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nature

  • La vie des plantes

    S’arrêter au bord d’un torrent, grimper une colline, déambuler entre les allées d’un jardin familial, se perdre dans des forêts, ramasser des branches mortes ou gambader sous des chênes : Sophie Loizeau fait de la nature le fil conducteur de son recueil Les Épines rouges (éd. Le Castor astral). Cette nature est vécue à hauteur d’homme – et de femme.

    Le parti pris de l’auteure est de faire de ces textes un hommage à des plantes mal-aimées, "maltraités") et parfois menaçantes, dans un livre où la sensualité affleure à tout moment : "À Célesteville Virginia et moi sommes sur la plage / je la regarde délasser ses bottines / remonter sa robe s’avancer vers l’océan". Sophie Loizeau insuffle une singulière modernité dans ces textes où elle parle de déambulation en pleine nature : "Je cherche le silence mystique dans les forêts sans Freddy Krueger".

    L’auteure tire de ses souvenirs, dans la maison familiale d’Arnouville dans les Yvelines, une poésie essentielle, lorsqu’elle parle par exemple d’elle "toute rayonnante encore d’orgasmes" après avoir fait l’amour. Le jardin et la nature sont indissociables de la vie intime et familiale, avec l'évocation du père mourant, de la mère en mules ou de la grand-mère Eugénie. Il y a aussi cette sœur évoquée à plusieurs reprises : "En fait je ne me pardonne pas / sœur nantie d’avoir / vécu au contraire dans une bien / heureuse innocence / l’innocence crasse des animaux comme moi : c’est que j’ai pu être totalement dénuée de culpabilité".

    Sophie Loizeau part des ronces, les plantes les plus méprisés sans doute, pour construire une série de chants plongeant tout entiers dans une nature à la fois simple, proche et exigeante. "Qu’est-ce de dire je suis / l’égale de l’arbre (saule pin noyer) à cette seconde / féconde que je suis/ solidaire / et pas supérieure / à part lire & écrire". 

    Va-et-vient entre la nature et l’amour

    La poétesse fait des va-et-vient incessants entre observations de plantes ("Je suis Rubus fruti / cosus épineux des Rosacées je produis le / mûron") et textes où l’auteure se met en scène : "Au dictaphone ai-je fait j’étais sans stylo au bord de la rivière à voix basse de peur qu’on me lève".

    Le cœur des Épines rouges bat à chaque page, entre souvenirs d’enfance ("Ma sœur m’accuse de l’avoir jetée petite aux orties – aux ronces"), propos sur la mort ("Seule voilà ce qu’à moi sa mort m’a fait / il n’y a pas d’autre rupture que celle-là"), le sexe et l’amour ("On donne à entendre que la « petite graine » du mâle chez l’humain est l’étincelle / un échange de cellules sexuelles de part et d’autre").

    Un passage illustre ce va-et-vient entre la nature et l’amour : "Je me fais belle car je sais que JF sera là (peut-être) et qu’il aime que je sois en jupe / il y a trente ans le cerisier tout de suite à droite du jardin quand on arrive n’offrait rien avant août / ses cerises blanches étaient des olives en attente de chaleur jaunes d’or – pâles elles sont un peu amères / à la mi-juin on les croque". Le regret et l’amertume affleurent à chaque page comme l’écrit l’auteure : "Est-ce que je mourrai plus douloureusement / d’être poète à la vue des cercueils / j’aurais dû me consacrer à lire à ma mère / tout le temps de sa mort".

    Outre un singulier calligramme, il y a des descriptions poétique rarement écrites sur nos amies les plantes, des plantes incarnant la puissance des femmes : "La Gynescrie mi-femme mi ronce / ses dents vibrionnent dans sa bouche / – ce qui altère son langage / et ses baisers plusieurs autres forment / en petit des chaînes / de pics ou Femme de la lune (woman in the moon)". L’art est omniprésent dans un recueil qui s’interroge sur la représentation de la femme : "Redon la beauté de vos sarments fleuris d’un rouge mimosas qui pourrait bien être des flocons de viande crue".

    L’auteure complète ce recueil par un bestiaire "par ordre d’apparition", qu’elle a vu, raconté ou simplement rêvé mais aussi une palette chromatique, établie comme pour faire une nomenclature technique – et poétique. La deuxième partie, Feue, la nature fait place à l’élément du feu, avec toujours ces souvenirs d’enfance, la campagne, la nature et des émois remontant à la surface.  

    Mes cahiers de Malte forme la troisième partie du livre, avec ces textes écrits en 2020, tel un journal en friche : "Mon jardin périclite / il meurt d’une mort qui excède mon amour / qui l’impatiente". Sophie Loizeau ne manque pas de faire référence à l’incendie de Notre-Dame et à sa restauration : "Abattage des mille chênes suite à l’élection des huit pour refaire la forêt de Notre-Dame et partie de la flèche selon le plan de Viollet à l’identique ces cons – je vote pour une qui soit comme à Reims en béton".

    Sophie Loizeau, Les Épines rouges, Biographie d’une âme, éd. Le Castor astral, 2022, 136 p.
    https://sophieloizeau.wordpress.com
    https://www.castorastral.com/livre/les-epines-rouges

    Voir aussi : "Ça caille les belettes"

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  • Rencontres avec LeHache

    De rencontres, il en est bien sûr question dans le dernier album de LeHache.

    LeHache appartient à cette veine de chanteurs français nourris au jazz, son "école" comme le précise l’artiste. Pas d’électro, de rythmes urbains et de pop sophistiqué mais des instruments traditionnels – dont la guitare sèche du chanteur – et une orchestration acoustique ramassée et des influences revendiquées du côté de Brassens ("Gardien des secrets"), Sanseverino ("Talkin’ Global Security Blues") et de sons traditionnels, que ce soit la valse dans "Alphonse & Juliette", le flamenco dans "Ubi sunt ?", le jazz manouche revendiqué dans "De l’aut’côté c’est passionnant" ou encore le blues dans le bien-nommé "Businessman Blues".

    LeHache fait de ses Rencontres de jolis portraits, souvent simples et attendrissants, à l’image de ces "Cheveux noir de jais", d’une femme fatale que l’on imagine venir de Méditerranée ("Ubi sunt ?") ou encore cette saynète amoureuse un rien désuète : "Nous Couchés sur ce tapis Le ciel comme un tipi / Le ciel est fait pour toi  / La nuit étoilée te va si bien Quand elle t’habille jusqu’au matin" ("Mon p’tit soleil"). C’est aussi le truculent titre "Mémé m’aimait", un morceau faussement léger inspiré du Petit Chaperon Rouge, chanté avec un sérieux sens d’humour noir et aussi un rien de grivoiserie. 

    C’est aussi et surtout "Une vie dans l’Aubrac", un vrai hymne à nos campagnes

    Pour le titre "Loin de l’hiver", un blues sombre en duo avec Diez, LeHache parle de ces "embouteillages d’amours devant ma porte" et de l’attente qui n’en finit pas.

    Non sans philosophie ni poésie, le musicien fait de ces portraits naturalistes des plongées dans la nature, au cœur d’une province que l’on croit endormie – à tort – lorsqu’elle ne se fait pas contestataire et volontiers anarcho ("Planque-moi ce gilet jaune si jamais tu croises un agent", "Talkin’ Global Security Blues").

    La nature est au cœur du dernier opus de LeHache. C’est "Gardien des secrets", une ballade émouvante autour d’un arbre, presque un autoportrait ("J’offre mon ombre et mes ramures / A ce vieux banc enflammé / J’offre mes nœuds mes veines tordues / A vous tous amants affamés / Je suis toujours là / Je suis gardien du temps et de tous vos secrets"). C’est aussi "Vers l’eau qui dort", où la nature est là encore comme humanisée ("Les lignes de mes mains se feront bien accueillantes"). L’éveil de la nature est aussi celui du désir, nous rappelle en substance le chanteur.  C’est aussi et surtout "Une vie dans l’Aubrac", un vrai hymne à nos campagnes. LeHache assume ici sa provincialité et son amour de la campagne : "C’est l’histoire d’un homme qui ne s’est pas enfui… / Il parle d’un pays".

    Ce pays, LeHache en parle avec générosité et sans tricherie. 

    LeHache, Les Rencontres, Inouïe Distribution, 2022
    https://www.lehache.fr
    https://www.facebook.com/LeHache
    http://www.sylviethouron.fr

    Voir aussi : "Naissance de LeHache"

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  • Claire Gimatt, libre

    Avant de parler musique, il faut absolument parler de l’objet. Avec son dernier opus, Sorcières, Claire Gimatt propose un  album incroyable dans sa conception. Outre le CD physique, Sorcières ce sont aussi 10 cartes conçues comme des cartes postales à envoyer à vos proches, votre famille, vos amis ou la personne que vous aimez. Le recto est une photo et au verso, la chanteuse a prévu des QR code pour chaque chanson, accompagnée des paroles.

    Même le facteur, s’il est un peu curieux, pourra s’amuser à scanner en loucedé le code et profiter d’une chanson sur son portable. Bref. Faire de chaque chanson un objet et un cadeau à partager : ce n’était pas si sorcier que cela, mais il fallait y penser.

    Musicalement, Claire Gimatt a fait le choix d’un album faisant la part belle aux voyages et à la poésie, avec le sens du détail, de la précision mais aussi du rythme ("Tu bats des cils").

    L’album a été réalisé en collaboration avec le musicien-arrangeur Arthur Guyard qui mêle sons électroniques et acoustiques (piano, contrebasse, violon, guitare électriques, voix). L’univers de la chanteuse se dévoile par touches de couleur, à l’instar de "Dali", qui est une transcription d’une grande sensibilité de l’art du peintre espagnol: "Oh je saute dans le tableau de Dalí, là où les éléphants sont les reflets des cygnes".

    Tout aussi surréaliste, "L’orme" se présente comme une ode pour un arbre aventurier, "la nuit quand le monde dort". L’auteure part à la poursuite de cet arbre insaisissable : "Attends-moi… Je cours derrière le majestueux centenaire. Je courrai jusqu’à perdre haleine pour que le jour jamais ne vienne." Rarement un chant d’hommage à la nature n’aura été aussi poétique et onirique.

    Claire Gimatt n’est pas une artiste à se laisser enfermer dans des cases. Elle va puiser jusque dans l’Antiquité ses créations,  lorsqu’elle rend hommage à ces femmes oubliées des anciens temps, avec le délicat et comme suspendu "Les pleureuses".

    Un  album incroyable dans sa conception

    C’est la patte féministe de Claire Gimatt, visible également dans "L’aviatrice". La chanson a été écrite en hommage à Amelia Earhart, la première femme à avoir traversé l’Atlantique, et disparue en mer en 1937 à l’âge de 40 ans. Ce titre poignant nous parle aussi d’une aventurière taiseuse et dont l’univers se limitait à une étroite cabine de pilotage.

    Aventure encore, cette fois en mer, avec "Marine", dans un texte riche et visuel : "Marine prend le large / Divine sur la houle / L’orage gronde le vent tourne / Mais Marine est barge / Marine borde la grande voile / Elle part à la chasse au monstre / Au kraken, la pieuvre aux naufrages / Qui change les navires en sable".

    Nous parlions de féminisme à travers le personnage d’Amelia Earhart et, dans une moindre mesure, des pleureuses. Claire Gimatt aborde ce sujet d’une manière étonnante avec le titre "Sorcières" qui donne son nom à l’opus. On sait que les sorcières sont revenus en odeur de sainteté ces dernières années. Symbolisant à la fois la femme libre et persécutée, elles ont une forte portée symboliste féministe. Claire Gimatt prend à bras le corps ce personnage légendaire pour en faire le sujet d’une très belle ode : "Je cherche la sorcière / Des sous-bois / Celle qui enchante l’hiver / Prends-moi dans tes bras / Puissante la sorcière m’a rendu la voix".

    Il est encore question d’une femme rejetée dans "La baronne". La chanteuse, de son timbre à la Barbara, y fait le portrait touchant d’une aristocrate "déchue, un fantôme".

    L’auditeur sera sans doute étonné par l’avant-dernier titre, "Dans le noir". Cet étrange morceau personnel traite du besoin de rester dans le noir, "tapie dans l’ombre", loin de la lumière, "pour voir hors scène". La chanteuse s'en explique en off : "Je songe parfois combien il me plairait unifiant mes rêves de créer une vie seconde et ininterrompue où je passerais des jours entiers avec des convives imaginaires… Tout obéirait à un rythme de fausseté voluptueuse."

    Sorcières se termine avec "Grain de nuit". Dans ce nouveau portrait d’un "joli brun de fille au gilet rouge sombre", Claire Gimatt choisit une facture pop et plus urbaine, mais sans renier son lyrisme. Et tout ça avec un joli brin de voix, fragile comme un souffle de vent d’été finissant. 

    Claire Gimatt, Sorcières, Microculture, 2021
    https://www.facebook.com/clairegimatt
    https://www.clairegimatt.fr

    Voir aussi : "Herenger, bourlingueur"

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  • Arbres-danseuses à Toulon

    C’est à Toulon que l’on trouve la galerie Simona de Simoni, située en face de la Porte d’Italie. Celle qui en est l’initiative est Aliénor de Cellès, dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog. Cette artiste passée par le stylisme, la mode et les costumes de scène a choisi la peinture comme terrain d’expérience et de création. Le dernier exemple en date est celui de la galerie qu’elle a fondée au cœur de la Préfecture du Var.  

    Plus qu’une galerie d’exposition traditionnelle, ce lieu se veut aussi atelier d’artistes, rendez-vous pour les enfants de 6-12 ans désireux de s’inscrire à des stages artistiques, mais aussi concept-store abritant des objets décalés. Aliénor de Cellès y présente bien entendu qjuelques-unes de ses œuvres.

    Mais c’est une autre artiste qui a les honneurs du lieu en ce moment. Jusqu’au 15 mars, la galerie Simona de Simoni expose des peintures de Patricia Tozzi-Schmitzer. L’artiste vient en presque voisine présenter ses poétiques, fantasmagoriques et surréalistes scènes de nature.

    En intitulant son exposition "L'(autre) origine du monde", l’artiste ne fait pas seulement référence au célèbre et sulfureux tableau de Gustave Courbet. Elle entend aussi placer le végétal au cœur de notre univers. Non sans référence aux religions anciennes centrées sur les déesses de la féminité, l’arbre s’humanise en s’arrondissant dans des danses lascives et joyeuses. Ces "arbres-femmes", tout en courbes et en floraisons, se déhanchent sur un décor uni et pastel. L’œil du spectateur caresse ces saules, peupliers et autres arbres fruitiers, transformés par l’artiste en autant de danseuses symbolisant une nature vivifiante, sensuelle et revigorante.

    L’exposition de Patricia Tozzi-Schmitzer est à voir à Toulon à la galerie Simona de Simoni jusqu’au 15 mars. 

    "L'(autre) origine du monde", peintures et encres de Patricia Tozzi
    Galerie Simona de Simoni, Toulon, 59 rue St Bernard
    Du 6 janvier au 15 mars 2021
    https://www.facebook.com/Galerie-Simona-de-Simoni-825096721195572
    https://fr.artprice.com/store/SIMONA-DE-SIMONI
    https://www.facebook.com/patricia.tozzi.90

    Voir aussi : "Aliénor et ses « cellettes »"

    Ill. Patricia Tozzi - Galerie Simona de Simoni

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  • Plein soleil sur Yvan Marc

    Écouter Yvan Marc c’est visiter un ami dans son pays – celui de la Haute-Loire où le chanteur a écrit, composé et enregistré son huitième album, Ancien soleil. Avec une interprétation sans fioriture, et l’art de raconter des histoires de cheminements, d’attentes, d’amour et de désirs, Yvan Marc est aussi le peintre musical d’une nature à la fois exigeante, familière et chaleureuse.

    L’album démarre fort, avec ce qui est sans doute son plus beau titre. "Je reviendrai" est une histoire d’amour sur fond de guerre, celle des années 1939-1945, qui renvoie aussi au sort des migrants d’aujourd’hui comme le montre le clip. Un jeune homme adresse une lettre à sa fiancée alors qu’il rejoint la Résistance. Il lui fait la promesse de jours meilleurs : "Je reviendrai mon cœur / Nous libérer des ombres / Nous cueillerons les fleurs / Je reviendra ma fleur / Me blottir sur ton cœur / J’embrasserai ton front… Il est proche le jour J / Il approche et je suis / Comme un marin / Avec la peur dans les mains". La voix d’Yvan Marc raconte avec une simplicité et une émotion désarmante ces rêves et ces destins pris dans la grande histoire, dans un monde déconfit. C’est aussi le thème de "Tu m’attends". Il est question d'un retour du guerrier, mais aussi d’attente, d’espoir et d’un bonheur à venir, sans doute : "C’est la fin des grandes batailles / Des cavaliers chargeant sous le feu / la mitraille / J’ai balancé le fusil / J’ai balancé l’uniforme aussi… Et toi tu m’attends / Mon amour / Ma mie / Ma douce / Tu m’attends".

    Plus sombre mais aussi plus actuel, "Qu’ont-ils fait ?" parle du dérèglement climatique dans une adresse lucide : "Étaient-ils conscients qu’arrivait la déroute… Qu’ont-ils faits de la planète ? / Ils lui ont tourné le dos". Pas question pour autant de jouer la carte du passé et de l’âge d’or : "la quête des racines" et "l’ancien soleil" est le constat cruel que "nos ancêtres étaient des idiots".

    Folk à la française, poétique, discrète et cabrélienne

    La nature : nous voilà dans l’une des grandes thématiques d’Ancien soleil. Mais cette nature est à la fois un havre de paix et le lieu de tous les amours, à l’instar de son duo avec Cécile Hercule "Rendez-vous" : "En longeant le ruisseau près de l’ancien moulin / J’ai trouvé bien caché / Un chemin qui conduit / Où ? / Je n’en sais rien / Peut-être bien / Vers ma peau / vers mes mains / Vers mon dos / Vers mes seins". Autre lieu, autre titre : "Le Jardin" au son plus eighties et qui sonne lui aussi comme une invitation à se revoir ("Tu reviendras quand me voir ?").

    Dans une folk à la française, poétique, discrète et cabrélienne, Yvan Marc déambule dans une nature et des lieux où l’on se donne "rendez-vous, là sur les fougères" et où nous attend la personne que l’on adore : "Ça va mieux depuis que je me terre là / Dans ce village où la lumière me caresse les doigts". Le musicien chante l’isolement loin de la ville, à la campagne : "Je chante pour les arbres parfois / Les oiseaux le font mieux que moi" ("Ta douceur"). "Mes rêves sont jolis / Lorsque tu éblouis / Mes journées", chante-t-il encore dans "La nuit est ainsi." Retrouver l’autre mais aussi soi-même dans ce "village enchanté" qui permet de retrouver "sa place" sur terre ("J’en ai rêvé").

    L’amour se taille une part généreuse, faisant souffler sur à l’opus un souffle romanesque : "Je deviens ton disciple quand tu me parles d’amour... Entre juste cette fois / Mon antre sera à toi / Juste cette fois" ("Juste cette fois"). Aussi léger et généreux, "Merci" est l’histoire d’une liaison passionnée autant qu’aliénante avec une femme déjà mariée : "C’est pas drôle d’être sur le banc des remplaçants."

    Ancien soleil est sans nul doute l’album d’un homme heureux. Un songwriter posé et bien chez lui dans ce petit coin de Haute-Loire.

    Yvan Marc, Ancien soleil, LabelDiff43, 2020
    https://www.yvanmarc-officiel.com

    Voir aussi : "Aux environs de Rodolphe Burger"
    "Cécile Hercule pour avoir Bonne Conscience"

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  • Amy Liptrot à l’écart

    L’écart, en dehors de son sens bien connu, est le terme utilisé par les parents agriculteurs d’Amy Liptrot. Dans leur terre familiale située sur une des îles Orcades, au nord de l’Écosse, l’écart est un pré isolé, le plus grand de leurs pacages, ajoute l’auteure, et là où les animaux – brebis, agneaux et vaches de race highland – viennent paître durant l’été. Cette ferme isolée et a priori peu épanouissante pour une jeune femme, Amy Liptrot a choisi de la quitter après ses vingt ans pour faire sa vie à Londres. Elle y reviendra quelques années plus tard après des illusions et des expériences malheureuses marquées par l’alcool. 

    L’Écart est l’histoire d’un déracinement puis d’une réconciliation avec des terres rudes mais d’une grande beauté sauvage et peuplée par des habitants dont l’auteure salut la bienveillance et l’ouverture d’esprit.

    Dans une langue qui se déploie avec élégance et retenue, Amy Liptrot décrit le parcours étonnant d’une enfant de la campagne partie se frotter aux rêves d’une grande ville et qui en a gardé des ecchymoses.

    Sans aucun doute, cette expérience parlera à beaucoup de lecteurs, qu’ils soient anglais ou français. Il faut aussi préciser que ce qui intéresse cette enfant de la campagne orcadienne réside moins dans le descriptif de ses illusions urbaines que dans le récit de son retour en arrière vers l’archipel des Orcades, retour qui n’a été rendu possible que parce que l’alcoolisme l’y a contraint.

    Amy Liptrot entreprend son récit comme une analyse de ses années de boisson : "J’avais envie de boire en permanence. Cette idée ne me quittait jamais : elle était ancrée en moi, à l’arrière-plan de mes pensées, comme un bruit de fond ou un acouphène dont je ne parvenais pas à me débarrasser." La jeune Orcadienne, qui étouffait dans une famille sur le point d’éclater en raison surtout d’un père malade, fuit vers la capitale anglaise pour, croit-elle, s’y épanouir. Dans une langue déliée et riche, Amy Liptrot décrit pourquoi et comment dans cette ville elle s’est bientôt sentie "comme le petit bateau de pêche dans une position précaire." Loin de sa "base", ses îles finissent par la hanter comme elle le dit elle-même : "Je portais en moi ces mers déchaînées, ces ciels infinis et une facilité à apprivoiser la peur du vide."

    L’Écart est un cheminement intérieur et le récit d’une reconstruction dans laquelle les forces de la nature prennent tout leur sens. Il faut lire la manière dont l’auteure parle de son retour aux Îles Orcades après une longue période d’échecs amoureux, amicaux et professionnels dus à l’alcool. Un jour, elle découvre un phoque échoué sur un rivage. Voilà ce qu’elle en dit : "J’ai échoué ici, moi aussi, sobre depuis neuf mois, récurée par les vagues de la vie, polie comme un galet. Me voici de retour à la maison après une année de tempête, dans les vents qui m’ont forgée, là où le sel marin m’a écorchée vive. j’ai droit à un nouveau départ, mais pour aller où ?"

    L’épouse du roi caille

    La destination qui lui offre est celle d’un lieu qu’elle n’a finalement jamais quitté. L’ancienne aventureuse d’une grande métropole se découvre l’âme d’une Orcadienne découvrant le pays de son enfance : la ferme familiale (et ce fameux écart), les agnelages au cours desquels elle endosse le rôle de "sage-femme", l’ambre gris des baleines échoués sur les côtes, les îles abandonnés dont elle choisit de retracer des récits historiques et quelques légendes, mais aussi et surtout la nature omniprésente (guillemots, petits pingouins, macareux, cormorans huppés, mouettes ou fulmars). En quelques mois, Amy Liptrot devient d’ailleurs "l’épouse du roi caille" ("The Corncrake Wife"). Elle est embauchée par la Société Royale de Protection des Oiseaux (RSPB) pour localiser et recenser les râles des genêt ou roi caille dans l’archipel, des oiseaux en voie de disparition : "Le roi caille est devenu mon credo, ma bataille, mon obsession." Ces mâles chanteurs deviennent des compagnons autant que des doubles de l’ancienne londonienne : "En un sens, nous connaissons le même sort, eux et moi. Je tente de rester sobre et de m’accrocher à la vie « normale ». Les rois cailles, eux, tentent de s’accrocher à l’existence même."

    À l’écart de l’alcool, pour Amy Liptrot la renaissance passe par l’ornithologie, la nature mais aussi la rencontre avec ses semblables des Orcades, "des gens qui me ressemblaient." Pour autant, la vie citadine et la modernité ne sont pas en reste. Pas question d’oublier Internet, qui a facilité la vie des insulaires comme le rappelle l’auteure qui avoue non sans malice qu’elle a troqué, lors d’une nuit dégagée, "les boules à facettes des discothèques pour les lumières célestes."

    Bien mieux qu’un simple témoignage, Amy Liptrot parle de son retour aux Orcades comme d’un essai semi-scientifique pour elle-même, une reprogrammation intérieure et une "exploration bathymétrique" de son âme. Reprogrammation qui ne l’empêche pas de rester autant la fille des Orcades que l’ancienne fêtarde londonienne : "J’ai l’impression d’être une gymnaste en train d’effectuer un salto arrière sur un trampoline, retenue par des élastiques fixés aux tringles du chapiteau. Je suis coincée entre deux univers : j’ai les pieds sur Papay et la tête à Londres sur Internet… Je veux absolument me soigner et aller de l’avant."

    Ça, dit-elle encore, c’est la liberté qu’offre la sobriété. La liberté, la vraie.

    Amy Liptrot, L’ Écart, éd. Globe, 2018, 334 p.

    Voir aussi : "Aimez-vous Tamara Drewe ?"

  • No signal

    Comment et pourquoi retourner à la nature ? Alors que plus de la moitié de la planète vit en milieu urbain, l’homme n’a jamais été aussi déconnecté de la nature et des grands espaces. Commencé en 2013, le projet de Brice Portolano, “No Signal” (en référence aux ondes radios et autres réseaux wifi omniprésents dans le monde contemporain), choisit de nous parler du retour, en plein XXIe siècle, de l’homme à la nature.

    Sans pour autant s’affranchir de la modernité ni se marginaliser, il s’agit pour ces individus de remettre en question des valeurs qui ne leur correspondent plus. Ces hommes et ces femmes ont fait le choix de vivre en pleine nature, que ce soit Tinja, éleveuse de chiens de traîneaux en Laponie, Ben et Katherine, éleveurs et agriculteurs non loin de Salt Lake City ou Jerry, ostréiculteur en Alaska.

    Dès sa sortie de l’École des Gobelins et durant trois ans, Brice Portolano, né en 1991, explore les grands espaces pour partir à la rencontre de ceux qui les habitent, des forêts enneigées de la Laponie aux steppes désertiques de l’Iran en passant par l’Alaska, l’Ouest Américain ou encore les Alpes Françaises.

    Ses maîtres mots : authenticité, aventure et liberté. Du haut de ses 25 ans, le photographe ne se targue pourtant pas d’être de la trempe d’un photo-journaliste mais d’un photographe documentaire inspiré et baroudeur : “Je suis fasciné par les photographes de mode qui arrivent à créer de belles images à Paris. pour moi c’est impossible, j’ai besoin de déséquilibre, de météo instable et d’un peu de chaos – c’est pour ça que j’aime autant voyager, il n’y a rien de plus agréable que d’être surpris par les éléments naturels.

    Brice Portolano est régulièrement publié en France et à l’international, notamment dans L’Obs, Le Monde, Stern, VSD, National Geographic Traveler ou The Daily Mail UK. L'exposition "No Signal" lui est consacrée à la galerie Art en Transe du 8 au 25 septembre 2016.

    Brice Portolano, “No Signal”, Exposition photo du 8 au 25 septembre 2016
    Art en Transe Gallery, 4, Rue Roger Verlomme, 75003 Paris
    du mardi au samedi de 12h à 19h30 et le dimanche de 14h30 à 19h30

    www.entransegallery.com
    http://www.briceportolano.com