Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Aurélie Dubois unmakes sex

"Qui es-tu pour ne pas te reconnaître ?" annonce le site Internet d’Aurélie Dubois. La citation de Daniel Androvski, psychanalyste et écrivain, annonce la couleur : les œuvres qui sont proposées par l’artiste risquent d’en dérouter plus d’un et nous tendre un miroir dérangeant sur le corps, le désir, le fantasme et le sexe. Une démarche revendiquée par Aurélie Dubois, "artiste de garde", qui affirme ceci : "Je considère que je ne fais que traduire la météo des pulsions."

Graphiquement, l’influence de la bande dessinée est flagrante dans les œuvres de l'artiste datées de 2006. Il y a aussi de l’Egon Schiele dans cette manière de représenter ses nus et ses scènes de couples : corps contorsionnés, visages grotesques, scènes de sexe caricaturales, travail sur les cadrages. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Aurélie Dubois reste une artiste au talent de portraitiste indéniable, comme le prouvent ces portraits de 2007 et 2012, ainsi que ces autres dessins de 2008 à 2010 d’une élégante maîtrise graphique – ce qui n’exclut pas son travail sur la déstructuration des corps.

À partir de 2010, Aurélie Dubois a travaillé sur les lavis. Exit le réalisme graphique. Cette fois, les personnages sont ces masses sombres grimaçantes, des êtres hybrides sortis de nulle part et rejetant des sécrétions de toute nature (urine, sperme, excréments et cetera).

2011 voit arriver une série de dessins tout aussi surréalistes : les personnages qu’Aurélie Dubois met en scène sont ces petits êtres que l’on croirait tout droit sorti d’une autre planète. Têtes surdimensionnées, yeux globuleux, absence d’oreilles et de cheveux... mais pourvus de sexes. Ces aliens – mais nous sont-ils si étrangers que cela ? – se tancent, copulent (en couple ou en groupe), se mutilent, se démembrent et se torturent.

aurélie duboisLe spectateur peut être troublé par ces œuvres. Il le sera sans doute bien plus par cette série de dessins de 2013, faits sur des pages de cahiers d’écolier. "Mes parents m’ont donné la vie par le sexe" annonce le texte en écriture cursive et scolaire. La série de dessins est un parcours fait de douleurs, de tortures et de mutilations d’une jeune fille. On pourra y voir autant des scènes tout droit sortis d’un livre du Marquis de Sade que des représentations de meurtres sordides si familiers des rubriques faits-divers ou bien des représentations symboliques de la souffrance humaine.

Tout en gardant son attrait pour les corps déstructurées, les dessins suivants de 2013 et 2015 brillent par leur fausse naïveté (voir ces exemples), leur maîtrise graphique et ce surréalisme poétique non dénué d’humour noir. Aurélie Dubois "décapite" également le genre masculin dans cette autre série pour s’intéresser aux femmes : scène de nativité, nues dans des positions atypiques, filles démembrées ou écorchées, femmes-arbres, danseuses, arlequin, acrobate, scènes érotiques lesbiennes ou encore ce somptueux trio rouge et noir.

Les lavis au format Jésus (2015) frappent par leur noirceur, le travail d’ombres et de représentation des corps et des organes dans tous leurs états : disputes apocalyptiques, accouchements monstrueux, meurtres, mutilations, scènes familiales où l’inceste n’est jamais loin.

Dans ses dessins les plus récents datant de 2015, Aurélie Dubois propose des scènes faussement naïves et bourrées d’humour noir que Topor ne renierait pas avec ces personnages grotesques voire libidineux. Les lavis à l’eau croupie (sic), présentent, eux, des portraits à la facture expressionniste.

aurélie duboisAurélie Dubois est aussi photographe. Son site nous donne un aperçu de son travail, basé sur l’autoportrait. Des portraits naviguant entre intimité, humour décalé (HDA love) et mises en scène morbides (Cut). Une troublante série de trois photographies de l’auteure buvant à un robinet, avant qu’elle ne disparaisse du champ (Urolanie). Des montages photographique de l’artiste dupliquée (Insexualité). L’humour noir, le travail sur le corps et le sexe et le fantasme se matérialise avec ces personnages grotesques, mutants et grimaçants (n’y aurait-il d'ailleurs pas l’influence du peintre chinois Yue Minjun dans un de ces personnages au rictus si caractéristique ?) : Skin, Mutants, Dirty water et Human Behavior (2013).

aurélie duboisAurélie Dubois est présente au salon d’exposition collective Salo IV du 8 au 10 avril 2016. Elle y présente son oeuvre-phare, "Mes tresses s'amusent" (papier moisi et mine graphite, 150x188cm). Ce dessin, pièce maîtresse du salon, marque une étape importante dans l'oeuvre d'Aurélie Dubois. Mes tresses s'amusent frappe par ses dimensions (150x188cm) mais aussi par sa construction. Le visage centrale de la fille aux tresses, inquiétante de douleur, le visage marqué et comme écorché, alpague le spectateur. Dans un décor floral digne de ces vieilles tapisseries qui ont pu marquer notre enfance, une ronde de personnages surgit. Ces créatures apparaissent, flottent, nous interrogent ou se font menaçant. Deux mains se serrent, applaudissent ou se crispent. Une tête de mort est portée par une ménade. Une fillette que l'on croirait sortie d'un roman de Stephen King semble attendre son heure tout en se laissant envelopper par "des tresses-lianes". Une femme repose, endormie - ou morte  ? - dans les bras de son amant. Et toujours ces tresses, fil conducteur d'une oeuvre si complexe que l'on peut s'y perdre des heures. Chaque figure, chaque personnage apporte son lot de questions. Qui sont-ils ? Des souvenirs ? Nos rêves ? Les représentations d'un inconscient ?  Mes tresses s'amusent est le titre calembour choisi par une artiste qui se plaît à user de l'humour noir pour ses créations. Cette œuvre dessinée parvient à transcender l'érotisme, grâce à la maîtrise d'une artiste qui a fait du sexe et du fantasme son terrain de recherche.

Le bloggeur ne peut enfin qu’inviter à se plonger dans le passionnant portrait filmé Dans l’Atelier d’Aurélie Dubois. Ce reportage sous forme de questionnaire de Proust permet de comprendre cette archéologue du désir et du fantasme au talent immense et féroce. Ses œuvres graphiques, photographies, performances et vidéos (The Corridors, Anamnèse ou Amour écrit en Fer) entendent nous remuer, nous interpeller, avec une vraie éthique : "éviter le toc de la morale".

Le site d'Aurélie Dubois
Page Wikipédia consacrée à Aurélie Dubois 

Dans l’Atelier d’Aurélie Dubois
Chez Cherry Gallery
Salo IV, Salon du dessin érotique, du 8 au 10 avril 2016, 11 heures -20 heures
Entrée libre, interdit aux moins de 16 ans
© Aurélie Dubois 2016

Dans l'Atelier d'Aurélie Dubois from Aurelie Dubois Artiste de Garde on Vimeo

Les commentaires sont fermés.