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  • 10 variations sur le même t’aime

    Il y a comme un parfum de légèreté dans l’album de Noon, Love In Translation. Un joli titre, en passant, hommage bien entendu au chef d’œuvre de Sofia Coppola, le film Lost in Translation.

    L’amour : voilà le leitmotiv de cet album pop, à la légèreté idéale à l’approche de l’été. L’attirance, les liens indéfectibles, le désir, la séduction, l’aliénation ou la joie de la rencontre : Noon parle de la multitude des liens que recouvre l’amour, déclinés sur 10 variations et en 10 titres : "Amour passion, amour fou, amour filial, amour inconditionnel, amour de soi."

    La sincérité baigne dans ce premier album, tout en délicatesse, mais aussi aux multiples influences : chanson, pop, électro ou funk. Noon n’est d’ailleurs jamais aussi bonne lorsqu’elle se pare du costume de la chanteuse soul (Perfume of Euphoria). L’auteure-compositrice-interprète a d’ailleurs fait partie du groupe électro Shenkin en 2011.

    L’auditeur pourra se laisser séduire par les vagues électro d’une chanteuse qui a fait le choix de l’anglais dans la majorité de des titres, à l’exception du Cœur des Hommes ("Ce sont les hommes qui s’abandonnent / Qui sont ces hommes qui s’abandonnent ?" chante-elle avec une désarmante sensibilité) et de Sans Toi.

    Impossible également de ne pas s’attacher à la délicate reprise de The Logical Song des Supertramp. Une interprétation qui a été saluée d’ailleurs par Roger Hodgson lui-même.

    Mine de rien, Noon parvient à nous prendre par la main et par le cœur dans un premier album tout en séduction et en "je t’aime."

    Noon, Love In Translation, PBC / Warner Music, 2018
    https://www.yourlabelmusic.com/noon

    Page Facebook de Noon
    Interview de Noon pour Les Chroniques de Mandor, février 2018

     

  • Inst-art-gram

    De jeunes artistes se révèlent sur Instagram, nous apprend Le Monde dans son édition du 26 juin dernier (Roxana Azimi, "Les jeunes artistes se révèlent sur Instgram"). On savait les réseaux sociaux à l’affût de la moindre occasion de s’immiscer dans l’économie réelle ; on se doutait moins que les artistes pouvaient s’emparer d’un réseau social plus connu pour les frasques des Kardashian que pour la création contemporaine.

    Et pourtant. Et pourtant, le célèbre quotidien du soir mentionne l’artiste nantaise Ariane Yadan qui a vendu une photo sur Instagram ou de Jean-Baptiste Boyer qui a vendu des œuvres sur Internet, avant sa première exposition à la galerie Laure Roynette (Paris 3e).

    Verrait-on l’émergence d’une nouvelle forme de collections d’art ? Il est probable que oui, si l’on en croit une étude faite par Artsy datant de 2015 – autant dire une éternité à l’ère du numérique. D’après le site spécialisé, il y a déjà 3 ans, 51,5% des collectionneurs d’art avaient acheté au moins une œuvre sur Internet. Et aujourd’hui, Instagram représente un milliard d’utilisateurs et s’avère être un média d’une grande efficacité. Au point, ajoute Le Monde, que la galerie Perrotin a confié sa publicité à l’agence BETC et peut se féliciter d’avoir vu son nombre d’abonnés doubler et ses ventes augmenter. La recette magique ? Les algorithmes, les likes et, plus généralement, la visibilité.

    Le quotidien regrette, à juste titre, que l’outil puissant qu’est Instagram ne mette en avant que les sujets les plus tendances, voire les plus stéréotypés (les visages plutôt que les paysages ou le bleu plutôt que le rouge). L’art sur Instagram, oui, mais sous certaines conditions. Et aussi le danger d’une uniformisation de l’art contemporain.

    Roxana Azimi, "Les jeunes artistes se révèlent sur Instgram", in Le Monde, 26 juin 2018
    Instagram "#artcontemporain
    "

    https://www.artsy.net
    http://arianeyadan.com
    http://www.galerie-art-paris-roynette.com

    Voir aussi : "La brodeuse masquée a encore frappé"

    © Ariane Yadan
    © Jean-Baptiste Boyer

  • Deus ex machina

    Attention : spoils pour celles et ceux qui n’auraient pas vu la première saison de Westworld...

    Les robots – pardon, les hôtes – du célèbre parc de Robert Ford sont de retour, bien décidés à prendre leur destin en main, guidés par une Dolorès (Evan Rachel Wood ) métamorphosée en prophétesse impitoyable. 

    La série Westworld, l’une des meilleures du moment, a remis HBO au centre des attentions et prouve que la chaîne câblée n’a rien perdu de son audace, après les succès historiques de Soprano, Rome ou Game of Thrones.

    Pour cette nouvelle saison, la série créée par créée par Jonathan Nolan (le frère de) et Lisa Joy ouvre des perspectives scénaristiques ahurissantes.

    Des perspectives scénaristiques ahurissantes

    Westworld est l’adaptation télé du roman, mais aussi du film Mondwest, écrit et réalisé par Michael Crichton en 1973. Westworld est ce parc d’attraction imaginé autour de l’univers de western, et dans lequel des robots plus vrais que nature sont destinés à satisfaire les plus bas instincts des visiteurs humains : se battre, tuer ou violer. Dans un futur plus ou moins proche, la technologie parvient à créer des androïdes quasi parfaits mais surtout soumis à des ingénieurs qui peuvent les programmer et les rebooter à volonté. Seulement, un bug est découvert par Bernard, l’un des scientifiques de Westworld (Jeffrey Wright). Et voilà nos robots bien décidés à prendre leur destin en main.

    Les ramifications promises à la toute fin de la première saison se développent au-delà des espérances, et ce en dépit de quelques longueurs, de dialogues denses ou d’intrigues complexes. L’ambivalence des personnages – et en premier lieu de Dolorès et de Maeve (Thandie Newton) – est le vrai must, tout comme le choix d’enrichir le parc de nouveaux univers.

    L’histoire mêle interrogations métaphysiques, va-et-vient entre le passé et le futur, condamnation de ces Prométhée modernes incapables de maîtriser leurs créations, sans oublier une bonne ration de violence et de sexe.

    La saison 2 de Westworld est l’événement télé de ces dernières mois, mais sans doute aussi un authentique fait sociologique autour des dangers de l’intelligence artificielle – et naturelle.

    Westworld, saison 2, créé par Jonathan Nolan et Lisa Joy,
    avec Evan Rachel Wood, Thandie Newton, James Marsden,
    Ed Harris et Jeffrey Wright, HBO, 10 épisodes, 2018, sur OCS
    https://www.hbo.com/westworld

    Voir aussi : "C'est pas de la télé, c'est HBO"

  • Hommage à Claude Lanzmann

  • 40 bougies pour un géant de l’édition

    harlequinAllez, on ne va pas se raconter d’histoires : qui ne connaît pas Harlequin ? Mieux, qui n’en a pas lu ? Cette maison d’édition qui s’est spécialisée dans la littérature sentimentale et populaire – les mauvais coucheurs diront "à l’eau de rose" – se porte bien : merci pour elle.

    Deux événements nous rappellent qu’Harlequin, né au Canada en 1949 grâce à l’imagination de Mary et Richard Bonnycastle, vit une année 2018 particulière.

    D’abord parce que la maison française fête ses quarante bougies : en 1978, Complainte sicilienne est le premier roman publié dans notre pays dans ce qui deviendra en 1988 la collection Azur.

    L’autre actualité de cet éditeur, que l’on adore snober, est leur nouvelle collection, Magnetic. Harlequin annonce la couleur : intense, moderne et réaliste. Le public visé ? Des lectrices urbaines pouvant s’identifier à "des héroïnes fortes et indépendantes." Quatre premiers ouvrages sont déjà proposés : Troublant contrat de JC Harroway, Amant royal de Ryley Pine (sic), Le Défi du Play-boy de Nicola Marsh et Au Jeu du Désir de Lisa Childs.

    Le modèle économique d’Harlequin n’a pas changé d’un poil : un catalogue pléthorique (700 titres publiés par an), un succès indéniable (4 millions de livres vendus par an), un lectorat fidèle et sans renouvelé (70 % de notoriété, 50 % des lectrices ont moins de 45 ans et 25 % ont entre 15 et 35 ans), avec des chiffres à donner le tournis (7 milliards de livres vendus depuis 1949, 1300 auteurs et des ouvrages traduits dans 30 langues et vendus dans 150 pays).

    Arrêtons donc de faire la fine bouche, et bon anniversaire, Harlequin France.

    https://www.harlequin.fr

  • 2018, année soviétique

    Qu’on se le dise : après l’élection de Poutine et à l’occasion de la coupe du monde de football, l’année 2018 sera russe. À cela, il faut ajouter la sortie du dernier opus du plus "marxien" des duos français : les Soviet Suprem, auteurs de leur deuxième album, Marx Attack (sans "s", s'il vous plaît).

    Voilà donc nos communistes (enfin, sur le papier du moins), partis à l’assaut pour conquérir la planète musicale, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne lésinent pas sur les clichés de la révolution d’Octobre, les références à l’Armée Rouge ou sur un sabir comme venu de l’autre côté de l’Oural.

    Mais Soviet Suprem c’est aussi et surtout l’alliance de l’humour et de la musique slave au service d’un style musical inédit et d’un message humaniste : "Quand la musique mondialisée n’est plus qu’une soupe insipide qui martèle nos esgourdes a base de boom boom et de slogans bling-bling, il est temps de réhabiliter l’Internationale, de libérer la fête et de lâcher les chevaux cosaques dans la sono," annoncent nos deux Parisiens partis à la conquête de l’est et du reste de la planète, même si la superpuissance américaine n’est jamais très loin (Peaux Rouges).

    Marx Attack c’est de l’électro-rock à l’humour noir (Dikator de Dancefloor), pour ne pas dire un album potache (Post Soviet), quand il n'est pas franchement festif (Vladimir). Les Soviet Suprem ont aussi l’art du texte et du calembour,  : "Conquête de planète / Pas de plan sur comète / Attaquer le capital / A capella / Niet niet." On peut penser à Sanseverino dans cet art de recycler et de détourner sans arrières-pensées un répertoire ancien et de mixer rap et valse (Valse Soviet)… L’auditeur retiendra tout autant la reprise hilarante de T’as Le look Coco à la mode cosaque, avec une bonne dose de vodka.

    Moins marxistes-léninistes que trotskistes

    Derrière les propos caustiques, il y a de l’engagement dans Marx Attack (International). Le duo Soviet Suprem"réveille les morts," avec un son aussi festif que... nécrologique (Héros). La révolution russe (1917) est le fil conducteur tracé par le duo de Soviet Suprem, sans doute moins marxistes-léninistes que trotskistes ("On va conquérir la planète"). Cela n’empêche par nos Parisiens soviétiques de faire, avec Couic Couic, une parenthèse sur la révolution française et la guillotine.

    Sur cet album électro-rock au flow enlevé (Tsar Wars) et à l’orchestration travaillée avec soin (Russian Kiss), c’est sans doute Jules-Edouard Moustic qui en parle le mieux : " Il existe 37 mots de base pour désigner la précision du flow de "Soviet Suprem" : chantul, gorgoute, koulikoultouk, takoum et meulmeul en sont un bel exemple. Le renne des dancefloors aizoubanais "Ilastikol Kaklu" le répète dans toutes ses soirées (attention, c'est à lire à voix haute en imitant l’écho de la sono) : "Ouah ouah ouah ouah ouah, Soviet Suprem em em em em, Ok Ok, "Mars Attacktack tack tack tack" Mayor mazik planète nèt nèt nèt nèt. Une fois de plus, ce qui se fait de bien dans notre Pays, ce sont les autres qui en parlent le mieux. Ça me rend dingue."

    Soviet Suprem, Marx Attack, Wagram / Chapter Two Records, mars 2018
    http://www.sovietsuprem.com

  • Quelques notes de graphisme

    Voilà une exposition qui va en mettre plein les yeux aux amateurs de pop music, comme aux amateurs de graphisme. Le Centre du graphisme d’Échirolles avait déjà présenté entre novembre 2017 et mars 2018 Pop Music 1967 – 2017, Graphisme & Musique. Cette exposition est de nouveau visible à la Cité internationale des arts de Paris jusqu’au 13 juillet.

    Pourquoi le choix de 1967 alors que le disque vinyle faisait partie du paysage depuis des lustres ? Pour les organisateurs, cette année révolutionnaire avant-l’heure (les pavés de mai 68 n’allaient pas tarder à faire parler d’eux) marque la naissance d’une contre-culture pop-rock et beatnik avec le concert de Jimi Hendrix au festival de Monterey mais aussi la sortie de l’album Sergent Pepper des Beatles. Un album qui a autant marqué les esprits pour ses titres légendaires que pour sa pochette. À partir de cette époque, les maisons de production vont prendre un soin tout particulier dans la conception graphique des disques qu’elles sortent. Les plus grands graphistes conçoivent d’authentiques joyaux pour le plus grand plaisir des amateurs de musique pop-rock.

    L’exposition Pop Music 1967 – 2017 propose un voyage inédit et passionnant à travers 1200 albums, 600 biographies de groupes et d’artistes, 100 pochettes de disques commentées et 16 studios graphiques invités.

    Des graphistes prestigieux

    Trois époques sont traitées séparément : de 1967 à 1982, l’âge d’or du microsillon, de 1983 à 1999, qui marque la naissance et le développent du CD, puis de l’an 2000 à 2017 correspondant à la fin progressive du support physique et l’arrivée de l’iPod (2004-2005). Dans l’exposition, l’accent est mis sur les productions américaines, britanniques et françaises.

    Près de 1300 pochettes d’albums sont présentées sur l’ensemble de l’exposition, accompagnées de nombreux repères et commentaires musicaux, historiques et graphiques. Des portraits d’artistes, photographies de concerts et des magazines musicaux complètent le propos, ainsi qu’une bande-son personnalisée.

    Les spectateurs seront en terrain connu avec des artistes qui continuent de nous accompagner : David Bowie, Björk, Daft Punk, Aretha Franklin, Michael Jackson, Madonna, Massive Attack, Joni Mitchell, Nirvana, Queen, Patti Smith, Shakira, Telephone, Tina Turner, Stevie Wonder ou Amy Winehouse.

    Des graphistes, aux noms souvent prestigieux (Laurent Fétis, M/M (Paris), Jean-Paul Goude, Vaughan Oliver, Form Studio, Julian House, Tom Hingston, Martin Andersen, Laurence Stevens, Big Active Agency, The Designers Republic, Zip Design, Matthew Cooper, Stylorouge, StormStudio et Malcom Garrett), seront les autres vedettes de cette exposition à la fois visuelle et musicale. "Les graphistes, les illustrateurs et les photographes ont des inspirations tous azimuts : ils puisent dans l’histoire de l’art, les innovations technologiques, les productions underground ou les autres cultures (Inde, Afrique, Caraïbes…)" commentent Michel Bouvet et Blanche Alméras, les commissaires de l’exposition.

    Les visiteurs pourront s’arrêter sur ces pochettes d’album élevées au rang d’authentiques chefs d’œuvres, que ce soit l’album Foreverland de Divine Comedy (2016) par Matthew Cooper à la facture klimtienne, le visage amoureusement déstructuré de Grace Jones par Jean-Paul Goude (Slave To The Rhythm, 1986), le regard bouleversant d’Annie Lennox capté pour l’album d’Eurythmics, Shame (1987), les créations graphiques magnétiques de Big Active Agency pour MonnBoots (First Landing, 2017) ou Bag Raiders (Checkmate, 2016), le design de Laurent Fétis pour Tahiti 80 (Darlin, 2010) ou encore la célèbre et mythique pochette de Pink Floyd, Division Bell (1993) par Storm Studios.

    Tout cela est à voir en ce moment à la Cité internationale des arts de Paris. Et à écouter, bien entendu.

    Pop Music 1967 – 2017, Graphisme & Musique,
    proposé par le Centre du graphisme d’Échirolles
    Cité internationale des arts, Paris 4e, 18 rue de l’Hôtel de Ville
    Du 14 juin au 13 juillet 2018, entrée gratuite

    Catalogue Pop Music 1967 – 2017, Graphisme & Musique,
    éd. du Limonaire / Centre du graphisme d’Échirolles, 400 p. 2018

    www.citedesartsparis.fr
    www.echirolles-centredugraphisme.com

     ©  Laurence Stevens Studio, Eurythmics, Shame, vinyle, 1987

  • L'Âge d'Or à la Galerie Detais

    L’exposition Les Géorgiques présente des œuvres picturales et des dessins de Adrien Belgrand, Yann Lacroix, Abel Pradalié, Arnaud Rochard. Le dialogue entre ces quatre artistes français est une projection contemporaine du mythe de l’âge d’or. Il renvoie à la littérature antique qui chez Virgile, Tibulle avant lui et Fénelon s’est donné la mission de décrire et de situer un temps du plaisir et de la quiétude. Cet instant perdu, objet de fantasmes et de délires et aussi le moteur d’une pensée politique, celle de l’utopie.

    26 mai 2018, Naples. Quelques lignes d’un brouillon me viennent, en promenade au parc virgilien. Des familles, quelques couples enlacés, des amis silencieux. Tous goûtent le calme d’avoir échappé à la ville, au tumulte, à la fantaisie du hasard. Un long poème effeuillé au vent, dans la moiteur d’un été tropical. Une promenade sans peine dans les méandres d’une nature sauvegardée. Un instant de contemplation dans la quiétude d’un soir qui tombe. Une rencontre magique à l’orée d’une forêt. La nostalgie d’un passé meilleur s’élance à la recherche d’un présent mystérieux, capable de retenir en lui ce qui satisfait l’expérience du plaisir. L’âge d’or est un mythe éternel et une projection empirique, à la recherche d’un instant suspendu, assez fort, assez grand, assez tendre pour être contemplé comme un éternel présent…

    Adrien Belgrand

    Dans un ciel crépusculaire, dilaté par la chaleur mourante, une nature dense, exposée à quelques rayons de lumière déjà s’endort dans un lit d’ombres. Le léger mouvement des arbres suggéré par des touches enlevées s’accorde avec les tonalités bleues, grises et l’ocre d’une terre balayé par la poussière à l’horizon. Porte méridionale de Châtillon, baignée par la lumière, Saint-Roman s’expose à un moment de grâce. L’œuvre éponyme converse avec la quiétude estivale des vacanciers et des habitués qui se retrouve à Malmousque pour un bain de mer. Les corps oints, alanguis ou observateurs sont peints de dos, le regard adressé à la mer. Une figure debout, proche du remous des vagues capte l’attention tandis que les autres estivants semblent hésiter à aller se baigner. Le sable lui-même houleux et chiffonné, accidenté par le passage vif des pas symbolise une introspection et l’attente du retour au calme. L’horizon clair est à peine entamé par un vague passage de sable sur les côtes opposées. Les paysages d’Adrien Legrand matérialisent la tendre pesanteur du paysage, sa tension exquise dans un moment de flottement où la lumière construit la dramaturgie d’un frisson. Les sens altérés par les remous et les souffles d’air s’aiguisent.

    Yann Lacroix

    Les œuvres de Yann Lacroix énoncent l’étrange sensation d’être au seuil de la compréhension d’un instant, ce moment délicat où la conscience, chahutée par les signes, rassemble ses forces pour décrypter le message d’une situation. Pourquoi se perdre ainsi dans la traduction de nos émotions, de nos souvenirs, de notre environnement ? Les peintures de Yann Lacroix portent une réflexion sur le post-colonialisme par l’image fantasmée et les hétérotopies contemporaines. L’orientalisme, accidenté par les souvenirs se concentre dans des détails d’un paysage spéculatif, comme des instantanés d’un vue reconstruite, fluctuante au fur et à mesure des découvertes et des voyages, des temps dédiés à la contemplation. La précision et l’authenticité sont ainsi écartées. Est retenu l’émotion vivace du souvenir et la joie de la tentative de retrouver ce qui a été vu, ce qui a été ressenti. Les lacunes sont volontaires et marquées par les flous, les décadrages, provoquant ainsi une réalité marginale de l’action, contenu dans le détail, dans la perspective ou l’accumulation des plans. L’enchevêtrement des techniques résorbe le paysage, le dissous dans la matière. Plus ces paysages nous apparaissent comme des vues familières, plus ils semblent se dérober à notre entendement.

    Abel Pradalié

    Abel Pradalié travaille à la construction d’une représentation ouverte d’un quotidien habité par l’Histoire et les fétiches de la ruine, les icônes de la culture populaire et l’humeur des souvenirs personnels. Ses paysages sont des fragments d’un Éden subjectif. La peinture sur le motif et le travail d’atelier explorent les fondements de la construction du paysage, résolu par les caprices du thème. Le paysage s’offre en promenade, au détour d’un chemin familier, d’un village reconnu, d’une maison retrouvée. La maison d’une éternelle vacance, habitée par les réminiscences. L’enfance et les excursions printanières d’une Bourgogne amicale, la recherche d’un parterre ombragé, la fuite à travers champs, la rencontre inopinée avec une baigneuse, jusqu’à l’improbable Tarzan, joueur et ingénu, éperdu de ses songes. Abel Pradalié transforme l’âge d’or dans le quotidien même, espace infini de détails éparses, rassemblés par les habitudes et la répétition. La réalité quotidienne ne s’absout pas de l’imagination, du caprice, de la fantaisie. Celle-là même qui fait emprunter plusieurs fois la même route, celle des pauses postprandiales ou des fouilles archéologiques par lesquelles le passé revient par bribes, par fragments clairsemés.

    Arnaud Rochard

    Le paysage semble s’étouffer lui-même dans la proximité des plantes entre elles, la variété des tailles et la complexité des formes de la végétation, abondante et merveilleuse. Les couleurs outrées, rehaussées encore par le contraste marqué des silhouettes et des ombres composent des paysages en motif, rappelant en télescopage volontaire les recherches de William Morris et les teintes de la peinture fauve. Les arts décoratifs s’imposent comme un réservoir de références de formes, tandis que la composition évolue, à la mesure des influences, qu’elles soient techniques (gravure, tapisserie) ou picturale (les Nabis, Van Gogh). La séduisante irréalité des paysages surprend et suggère l’existence d’un Éden, d’un état primordial d’une Nature préservée, originelle. Une Nature habitée par un élan vital indomptable, une force brulante. Le Japonisme apparaît par citations, et l’expérience exotique rappelle les paysages bigarrés de Gauguin. Chaque paysage est construit par addition d’éléments d’époques et de supports distincts, créant une synthèse indéchiffrable. Ce mystère du paysage multiple préserve de toute possible réponse définitive. Jungles et forêts d’un monde de spéculation, les œuvres d’Arnaud Rochard retranscrive une rêverie.

    …L’âge d’or est le premier programme politique d’une écologie sensorielle. Comprendre notre environnement suppose d’en faire l’expérience intime, d’entretenir avec lui une proximité originelle, celle d’une nature vierge, non bafouée.

    Le mythe de l’âge d’or est à la fois un leitmotiv artistique et littéraire. Il construit un rapport à l’histoire et aux événements et propose d’inscrire l’utopie humaine dans un temps éloigné, l’aventure du souvenir. Cette dialectique d’une esthétique naturelle du bonheur est en même temps une critique de la dystopie urbaine et une réinterprétation panthéiste de la communauté humaine. A l’écart du brouhaha et des affres de la Cité, l’âge d’or est aussi par métaphore et symbolisme l’ailleurs, le voyage, la villégiature, moment de retrait et de simplicité. Les corps dilatés et les esprits au repos s’émeuvent d’une inexplicable symbiose. Perdus, livrés à l’éternité féconde, ils s’entendent et se consolent.

    Théo-Mario Coppola

    Exposition "Les Géorgiques", Galerie Detais/Sabine Bayasli
    Jusqu'au 21 juillet du mardi au samedi de 14h à 19h