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long-métrage - Page 13

  • Être ou ne pas être

    Une ombre plane sur All is true, ce film historique de Kenneth Branagh consacré à William Shakespeare : celle d’Hamnet. Hamnet Shakespeare. Les similitudes avec Hamlet sont plus que frappantes : elles éclairent le plus célèbre drame du poète anglais si l’on pense à son jeune fils, mort de la peste en 1596 à l’âge de 11 ans.

    Le plus shakespeariens des cinéastes actuels fait débuter son biopic en 1613. Shakespeare retourne dans sa ville de Stratford-upon-Avon après l’incendie de son théâtre du Globe Theatre où se jouait son drame Henri VIII. L’auteur anglais décide d’arrêter l’écriture de pièces. Il rejoint sa femme Anne et ses deux filles, Susanna et Judith. Il ne lui reste plus que trois années à vivre. L’ombre de la mort, de son jeune fils mais aussi de la vanité de son génie, pèsent sur lui. Il doit aussi vivre, entouré des siens.

    "Tout est vrai", proclame le titre de ce biopic sur les dernières années d’un homme cherchant l’apaisement et la réconciliation au milieu des siens plutôt que la postérité. C’est un homme face à la mort qui se donne à voir, comme Shakespeare l’a écrit lui-même dans une de ses pièces : "Ne crains plus la chaleur du soleil, / Ni les rages du vent furieux. / Tu as fini ta tâche en ce monde, / Et tu es rentré chez toi, ayant touché tes gages. / Garçons et filles chamarrés doivent tous / Devenir poussière, comme les ramoneurs."

    Shakespeare parlant avec son fils mort, ce fameux Hamnet

    Il existe très peu de peintures et de dessins du "barde d’Avon" et sa biographie, à commencer par sa date de naissance exacte, est parsemée de lacunes. Voir Shakespeare prendre chair est donc tout sauf anodin, et qui mieux que Kenneth Branagh pouvait s’en charger ? On y découvre le génie anglais dans une simplicité déconcertante : au jardin, en famille avec son épouse plus âgée et ses deux filles, en ville devant se battre contre les ragots, en bisbille avec son gendre puritain, négociant avec son avocat son testament ou parlant avec son fils mort, ce fameux Hamnet.

    Shakespeare est-il revenu "victorieux au sein de sa famille" après son triomphe comme auteur et poète, comme l’affirment ses amis ? En réalité, c’est le crépuscule d’un immense artiste qui donne à se voir dans un film construit comme une suite de tableaux à la Rembrandt. Le spectateur pourra se délecter des compositions, des scènes éclairées à la bougie mais aussi des références à l’œuvre du "barde immortel" (celle par exemple avec Ian McKellen, alias le comte de Southampton).

    C’est une bonne idée que Netflix propose ce film sorti en 2018, avec un Kenneth Branagh jouant mezza-voce, entouré de "ses" femmes et en premier lieu la toujours exceptionnelle Judi Dench. 

    All is true, drame historique anglais de Kenneth Branagh,
    avec Kenneth Branagh, Judi Dench et Ian McKellen, 2018, 101 mn, Netflix

    https://www.sonyclassics.com/allistrue
    https://www.netflix.com/fr/title/81034560

    Voir aussi : "S’il vous plaît, rembobinez"

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  • Espagne, année 0

    Le thriller espagnol fait des vagues, à telle enseigne que l’on peut deviner dans les prochaines années un réel engouement, à l’image des polars venus du froid. Mais nous n’en sommes pas encore là. En attendant, intéressons-nous à un film passé complètement sous les radars et qui vaut pourtant son pesant de cacahuètes.

    The Replacement a choisi l’année 1982, date fondamentale pour l’Espagne post-franquiste, sur le point d’élire le premier gouvernement démocratique et socialiste. Un tournant, un an après le coup d’état manqué d’une junte nostalgique de Franco, mort 7 ans plus tôt. 1982 est également l’année de la coupe du monde de football, compétition dont les Français se souviennent… C’est cette année que débarque à Dénia, sur la Costa Brava, Andrès. Ce policier, aussi taiseux que mû par un idéalisme qui lui a sans doute coûté sa mutation, débarque sur ce port apparemment paisible avec femme et enfant.

    Arrivé à son poste, il rencontre ses collègues, dont Columbo, un policier antipathique, abîmé par le tabac et l’alcool. Andrès découvre qu’il remplace un collègue mort d’une overdose. Rapidement, les opérations de surveillance de la police autour de villas luxueuses le troublent. Mais Colombo lui demande de ne pas faire de vague. 

    Óscar Aibar gratte le vernis de la société espagnole post-franquiste

    Des vagues, il va pourtant y avoir, grâce à Andrès (Ricardo Gómez) mais aussi Columbo (le formidable Pere Ponce). Dans une facture classique – le flic bad boy et le vieux policier bourru se lancent dans une enquête borderline – Óscar Aibar gratte le vernis de la société espagnole post-franquiste. 40 ans de dictature fasciste ne s’effacent pas d’un trait de plume, est-il rappelé, comme le montre une scène du bar au cours de laquelle le salut fasciste réapparaît très vite.

    En situant son récit au début des années 80, le spectateur peut se délecter des reconstitutions historiques : vêtements, coiffures, voitures, mobiliers... et omniprésence de la cigarette. Le réalisateur a la bonne idée de donner à l’histoire le cadre de la coupe du monde de football (mais pas la fameuse demi-finale France-Allemagne…).

    Le cœur du récit est un épisode passé sous silence : celle d’une Espagne devenue un asile pour des centaines d’anciens officiers nazis. The replacement est tiré d’une histoire vraie, ce qui donne au film un trouble supplémentaire. Seul bémol : Óscar Aibar ne joue pas toujours dans la subtilité.

    En tout cas, le message transmis par le cinéaste, après un dernier retournement, a le mérite de sonner comme une alarme : après la disparition d’une génération persécutée, le mal est prêt à revenir et à frapper de nouveau. Nous voilà prévenus.  

    The replacement, thriller historique espagnol d’Óscar Aibar,
    avec Ricardo Gómez, Vicky Luengo, Pere Ponce, Joaquín Climent
    et Susi Sánchez, 2022, 117 mn, VOD, Canal+

    https://www.canalplus.com/cinema/the-replacement/h/17689951_40099

    Voir aussi : "Amour, musique, matelas et autres contrariétés"

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  • Amour, musiques, matelas et autres contrariétés

    Il s’appelle Gary, il a 15 ans. Elle s’appelle Alana, elle en a 10 de plus. Tout ou presque les sépare. Pourtant, c’est avec un certain culot que l’adolescent, enfant prodige de la télé et passé maître dans l’art de la tchatche, drague la jeune assistante photographe qui l’envoie balader… avant d’accepter un rendez-vous qu’elle semble regretter aussitôt.

    Paul Thomas Anderson a réalisé Licorice Pizza comme on concocte une œuvre nostalgique au délicieux goût acidulé. Né au début des années 70, nul doute que le réalisateur a puisé dans ses souvenirs d’enfance pour raconter cette histoire se déroulant en 1973, au moment où l’Amérique et le monde s’apprêtent à plonger dans une crise pétrolière et économique durable. Nostalgie, nostalgie... De ce point de vue, Licorize Pizza , littéralement "pizza à la réglisse" fait autant penser à une confiserie – ce que le film est, en réalité – qu’à une référence à un magasin de disque en Californie et à une chanson d’Elvis Costello. Si vous êtes curieux, rendez-vous sur ce site : https://licoricepizzarecords.com.

    Et pourtant, le couple avance, cahin-caha, dans le monde absurde des adultes

    Paul Thomas Anderson film avec un plaisir visible une love story improbable entre deux jeunes gens croquant la vie avec un mélange d’enthousiasme et d’amertume. Alana Haim explose de talent dans le rôle d’Alana, cherchant sa place entre petits boulots, petits copains décevants et un engagement politique plus proche du sentimentalisme que de l’idéalisme. À peine sortie de l’adolescence et pas encore adulte, elle suit dans ses pérégrinations , sans jamais vraiment y croire à 100%, Gary Valentine – joué par  Cooper Hoffman, le fils du regretté Philip Seymour Hoffman qui avait tourné pour Paul Thomas Anderson. Malgré son jeune âge, il incarne une forme de suffisance et d’assurance, jusqu’à l’aveuglement. Que l’on pense au cynisme dans son entreprise de matelas à eau ou, mieux, à son commerce de flippers.

    Et pourtant, le couple avance, cahin-caha, dans le monde absurde des adultes. Cette dinguerie est incarnée avec brio par Sean Penn, dans le rôle de Jack Holden, une ex-star déchue aussi désaxée que le producteur Jon Peters, joué par l’incroyable Bradley Cooper.

    Licore Pizza, nostalgique, mélancolique mais à l’optimisme intact, se regarde comme un retour vers une période disparue, et diablement séduisante. Une vraie réglisse en bouche.   

    Licorice Pizza, comédie dramatique américaine de Paul Thomas Anderson, avec Alana Haim, Cooper Hoffman, Sean Penn, Tom Waits et Bradley Cooper, 2021, 133 mn, Canal+
    https://www.universalpictures.fr/micro/licorice-pizza
    https://www.canalplus.com/divertissement/licorice-pizza/h/19286979_50001

    Voir aussi : "Une louve pour l’homme"

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  • Une louve pour l’homme

    Revenge est sorti en 2017. Si je vous parle de cette date c’est qu’elle est capitale pour comprendre le contexte d’un film sorti l’année du déclenchement de l’Affaire Weinstein et le début du mouvement féministe MeToo.

    Revenge se présentait pourtant comme un film d’action de série B, avec son lot d’hémoglobine, de cris, de scènes à réserver à un public averti, et avec pour intrigue une femme décidée à se venger suite à un viol.

    Jennifer, jouée par l’Italienne Matilda Lutz, a accepté un  week-end en amoureux avec son amant Richard, marié, chef d’entreprise, et profitant de sa villégiature en plein désert pour roucouler. Mais il est rejoint par deux amis qui s’invitent chez lui. Après une soirée bien arrosée, Richard part quelques heures laissant Jennifer seule dans la maison. Ou pas tout à fait seule : un des deux impromptus la viole. Les trois amis décident de cacher l’agression et de se débarrasser d’elle en plein désert. Mal leur en prend : ils n’en ont pas fini avec elle, bien décidée à se venger.

    Matilda Lutz, impeccable dans le rôle d’une Némésis moderne

    Revenge, derrière un scénario hyper basique et très efficace, est bien plus malin qu’il n’y paraît. On doit à sa réalisatrice Coralie Fargeat de se servir d’un film d’action  pure pour asséner quelques messages, ce qui a fait que Revenge a marqué les esprits.

    Précisons l’univers de ce film. Il a beau se dérouler de nos jours, il reste universel : pas de lieux défini – un désert et une maison luxueuse – et pas de noms pour les personnages – seulement des prénoms. Que sait-on d’eux ? Pas grand-chose. Ils sont réduits à des corps et de vagues identités : une femme fatale – dans tous les sens du terme  – rêvant de célébrité et trois quadras, chefs d’entreprise, à l’origine indéfinie. La symbolique est d’autant plus forte que le spectateur a des doutes quant aux péripéties de la victime. C’est là sans doute que Revenge revêt un aspect fantastique, pour ne pas dire mythologique : une vengeance impitoyable s’abat sur ces hommes qui ont osé souiller et abuser une innocente.

    Drame antique, récit d’action et sanglant ou film engagé à l’heure du retour du féminisme ? Un peu de tout cela à la fois. Avec une scène finale de tuerie jouant la carte de l’humour noir et du grand-guignol.

    Revenge est à découvrir, si ce n’est pas déjà fait. Citons enfin Matilda Lutz, impeccable dans le rôle de cette Némésis moderne, car si l'homme peut être un loup pour l'homme, la femme peut être une louve. 

    Revenge, action et horreur français de Coralie Fargeat,
    avec Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe et Guillaume Bouchède, 2017, 108 mn, Canal+

    https://www.mesproductions.fr/revenge
    https://www.canalplus.com/cinema/revenge/h/9541427_40099

    Voir aussi : "Qu'as-tu vu ?"

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  • Qu’as-tu vu ? 

    Et si l’œuvre de Ridley Scott se voyait enrichie, avec Le dernier duel, sorti l’an dernier, l’un de ses meilleurs films ? Un accueil poli avait accueilli la sortie de ce drame historique tourné en grande partie en France. Le dernier duel mérite cependant bien plus, à la fois dans sa construction narrative de dans le message résolument moderne que le vieux réalisateur veut faire passer.
    Basé sur un roman d’Eric Jager, Ridley Scott raconte le duel entre le chevalier Jean de Carrouges (Matt Damon) et l’écuyer Jacques le Gris (Adam Driver). Nous sommes en 1386 en France, en pleine guerre de Cent ans.

    Jean de Carrouges combat avec ardeur pour les troupes de Charles VI. Il devient frère d’armes avec Jacques le Gris qui peut se targuer d’être dans les petits papiers de ses suzerains, et notamment du comte Pierre II d'Alençon (Ben Affleck). Contre toute attente, Jean de Carrouges trouve un bon parti en la personne de Marguerite (Jodie Comer), une jeune noble normande. Mais le chevalier se voit déposséder d’une partie des terres qu’il a reçu avec sa dot, en raison d’une dette importante. Jean de Carrouges ravale sa rancœur contre Jacques le Gris et le comte Pierre d’Alençon pour repartir en guerre. À son retour d’une campagne malheureuse, il apprend que sa femme a été violée. Il en appelle au roi et obtient de lui un duel contre le présumé coupable, Jacques le Gris. 

    Ordalie

    Le premier intérêt du film est avant tout historique : raconter la toute dernière ordalie, ces duels judiciaires venus d’âges immémoriaux au cours desquels la justice était sensée être donnée par Dieu grâce à la victoire du combattant. Dans la dernière et longue séquence d’action pure, Ridley Scott use de son expérience et de son talent au service d’un dénouement que nous ne dévoileront pas ici. Disons simplement que la conclusion de ce duel charrie sa part de cruauté mais aussi de non-dit. .

    Mais le film de Ridley Scott est aussi un puissant récit sur un fait divers oublié, et pourtant actuel. Que s’est-il passé et qu’on vu les protagonistes ? Le film propose trois parties qui proposent les trois points de vue : celui du mari Jean de Carrouges, de l’accusé Jacques le Gris et de la victime Marguerite de Carrouges. Dans le rôle de la femme bafouée, Jodie Comer, que l’on a connu dans le rôle de la tueuse de Killing Eve, endosse un rôle incroyable de sincérité, avec une étonnante modernité. Traitement fait aux femmes, agressions sexuelles, soupçons, rumeurs jetées sur la place publique pour faire bouger les lignes : voilà qui parle au spectateur de 2022. Et qui fait de ce Dernier duel un film important et moderne.  

    Le dernier duel, drame historique anglo-américain de Ridely Scott,
    avec Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer et Ben Affleck, 2021, 152 mn, Canal+

    https://www.20thcenturystudios.com/movies/the-last-duel
    https://www.canalplus.com/cinema/le-dernier-duel/h/17179808_40099

    Voir aussi : "Tu n’as rien vu à Hiroshima"
    "Notre meilleure tueuse"

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  • Tu n’as rien vu à Hiroshima

    La facture du chef d’œuvre  de Ryūsuke Hamaguchi, Drive My Car, peut surprendre : le générique n’arrive qu’au bout de 39 minutes. Entre temps, le cinéaste aura patiemment campé le personnage principal, Yūsuke Kafuku, metteur en scène et acteur marié à Oto, une scénariste bien installée comme lui. C’est donc une histoire d’amour a priori idyllique entre deux artistes parfaitement assortis. Lui connaît une réelle reconnaissance avec sa mise en scène d’En attendant Godot de Beckett ; elle semble s’épanouir à la télévision. Pourtant, Yūsuke expérimente une fin du monde à la fois invisible et indicible : après qu’on lui a détecté un glaucome, le metteur en scène découvre l’infidélité d’Otto. Peu de temps plus tard, le jour où elle s'apprête à lui révéler quelque chose, elle décède accidentellement. 

    C’est sur cette ruine personnelle que commence la lente et délicate reconstruction d’un homme, à la faveur d’une pièce de théâtre qu’une compagnie lui demande de créer dans la région d’Hiroshima – là encore le lieu choisi est loin d’être anodin, d’autant plus que l’on peut y voir une référence à Marguerite Duras et son Hiroshima mon amour. Pour ce travail de commande, une adaptation d’Oncle Vania de Tchekhov, on lui adjoint une chauffeuse chargée de conduire sa vieille Saab.  Yūsuke accepte de se laisser conduire, ce qui lui permet d’écouter la pièce sur son autoradio. Entre l’artiste et la conductrice, les relations sont d’abord distantes, pour ne pas dire polies et glaciales. 

    Une référence à Marguerite Duras et son Hiroshima mon amour

    On se laisse conduire par le drame intime de Ryūsuke Hamaguchi et par ses près de trois heures. La magie opère. Pour preuve, le film a été multi récompensé : prix du scénario à Cannes, Golden Globes du meilleur film étranger et des nominations aux Césars et aux Oscars.

    Pour justifier toute la valeur de ce drame intime traitant du deuil, de la reconstruction et de l’amour, sur fond de littérature et d’art, précisons que Drive My Car est une adaptation d’une nouvelle de Haruki Murakami (1Q84).

    Sur cette histoire de deuil – ou plutôt de deuils multiples – Ryūsuke Hamaguchi choisit la retenue, la sensibilité mais aussi les non-dits. Évidemment, l’environnement théâtral n’est pas un hasard : alors que le début du film montre Yūsuke en plein travail sur le chef d’œuvre de l’absurde qu’est En attendant Godot, c’est Tchekhov qui est au cœur de la partie centrale du film. Le choix de la mise en scène de Yūsuke est révélatrice : le mélange des langues (y compris le langage des signes) parle – si j’ose dire – d’universalité mais aussi d’incommunicabilité.

    Le spectateur est témoin tout au long du film de la distance, d’abord physique, entre la chauffeuse et son client. Le réalisateur utilise les allusions, les ellipses (par exemple la dernière séquence du long-métrage) et les regards pour évoquer la douleur d’un auteur reconnu et d’une femme issue d’un milieu populaire, que tout semble séparer. Lorsque les mots et les confidences surgissent, les révélations frappent, voire tétanisent.

    Voilà qui fait de Drive My Car un long-métrage bouleversant, choisissant l’intelligence, l’émotion mais aussi les références au théâtre, au cinéma et à la littérature. Bref, un très, très grand film.

    Drive My Car, drame japonais de Ryūsuke Hamaguchi, avec Hidetoshi Nishijima, Tōko Miura et Masaki Okada, 2021, 179 mn, Canal+
    https://dmc.bitters.co.jp
    http://diaphana.fr/film/drive-my-car
    https://www.canalplus.com/cinema/drive-my-car/h/16772431_40099

    Voir aussi : "Stupeur et tremblements"
    "1Q84 ou 1984 ?"

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  • Épicé 

    Il ne faut jamais dire jamais. L’idée que la saga de Franck Herbert, Dune, soit inadaptable était devenue proverbiale. David Lynch lui-même, qui était pourtant venu à bout d’un premier opus, le mythique Dune de 1984, avait fini par désavouer un film mal-aimé, si ce n’est moqué. Le site Rockyrama a par ailleurs consacré un article sur les adaptations perdues de cette œuvre.

    Le réalisateur canadien Denis Villeneuve a sorti l’an dernier son Dune, un film d’autant plus attendu qu’il était une bouffée d’air frais – si j’ose dire – en pleine crise du Covid. Le premier film de sa saga – deux autres films sont déjà en préparation – se concentre sur le cœur de l’histoire : la planète Arrakis, un astre modeste dominé par le désert, dont le surnom a été tout trouvé : "Dune". Les Fremen, une peuplade du désert rétive à la domination impériale, cohabite avec des colons dans une guerre larvée où les indigène sont réputés indociles. Les Fremen se sont adaptés à Arrakis, redoutable par son environnement, ses températures extrêmes mais aussi les vers des sables qui y vivent. Dune est inhospitalière, dangereuse et inadaptée à l’homme.

    Elle a pourtant une richesse qui la rend incontournable : l’Épice. Cette substance rarissime, qui est capable de prolonger la vie comme de permettre les voyages spatiaux-temporels est uniquement présente sur Arrakis et l’Empire ne peut se permettre de se passer de son exploitation. L’empereur y envoie le Duc Leto de la Maison des Atréides, avec sa compagne Dame Jessica, membre de l’organisation Bene Gesserit, et son jeune fils et héritier, Paul. Leur armée les suit. Tout ce beau monde est chargé de reprendre en main l’exploitation de l’Épice à la suite d’une autre Maison, les Harkonnen. Mais rapidement, une évidence s’impose : il s’agit d’un piège. 

    Denis Villeneuve nous épargne dans "son" Dune de 2021 tout l’apanage de l’univers de Franck Herbert, et on l’en remercie

    Autant dire que pour ce nouveau Dune, Denis Villeneuve était attendu au tournant, lui qui s’était déjà attaqué à de la science-fiction dans ces deux précédents films, Premier Contact et Blade Runner 2049.

    C’est dire que le réalisateur canadien cochait beaucoup de cases. Il restait à bâtir une solide adaptation pour rendre compréhensible une histoire se déroulant en 10 191 et mettant en scène un empire galactique, des lignées d’aristocrates rassemblés en Maisons, une communauté féminine  aux pouvoirs religieux, ésotériques et politiques et de multiples autres  organisations redoutables permettant la survie d’un Empire puissant et étendu dominé par Padishah Shaddam IV.

    Denis Villeneuve nous épargne dans "son" Dune de 2021 tout l’apanage de l’univers de Franck Herbert, et on l’en remercie. 
    Ce premier Dune séduit d’abord par la puissance des images, l’inventivité des costumes, des décors et des vaisseaux et la découverte de la redoutable et convoitée Arrakis. L’histoire se veut aussi un récit initiatique, pour ne pas dire messianique, avec un jeune homme devant survivre après une attaque surprise.

    Timothée Chalamet, l’enfant-chéri d’Hollywood, endosse avec bonheur le rôle de Paul Leto, accompagné de la convaincante Rebecca Ferguson dans le rôle de Jessica. La presse s’est enthousiasmé sur la présence de Zendaya, l’autre (jeune) star du film. Mais il faut être honnête : elle n’apparaît qu’épisodiquement, dans les dernières minutes, ou alors sous forme de flash.

    Évidemment, Zendaya aura un rôle plus important dans le deuxième opus de la saga, prévue en 2023, et que l’on attend déjà avec impatience. En attendant, il y a ce premier Dune, à découvrir sur Canal+.

    Dune, film de science-fiction américano-canadien de Denis Villeneuve,
    avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Zendaya,
    Josh Brolin et Jason Momoa, 2021, 155 mn

    https://www.dunemovie.net
    https://www.canalplus.com/articles/cinema/dune-le-film-de-sf-au-format-xxl

    Voir aussi : "Les films que vous ne verrez jamais"

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  • Une nouvelle chance pour un Triomphe

    Donnant une nouvelle chance pour Un triomphe, cette comédie dramatique française qui, sans la présence de Kad Merad, aurait sans doute été aux abonnés totalement absents durant la période Covid, celle de sa sortie.

    Disons-le tout de suite : a priori, l’argument du film apparaît assez classique. Des reclus de la société, en l’occurrence des prisonniers, se voient proposer une chance de réinsertion grâce à un comédien qui leur propose de monter une pièce de théâtre. Retrouver la dignité grâce à l’art : une belle idée que le cinéma a déjà mis en scène, à l’instar des Virtuoses de 1996.
    Le spectateur va-t-il se trouver en terrain connu grâce un film certes généreux mais aussi sans réelle surprise ? C’est là où Emmanuel Courcol étonne son monde. 

    Un retournement inattendu

    Bien entendu, Kad Merad endosse avec le talent qu’on lui connaît le rôle d’Étienne Carboni, un artiste frustré, obligé de jouer les assistants sociales – croit-il – au lieu de s’adonner au seul métier qu’il aime : la scène. On apprend aussi que la plupart des acteurs qui jouent le rôle des prisonniers en réinsertion grâce au théâtre sont des amateurs.

    Le choix de la pièce choisie par Étienne Carboni n’est évidemment pas un hasard : En Attendant Godot de Samuel Beckett. Le choix de ce classique de la littérature contemporaine tombe à point nommé pour parler de l’absurdité du monde des prisonniers et leur attente en attendant la liberté chérie.

    Un Triomphe propose en guise de fin un retournement inattendu qui fini de braquer le projecteur sur l’acteur-formateur, avant de souligner que l’histoire a été inspiré par l’histoire authentique de Jan Jönson. Voilà qui donne un relief inattendu à cette excellente comédie.  

    Un triomphe, comédie dramatique française d’Emmanuel Courcol, avec Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho et Marina Hands, 2020, 106 mn
    https://www.canalplus.com/cinema/un-triomphe/h/15465400_40099

    Voir aussi : "Alex Lutz remet le service"

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