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Histoire - Page 10

  • 25 bougies et 100 numéros pour "Qantara", le magazine des cultures arabe et méditerranéenne

    Qantara-100.jpgEn 25 ans et 100 numéros, Qantara, le magazine de l’Institut du monde arabe, s’est fait le spécialiste des cultures arabe et méditerranéenne. Le numéro spécial proposé cet été brosse un tableau singulier d’une civilisation si mal connue en Occident. L’occasion était trop belle pour l’Institut du monde arabe de faire de ce numéro 100 non un florilège d’articles ou de textes mais une passionnante investigation sur l’héritage culturel arabe et la philosophie islamique.

    Outre plusieurs passionnants articles sur l’art contemporain arabe, un portrait de la scientifique et aventurière Gertrude Bell, un récit de l’escadrille La Fayette ou un voyage à Abu Dhabi, le centième de Qantara consacre 40 pages à une historiographie arabe et musulmane d’autant plus nécessaire en cette période faite de crispations, de querelles (par exemple, l’affaire du burquini cet été), de violences sur fond d’islamisme radical (Daech), de défiances et d’incompréhensions.

    La difficulté des historiens arabes est complexe, comme le dit en substance François Zabbal en introduction de ce dossier : "L’historien arabe s’est trouvé confronté à une tâche singulière : contribuer à la formation d’un récit national délimité par les nouvelles frontières, mais plongeant ses racines dans un passé antique complexe." La philosophie pose d’autres questions : "Comment définir [la philosophie dite "islamique"] en dehors de la phase de transmission du savoir grec à l’Occident" ?

    L’interview d’Eric Vallet par François Zabbal nous éclaire sur la naissance d’une historiographie arabe qui tourne le dos à l’orientalisme. À partir des années 50, l’histoire médiévale musulmane se dote d’outils et de ressources sur le modèle de ceux utilisés pour l’étude du Moyen Âge occidental.

    Une autre interview, celle-là de Philippe Sénac, aborde un sujet classique dans l’histoire universitaire : celui des liens entre Charlemagne et l’Islam. Prenant appui sur la thèse d’Henri Pirenne, Mahomet et Charlemagne (1937), il est question des relations entre le monde franc et l’Islam aux VIIIe et IXe siècles. Et une question cruciale est abordée : celle d’une "dette de l’Occident vis à vis de l’Orient", qui entraîne d’autres problématiques : celle de l’enseignement comme celle d’une certaine "complaisance" (un "politiquement correct") vis-à-vis de sujets graves, que ce soient les conflits ou les crises politico-religieuses.

    Ce politiquement correct épinglé par Philippe Sénac n’est pas le problème de Gabriel Martinez-Gros qui parle sans fard dans un article dense, passionné et documenté d’héritage colonial, de décolonisation, de tiers-mondialisme et de culpabilité : "[Le tiers-mondisme] inflige à l’Occident le châtiment de la "repentance", mais il lui conserve le devant de la scène… Le tiers-mondialisme est aujourd’hui en Occident une sorte d’impérialisme de la culpabilité ; une culpabilité qui nous donne le droit – ou mieux nous fait obligation – d’agir partout… Nos actions ne feront que réparer le mal que nos actions précédentes ont provoqué." Gabriel Martinez-Gros aborde un autre sujet capital : celui du djihadisme d’aujourd’hui. Daech est vu sous l’angle du chaos sanglant qu’il génère mais également sous le prisme d’une volonté d’un ordre odieux (la charia) et de purification extrême jusque dans la langue : "Le communiqué de Daesh publié après les attentats de novembre à Paris ne comptait pas le moindre mot qu’un écrivain du cercle de Saladin au XIIe siècle n’aurait pu employer" nous apprend l’historien qui pointe également du doigt la préférence de Daech pour les volontaires venus d’ailleurs, au détriment des "autochtones".

    Dans l'article "La quête de l’antique", Ridha Moumni aborde un sujet peu connu en France : celle de l’héritage carthaginois en Tunisie. Cette question a été le fer-de-lance identitaire après l’indépendance de ce pays. À l’époque coloniale, l’héritage romain – certes important - participait d’une dialectique coloniale. Ridha Moumni explique comment le président Bourguiba s’est empressé de détrôner Rome pour revisiter le passé de Carthage. Cet héritage punique reste plus que jamais présent depuis la chute de Ben Ali en 2011, même si la Tunisie tend à mieux intégrer le double héritage, romain et carthaginois.

    La seconde partie de ce dossier spécial est consacrée à cette philosophie arabe. Ali Benmakhlouf, professeur d’Université à Paris-Est Créteil parle longuement du champ de cette science, et d’abord de l’héritage grec "qui fut un présupposé nécessaire" : "La philosophie, sous son versant logique, apparaît comme une pratique mettant à la disposition des hommes un outil : le syllogisme", dit le chercheur en référence à Averroès. De cet héritage, le monde musulman a construit une philosophie originale (Averroès ou Al-Fârâbî), avec une importance capitale donnée à la métphysique, à la théologie et aux textes juridiques.

    Averroès (1126-1198) fait l’objet d’un article à part. Jean-Baptiste Brenet explique l’importance de ce savant de "l’Islam des Lumières", le meilleur exégète d’Aristote, critiqué à son époque et taxé par certains de blasphémateur. Sans doute mérite-t-il de figurer parmi les grands penseurs de l’humanité. Jean-Baptiste Brenet nous explique pourquoi.

    Un entretien avec Christian Jambet permet de comprendre les notions de philosophie islamique, philosophie arabe, philosophie sunnite et philosophie chiite. La "philosophie en terre d’Islam" a bien une cohérence, insiste le chercheur, malgré les différences de langues (arabe, persan), de cultures et de religions (musulmans, chrétiens ou juifs). Pour autant, Christian Jambet n’oublie pas les schismes et les controverses qui ont émaillé l’histoire de la science philosophique islamique : l’âge d’or (Ibn Bâjja, Ibn Tufayl ou Averroès) puis le déclin de la philosophie sunnite, le mouvement chiite vigoureux d’autre part (Avicenne, Al-Fârâbî) nourri par les néoplatoniciens, sans oublier ces courants de pensées (et aussi politico-religieux) peu connus en Occidents et que le lecteur de Qantara permettra de découvrir : l'ismaélisme ou le chiisme duodécimain en premier lieu.

    Le dernier article de ce dossier est pour l’essentiel consacré à une œuvre majeure : L’Aimé des Cœurs du philosophe iranien Qutb al-Din Ashkevarî. "La sagesse a-t-elle une histoire ?" s’interroge d’emblée Mathieu Terrier qui s’intéresse à la transmission des savoirs étrangers (grecs, bien entendu, mais aussi indiens et persans). Les vies et les doctrines des sages anciens – qu’ils soient ou non musulmans – sont relatés dans des doxographies : "Les ouvrages biodoxographiques ont pourvu la philosophie en problèmes, thèses et personnages conceptuels de sages. En retour, la philosophie… a fourni ses grandes orientations à l’historiographie de la sagesse." Le plus important de ces ouvrages est L’Aimé des Cœurs de Qutb al-Din Ashkevarî. Écrit au XVIIe siècle, en arabe et en persan, c’est la plus ambitieuse de ces histoires de la sagesse, puisqu’il part de l’origine de l’homme (Adam) jusqu’à l’auteur lui-même. Les sages décrits, grâce à des sources variées, couvrent un large éventail de pays et de cultures : de Socrate aux imams du chiisme, en passant par Zoroastre ou Empédocle. Mathieu Terrier insiste sur la spécificité de ce genre littéraire, méprisé en Occident mais pourtant d’une grande ambition intellectuelle et d’une portée populaire indéniable. En cela, dit le chercheur, "L’Aimé des Cœurs témoigne d’un tout autre Islam que celui qui ravage aujourd’hui le Moyen Orient et terrorise ponctuellement le monde occidental."

    Qantara, n°100, Dossier Spécial n° 100, Histoire des Arabes et philosophie islamique
    Enjeux actuels, été 2016, 40 pages, en vente en kiosques et en librairies,
    dont celle de l’IMA
    www.qantara-med.org


  • Montargis la Chinoise inaugure (officiellement) son musée

    Il a existé au début du XXe siècle une diaspora chinoise installée à Montargis . Elle était constituée à l'époque de jeunes étudiants qui se nommaient Cai Hesen, Xiang Jingyu, Chen Yi, Li Weihan, Li Fuchun, et, pour les deux plus connus, Zhou Enlai et Deng Xiaoping. La petite sous-préfecture du Loiret voit naître en juillet 1920 les thèses politiques de Cai Hesen (énoncées dans le jardin Durzy) pour la naissance d'un parti communiste chinois, thèses que Mao acceptera et appliquera.    

    Cet événement lourd de conséquences fait de Montargis le "Berceau de la Chine nouvelle", une appellation à haute valeur symbolique, importante historiquement, intéressante pour la ville d'un point de vue culturel et touristique, mais aussi source de controverses en raison de l'histoire tumultueuse et violente de la Chine communiste.

    Loin de ces polémiques, cette semaine, le musée de la Chine était inaugurée officiellement en grande pompe, en présence de l'ambassadeur de Chine en France.

    La série d'articles "Montargis la Chinoise" publiés sur ce blog retrace cette histoire étonnante.

    Musée de la Chine, 15 rue Tellier, Montargis, musée ouvert sur rendez-vous,
    Tél. 02.38.90.99.99. Entrée normale : 1 €, gratuit pour les scolaires.

    "Montargis la Chinoise [1] : Naissance d'une idée"
    "Montargis la Chinoise [2] : Deng Xiaoping et d'autres jeunes gens ambitieux"
    "Montargis la Chinoise [3] : 'Dans mes bras, monsieur le maire de Montargis !'"


    Musée de l'amitié franco-chinoise de Montargis

  • Mon Précieux

    C’est une tradition historico-religieuse qui a resurgi ces dernières semaines : celle des reliques. Le protagoniste en est Philippe de Villiers, figure politique de la droite catholique traditionaliste – et accessoirement créateur du Puy du Fou. Connu pour son sens de la communication et pour ses coups médiatiques, l’ancien secrétaire d’État à la culture, ex-Président du Conseil Général de Vendée et actuel député européen, a acquis lors d’une vente aux enchères une ancienne bague de Jeanne d’Arc que l’évêque Cauchon lui aurait dérobé peu avant son supplice du bûcher en 1431. Le dimanche 20 mars 2016, un spectacle au Puy du Fou réunissait 3000 personnes venus accueillir le précieux anneau, à coups d’oriflammes, de cavalcades et de haies d’honneur de chevaliers tout droit sortis de la Guerre de Cent ans. 

    On devine la valeur d’un tel objet et, en l’occurrence, le prix payé plutôt rondelet : 380 000 euros, que le député européen a pu débourser, via la Fondation du Puy du Fou, grâce à une souscription publique. Il n’est pas anodin de préciser que cet anneau quitte la Perfide Albion pour rejoindre le pays de la Pucelle.

    Cet objet trouvera-t-il sa place dans un musée, par exemple à l’Historial Jeanne d’Arc de Rouen, à la maison Jeanne d'Arc d'Orléans ou dans sa maison natale de Domrémy dans les Vosges ? Non. La bague légendaire est désormais exposée dans une chapelle au sein du parc d’attraction du Puy du Fou.

    Non sans provocation ni arrière-pensée, Philippe de Villiers transforme ainsi le gigantesque espace ludique créé il y a près de 40 ans en "lieu de mémoire". Qu’on se le dise : le Puy du Fou n’est plus simplement ce gigantesque espace ludique mêlant décor en carton pâte, reconstitutions de villages ou d’arènes et scénettes restituant des épisodes historiques plus ou moins avérés. L'un de principaux parcs d’attraction français, en acquérant un objet estampillé "historique", entend aussi symboliquement s’élever au-dessus de ses concurrents – Eurodisney ou Astérix en premier lieu – pour garantir une forme d’authenticité dans sa démarche de divertissement. Le Puy du Fou n’est pas tout à fait un parc comme les autres, semble nous dire Philippe de Villiers et ses fidèles qui sont aux manettes. Les adversaires de l’ancien candidat à l’élection présidentielle parlent de "privatisation de l’histoire" alors que des voix – en premier lieu à l’extrême-droite – se félicitent du retour de "l’anneau de Jehanne d’Arc en terre de France" (Marine Le Pen).

    "L’anneau de Jehanne d'Arc" ? En sommes-nous si sûrs ? Arrivé au stade de cet article, le bloggeur ne peut s’empêcher de s’interroger justement sur l’authenticité de qu’il convient d’appeler une relique. Les nouveaux propriétaires, Philippe de Villiers et son fils Nicolas, qui a pris la Présidence du Puy du Fou, assurent que les documents en leur possession attestent que le bijou est bien celui qui a appartenu à la Pucelle d’Orléans. 

    Umberto Eco s’était intéressé au phénomène médiéval des reliques, qui avait vu la multiplication d’objets sacrés (fragments de la crèche de Jésus, étoffes tâchées de sang et de cervelle de saint Thomas, une côte de sainte Sophie, des poussières d’ossements, et cetera) destinés à impressionner les croyants autant qu’à développer les pèlerinages et les trafics en tout genre. L’auteur du Nom de la Rose a ironisé sur le nombre incalculable de ces reliques qu’une personne un tantinet sensée ne prendrait pas au sérieux. La bague de Jeanne en fait-elle partie ? Et d’ailleurs, de quelle bague parlons-nous ?

    L’historien normand Michel de Decker raconte pour Paris Normandie que les spécialistes en repèrent deux : la première a été volée à Jeanne d’Arc lors de son arrestation par les Bourguignons à Compiègne en 1430 alors que l’autre aurait été récupéré par l’évêque Cauchon lors de son procès. L’ecclésiastique l’aurait ensuite offert au cardinal de Beaufort avant que l'anneau ne traverse la Manche. Passons sur les ventes et les achats successifs au cours du XXe siècle, jusqu’à son acquisition par le docteur Hasson en 1947 pour 175 livres sterling. En 1952 puis 1956, la bague est exposée à la Turbie (près de Monaco), à Paris puis à Rouen. Les spécialistes se montrent à l’époque prudents sur l’authenticité de l’objet. Ce qui n’empêche pas quelques tractations en 1980 pour que l’anneau retourne en France. Finalement, l’héritier du Dr Hasson choisir de le vendre aux enchères. Le prix de départ de 19 000 euros est vite dépassé et la fondation du Puy du Fou, présidée par Philippe de Villiers, l’achète.

    Nous parlions un peu plus haut de deux bagues. Oliviez Bouzy, directeur scientifique de l’Historial du centre Jeanne d’Arc d’Orléans fait la remarque que les minutes du procès de Rouen décrivent un anneau en laiton. Or, celui qui a été vendu est en argent. Par contre, il porte des inscriptions attestant qu’il s’agirait bien d’un bijou du XVe siècle ("IHS MAR" pour "IHeSus MARia"). S’agit-il bien de celui que l’évêque Cauchon a dérobé à la jeune guerrière ? Pas sûr. Il pourrait s’agir – ce que le Président du Puy du Fou reconnaît – du premier bijou – en argent donc – qui a été volé par les Bourguignons lors de la capture de la Pucelle à Compiègne.

    En 2016, cette affaire d’anneau de Jeanne remet donc au goût du jour la tradition des reliques, objets à l’historicité plus ou moins douteuse, vénérés pour des raisons parfois autres que religieuses. Pour l’heure, Philippe de Villiers s’est mis la bague au doigt et n’entend pas de sitôt voir cet objet hors du commun lui échapper : "Mon Précieux !" comme le dirait Golum dans Le Seigneur des Anneaux.

    "Le seigneur de l’anneau", Le Monde, 22 mars 2016
    "L’anneau de Jeanne fait-il foi ?" Liberté Dimanche (Paris-Normandie), 20 mars 2016

    "Le nom de la rose, souvenir d'un ossuaire / Hommage à Umberto Eco"

  • Promenade à Nice

    nice,nucera,aillagonNiçoises et Niçois, l’exposition "Vos souvenirs de la Prom’" est la vôtre, à bien des égards.

    En 2015, dans le cadre de la candidature de Nice à l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO, la Mission Promenade des Anglais, initiée par la mairie de la "Capitale de l’Hiver", a proposé aux Niçois d’ouvrir leurs albums photos afin de montrer au public plus d’un siècle de Promenade des Anglais. Cette opération participative a trouvé un écho populaire : plusieurs centaines de clichés, issus d’archives privées et familiales, ont déjà été rassemblés et sont exposés gratuitement pour la Mission Promenade des Anglais.

    Micro-événement local ? Initiative municipale n’intéressant que les Azuréens ? Promotion d’un lieu hautement touristique ? Pas si vite. Plusieurs choses se jouent en réalité dans cette manifestation.

    Il s’agit d’abord d’un hommage, issu de centaines d’anonymes de Nice ou d’ailleurs, d’un lieu français des plus emblématiques. Ce qui est rassemblé dans cette exposition ce sont des clichés a priori anodins et souvent émouvants sur cette fameuse Promenade connue du monde entier : couples posant sur la plage, bande de copains en goguette sur la côte, vues de la traditionnelle Batailles de Fleurs ou du Negresco (inauguré en 1913), souvenirs de baignades, de bronzettes ou de sports d’hiver, compétitions de beach-volley ou d’Ironman, employés travaillant sur le littoral, sans compter tous ces autres événements locaux, historiques et climatiques qui font la petite et la grande histoire de Nice.

    Ce dont il est également question dans ces moments immortalisés est bien un moment d’histoire sociologique, que Jean-Jacques Aillagon, président de la Mission Promenade des Anglais, traduit ainsi : "En s’attardant sur l’évolution des pratiques sociales, des modes vestimentaires, des changements de mobiliers urbains, des aménagements de loisirs, de la végétation, cette collection permet de comprendre, au travers de multiples détails insignes, les mutations d’un territoire." D’un territoire mais aussi de ses habitants, les vrais "héros" de cette exposition.

    Ce qui est également en jeu dans cette manifestation, qui fleure bon les vacances et le farniente, c’est l’illustration de la popularisation de la photographie. Cet art s’est rapidement démocratisé à partir de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, contribuant à figer pour l'éternité les petits et les grands souvenirs personnels. L’exposition "Vos souvenirs de la Prom’" peut se lire autant comme un morceau de nostalgie (et beaucoup de Niçois y seront sans aucun doute sensible) que comme une présentation ethnologique et historique sur une ville française majeure. Louis Nucera écrivait ceci dans son roman Chemin de la Lanterne : "La ville est un aide-mémoire. On emprunte des rues, et des fragments d’existence réapparaissent. C’est la récolte du souvenir à chaque instant… Les feux d’artifice de la vie ont les leurs qui ne s’éteignent pas ; seraient-ils tragiques."

    Mission Promenade des Anglais , Nice, du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures
    Exposition Vos souvenirs de la Prom’

  • Si la France était une terre de fantasy...

    Alors que les débats vont bon train au sujet des futurs noms des nouvelles régions françaises, j'ai imaginé ce que pourrait être une carte de France si un auteur de fantasy s'y était intéressé (d'après une carte du Huffington Post).

    Certains noms sont complètement imaginaires, d'autres tout à fait plausibles (Nouvelle Austrasie, Terres du Nord). À noter que certains noms sont clairement inspirés d'anciennes appellations mérovingiennes et carolingiennes (Austrasie, Neustrie, Burgondie).    

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  • Verdun et le temps des noyaux

    Nous célébrons aujourd'hui le centième anniversaire du début de la bataille de Verdun.

    Marie Cherrier a composé et chanté un titre poignant il y a quelques années : Le Temps des Noyaux (clip réalisé par Stéphane Mondino). Il est à découvrir et à redécouvrir ci-dessous. 

    Pour en savoir plus sur Marie Cherrier, rendez-vous sur cet article : "Voilà Marie".

    http://mariecherrier.com

  • Et si l'on discutait du Masque de Fer ?

    1540-1.jpgJe sais ce que vous allez dire : le Masque de Fer a été un sujet archi traité. Il pourrait même que cela soit "le" sujet favori des amoureux de la petite histoire, au point de rendre chèvre pas mal d'historiens dits "sérieux". Pierre Dumez propose pourtant de se replonger dans cette énigme dans son roman historique Louis XIV le Fils de ? Que savait le Masque de Fer ?

    Une courte présentation nous entraîne dans la rédaction (imaginaire) d'une revue d'histoire, L'Histoire et ses grandes énigmes. C'est une manière habile d'introduire la suite de dialogues entre des protagonistes passionnés et vulgarisateurs. Il y a un côté suranné dans ces conversations qui sentent bon l'odeur des archives, de la poussière et des vieilles reliures. L'ambition de Pierre Dumez est de remettre à plat, à travers ses protagonistes, les secrets du Masque de fer et de proposer une explication à une détention classée secret d’État.

    Les cinquante premières pages de ce livre reviennent sur les faits : en 1669, une lettre de Louis XIV, au pouvoir depuis 1661, ordonne l'arrestation d'un certain Eustache Danger. Ce dernier est emprisonné à la forteresse de Pignerol, avec comme unique geôlier – pendant 34 ans – l'ancien mousquetaire Saint-Mars. C'est aussi Saint-Mars, gouverneur de cette bastille, qui a "accueilli" quatre ans plus tôt l'ancien surintendant des finances Fouquet après son arrestation et jugement sur ordre du roi. Certains ont d'ailleurs vu dans Fouquet le Masque de fer himself.

    Pendant sa détention à vie, jusqu'à sa mort à La Bastille en 1703 – preuve de l'importance de ce mystérieux personnage – le prisonnier est interdit de tout contact extérieur, même visuel. Il doit porter par moment un masque de velours noir, nous disent les sources, voire un masque d'acier pendant certains transports (car il changea de lieux de détention plusieurs fois), afin de ne pas être reconnu.

    Mais reconnu de qui et pour quelles raisons ? Et pourquoi autant de mystères sur un prisonnier qui semble avoir marqué les esprits jusque chez les soldats qui gardaient la Bastille ? Un traité paru en 1769 rapporte que les affaires personnelles d'Eustache Danger furent consciencieusement brûlées afin de faire disparaître toute trace de lui.
    L'historiographie a échafaudé plusieurs dizaines d'hypothèses pour mettre une identité sur le Masque de Fer : Nicolas Fouquet (une option unanimement rejetée), un frère jumeau de Louis XIV, un de ses fils (qu'il aurait eu avec Louise de la Vallière), le duc de Beaufort, un fils illégitime de Charles II d'Angleterre, Henri II de Guise duc de Joinville... ou Molière ? Les imaginations d'historiens et romanciers (dont Voltaire et Alexandre Dumas) ont été sans limite pour dissiper ce mystère.

    Pierre Dumez propose à son tour de "démasquer" ce prisonnier dans un livre hybride, à la fois clair, agréable à lire et synthétisant les différents travaux passés. Loin des romans historiques classiques, Louis XIV le Fils de ? se présente comme un savant mélange de dialogues romancés, de focus pédagogiques, de compilation de sources brutes régulièrement référencées (mais étrangement pas en bas de page) et aussi de scènes théâtrales. Avec passion, conviction et assurance, l'auteur dévoile en effet, grâce à trois scénettes mettant en scène Louis XIV, Anne d'Autriche, Richelieu, Mazarin, Le Tellier, les motivations qui ont conduit à la mise au secret d'un homme qui dérangeait le pouvoir royal. 

    Au terme de l'enquête de Pierre Dumez, le lecteur découvre des conclusions qui ne sont pas si absurdes que cela et qui permettent de situer la petite histoire du Masque de Fer dans la grande histoire.

    Pierre Dumez, Louis XIV le Fils de ? Que savait le Masque de Fer ?
    Enquête sur un Secret d'Etat bien gardé
    , éd. Persée, 312 p.

  • Umberto Eco, un mélange

    Umberto Eco disait : "Celui qui ne lit pas, arrivé à soixante-dix ans, n’aura vécu qu’une vie : la sienne. Celui qui lit en aura vécu au moins cinq-mille". L'intellectuel, universitaire, essayiste, romancier et journaliste italien, décédé le 19 février 2016, vouait une vénération absolue pour la connaissance et la littérature. Jean-Christophe Buisson, du Figaro, était allé à sa rencontre il y a cinq ans, à Bologne, et parlait des rayonnages faramineux de sa bibliothèque personnelle de Bologne. Eco y conservait plusieurs dizaines de milliers d'ouvrages, conservés avec amour.

    Umbero Eco est mon auteur fétiche, et cela depuis des années. Il risque bien de le rester encore quelque temps. Pour ce billet, et parce que je tenais à parler de lui, j'ai choisi de compiler un mélange de critiques sur quelques-uns de ses principaux livres.

    L’Oeuvre ouverte

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesAvec cet essai, paru en 1964, le jeune Umberto Eco s'ouvre les voies de la notoriété en s’intéressant à l'art d'avant-garde, au langage, à l'information, au signe et à la communication. Dans cette étude, austère et aride pour certains passages (notamment sur la différence entre information et communication), l'auteur italien s'avère passionnant dans sa vision de l'ouverture des œuvres d'art (modernes et contemporaines). Il est surtout convaincant dans son approche des romans de James Joyce : il parvient à montrer pourquoi les livres Ulysse et Finnegans Wake ont révolutionné la littérature en même temps qu'ils se situent dans la droite ligne de la culture occidentale. Il nous fait découvrir en quoi s. Thomas d'Aquin peut être considéré comme une référence capitale dans l'oeuvre de Joyce. Un essai lumineux.

    Umberto Eco, L’Oeuvre ouverte, éd. Seuil, Point, Essais, 314 p.

     

    Le Nom de la Rose

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe Nom de la Rose, son premier roman (1982), qui est aussi son plus célèbre, a comme vampirisé le reste de sa production romanesque. Un moine franciscain et son jeune secrétaire sont chargés de résoudre les mystères de crimes qui ensanglantent un monastère. Il semble que ces meurtres ont pour origine l'imposante bibliothèque des lieux. Un polar médiéval devenu un classique qui est aussi un plaidoyer pour la tolérance et le savoir. Reste cette question que le lecteur peut se poser : qu'est-ce que la rose ? La bibliothèque de l'abbaye ? Un livre en grec tant convoité ? La jeune fille rencontrée et aimée par Adso de Melk ? Ou tout simplement la vie terrestre ? 

    Umberto Eco, Le Nom de la Rose, éd. Grasset, 543 p.

     

     

    Le Pendule de Foucault

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesEn 1988, vingt ans avant Dan Brown et son Da Vinci Code (mais en plus subtil et plus ambitieux), le célèbre auteur italien proposait une relecture originale de la religion et des sciences occultes. L'histoire ? Trois amis italiens travaillant dans l'édition décident, par amusement, d'imaginer un vaste complot mené par une société secrète pour la domination du monde. Bientôt cette supercherie les dépasse complètement : et s'ils n'avaient pas réveillé des forces souterraines à force de les inventer ?  La lecture de ce livre est quelque chose d'assez unique, une vraie expérience en soi - pour peu que l'on dépasse les cinquante premières pages. Un must.

    Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, éd. Grasset, 543 p.

     

     

    À reculons, comme une écrevisse

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesSémiologue et romancier internationalement connu, Umberto Eco était également connu en Italie pour être un observateur attentif du monde contemporain. Ce livre est un recueil d'articles qu'il a publiés de 2000 à 2005. Avec un sens aigu de l'analyse, Ce spécialiste des signes, qui se fait aussi intellectuel engagé contre Berlusconi, interroge notre monde dit "post-moderne" : les néo guerres, le terrorisme, la paix mondiale, la dernière chance de l'Europe, l'intolérance ou la manipulation médiatique de Silvio Berlusconi. Un ouvrage intelligent et engagé qui appel au sursaut de l'intelligence et de la tolérance pour sortir des nouvelles barbaries.

    Umberto Eco, À reculons, comme une écrevisse, éd. Grasset, 420 p.

     

     

    La mystérieuse Flamme de la Reine Loana

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesVoici un roman peu connu du maître italien mais qui mérite d'être redécouvert. La mystérieuse Flamme de la Reine Loana (2004) nous prouve qu'Umbero Eco n'était pas cantonné à la littérature scientifique. Nous suivons le personnage principak, Yambo, qui se trouve amnésique suite à un choc. Pour retrouver son passé, il part quelques jours dans la demeure de son grand-père où il a passé une partie de son enfance durant le fascisme italien et la seconde guerre mondiale. Là, Yambo découvre les lectures qui berçaient son enfance et son adolescence. Cette production d'Eco a été fraîchement accueilli à sa sortie. C'est injuste car voici un roman émouvant et érudit à la fois sur les thèmes de la culture populaire, des remords, des blessures de l'enfance, du sens de l'honneur et de l'idéal féminin. Seul regret : la fin du livre a tendance à tourner en rond.

    Umberto Eco, La mystérieuse Flamme de la Reine Loana, éd. Grasset, 489 p.

     

    Le Cimetière de Prague

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe quatrième de couverture de ce livre paru en 2010 induit le lecteur en erreur en plaçant Le Cimetière de Prague dans la droite lignée du Nom de la Rose. En réalité, cette sixième production romanesque a bien plus de points communs avec Le Pendule de Foucault, fabuleux roman traitant avec maestria d'un complot universel des Templiers. Il est question dans Le Cimetière de Prague d'un complot imaginaire : celle de Juifs réunis un soir dans un cimetière de Prague et se mettant d'accord pour dominer le monde. Un thème hautement sulfureux qui a fait polémique en Italie. Le narrateur principal, Simon Simonini, brillant faussaire et antisémite notoire, raconte son travail de rédacteur qui aboutira à "l'évangile" antisémite des Protocoles des Sages de Sion. À la fois extraits de journaux intimes et de lettres, cette production littéraire s'apparente aux romans-feuilletons du XIXe siècle. Bien plus baroque que dans ses livres précédents, et non sans audace, Umberto Eco multiplie chausse-trappes, fausses pistes destinées à perdre le lecteur (qui est qui ?), conspirations fumeuses mettant en scène jésuites, franc-maçons, sectes diaboliques et d'authentiques personnages historiques (Alexandre Dumas, Garibaldi, Dreyfus ou le jeune Sigmund Freud). Un roman intéressant qui n'est sans doute pas le meilleur de notre plus brillant écrivain européen mais qui a le mérite de démonter avec talent la manière dont se créent des légendes comme celle des Protocoles de Sion.

    Umberto Eco, Le Cimetière de Prague, éd. Grasset, 551 p.

    Confessions d'un jeune Romancier

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe quatrième couverture de ce nouvel essai d'Umberto Eco est trompeur et risque fort de conduire nombre de lecteurs dans l'erreur. Sans doute parce que c'est plus vendeur, l'éditeur présente Confessions d'un jeune Romancier (2013) comme d'une sorte de vade-mecum pour écrivain en herbe. C'est faire insulte à Umberto Eco, tant cet essai est moins un manuel pratique pour jeune écrivain en quête de succès, qu'une brillante présentation de la carrière de "jeune" romancier d'Umberto Eco (seulement sept romans à son actif, en comptant Le Cimetière de Prague publié après les conférences à l'origine de ce livre). Il y livre également sa vision du roman dans l'histoire de la littérature tout en répondant à quelques questions essentielles : comment lui vient son inspiration ? Quelles sont les contraintes de ses romans ? Quels sont les liens entre les intentions de l'auteur et les interprétations du(des) lecteur(s) ? Quelle est la réalité et la vérité des personnages romanesques (une question moins anodine qu'il n'y paraît) ? En quoi la sémiotique peut-elle s'intéresser aux personnages fictionnels ?  Eco termine cet essai par une partie étonnante et passionnante sur la place des listes dans son œuvre comme dans la littérature en général. Finalement, voilà un essai passionnant qui confirme qu'Umberto Eco reste l'un des plus passionnants intellectuel et artiste de notre époque.

    Umberto Eco, Confessions d'un jeune Romancier, éd. Grasset, 232 pages

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