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lyon - Page 2

  • Point de fuite

    "Le chagrin est une œuvre d’art comme les autres" annonce Céline Guarneri en exergue de son dernier roman, Furtiva Lagrima (éd. La Trace). Il est vrai que son récit commence comme un drame que l’auteure va élégamment et avec justesse déployer sur quelques jours.

    Ce drame est annoncé par le premier chapitre consacré à Louis Maurand, un critique et collectionneur d’art contemporain lyonnais qui a imposé son autorité sur sa famille, une épouse qui s’est volontairement effacée (et que le lecteur ne croise qu’épisodiquement) et surtout leurs quatre enfants avec qui les relations n’ont jamais été simples. Il y a les deux jumeaux, Maxime et Stanislas, la sœur Béatrice et Hadrien.

    Stanislas est devenu violoniste international reconnu. C’est "le fils parfait, le fils préféré", coulant un amour a priori parfait avec sa fiancée, Salomé, une danseuse de tango argentine (un domaine que l’auteure connaît bien).

    Maxime, qui est artisan ébéniste, cache de son côté deux secrets qu’il ne parvient pas à révéler à un père qui l’a toujours impressionné.

    Béatrice, elle, s’est installée non loin de ses parents dans une vie triste, bourgeoise et frustrante, avec un mari qui a fini par l’insupporter et deux enfants, deux filles un poil têtes à claques ("Elle avait parfois une envie furieuse de claquer la porte, de monter ans un avion et de fuir son rôle de maman à plein temps").

    Quant à Hadrien, sur lequel Céline Guarneri concentre peu à peu tout son récit, c’est un fils à la réussite éclatante : il est trader à Paris et coule le grand amour avec Daphné, une brillante et irrésistible intellectuelle parisienne. Il est aussi celui qui a pu rompre tout lien avec son père, à telle enseigne que lorsqu’il apprend son accident de voiture, il hésite à se rendre à son chevet, malgré l’insistance de sa petite amie.

    Une figure paternelle à la fois incontournable, impressionnante et mystérieuse

    Dans cette famille lyonnaise déchirée et aux lourds secrets, voilà donc la fratrie réunie à l’occasion d’un drame qui concerne une figure paternelle écrasante, suscitant tour à tour l’admiration, le respect, la colère, mais aussi la fuite, comme le devine d’instinct Salomé ("Décidément, les frères Maurand étaient tous porteurs du gène de la fuite"). La fuite est du reste ce qui semble l’emporter chez ces quatre rejetons qui ont toujours été en attente d’une forme de reconnaissance, à l’instar de l’ébéniste et artiste contrarié, Maxime.

    Louis Maraud, personnage omniprésent, est singulièrement le grand absent de ces retrouvailles qui, des quais de la gare Lyon Part-Dieu aux couloirs d’un hôpital en passant par la luxueuse maison de Béatrice, font figure de "sinistre corrida des émotions."

    Grâce à son écriture précise et sensible, Céline Garneri observe en entomologiste patiente cette famille dont la souffrance semble se transmettre inexorablement de père à enfants. De Paris à Lyon, en passant par Budapest et l’île italienne d’Ischia, l’auteure trace des points de fuite qui ramènent toutes à une figure paternelle à la fois incontournable, impressionnante et mystérieuse. La sœur et les trois frères, à commencer par Hadrien, s’interrogent sur la reconnaissance qu’ils n’ont souvent jamais eue et sur un amour paternel qui semble faire surface au cours de cette semaine tragique : "La mort nous jette sur une plage inconnue et austère où se côtoient souvent tristesse et colère, désespoir et culpabilité et cette terrible sensation d'abandon."

    Cette période crépusculaire, Céline Guarneri la décrit aussi comme le moment-clé où des destins mais aussi des amours se jouent. Ce qui était une réunion familiale douloureuse se révèle finalement comme une catharsis salutaire, au risque de bousculer les vies et les couples : "Les émotions, c’est fait pour sortir. Les cornichons aussi sortent du bocal un jour."

    Céline Guarneri, Furtiva Lagrima, éd. La Trace, 2020, 260 p.
    https://www.celineguarneri.fr
    https://www.editionslatrace.com/product-page/furtiva-lagrima

    Voir aussi : "Roman-feuilleton 3.0 sur un air de tango"

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  • Beau et sombre à la fois

    david foenkinos,roman,modigliani,lyon,musée d’orsay,gardien de muséeVers la Beauté de David Foenkinos débute par un enjeu étonnant : un prestigieux professeur aux beaux-arts de Lyon choisit de postuler pour devenir simple gardien de salles au Musée d’Orsay. Mathilde Mattel, DRH de l’auguste établissement parisien accueille ce nouveau venu avec une très grande perplexité. Qui est cet Antoine Duris ayant choisi un poste sous-qualifié ? Comment expliquer que ce spécialiste de Modigliani accepte cet endroit effacé, même si ses connaissances pointues sur le peintre de Montmartre ne vont pas sans provoquer des remous, par exemple lorsque ce gardien de salles en vient à contredire les propos d’un guide trop sûr de lui. Un bien étrange agent en réalité, seul, et que l’on sent terrassé par une douleur indicible que seule la proximité de tableaux, dont ceux de Modigliani, semble parvenir à apaiser : "Quand il se sentait mal, il allait se promener dans un musée. Le merveilleux demeurait la meilleure arme contre la fragilité." Alain Duris est bien un mystère à part entière, un mystère qui conduit Mathilde à s’y intéresser malgré elle, puis à se rapprocher de lui. Un rapprochement qui les conduit jusqu’à Lyon où s’écrit l’histoire de cet ancien professeur et surtout celle d’une jeune femme de dix-huit ans, véritable réincarnation de Jeanne Hébuterne, la femme et muse de Modigliani.

    David Foenkinos clôt la première partie de Vers la Beauté aux portes de Lyon, avant d’en ouvrir une seconde, consacrée cette fois presque exclusivement à Camille, cette jeune étudiante des beaux-arts, brillante peintre que son travail sur la beauté va singulièrement conduire au drame. "Elle comprenait le puissance cicatrisante de la beauté. Face à un tableau, nous ne sommes pas jugés, l'échange est pur, l’œuvre semble comprendre notre douleur et nous console par le silence, elle demeure dans une éternité fixe et rassurante, son seul but est de vous combler par les ondes du beau."

    Un rendez-vous manqué

    C’est une bouleversante lutte pour la vie que nous conte David Foenkinos, scrutateur de cette beauté qui est celle des beaux-arts. David Foenkinos est un témoin, mais comme l’est également Antoine Duris, ce professeur brillant dont une rencontre impromptue et l’histoire d’un rendez-vous manqué scelle le destin.

    L’écrivain suit avec compassion Camille, autre Jeanne Hébuterne, victime innocente et gâchis humain autant qu’artistique. La deuxième partie de Vers la Beauté sonne comme un chemin de croix douloureux et d’une cruauté indicible. Le lecteur attend le moment où l’auteur parviendra à ressouder les deux parties de son roman. Il le fait en tissant un mince écheveau, sans doute le moins spectaculaire qui soit, mais aussi de la manière la plus réaliste, ce qui accentue d’autant sa dimension pathétique. "Antoine rentra chez lui, et continua de penser à Camille. Quelle jeune femme incroyable. Pendant l'heure passée avec elle, il avait tout oublié. Certaines personnes ont le pouvoir de vous fixer entièrement, totalement, dans une dévotion du présent."

    Le roman se termine par un retour vers cette beauté qui est au cœur du roman, dont le personnage principal est finalement moins cet homme terrassé par l’injustice que par une jeune femme qui a fait de la beauté son combat mais qui en sera également indirectement une victime. "Face à un tableau, nous ne sommes pas jugés, l'échange est pur, l’œuvre semble comprendre notre douleur et nous console par le silence, elle demeure dans une éternité fixe et rassurante, son seul but est de vous combler par les ondes du beau."

    David Foenkinos, Vers la Beauté, éd. Gallimard, 2018, 224 p.
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "Hors-série pour David Foenkinos"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • La voix de Mademoiselle numéro 11

    Nous avions parlé sur Bla Bla Blog, il y a quelques mois, du dernier roman de Kim Chi Pho, Le Clos des Diablotins

    Pour découvrir autrement ce formidable roman et entendre Mademoiselle Numéro 11 interprétée par Jean-Benjamin Jouteur, c'est ici : https://salondelautoedition.fr/2019/05/20/j-11-kim-chi-pho.

    Kim Chi Pho sera présente au Salon de l’autoédition à Lyon le 1er juin 2019

    Kim Chi Pho, Le Clos des Diablotins, Amazon, 2018, 273 p. 
    www.facebook.com/mademoisellenumero11
    https://salondelautoedition.fr

    Voir aussi : "À la recherche du diable perdu"

  • Hop, Bongo Hop

    L’ouverture de Satingarona, le deuxième opus de Bongo Hop, laisse une première impression que l’auditeur va voyager dans un univers latino, créole et caribéen. Grenn pwonmennen, avec en featuring Kephny Eliacin, propose une visite dans les paysages haïtiens, mais avec une rythmique de samba… ramenée tout droit d’Angola. Un grand écart musical passionnant, surtout si l’on pense que Bongo Hop est né du côté de Lyon et est le fruit de la rencontre du trompettiste, journaliste et globe-trotteur Étienne Sevet et du producteur Patchworks.

    Il y une fraîcheur poétique assez incroyable dans le bien nommé Agua fría. La voix veloutée de Laurène Pierre-Magnani (Lord Rectangle) étire, sur un rythme chaloupé, son flow poétique d’une rare densité : "Supposons que je vienne d’ailleurs, que j’ai perdu mon chemin. J’ai oublié le jour et l’heure et le temps qu’il fera demain. Je viendrai vous parler d’un monde qui disparut en un instant. Les siècles qui passaient comme le secondes, comme on nous file un diamant."

    Un opus syncrétique, d’une belle sophistication

    Une certaine mélancolie, pour ne pas parler de gravité, est présent dans les titres de cette saison 2 : la déforestation (Grenn pwonmennen), un crash d’avion au Venezuela (La Carga, avec Nidia Gongora) ou le formidable titre urbain mené par Greg Frite (ex Triptik).

    Satingarona pt. 2 est une œuvre où le métissage est maître. Le français, le créole et l’espagnol se fondent dans un album avec paradoxalement une belle cohérence. Le voyage et l’expérience musicale, entre jazz, pop, samba, calypso et hip hop, guident la bande d’Étienne Sevet. L’album coloré, rythmé et souriant (O na ya, avec Cindy Pooch) ne verse jamais dans la caricature de l’album tropical, chaud et cool : Bongo Hop offre un opus syncrétique, d’une belle sophistication. Passionnant.

    The Bongo Hop, Satingarona pt. 2, Underdog / Big Wax / Believe, 2019
    https://www.facebook.com/bongohopmusic

    Voir aussi : "Odyssée musical pour Dowdelin"

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  • Juvénile, Oui Oui Oui

    Oui Oui Oui : un étrange nom d’un bel optimisme pour ce groupe lyonnais, qui s’offre en plus le luxe de nommer leur premier album Ok Ok !

    Oui Oui Oui a été découvert il y a deux ans au Printemps de Bourges lors de ses fameux iNOUïS, deux ans après la sortie de de leurs deux premiers EP, Tell me secret et Please Another Dream.

    Après un démarrage mystérieux, minimaliste et électro (Room), le trio composé de Manon Rudant (violoncelle et au chant), Jacques Vanel (guitare) et  Arthur Delaval (claviers, chants et boites à rythme) s'aventure sur les terres d'un pop rock qui sait être nerveux (No future), aventureux (Lost) ou joyeux (Dance on the beach).

    Le contraste est étonnant dans ce premier album particulièrement enlevé. Ok Ok ! vient goûter à des fruits venus de divers horizons : électro eighties (Under the smile), post punk rock (No future), ballade délicate et onirique (Alive), new wave (My dear), blues (Lost) ou chanson française (Madame Chou).

    Il est temps de ne pas grandir

    Ok Ok ! a une ligne conductrice : une jeunesse, une fougue et un refus de s'arrêter sur une ligne musicale figée. Les trois membres de Oui Oui Oui n’hésitent pas à aller chercher dans un univers rock que l’on croyait révolu et qu’ils parviennent à revisiter avec une attachante audace : le titre rock So long II mêle par exemple violoncelle, guitares et claviers.

    Tout aussi vintage, il y a le rockabilly en français Nathalie, sans oublier Dance on the beach, à la joie de vivre communicative. À l'instar de Sweety, la facture sixties est singulièrement présente dans un album qui s'ouvrait pourtant sur une proposition franchement électro.

    Au final, les trois artistes lyonnais proposent un album rafraîchissant et non sans audace : juvénile dans le bon sens du terme. Grows up est de ce point de vue une signature de Oui Oui Oui, à la nostalgie à fleur de clavier. Il est temps de ne pas grandir.

    Oui Oui Oui, Ok Ok !, Youz Prod / Inouïe Distribution, 2018
    https://www.facebook.com/etouiouioui

    Voir aussi : "Les horizons de Falaises"

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  • Le musée des confluences ouvre ses portes

    Alors que l'ouverture du musée des Confluences à Lyon fait parler de lui (et plutôt en bien !), c'est l'occasion pour le bloggeur de revenir sur un article publié il y a quelques semaines. Pour gentiment se moquer de ce musée, deux artistes lyonnais ont imaginé la création d'un "Musée du Conisme".

    Pour en savoir plus, rendez-vous sur cet article : "Les cons vont avoir leur musée"



  • Les cons vont avoir leur musée

    Les cons vont avoir leur musée. Il devrait ouvrir à Lyon en cette fin d'année et devait porter le nom de "Musée du Conisme". Le bâtiment tout en verre, signé par un architecte japonais renommé, aura la forme d'une cocotte en papier géante (50 000 m² de surface d'exposition, un auditorium de 1400 places, un parking de 20 000 places ou un héliport !). Telle est la démarche de deux artistes lyonnais, Sébastien Brunel et Thomas Girard.  En attendant l'ouverture de cet établissement voulu par les édiles locaux, des intellectuels enthousiastes et quelques mécènes passionnés, un site Internet lui est consacré : http://www.conisme.com.

    Gageons que ce site devrait finalement être la seule contribution au Conisme puisque cette démarche artistique n'est rien d'autre qu'un canular. 

    Les Cons (ou plutôt les Conistes pour les appeler de manière précise) devront attendre quelques années avant d'avoir leur musée, et ce même si une exposition satirique d'œuvres conistes" a eu lieu récemment dans la Capitale des Gaules. 

    La démarche de Sébastien Brunel et Thomas Girard mérite que l'on s'y arrête. Imaginer un mouvement artistique, le Conisme, largement inspiré de mouvements du XIXe siècle, a demandé une  belle opiniâtreté, en plus d'un sens de l'humour certain. Les deux artistes se mettent en scène sur leur site, qui dans la peau d'un peintre  "con", qui dans celle d'un mécène aveuglé par "un mouvement reconnu à travers le monde" (20 Minutes, édition Lyon, 24 novembre 2014).

    esplanade_hidef.jpgL'univers décalé du site consacré au Conisme permet de comprendre les motivations de Sébastien Brunel et Thomas Girard. En imaginant un musée inspiré, et brocardant au passage, le musée des Confuences de Lyon, c'est tout le petit monde artistique qui est gentiment moqué. Avec un beau sens de la dérision, le site Internet ad hoc tire à boulet rouge sur des critiques d'art au discours ampoulé (gros coup de chapeau pour les critiques d'œuvres choisies), sur des artistes érigées du jour au lendemain sur un piédestal (Girard le Flamboyant, Brunel le Maudit et Buisson l'Artisan), sur des notables aveuglés par la folie des grandeurs, sur le merchandising (mugs, tongs, cabas, briquet décapsuleur) ou sur le petit monde de l'art contemporain en général.

    Les auteurs de ce canular artistique, qui affirment ne pas se prendre au sérieux et ne pas avoir une très haute opinion de leurs peintures, jettent un joli pavé dans la mare et égratignent la suffisance d'un certain milieu institutionnel et artistique. Une démarche saine, en plus d'être drôle.  

    Un (faux !) commentaire de Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, vient appuyer la démarche des artistes conistes: "Nous le voyons bien aujourd’hui, notre agglomération est devenue une des métropoles européennes qui compte. L’une des plus attractives. L’une des plus créatives. L’une des plus innovantes. Oui, avec le projet du MNAC Convergence Conisme nous avons définitivement changé d’échelle".

    http://www.conisme.com
    http://www.museedesconfluences.fr


    La renaissance de Vénus - grande rétrospective... par ConvergenceConisme