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russe

  • Épitaphe pour Marina Tsvétaïeva

    Il y a un mois, je vous parlais du roman d’Elin Cullhed (Euphorie, éd. de l’Observatoire) consacrée à Sylvia Plath, femme de lettres du XXe siècle, désespérée par sa condition avant qu’elle ne se donne la mort en 1963 à l’âge de trente ans.

    En 2019, Vénus Khoury-Ghata consacrait un autre roman à Marina Tsvétaïeva, une importante autrice, suicidée elle aussi, reconnue de son vivant mais victime de la dictature russe et soviétique. Elle choisira un crocher dans le grenier de son ultime demeure, à Elabouga, au Tatarstan, pour se pendre, mettant fin à une existence exceptionnelle tout autant que tragique.

    Disons-le tout de suite. Marina Tsvétaïeva fait partie de ces personnages majeurs de la littérature russe, et en particulier de la poésie russe, à l’instar de son compatriote Vladimir Maïakovski, qui s’est lui aussi donné la mort, en 1930.

    La vie artistique de Marina Tsvétaïeva commençait pourtant sous les meilleurs auspices. Née dans une famille de l’aristocratie moscovite (son père a été fondateur et directeur du Musée des beaux-arts de Moscou), elle publie son premier recueil de poème à 17 ans et se voit propulsée comme une auteure prometteuse, grâce au  poète et critique Maximilien Volochine.

    L’insouciance, la vie, l’amour et surtout la littérature guident la jeune femme qui multiplie les conquêtes et les idylles, dont une avec Anna Akhmatova, une autre écrivaine et poétesse russe. Sa rencontre avec le jeune officier Serge Efron avec qui elle a deux filles aurait dû l’installer dans une existence paisible. Mais la Révolution Rouge éclate en pleine première guerre mondiale et son mari rejoint l’Armée Blanche, avant de disparaître. C’est le début d’une existence de misère pour Marina Tsvétaïeva. Sa fille cadette meure de faim. Puis, vient l’exil, en URSS puis à Berlin, Prague et Paris, avant un retour en Russie alors que la seconde guerre mondiale éclate. Pendant toute cette période, la poétesse a gardé intacte sa soif d’écrire comme sa passion pour l’amour et les conquêtes. Et parmi ses amours, il y a eu Boris Pasternak. 

    Il y a ces moments au cours desquels la faux du destin s’abat avec puissance

    Impossible de résumer facilement la vie de Marina Tsvétaïeva. L’ouvrage de l’écrivaine française Vénus Khoury-Ghata (Marina Tsvétaïeva, Mourir à Elabouga, éd. Mercure de France ), de son écriture sèche et rude, redonne vie à la grande femme de lettres qu’a été Marina Tsvétaïeva, en choisissant d’utiliser le "tu", telle une épitaphe gravée sur sa sépulture.

    Le lecteur français découvrira sans doute le parcours hors-norme de cette femme, reconnue très tôt pour sa plume mais que la tragédie communiste russe semble avoir pourchassée de ses griffes. La tragédie frappe régulièrement à la porte de Marina Tsvétaïeva. Que l’on pense à la mort affreuse de sa fille Irina dont la poétesse, culpabilisée, ne s'est jamais vraiment remise.

    Son mari a été la grande boussole de sa vie, en dépit des nombreuses et régulières liaisons de l’écrivaine. Liaisons ou relations platoniques, à l’instar de ses correspondances avec Rainer Maria-Rilke ou Boris Pasternak qui essaiera de la soutenir toute sa vie.

    Vénus Khoury-Ghata est sans concession dans ce portrait subjectif et poétique de Marina Tsvétaïeva. Insupportable, géniale, délirante, affamée d’amour, méprisante ou bouleversante, l’écrivaine russe apparaît comme une écorchée vive que le pouvoir autocratique russe ne pouvait pas laisser intacte. Dans cette vie, il y a ces moments au cours desquels la faux du destin s’abat avec puissance. Que l’on pense au sort de ses proches, de son mari, de ses enfants (seule sa fille aînée, déportée des années au Goulag, a survécu et a contribué à perpétué son œuvre), les retrouvailles pathétiques avec Serge Efron ou à la raison de son dernier exil à Elabouga.

    Il reste les écrits de Marina Tsvétaïeva que Vénus Khoury-Ghata ne pouvait taire. Elle propose plusieurs extraits, disséminés dans son roman, avec sans doute le plus célèbre d’entre-eux, une adresse à un de ces amants, le jeune critique Alexandre Bakhrakh, après leur rupture : "Comment la vie avec une autre, / Plus simple, n’est ce pas ?

    Vénus Khoury-Ghata, Marina Tsvétaïeva, Mourir à Elabouga, éd. Mercure de France, Folio, 2019, 208 p.
    https://www.mercuredefrance.fr/marina-tsvetaieva-mourir-a-elabouga/9782715249059
    https://associationmarinatsvetaeva.com

    Voir aussi : "Feu Sylvia Plath"

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  • Désordres

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis leur film de la semaine, Désordres. Il sera visible du 15 au 20 juin 2023. La séance du mardi 20 juin à 20h30 sera suivie d'un débat.

    Désordres a été récompensée à la Berlinale 2022 - Encounters : Meilleur réalisateur au festival Premiers Plans Angers 2023 - Diagonales : Grand Prix et aux Entrevues de Belfort 2022 - Prix d’aide à la distribution Ciné+

    Dans une horlogerie suisse où commencent à poindre les bouleversements induits par les avancées technologiques du XIXe siècle, Joséphine, une jeune ouvrière, fabrique le balancier, véritable cœur des mécanismes. Alors que les dirigeants y réorganisent le travail, le temps et les salaires pour rester compétitifs, elle se retrouve mêlée à un mouvement local d’horlogers anarchistes où elle rencontre l’aventurier russe Pierre Kropotkine.

    Désordres, drame suisse, allemand, français et russe de Cyril Schäublin
    avec Clara Gostynski, Alexei Evstratov, Monika Stalder, 2023, 93 mn
    Coscénatiste : Cédric Anger
    Séances le jeudi à 18H, le dimanche à 18H, le lundi à 14H
    et le mardi à 20H30 avec débat
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1339

    Voir aussi : "Les âmes sœur"

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  • Animale et fatale

    Parmi les découvertes de ce début d’année, figure Edva, un duo – Ed et Tina – venu tout droit de Russie mais venu s’installer en France depuis deux ans. C’est d’ailleurs le français qu’ils ont choisi pour leurs premiers singles et leur futur EP, à paraître en mars prochain.

    Edva choisit l’électro pour parler d’amour, à l’instar de leur titre "Jim", qui portera le nom de leur futur album. Sur les images psychédéliques de leur clip, Edva fait se rencontrer, non sans audace,  Enya et  Krafterwerk, le tout sur des paroles oniriques : "À la vie à la mort / Prends ma main serre la fort / À la vive à la mort / Retiens-moi si je dors".

    Le romantisme du duo est fortement teinté de noirceur dans cet autre morceau singulièrement nommé "Blanche". Il y est question d’une "womanimal", une "femme-bête" ou "femme-monstre" se sentant comme une paria dans notre monde moderne. Cette quête de la nature est illustrée par le clip réalisé par Elisabeth Haust. Elle fait de cette femme instinctive et attirée par la nature un être à la fois insaisissable et à la recherche de celui ou celle qui pourra la comprendre et vivre avec elle : "Tu ne seras qui jamais je suis… Je me fusionne dans l’air pour que tu me respires".

    Il est également question de sens dans "Remember", qui explore la notion de surdité. Edva commente ainsi ce titre généreux : "Dans un monde sourd, où il est difficile de s’entendre, les réponses pourraient bien venir de l’intérieur. Si on est prêt à écouter cette voix au plus profond de nous, le monde se met alors à sonner".

    Voilà un duo à surveiller de près pour les prochaines mois. 

    Edva, Jim, 2022
    https://www.instagram.com/edvaofficial

    Voir aussi : "Le temps des cerises avec Cecilya"

    Photo : Edva - Ed et Tina

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  • Patins sur glace

    Vous que les romances et les histoires d’amour horripilent, passez votre chemin.

    Ice, comédie romantique russe d’Oleg Trofim, avec la sémillante Aglaya Tarasova dans le rôle principal, suit les pas – ou plutôt les patins – d’une brillante sportive russe, engagée dans le patinage en couple, l’une des disciplines les plus dures et les plus exigeantes qui soit.

    Disons-le tout de suite : il faut passer les 40 minutes de ce film disponible sur Amazon Prime pour apprécier pleinement l’histoire d’une renaissance et la naissance d’un couple.

    Le film commence par l’ascension de Nadia, dans un début digne d’un conte de fée moderne : une enfant devenue orpheline après le décès de sa mère malade (elle décède sur un lac gelé, détail qui a bien entendu son importance symbolique), l’entrée dans une école de patinage exigeante, la présence d’une entraîneuse exigeante et qui devient sa seconde mère et la rencontre avec le jeune premier Leonov, patineur hors-pair qui choisit Nadia comme partenaire.

    Fin de la romance ? Et non ! Car c’est en réalité là que tout commence, et là aussi que le film prend véritablement son envol. 

    Fin de la romance ? Et non !

    Hospitalisée suite à un accident et immobilisée sur un lit d’hôpital, l’ancienne patineuse ne doit son salut qu’à son entraîneuse ainsi qu’un joueur de hockey. Il s’appelle Sasha et cumule des défauts irrémédiables : impulsif, colérique et à l'humour... froid. C’est pourtant lui qui est chargé de jouer la nounou pour la patineuse désormais en fauteuil roulant. Le retour sur glace de l’ex-sportive est-il possible ? A priori, non.

    Voilà une romance qui glisse toute seule. Le spectateur peut certes craindre au début que l’histoire se porte sur Nadia et son bellâtre de partenaire, après un début sirupeux et un brin convenu. Tout l’intérêt vient bien entendu de la relation entre Nadia et Sash, deux personnes que tout sépare, si l’on excepte la glace. Dans le rôle de Nadia, Aglaya Tarasova épate. Elle trouve son alter-ego en la personne de Sasha (Alexandre Petrov).

    On trouve dans Ice tout ce qui fait le charme de ces romances : deux personnages à la solide personnalité mais qui n’auraient jamais dû se rencontrer, un duo finissant par trouver ses marques et un happy-end. Pour corser le tout, ajoutez le milieu du patinage artistique, un pays – la Russie – pas assez souvent mis à l’honneur dans le cinéma et un défi sportif en forme de message universel.

    Du bel ouvrage, donc. Pas un chef d’œuvre mais du bel ouvrage. 

    Ice, romance russe d’Oleg Trofim, avec Aglaya Tarasova, Alexandre Petrov,
    Milos Bikovic et Maksim Belborodov, 2019, 93 mn, Rimini Éditions, Amazon

    https://www.primevideo.com

    Voir aussi : "Margot Robbie sur glace et en majesté"

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  • Raconter l’enfer et faire œuvre de littérature

    Voici sans doute le livre le plus incroyable de ces dernières années. Dans les Geôles de Sibérie de Yoann Barbereau (éd. Stock) n’est pas seulement le témoignage brut d’un rescapé du régime autoritaire russe : c’est aussi une œuvre littéraire remarquable qui parvient à rendre dérisoire le flot d’autofictions que chaque rentrée littéraire nous abreuve.

    "La grande prose de Sibérie reste à inventer", dit un moment l'auteur. Il est probable qu’il vient de proposer un texte bien plus important littérairement que ce qu’en dit le pitch du livre : un Français, parti travailler en Sibérie pour le compte de l’ambassade de son pays, est arrêté du jour au lendemain, victime d’une kompromat – un mot russe désignant un dossier bidon monté contre quelqu’un pour le faire tomber. Emprisonné, incarcéré puis placé sous surveillance, Yoann Barbereau parvient cependant à s’enfuir en parcourant des milliers de kilomètres, au nez et à la barbe des autorités russes.

    Voilà pour l’histoire. Une histoire que les médias français ont suivi et relaté après-coup et que le public a découvert, ahuri. Si vous souhaitez en savoir plus, faites donc un tour du côté de la remarquable émission d’Affaires sensibles sur France Inter.

    S’il n’y avait qu’une seule raison de lire le livre de Yoann Barbereau c’est bien celle-là : découvrir le complot incroyable d’un Français "presque" ordinaire (car Yoann Barbereau reste tout de même un homme assez peu commun, comme il en témoigne) pris dans un piège fomenté par des agents du FSB (l’ex-KGB), beaucoup plus pied-nickelés et stupides que l’image que l’on a de ces fonctionnaires, prêts à tout pour des motivations qui restent encore obscures. Yoann Barbereau le dit autrement, en prenant l’exemple du film des frères Cohen, Burn After Reading : "Les benêts ont enchaîné les décisions insensées sans jamais rien comprendre de la mécanique cruelle qu’ils alimentaient. Il n’y avait pourtant aucun enjeu, sinon celle des carrières et des opérations de surveillance farfelues."

    Un très grand ouvrage littéraire

    Le résultat de ce coup monté, ce fameux kompromat, a eu pour l’auteur des conséquences tragiques : arrestation, emprisonnement, prisons infâmes de la Russie, découverte des conditions de vie des détenus dont il partagera le sort souvent fraternellement (la "toussovka" des prisonniers), l’asile psychiatrique puis le bracelet électronique. À cela, il faut ajouter l’incompétence des fonctionnaires des affaires étrangères : Un précepte guide les hommes du Quai d’Orsay : "En toutes circonstances, penser d’abord à se couvrir". Une réflexion qui s’explique par la manière dont le fugitif français est accueilli à l’ambassade français de Moscou après son évasion.

    Nous sommes en Russie : autant dire que le témoignage de Barbeau nous renvoie à la période sombre de l’Union Soviétique, du Goulag, des réclusions arbitraires et des décisions arbitrales de fonctionnaires, qu’une citation d’Andreï Vychinski, le procureur de Staline, décrit ainsi : "Donnez-moi l’homme, je trouverai l’article de loi".

    Yoann Barbereau inscrit d’emblée son livre dans le sillon de la littérature des victimes de la Russie, qu’elle soit soviétique ou post-soviétique. Il cite abondamment ces écrivains qu’il admire, que ce soit Soljenitsyne, Tchekhov ou Boulgakov. Il faut le dire et le marteler :  Dans les Geôles de Sibérie est un très grand ouvrage littéraire, servi par des phrases tour à tour sèches, amples, élégantes et poétiques. Cet amoureux de la Sibérie et des hommes et ses femmes (on apprend d’ailleurs que l’auteur les a aimées avec passion, ce qui a été à la fois l’une des causes de sa perte mais aussi son salut), en parle comme peu d’écrivains avant lui, son ouvrage apparaissant pour le lecteur comme la première pierre plus que convaincante d’une œuvre littéraire à venir.

    Mieux qu’un témoignage sur un fait d’hiver ahurissant, Dans les Geôles de Sibérie peut se lire comme un cri d’amour pour ce pays. Il suffit pour cela de lire ce passage consacré au lac Baïkal : "Le lieu donnait son assentiment, le lac nous accordait la sainteté. Qu’il nous avalât la minute d’après était chose possible, mais pour l’heure les histrions prenaient place sur l’icône".

    Yoann Barbereau, Dans les Geôles de Sibérie, éd. Stock, 2020, 323 p.
    https://www.editions-stock.fr

    Voir aussi : "Chanter dans les forêts de Sibérie avec Jean-Baptiste Soulard"
    "RIP URSS"

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  • Une Italienne parle aux Russes

    J’ai choisi de vous parler d’un album classique sorti il y a presque six ans. Au piano, l’Italienne Beatrice Rana proposait deux œuvres du répertoire russes, différents tant par la facture que par la notoriété. À ma droite le célébrissime concerto pour piano de Piotr Ilitch Tchaïkovski au romantisme échevelé. À ma gauche, un opus relativement peu joué de Serge Prokofiev, le concerto pour piano  n°2.

    C’est par cette dernière œuvre que s’ouvre l’album de Beatrice Rana, découverte trois ans plus tôt (lauréate de tous les prix spéciaux au Concours musical international de Montréal) et qui prend visiblement un certain plaisir à s’aventurer sur un terrain étonnant. Ce concerto de Prokofiev a évidemment cette fougue slave et russe, avec un modernisme exalté servi autant par la concertiste que par l’orchestre de l’Académie Nationale Sainte-Cécile conduit par Antonio Pappano. Le jeu assuré, tour à tour aérien et musclé de Beatrice Rana, se déploie avec assurance dans le premier mouvement andantino et allegro de près de douze minutes, ample, tourmenté et aux accents romantiques. En comparaison, le Scherzo (Vivace) est envoyé en un peu plus de deux minutes. Court mais exigeant. Et il est vrai qu’il faut toute la technicité et la virtuosité de la pianiste italienne pour venir à bout de cette partie aussi brève et dynamique qu’elle peut être inquiétante.

    Retour à l’âme russe, aux lointaines réminiscences des Tableaux d’une Exposition de Modest Moussorgski, avec l’Intermezzo (Allegro moderato) de, quand même, six minutes. Faux intermède musical et vraie pièce d’orfèvrerie, cette troisième partie du concerto de Prokofiev est une succession de morceaux de bravoure, de rappels de danses russes, de parenthèses romantiques et rêveuses, de constructions harmoniques osées et de revendications modernistes que Beatrice Rana met en musique avec une belle audace.

    Partition originale partie en fumée pour servir de combustible… pour la cuisson d’une omelette !

    L’opus 16 se termine avec un final de la même longueur que le premier mouvement, rééquilibrant ainsi un concerto faussement bringuebalant. Joué allegro tempesto, le Finale commence, comme son nom l’indique, avec une tempête inquiétante et tourmentée, avant un grand calme. Lorsque l’apaisement vient, c’est là que ce dernier mouvement devient passionnant car le compositeur russe devient expressionniste, romantique mais aussi contemporain. Le deuxième concerto pour piano de Prokofiev, servi par une Beatrice Rana décidément sans point faible dans cette œuvre rare compliquée et qui avait fait scandale à l’époque de sa création en 1913. L’anecdote incroyable rapportée par Jed Distler nous apprend qu’il a été en fait réécrit en 1923 après que la partition originale soit partie en fumée pour servir de combustible… pour la cuisson d’une omelette !

    Nous parlions de romantisme. Voilà qui nous mène à point nommé vers la deuxième œuvre de cet album de 2015 d’un autre géant de la musique russe, Tchaïkovski. Trop écouté sans doute selon quelques esprits chagrins, ce fameux premier concerto pour piano opus 23 (1874) fait partie des "tubes" de la musique classique.

    Autant la pianiste italienne pouvait se faire aventurière dans le second concerto de Prokofiev, autant ici elle sera forcément jugée à l’aune de ses aînés (les Martha Agerich, Charles Dutoit et autres Sviatoslav Richter). Beatrice Rana déploie tout son talent grâce à son jeu tour à tour ample, délicat et tourmenté dans l’impressionnant premier mouvement allegro de plus de vingt minutes. Il faut toute l’intelligence de la musicienne pour venir à bout d’un des sommets de la musique romantique, et sans pour autant tomber dans la mièvrerie ni dans les pièges de la virtuosité qui peuvent vite devenir écrasants.  

    L’auditeur sera porté par la délicatesse du jeu de Béatrice Rana dans un deuxième mouvement fluide et irrésistible (Andantino semplice – Prestissimo).

    L’album se termine en beauté avec un Allegro con fuoco à la facture classique assumée jusqu’au bout des doigts. Beatrice Rana s’en donne à cœur joie – tout comme d’ailleurs  l’orchestre et Antonio Pappano. La virtuosité est bien évidemment une qualité majeure, en particulier pour les dernières mesures d’un final. Sans fausse note, là encore.

    Beatrice Rana, Prokofiev, Concerto pour piano n°2 op.16 et Tchaikovsky, Concerto pour piano n°1 op.23,
    Orchestra Dell’accademia Nazionale di Santa Cecilia dirigé par Antonio Pappano, Warner, 2015

    https://www.beatriceranapiano.com
    https://www.warnerclassics.com/fr/artist/beatrice-rana

    Voir aussi : "Histoires de tangos par Lucienne Renaudin Vary"

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