graphiquement enfin, ce Goldorak nouvelle génération est une splendeur visuelle, respectant les canons de la création de Gō Nagai  - c’était la condition sine qua non de cette aventure – tout en y insufflant une modernité de bon aloi. 

    Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu  et Alexis Sentenac, Goldorak, 2021, éd. Kana, 168 p.
    https://www.kana.fr/bd-goldorak-ledition-collector-limitee/#.YeUDM_7MKM9
    https://goldoraknostalgie.wordpress.com

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"

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  • La menace fantôme

    L’homme invisible, imaginé par HG Wells à la fin du XIXe siècle, vient d’avoir un nouvel avatar grâce au film de Leigh Whannell, sobrement intitulé : Invisible Man. L’excellente Elisabeth Moss (La Servante écarlate) est au cœur de cette aventure mêlant sciences et fantastique, dans lequel ce fameux homme invisible s’avère moins important que le parcours de sa compagne.

    Compagne ou plutôt ex compagne, car lorsque le film démarre, Cecilia Kass fuit le domicile conjugal et son mari Adrien Griffin. Grâce à la complicité de sa sœur Emily, elle se met à l’abri, chez un ami commun, James Lanier, où elle loge. L’avenir s’éclaircit pour cette femme harcelée par son mari lorsqu’elle apprend qu’Adrien s’est suicidé. Mieux, son testament l’informe que le mari violent, mais aussi scientifique renommé en optique, lui a laissé plusieurs millions de dollars.

    Or, quelques jours plus tard, elle se dit victime d’actes malveillants dont le coupable ne serait qu’Adrien, non seulement bien vivant, mais aussi invisible.

    Le film s’aventure moins vers l’horreur que vers le film de SF, voire vers le film de super-héros

    Leigh Whannell a choisi pour cette histoire d’invisibilité de s’intéresser à une victime, car ce scientifique apprenti-sorcier s’avère d’une perversité et d’une violence bien peu recommandables. Le film commence comme un thriller psychologique, distillant les effets grâce à des jeux de cadrages et de regards – ceux précisément d’Elisabeth Moss. Peu à peu, le film s’aventure moins vers l’horreur que vers le film de SF, voire vers le film de super-héros (ou plutôt anti-super-héros).

    À cet égard, Invisible Man est une rencontre inattendue entre le film hitchcockien, La Mouche ou Venom. En outre, dans cette période post-#Meetoo, le message adressé aux femmes battues et harcelées est évident. Cependant, les créateurs ont refusé le manichéisme en proposant une fin déstabilisante.  

    Les effets spéciaux se font discrets, ce qui les rend d’autant plus efficaces. On retiendra surtout le visage d’effroi de Cecilia Kass/Elisabeth Moss lorsqu’elle piège l’agresseur invisible grâce à un seau de peinture blanche.

    Une revisite inattendue du chef d’œuvre de H.G. Wells.

    Invisible Man, film fantastique américain de Leigh Whannell, avec Elisabeth Moss, Oliver Jackson-Cohen et Harriet Dyer, 2020, 125 mn, Canal+
    https://www.canalplus.com/sport/invisible/h/10309375_50001
    https://www.universalpictures.fr/micro/invisible-man

    Voir aussi : "Abominables additions"
    "Maîtres et servantes"

     

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  • Avant qu’il ne soit trop tard

    C’est une farce et une comédie noire qui fait le bonheur en ce moment de Netflix. Don't Look Up, de d’Adam McKay, sous-titré en français Déni cosmique, fait parie de ces films coups de poing destiné à réveiller les consciences. Pour ce long-métrage à gros budget, des stars se pressent au portillon : à côté de Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence, il faut citer la présence de Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Kid Cudi, Mark Rylance, Ron Perlman, Tomer Sisley et même Ariana Grande.

    Deux modestes astrophysiciens anonymes découvrent qu’une comète se dirige vers la terre. Si rien n’est fait, la terre sera percutée d’ici six mois, provoquant l’extinction de la vie sur notre belle planète. Une couse contre la montre commence pour éviter cette fin du monde annoncée. Les deux scientifiques battent le pavé pour prévenir les autorités et le public de la future catastrophe. Cette entreprise s’annonce vite comme des plus ardues. 

    Idiocratie

    À partir de ce qui s’apparente à une course contre la montre vitale, Adam McKay fait un portrait au vitriol d’une Amérique gangrenée par la futilité, les réseaux sociaux, les spécialistes en communication, les politiciens obtus, les médias obsédés par le divertissement, bref une idiocratie au pouvoir. À cet égard, la Présidente, jouée par une Meryl Streep déjantée en est un bel exemple. Et tout ce beau monde refuse de voir la catastrophe qui vient. 

    Les médias ne sont pas en reste. Car faute de trouver des oreilles intelligentes à la Maison Blanche, c’est vers une célèbre émission télé que nos deux astrophysiciens se tournent – qui sera aussi le début d’une improbable idylle avec la journaliste vedette, jouée par la formidable Cate Blanchett.

    On en oublierait presque la maléfique comète. Disons aussi que ce danger compte beaucoup moins que le message de Don't Look Up, cette histoire de "déni cosmique". Remplacez d’ailleurs "comète" par "réchauffement climatique" et vous aurez la clé de cette farce au rire grinçant. "Un danger mortel nous menace et où regardons-nous ?" semblent nous dire les auteurs du film.

    Le film n’est pas dénué de quelques faiblesses et longueurs. Il reste cependant d’une admirable force corrosive et donne à réfléchir. 

    Don't Look Up : Déni cosmique, comédie américaine de science-fiction d’Adam McKay,
    avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett,
    Timothée Chalamet, Kid Cudi, Mark Rylance, Ron Perlman, Tomer Sisley et Ariana Grande,
    2021, 138 mn, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81252357

    Voir aussi : "Flow de neige, de sons et de baisers"

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  • Taisez-vous, Mrs Dalloway

    Sorti un an avant Célestine du Bac, un ouvrage de jeunesse de Tatiana de Rosnay, son roman Les Fleurs de l’Ombre (éd. Robert Laffont/ Héloïse d’Ormesson) est en réalité le dernier qu’elle ait écrit à ce jour. Il est sorti en librairie en mars 2020, quelques jours seulement avant le début du Grand Confinement. Autant dire qu’éditorialement, ce livre a une histoire compliquée pour le faire simple. Mais c’est aussi un roman qui mérite d’être lu à la lumière des bouleversements environnementaux et sanitaires de notre société.

    Après une séparation tumultueuse avec son mari François, séparation dont le lecteur connaîtra les détails sordides en fin de roman, Clarissa Katsef, une auteure franco-britannique dont le succès est plus ou moins derrière elle, trouve un nouveau logement dans un appartement flambant neuf au cœur du 8e arrondissement d’un Paris traumatisé par un attentat. C’est une opportunité unique pour l’artiste qui a été choisie au terme d’une sélection rigoureuse menée par CASA, une obscure organisation.

    Voilà donc Clarissa, fraîchement célibataire, se retrouve entre les murs d’un appartement pourvu d’une domotique dernier cri, avec notamment une voix synthétique portant le nom de Mrs Dalloway (en référence à Virginia Wolf), chargée de veiller à ses moindres souhaits. Mais la vie de Clarissa devient assez rapidement angoissante. Elle sent dans ce lieu aseptisé que quelque chose ne tourne pas rond. Sauf que personne ne semble la croire, hormis sa petite-fille, Andy. Et ce n’est pas l’intervention régulière de Mrs Dalloway, son assistante personnelle, qui la rassure. En prenant contact avec quelques résidents de l’immeuble, Clarissa remarque que tous sont, comme elle, des artistes. Troublant. Au même moment, une mystérieuse étudiante, Mia White, la contacte. Elle se présente comme une admiratrice de son œuvre et souhaite la rencontrer.

    Tatiana de Rosnay avait déjà, dans un de ses précédents livres, Sentinelle de la Pluie (2018) fait de Paris une ville apocalyptique. Après la pluie et les inondations, c’est le soleil et la chaleur qui s’abattent impitoyablement sur la capitale des Fleurs de l’Ombre. Le monde subit les conséquences du dérèglement climatique et la nature est en train d’agoniser. La nouvelle thébaïde de Clarissa fait donc figure de havre sécurisant – en apparence cependant.

    Virginité mémorielle et artificielle

    Tatiana de Rosnay revient au thème central de son œuvre : la mémoire des lieux, d’autant plus qu’il s’agit également d’un sujet intéressant la protagoniste principale des Fleurs de l’Ombre. Sauf que l’appartement qu’occupe Clarissa n’a précisément pas de mémoire car il est neuf, et c’est justement cette virginité mémorielle et artificielle (artificielle comme Mrs Dalloway) qui perturbe l’occupante.

    Dans cette intrigue hitchcockien que Tatiana de Rosnay a bâti comme un roman de science-fiction à la Philip K. Dick, la romancière se fait encore plus sombre que dans ses livres précédents : dérèglement climatique, destructions de la nature, menaces technologiques, sociétés de surveillance et dangers planant sur les artistes. Il est singulier que ces sujets de préoccupation sont portés par une héroïne qui apparaît comme le double de l’auteure : "Élevée par un père britannique et une mère française, elle [Clarissa] était parfaitement bilingue. Elle avait deux langues d’écriture, et n’avait pu choisir l’une au dépend de l’autre". Cela ne vous rappelle personne ? 

    Il faut enfin mentionner que Tatiana de Rosnay a écrit Les Fleurs de l'Ombre simultanément en français et en anglais. Un roman qui est sorti peu de jours avant le déclenchement apocalyptique de la crise sanitaire. Un signe, sans aucun doute.

    Tatiana de Rosnay, Les Fleurs de l’Ombre,
    éd. Robert Laffont Héloïse d’Ormesson, 2020, 336 p.

    http://www.tatianaderosnay.com
    https://www.lisez.com

    Voir aussi : "Tatiana de Rosnay, son œuvre"
    "Des hommes, des eaux et des arbres"
    "Célestine et Martin"

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  • S’il vous plaît, rembobinez

    Le plus beau coup que pouvait faire Christopher Nolan au spectateur de Tenet est de le contraindre à rembobiner et revoir les aventures du protagoniste. Car visionner plusieurs fois ce long-métrage mémorable s’avère plus que nécessaire pour comprendre – un peu – les secrets de ce film mêlant espionnage et science-fiction et jouant essentiellement sur des retours-arrières temporels.

    L’histoire peut se résumer de manière la plus classique qui soit : le personnage principal (qui se nommera plus tard lui-même "le protagoniste"), joué par un impeccable John David Washington, est un agent secret. Lorsque le film commence, il est engagé dans une mission dangereuse lors d’une prise d’otage dans un opéra qui se termine dans la confusion et avec la mort de l’agent, torturé sans en avoir révélé des informations sur sa présence et sur son but. Une mort qui n’en est pas vraiment une puisque le protagoniste se réveille sain et sauf sur un bateau. Il apprend qu’il est recruté pour une nouvelle opération dont le code, qui est aussi le nom d’une organisation secrète, est "Tenet".

    Ce palindrome, au cœur de milliers de commentaires autour de ce film, cache un danger universel : une guerre mondiale infiniment dangereuse, provoquée ni par des armes nucléaires ni par des États terroristes mais par une technologie venue du futur capable d’inverser l’entropie. Pour faire simple, l’entropie est la qualité physique d’un objet d’aller dans un sens ou dans un autre. Le protagoniste a d’ailleurs pu voir une balle "inversée" manquer de le tuer lors de sa précédente opération. Pour dire les choses autrement, il semble que l’avenir ait déclaré la guerre à notre présent en raison d’une arme physique capable d’annihiler son passé et donc notre présent.

    Le spectateur aura besoin de quelques clés pour naviguer dans un film qui promet de rester dans les annales du cinéma

    Vous me suivez toujours ?

    Le protagoniste se lance sur la trace d’objets "inversés" que le futur a envoyé à notre époque grâce à des sortes de tourniquets – et que le spectateur pourra voir à l’œuvre. Un homme a la clé de cette mission : Sator. Véritable génie du mal, c’est lui qui manipule cette arme d’un genre nouveau grâce à sa maîtrise du temps. Son seul point faible est sa femme Kat (Elizabeth Debicki), approchée par le protagoniste, allié avec le mystérieux Neil – un Robert Pattinson vraiment au sommet. Elle et son jeune fils Max sont entre les griffes du mafieux russe qui tient entre ses mains pas moins que l’existence de l’humanité.

    Lors de la sortie de Tenet, Christopher Nolan – qui est aussi l’auteur du scénario travaillé pendant des années – a prévenu les futurs spectateurs qu’il fallait "ressentir" plutôt que de "comprendre" une histoire mettant en scène des agents secrets sans peur et sans reproche, un méchant absolu joué avec un plaisir manifeste par Kenneth Branagh, une arme fatale, des innocents empêtrés dans des intrigues insolvables et, the last but not the least, des personnages allant dans un sens ou dans l’autre, lorsqu’ils ne passent pas d’un présent à un autre.

    Il faut objecter au réalisateur que le spectateur aura besoin de quelques clés pour naviguer dans un film qui promet de rester dans les annales du cinéma. Rembobiner le film – et pas qu’une fois ! – peut s’avérer nécessaire pour savourer des indices parsemées ici ou là : les deux voix de chemin de fer entre lesquelles le protagoniste est torturé, la boucle rouge du sac à dos, un signe des mains, les références au carré Sator ou bien la présence de Neil, en complice obstiné.

    Pour ce long-métrage malin, intelligent et de très haute volée (Ludwig Göransson signe en plus une bande originale qui semble elle aussi se jouer du sens de la lecture), Christopher Nolan met le cerveau du spectateur à contribution, à telle enseigne que des théories, parfois très bien vues, se multiplient sur Internet. Je vous en ai trouvé ici et  ou encore là.

    Alors, je vous donne un ultime conseil : regardez, concentrez-vous, savourez, puis rembobinez.

    Tenet, espionnage et SF anglo-américain de Christopher Nolan, avec John David Washington
    Robert Pattinson, Elizabeth Debicki et Kenneth Branagh, 2020, 150 mn
    https://www.tenetfilm.com
    https://www.warnerbros.com/movies/tenet

    Voir aussi : "Homme fatal"

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  • Fantasque, fantastique et Fantask

    Fantask, dont le premier numéro est sorti chez nous ce mois de juin, est la version française du mythique magazine américain de bande dessinée créé en 1969. Le premier numéro français, sorti le 28 mai dernier et disponible ce semestriel, se veut à la fois précis, sérieux, moderne, dérangeant et engagé. Il entend aussi élargir le sujet en balayant aussi bien la BD que le cinéma, la littérature, la musique et la culture en général. Un vrai magazine pop, en sorte, qui ne pouvait qu’intéresser Bla Bla Blog. Un magazine avec une vraie personnalité, et qui le revendique comme le dit à sa manière l’éditorial : "Le tsunami de la marchandisation a tué ce que la pop culture recelait d’insurrection spirituelle, l’a broyé et aseptisé en l’abandonnant aux mâchoires de des professionnels du mainstream."

    Le premier numéro du Fantask français est consacré aux figures du mal : serial killers, "pères fouettards", figures sexy à l’instar de Dexter, vamps plus ou moins habillées, génies du mal tels qu’Hannibal Lecter, sans oublier l’incontournable Hitler et ses condisciples (la "nazie-exploitation").

    Érudit, décalé, drôle, intelligent, le numéro français propose tout d’abord une traduction de la conversation entre Jodie Foster et Anthony Hopkins, alias respectivement Clarice Starling, la célèbre élève du FBI, et Hannibal Lecter, le tueur en série cannibale : ce sont les deux héros du mythique Silence des Agneaux (rappelons au passage que la série Clarice est proposée en France en ce moment sur Salto). Cette rencontre tout simplement passionnante entre l’actrice et l’acteur permet de revenir sur ce thriller horrifique ayant marqué l’histoire du cinéma mais aussi sur Jonathan Demme, décédé en 2017.

    Pour ce numéro dédié aux figures du mal, il fallait bien faire une place à Satan en personne, ce qui est fait à travers une analyse des iconographies du Prince des Ténèbres à travers les siècles, des eaux fortes du XIXe siècle aux films d’animation de Disney, en passant par les peintures Renaissance ou les créations contemporaines et la publicité. Dans son appétence pour des analyses fouillées, les journalistes de Fantask consacrent une interview à Jean-François Colosimo, spécialiste du christianisme. Il donne son analyse des incarnations modernes du diable. Il parle d’une véritable mutation de ce personnage "débaptisé, déraciné, défavorisé", au point de rendre le diable "presque" positif. À ces pages consacrées à un diable désacralisé vient répondre les images des "satanes", ces vamps ultra sexy qui peuvent prendre la forme de sorcières, de possédées plus ou moins illuminées  (voir à ce sujet l'article consacré à la kitsch et incroyable Church of Satan créée par le mystérieux Anton LaVey), de goulves, de vampires et même des "louves SS".

    "Le nazi c’est pop ?"

    Voilà qui nous mène à ce dossier incroyable et passionnant présenté sous dorme d’une question provocatrice : "Le nazi c’est pop ?"  Cette interrogation porte sur l’imaginaire de la croix gammée, de la figure d’Hitler et sur l’esthétisation du nazi devenu une marchandise de divertissement "spectaculaire" : "La barbarie du Troisième Reich semble s’allier avec la logique culturelle du néocapitalisme, elle est barbarisée" écrit Vicenzo Suca en introduction. Hitler ne pouvait être qu’un personnage idéal au service des uchronies les plus incroyables : "Et s’il était vivant ?" s’interrogent plusieurs artistes ("What if Hitler… ?"), dont les créateurs de la BD Hitler (tout simplement), qui n’aura droit qu’à deux numéros. Fantask propose quelques planches de cette œuvre incroyable… interdite par la loi en 1978.

    Dans la culture pop, l’imagerie nazie a une place importante soulignent Stéphane François et Nicolas d’Estienne d’Orves, à l’instar d’Indiana Jones, du jeu Wolfenstein ou du film plus confidentiel Iron Sky. Les spécialistes parlent d’une "aura magique et mystique qui entoure encore Hitler et ses sbires", avec en particulier Himmler, apparaissant comme le personnage le plus ésotérique au point d’être considéré comme "la figure du mal absolu".

    Le magazine quitte la thématique inquiétante du nazisme pour s’intéresser aux autres représentations du mal, séduisantes et sexy : Morgan Dexter, Le Joker, Tahar Rahim dans la série Netflix Le Serpent ou encore Charles Manson. Fantask a encore la bonne idée de s’intéresser au clown tueur et au romancier français Maxime Chattam, sans publier toutes ces femmes tueuses, minoritaires mais marquantes.

    Les 250 pages du semestriel proposent une inquiétante mais passionnante plongée dans le mal. De quoi donner des frissons mais aussi envie de se plonger ou se replonger dans des œuvres marquantes, terrifiantes et maléfiques.

    Fantask, numéro 1, semestriel, juin 2021
    http://huginnmuninn.fr/fr/book/fantask-n-1-la-tentation-du-mal

    Voir aussi : "La Route 66 des échecs"

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  • Bon sang ne saurait mentir

    Débarrassons-nous pour commencer de ce qui fait la singularité a priori du film Possessor : le réalisateur, lui-même. Le nom de Brandon Cronenberg ne vous est certainement pas inconnu : il s’agit ni plus ni moins que du fils de David Cronenberg, le cinéaste de Crash, de La Mouche ou d’ExistenZ. Voilà qui situe déjà le personnage, à bonne école s’agissant de films fantastiques un tantinet barrés.

    Les fils ou filles de sont légion dans le milieu du cinéma et, comme souvent, sans cracher sur les avantages d’être intégrés dans un milieu et d’en connaître les codes, le rejeton ou la rejetonne décide la plupart du temps de "tuer le père" (ou la mère) en choisissant un univers diamétralement opposé (que l’on pense à Francis Ford Coppola et à sa fille Sofia).

    Or, la singularité de  Brandon Cronenberg c’est qu’il a choisi de suivre le même chemin artistique que son père : une science-fiction dystopique dans lequel le corps humain est trituré jusqu’à devenir déviant. Un choix qui a porté a priori chance à Brandon Cronenberg puisque son deuxième long-métrage, Possessor, a obtenu le Grand prix du Jury au dernier Festival international du film fantastique de Gérardmer.

    Le corps humain est trituré jusqu’à devenir déviant

    Bon sang ne saurait mentir, donc, et ce n’est pas rien de le dire. Dans un futur proche, Tasya Vos (Andrea Riseborough) est une agente un peu spéciale, chargée de se débarrasser physiquement de personnes, au terme d’un contrat signé avec une agence gouvernementale. Sa couverture est imparable : une technologie lui permet d’endosser le corps d’une tierce personne qui se charge de la sale besogne. Pour une de ses missions ultra-secrète, elle prend possession du corps du petit ami de la fille d’un riche homme d’affaire. La mission ? Tuer le beau-père. Sauf que rien ne se passe comme prévu et la mission se transforme en carnage.

    Les fans de Cronenberg trouverons dans le Possessor de Brandon Cronenberg un peu de l’ADN de son père : milieux inquiétants, personnages torturés et corps mis à contribution, ce qui n’est pas sans soulever le cœur et vous donner des sursauts. On appréciera les images et les effets spéciaux proches de l’abstraction, avec un travail remarquable sur les gros plans (la photographie est de Karim Hussain).

    Dans cette réflexion sur la déshumanisation, cela ne surprendra personne que les personnages apparaissent éthérés et lointains – si l’on excepte la scène intimiste avec la famille de Tasya.  Brandon Cronenberg, derrière cette dystopie horrifique, parvient à laisser passer un message sévère autour des nouvelles technologies et des sociétés de surveillance. 

    Voilà qui fait de Possessor un film d'horreur réussi et intelligemment fait, quoiqu'un peu clinique. 

    Possessor, thriller horrifique anglo-canadien de Brandon Cronenberg,
    avec Andrea Riseborough, Christopher Abbott, Jennifer Jason Leigh,
    Tuppence Middleton et Rossif Sutherland, Canada et Roy, 2020, 105 mn, Canal+

    https://www.possessormovie.com
    https://festival-gerardmer.com/2021

    Voir aussi : "Montagnes russes"

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