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Spectacles - Page 13

  • Mao est un chanteur lyrique

    Créé en 1987, l’opéra Nixon in China de John Adams est devenu légendaire grâce à l'une de ses premières scènes spectaculaire : sur un célèbre morceau symphonique et harmonique, l'avion présidentiel américain Air Force One atterrit sur scène. Il est accueilli par une délégation chinoise, chargée de conduire le Président Nixon (James Maddalena) vers le leader communiste Mao Zedong (Robert Brubaker). Cette rencontre historique de 1972 est devenue, il y a trente ans, un opéra majeur. Le compositeur américain John Adams est à la baguette pour la version qu’il a dirigée au MET de New York en 2011. Non content de mettre en scène un moment phare de l’actualité mondiale autant que la rencontre de deux personnalités exceptionnelles, John Adams réalise un chef d’œuvre qui a frappé de stupéfaction le monde lyrique.

    Pour cette version de 2011, c’est Peter Sellars qui est chargée de la mise en scène, avec un luxe d’inventions visuelles pour faire de ce moment d’histoire et de cet opéra contemporain une fable sur la politique et sur l’idéologie.

    Au cours du premier acte, c’est un Mao vieillissant que rencontre le Président américain. Dans cinq ans, le Grand Timonier va disparaître mais "l’empereur communiste" apparaît comme un fantôme, dans un palais peuplé d’ennemis, de soupçons et de souvenirs. Autour du vieux chef, une cour est affairée et déjà tournée vers l’avenir, la diplomatie jouant un rôle à la fois trouble et majeur ("La nuit, tous les diplomates sont gris").  

    Mao fait sa première apparition dans une bibliothèque inquiétante. Il est porté par trois jeunes femmes en tenue de soldat. Cette scène inaugure un spectacle mêlant scènes réalistes et moments hallucinés, dans une intrigue mêlant géopolitique, diplomatie et sens de l’histoire. Janis Kelly, dans le rôle de Pat Nixon, apporte ce sens de la vanité. Dans l’acte II, la femme de Richard Nixon visite les rues de Pékin et part à la rencontre des gens du peuple. John Adams fait d’elle, non plus la first lady mais une déesse ou, mieux, la réincarnation d’une Antigone moderne, au milieu du décor fantasmagorique de l’éléphant.

    John Adams fait du voyage diplomatique de Nixon en Chine une composition de tableaux baroques, par exemple avec par exemple ce ballet cauchemardesque dans la deuxième moitié de l’acte deux. En mettant en scène une représentation du Détachement Rouge des Femmes de Jiang Qing, alias madame Mao (Kathleen Kim), le compositeur fait un sort aux dictateurs et politiciens cyniques de tout poil, avec une mention spéciale pour Henry Kissinger (excellent Richard Paul Fink). La femme de Mao tient le rôle principal de cette farce cauchemardesque, dans le rôle de l’échanson d’une dictature grossière et violente. La mise en scène de Peter Sellars puise largement pour cette séquence dans le style pompier caractéristique des peintures de propagande communiste : soldats révolutionnaires traditionnels, drapeaux rouges, paysages majestueux en hommage au milieu paysan et gestes expressifs.

    L’acte III voit le retour symbolique de l’Air Force One. Mais cette fois c’est Mao qui descend d’un escalier escamotable pour rejoindre le peuple, en traversant son propre portrait. La mégalomanie du despote, stigmatisée avec une grande puissance, n’est pas traitée sans humour ("Hit it, boys!"). Ballets, postures décalées des personnages et décor irréel servent au déboulonnage du Grand Timonier. Zhou Enlai (Russell Braun), qui tient un rôle majeur tout au long de l’opéra, incarne la voix de la conscience politique chinoise. L’opéra crépusculaire s’achève avec les envolées suppliantes de celui qui a été à la fois le plus fidèle allié et le plus grand adversaire de Mao.

    Opéra crépusculaire, Nixon in China est aussi un formidable moment musical qui a fait entrer le courant répétitif américain, révolutionnaire à son époque, dans un autre univers.

    John Adams, Nixon in China, dirigé par John Adams,
    avec Russell Braun, Ginger Costa-Jackson, Teresa S. Herold,
    Tamara Mumford, Janis Kelly, Richard Paul Fink
    Robert Brubaker, Kathleen Kim, Haruno Yamazaki et Kanji Segawa,
    mise en scène de Peter Sellars,
    éd. Nonesuch, The Metropolitan Opera, 2011, 177 mn
    "Zhou, en avant la révolution"

  • Alys, la chanteuse qui n’existait pas

    Elle s’appelle Alys, a 21 ans, de longs cheveux bruns coiffés en tresse, a commencé sa carrière le 10 mars 2014, a déjà 14 000 fans sur les réseaux sociaux et fera son premier concert en salle, Rêve de Machine, au Trianon le 17 décembre prochain. La belle sera entourée de quatre musiciens pour un concert d’une heure trente très rock. Et pourtant, Alys n’existe pas.

    Cette chanteuse incapable de la moindre fausse note est en réalité une artiste virtuelle, créée par la start-up VoxWave qui entend bien présenter Alys au prochain concours Eurovision, pour représenter la France. Oui, le successeur de Marie Myriam pourrait bien être une machine !

    Alys est un personnage numérique. Elle est projetée en 3D sur scène grâce à un écran holographique conçu par la société Auvitek Event. Plus important sans doute, la voix a été conçue grâce à un travail mené par VoxWave et la société Plogue Art et Technologie. "Artiste" électro pop, Alys pourrait bien faire le buzz les prochains mois. Le bloggeur ne sait pas si cette création virtuelle est une bonne chose ou non pour l’humanité, mais nul doute qu’elle pourrait bien bousculer la vieille dame de l’Eurovision.

    Alys prépare son premier show live pour le 17 décembre 2016 au Trianon à Paris. 

    Rêves de Machine, au Trianon de Paris, 17 décembre 2016
    http://www.voxwave.fr

  • Un 13 novembre

    Ce dimanche 13 novembre, à l'occasion de la première commémoration des attentats de Paris, la pièce Djihad sera présentée à 15 heures au Théâtre les Feux de la Rampe. La représentation sera suivie d'un débat animé par Ismaël Saidi, l'auteur et metteur en scène.

    La production reversera la totalité de la recette du dimanche à l'association 13 onze 2015 fraternité et vérité, association créée afin de venir en aide aux victimes des attentats du 13 novembre dernier.

    Ce triste anniversaire doit devenir un jour symbole de solidarité. Bla Bla Blog souhaite exprimer leur attachement à la culture et à la fête que représente le Spectacle Vivant.

    Nous communiquons sur ce billet une note d'Ismaël Saidi, auteur et metteur en scène de la pièce Djihad :

    Le 13 novembre 2015, des criminels ont décidé d'éteindre la Ville lumière.
    Ils ont voulu éteindre les substances qui engendraient la nitescence de la cité de l'amour en faisant taire la musique, en détruisant des terrasses, en tuant l'insouciance d'une jeunesse attablée à penser son avenir et en faisant tomber un rideau rouge sang sur la seine...
    Ce n'est pas de ma faute si ça a eu lieu...
    ...mais ce sera la mienne, la nôtre si on en reste là...
    Il va falloir rallumer la lumière là où ils l'ont éteinte, sourire, là où ils ont fait pleurer, panser, là où ils ont blessé...
    En tant qu'artistes, nous ne pouvons pas faire grand-chose...enfin...si...peut-être...
    Un an après, jour pour jour, nous allons rallumer la lumière sur la scène, comme une bougie pour déchirer l'obscurité.
    Le 13 novembre 2016, nous allons jouer, au Théâtre des Feux de la Rampe, une représentation spéciale de Djihad.
    Un an après, nous monterons sur scène pour leur dire qu'ils ont perdu.
    Je reprendrai, exceptionnellement, à Paris, les traits d'Ismaël et un débat sera organisé après le spectacle.
    La séance aura lieu à 15h et en partenariat avec le Théâtre des Feux de la Rampe et DPAE Productions, l'entièreté de la recette sera reversée à l'association des victimes des attentats
    « 13onze15 - Fraternité et Vérité ».
    Faites passer le mot, venez nombreux, parlez-en autour de vous, remplissez les salles, celle-ci ou une autre, demandez aux théâtres d'ouvrir leurs portes, aux producteurs d'initier d'autres démarches pour que le 13 novembre 2016 soit le commencement d'une nouvelle ère.
    A chaque fois qu'ils essaieront d'éteindre, nous rallumerons...et nous sommes plus nombreux...
    Rendez-vous le 13 novembre 2016...

    Djihad
    Le Théâtre des Feux de la Rampe et DPAE Productions
    dimanche 13 novembre, 15 heures

  • J’ai été à l’opéra au cinéma (voir et écouter Don Giovanni)

    L’expérience me tentait depuis quelques temps : l’opéra au cinéma. Depuis quelques années, les grandes scènes lyriques du monde diffusent en direct dans les salles de cinéma les opéras qu’elles proposent à leurs abonnés traditionnels. On devine l’intérêt de la démarche : proposer au public qui ne peut pas se déplacer à Bastille, au Bolchoï ou au MET de New York des opéras ou des ballets au prix d’un ticket de cinéma – prévoir cependant un surplus de quelques euros, justifié dans mon exemple par un entracte avec petits fours et champagne.

    Ce week-end, le bloggeur se rendait donc, par procuration, au MET de New York. Le multiplexe de Montargis, l’Alticiné, proposait une diffusion en direct et en HD du Don Giovanni de Mozart, avec Simon Keenlyside dans le rôle titre, accompagné d’Hibla Gerzmava (Donna Anna), Adam Plachetka (Leporello), Malin Byström (Donna Elvira), Kwangchul Youn (Le Commandeur) et Paul Appleby (Don Ottavio), le tout orchestré par Fabio Luisi et mis en scène par Michael Grandage. La soirée était présentée, toujours en direct, par la soprano Joyce DiDonato, en maîtresse de cérémonie pour marquer les 50 ans du MET. Dommage pour les non-anglicistes car cette présentation, tout comme ses interviews à l’entracte, n’étaient pas sous-titrés ou doublés. Il s’agit sans doute du seul bémol de cet opéra filmé en direct.

    La salle confortable était bourrée à craquer de spectateurs mélomanes ou curieux. Il est visible que les retransmissions lyriques ont montré tout leur intérêt et que chaque spectacle lyrique a maintenant ses habitués. Il y a certes, dans les premières minutes, un pincement au cœur de ne pas être parmi le public américain du MET (car rien ne vaut d’entrer dans cette fabuleuse salle du Metropolitan, comme le souligne Joyce DiDonato dans sa présentation). Après la séance d’ouverture, la magie opère par la grâce de la technologie HD qui place le spectateur au centre de la scène pour voir au plus près les visages des chanteurs et ne rien manquer de la mise en scène virevoltante.

    L’un des plus célèbres opéras de Mozart, mais également le plus noir et le plus scandaleux, suit le parcours du libertin Don Giovanni, séducteur sans foi ni loi. Après avoir violenté Donna Anna, il doit rendre des comptes au père de cette dernière, Le Commandeur, qu’il tue lors d’un duel. Il est contraint de s’enfuir en compagnie de son fidèle serviteur et souffre-douleur Leoporello. Dans la suite de son aventure, il croisera une maîtresse éconduite, Donna Elvira, une modeste paysanne, Zerlina, sur le point de se marier avec Masetto, sans oublier Don Ottavio, le prétendant de Donna Anna qui s’est juré de la venger mais aussi et surtout Le Commandeur, revenu d’entre les morts.

    Don Giovanni, personnage et opéra mythique, a été traité de nombreuses reprises, y compris dans des versions les plus modernes (citons la version de Michael Haneke à Bastille, dans laquelle le séducteur prend les traits d’un businessman moderne). Pour le MET, Michael Grandage choisit une mise en scène en costumes et décors d’époque. Simon Keenlyside, particulièrement convaincant, incarne un libertin du XVIIIe siècle naviguant dans un quartier obscur et mal famé. Personnage sombre et cynique, il est catapulté dans un univers qui lui va à merveille jusqu’à sa chute tragique en enfer (impossible de ne pas frissonner dans ce final légendaire!). En serviteur alternant le zèle, la complicité et la mauvaise conscience, Leporello est un magnifique contre-point à son maître. Adam Plachetka joue et chante avec un bonheur manifeste et parvient largement à exister face à Simon Keenlyside. Hibla Gerzmava et Malin Byström dans les rôles respectives d’Anna et Elvira forment un duo féminin solide. Elles sont définitivement convaincantes dans le trio d’Érinyes qu’elles forment avec l’excellent Paul Appleby (Ottavio) à la fin du premier acte. Le bloggeur mettra un point d’honneur à s’enthousiasmer pour le duo Zerlina/Masetto. Serena Malfi (bouleversante dans son aria du premier acte, "Batti, batti, o bel Masetto") et Matthew Rose brillent de tous leurs feux dans ces seconds rôles magnifiques.

    Bilan de cette soirée à l’opéra au cinéma : pari réussi et qui a un goût de "revenez-y". Peut-être pouvons-nous rêver que grâce aux nouvelles technologies le lyrique redevienne enfin ce qu’il a été pendant des siècles : un grand spectacle populaire, pas seulement réservé à quelques vieux mélomanes friqués.

    Wolfgang Amadeus Mozart, Don Giovanni,
    mise en scène de Michael Grandage, direction musicale 
    de Fabio Luisi
    avec Simon Keenlyside (Don Giovanni), Hibla Gerzmava (Donna Anna),
    Adam Plachetka (Leporello), Kwangchul Youn (Le Commandeur),
    Malin Byström (Donna Elvira), Serena Malfi (Zerlina),
    Paul Appleby (Don Ottavio) et Matthew Rose (Masetto)

    http://www.alticine.com
    https://www.metopera.org
    http://www.pathelive.com/don-giovanni

  • Alka en concert

    Le bloggeur a déjà dit tout le bien qu'il pensait d'Alka Balbir ("Suprême Alka").

    La chanteuse revient cette rentrée pour une série de plusieurs concerts à Paris. Le prochain aura lieu le 27 septembre aux 3 baudets à 20 heures, avec Alister.

    "Suprême Alka"
    Réservation aux Trois Baudets

  • Revoilà Marie Cherrier

    InstagramCapture_50519d6f-19bd-4229-94d0-c9db71aa62bc.jpgMarie Cherrier était en concert à Amilly (45) le 2 juillet 2016 pour un concert rare. Dans une salle intimiste de 200 places, celle qui figure parmi les meilleures représentantes de la chanson française se produisait dans le cadre de la Fête de l’Europe pour un spectacle unique dans le minuscule mais cosy auditorium de la médiathèque.

    Accompagnée de trois musiciens – guitares, basse et batterie – la chanteuse jouait pour l’essentiel des titres de son dernier album L’Aventure, paru il y a moins de deux ans. Après L’Odyssée et Voilà, un ensorcelant autoportrait de la musicienne, le public assistait à une interprétation tendue de l’une de ses meilleures chansons, L’Aventure, que l’artiste interprétait à l’accordéon : "Si c'est la vie je l'admets, OK OK / Si c'est l'amour c'est régulier, allez allez /Il faut comprendre et accepter, je pourrais je pourrais / On se dit bye bye et aux regrets, jamais jamais / Alors je m'abandonne à mes rêves / Et je me refais l'aventure."

    Suivait L’hiver s’en fout, une ballade aux paroles finement ciselées, pleine de spleen et de nostalgie : "À la recherche de quelques mots dans tes yeux / Si tu t'inquiètes, si tu es malheureux / A la naïve question qu'on se renvoie / Qu'est-ce qui m'arrive, qu'est-ce que tu as fais de moi ?" Il était également de nostalgie dans T’es où ?, tiré de l’album Billy (2013). Marie Cherrier égratigne, dans ce titre très séduisant, le Renaud des années 70 et 80 et regrette l’absence de "ces bonhommes... capables de se mettre debout et de lever le poing" : "T'es où? Parce-que là, y se passe rien / moi je veux bien me tatouer l'avant-bras / mais y'a rien, pas une gueule / pas de discours, pas de refrain pour nos gueules, / pour lever le poing". Le public pouvait également écouter Complotiste, un titre rare, personnel et d’un engagement d’autant plus efficace qu’il est caché derrière une mélodie enlevée et entêtante  : "Que voulez-vous je suis sceptique / se pourrait-il que ma chanson / passe pour trouble à l'ordre public / et demain me mène en prison ?"

    Marie Cherrier ravissait ses aficionados avec la reprise de titres plus anciens : Paysage perdu d’abord, repris par le public : "Bon vieux temps / C'était avant la guerre / Après la misère / Le long des torrents / Bon vieux temps / Celui des bouillottes / Et de la compote / Des grands-mères d'antan".

    InstagramCapture_582f0917-bced-42cd-a073-c0557c72e457.jpgLa chanteuse ne pouvait pas faire l’impasse sur la chanson qui l’a propulsée sur le devant de la scène : Le Temps des Noyaux. Hommage aux victimes du général Nivelle lors de la bataille du Chemin des Dames autant que message pacifique, ce titre du deuxième album Alors quoi ? (2007) captivait la salle : "Alors là-dessus je rejoint Prévert / le temps des cerises ce que ça vaut / quand la chair est tombée par terre / démerde-toi avec les noyaux / Le vent a soufflé sur la haine / il a emporté les larmes / et la souffrance sur d'autres plaines / malgré les cris, ils ne désarment."

    Le spectacle se terminait par l’interprétation d’une de ses toutes premières chansons, Les Baleines (Ni vue ni connue, 2005). Ce titre est le chant de liberté d’une artiste éprise de rêve, de musique mais aussi de mer, un élément souvent présent dans son œuvre comme elle l'affirmait elle-même : "Un jour je prendrai le large / J'habiterai avec les poissons / Les baleines et les coquillages, / Pas de vers pas d'hameçon, / Pas ces salopes de Sirènes / Comme ça pas de comparaison."

    La chanteuse se séparait du public avec Pleurez pas, chanté à quatre voix avec ses trois camarades musiciens, proposant pour terminer le spectacle un titre engagé : "Pleurez pas / On va pas compter depuis Hiroshima / ils n'ont jamais su juger la vie ces salauds là / aujourd'hui c'est Syrie, Libye, là-bas / Pleurez pas."

    Voilà Marie : une heure de concert de rêve par une fille "d'origine du vent". Si vous venez la "chercher" ce week-end, elle se produira le dimanche 9 juillet à Chécy (45). Fans ou curieux, il vous reste encore une séance de rattrapage.

    "Voilà Marie"
    "Le temps des noyaux"
    http://mariecherrier.com

  • Homo erectus on line

    nc_sex_love_recto.jpgComme 6 millions de personnes, Alice, divorcée, mère de quatre enfants, a choisi de s’inscrire sur un de ces milliers de site de rencontre sur Internet. Elle nous raconte dans Sex&love.com de Nathalie Cougny (éd. Sudarènes), son expérience de l’homo erectus à l’heure de l’e-rencontre. 

    Comment trouver l’amour sur Internet ? Vaste et grave sujet. "Si tu penses rencontrer l’homme de ta vie sur un site de rencontres, autant te préparer psychologiquement pour ne pas sombrer dans une dépression pré-orgasmique." Et Alice d'ajouter : "Ne dis pas non plus que tu cherches l’homme de ta vie, c’est d’un ringard, dis plutôt que tu cherches les hommes de votre vie."

    Dans un monologue mordant, la candidate au grand amour (ou à un grand amour) fait un portrait à charge des sites de rencontres ("le plus gros annuaire de baise interplanétaire organisée") comme de leurs abonnés. Tout y passe : l’addiction aux Meetic, Gleeden et autres Attarctive World, la loi de la jungle pour trouver le partenaire d’un soir et plus si affinités, l’obsession des flashs, les fiches descriptives un peu trop belles pour être honnêtes, la plaie des hommes mariés ("les lâches") ou le véritable abattage pour multiplier les rencontres et les chances : "Au bout d’un certain nombre de rencontres, c’est tout juste si tu ne deviens pas une machine, t’as plus de sentiment, c’est comme si t’étais à la chaîne, ça défile et tu fais plus que de regarder c’qui cloche chez le mec et dès qu’y a un défaut de fabrication, hop, poubelle, au suivant. Bah oui, y a tellement de mecs que tu vas forcément trouver la perfection."

    Alice ne passe pas sous silence le moment mémorable – qu’il soit heureux ou malheureux – de la première rencontre, moment d’excitation et souvent de déception : "Tout se joue dès la première minute, le premier regard, le tout premier battement de cil. Bah ouais, va pas planter ton battement de cils, parce qu’à l’instant même de la rencontre, on sait tout de suite si ça va durer : deux minutes, deux jours ou deux mois." Quoique, dit-elle en substance, tout cela varie selon l’expérience du candidat : "Quand tu t'inscris en général t’es limite dépressive, où tu viens de te faire larguer où, comme moi, t’as demandé le divorce, donc dans les deux cas ça va pas trop fort … t’arrive toute timide, innocente, fragile et désemparée … puis au fil des mois ... quand t’as un peu plus d’expérience et que tu reprends le contrôle de tes facultés ... tu te transformes, sans t’en rendre compte, tu deviens Terminator, La Guerre des Mondes et Alien en même temps."

    Au-delà de cette plongée dans l’univers des sites de rencontre, ce dont il est question est aussi la relation homme-femme. Le genre masculin reçoit au passage quelques coups de canif : annonces à côté de la plaque, photos de profil embellies ou coupées pour cacher une calvitie et surtout l’obsession du coup d’un soir pour ces messieurs.

    Derrière le discours léger et virevoltant, se cachent des considérations sur la question de l’incompréhension entre femmes et hommes ainsi que de l’égalité des sexes : "Ça suffit qu’on nous prenne pour des vagins en puissance. Vous allez voir les mecs qui est-ce qui domine maintenant. Ouais, parce que vous jouez les gros durs, mais n’empêche que l’ascenseur pour le septième ciel c’est que si on en a envie et pas autrement."

    Une nouvelle preuve que les relations hommes-femmes, traitées ici avec humour et sous l’angle des sites de rencontre, restent un sujet de débat intarissable. Mais tout n’est pas à jeter dans l’univers impitoyable de l’e-rencontre, comme le rappelle Nathalie Cougny et son personnage : "Les deux tiers des personnes ayant noué une relation avec une personne rencontrée sur Internet déclarent avoir vécu une véritable histoire d’amour."

    Sex&lov.com sortira en librairie aux éditions Sudarènes à partir du 2 juin 2016.

    Nathalie Cougny, Sex&love.com, éd. Sudarènes, 2016
    Nathaliecougny.fr
    Sex&love.com "Alice se libère !"
    Mis en scène par Bruno Romier, Comédie Angoulême du 18 au 28 mai

  • Carmen ou comment fabriquer un opéra

    carmen.JPGRendre l’opéra accessible à tous est la petite ritournelle qui ne mange pas de pain et qui semble faire l’unanimité. Par contre, dès qu’il s’agit de la mettre en application…

    Depuis 2006, sous la houlette de Jacques Attali, La Fabrique Opéra a retroussé ses manches et s’est attelée à un projet qui mérite d’être salué. Le principe ? Monter un opéra de A à Z grâce à l’économie participative, au maillage associatif et à toutes les bonnes volontés. L’objectif est également de populariser un genre n’ayant – hélas ! – pas les faveurs des jeunes générations.

    Ce projet a démarré à Grenoble et entend bien essaimer partout en France et encourager la production d’opéras. En entendant Orléans courant 2016, La Fabrique Opéra Toulouse proposera quatre représentations de Carmen de Georges Bizet au Zénith de Toulouse les 3, 4, 8 et 9 mai 2016.

    Parler d’opéra collaboratif et populaire n’est pas un vain mot. Le concept de La Fabrique Opéra est d’ouvrir la création d’un opéra de A à Z à tous. Puisque le spectacle lyrique est souvent impuissant à faire venir de nouveaux publics, c’est ce nouveau public qui est invité à investir et gérer un domaine considéré – à tort ou à raison – comme élitiste.

    Monter un opéra : ce projet fou est désormais accessible à tous. Ainsi, à Toulouse près de 400 élèves issus de filières professionnelles, répartis sur 10 établissements de la région, sont chargés de créer de toute pièce un spectacle de Carmen : décors, costumes, coiffures, communication, selon leurs domaines de prédilection. La Fabrique Opéra peut s’enorgueillir d’accueillir parmi ses publics 50 % de néophytes et 30 % de moins de 40 ans (et 62 % viennent en famille) : des chiffres qui feraient pâlir les opéras Garnier, Bastille et consort.

    À cela s’ajoute un mode de financement original : 65 % du budget repose sur la billetterie. Le reste vient d’un mécénat très large – grands groupes, fondations, ministère de l’Éducation nationale, associations – mais aussi du crowdfunding. "Le modèle économique de La Fabrique Opéra permet de proposer des places au tarif moyen raisonnable (autour de 37€), soit moitié moins qu’un opéra traditionnel", apprend-on également sur le site de La Fabrique Opéra.

    Côté spectacle maintenant, les créateurs du Carmen qui sera produit à Toulouse, n’entendent pas mégoter sur la qualité. Stéphane Roche, du Capitole, de Toulouse, est chargé de la mise en scène l’opéra de Bizet. Stanislas de Monredon, chef d’orchestre de La Philharmonie de Toulouse, sera à la direction. Giuseppina Piunti endossera le rôle redoutable et sulfureux de Carmen. Elle côtoiera notamment Luca Lombardo (Don José), Julia Kogan (Micaëla) et Yann Toussaint (Escamillo).

    Une jolie distribution pour un projet ambitieux. Rarement l’expression "rendre l’opéra accessible" n’a paru aussi adéquate.

    Carmen de Georges Bizet, Zénith de Toulouse, 3, 4, 8 et 9 mai 2016
    http://www.lafabriqueopera.com