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Après la sortie de son single "Parle-moi du soleil", le chanteur français Mayu propose son premier EP, Pas d'ici. Un mini-album placé sous le signe d l'identité, du déracinement et de la mémoire.
Musicalement, Mayu insuffle du jazz et de la world music – brésilienne en l’occurrence – dans une chanson française métissée qui nous parle des origines du chanteur, de son déracinement ("J'ai pris la mer ça m'a fait drôle / J'ai pris la mer quand j'étais mioche / Je me rappelle pas du pays / Sauf sur ma peau couleur café"), mais aussi de son refus d’oublier d’où il vient : "Ici j'ai eu une maison / Et pour ne jamais oublier / J'ai accroché dans mon salon / Une photo rescapée" ("Pas d'ici").
Voilà qui est bien dit et chanté
Il y a de la mélancolie, de la douceur et de l’espoir dans l’EP d’un chanteur venu tout du droit du Brésil, à l’instar de cet autre morceau "Parle-moi du soleil". Le chanteur dit ceci : "Immigrer c’est l’art de vivre avec toutes ses versions de soi, en gardant l’espoir qu’aucune ne contrôle l’autre."
Voilà qui est bien dit et chanté.
Musicalement, Mayu a beau avoir vu Francis Cabrel ("Parle-moi du soleil") se pencher par dessus son épaule – le jeune artiste a fait ses classes au Conservatoire d’Age –, il n’en reste pas moins vrai que sa musique est une alliance colorée de sons et d’influences : samba, jazz, musique populaire du Brésil, et bien sûr chanson française. ("Prisonnier").
L’auditeur sera tout autant sensible à la voix veloutée et chaloupée de Mayu. Une jolie découverte en ce mois de janvier qui prouve que la chanson française se renouvelle sans cesse, comme aucune autre musique.
Nostalgie, quand tu nous tiens. CesChants nostalgiques, proposés par la soprano Marie-Laure Garnier la pianiste Célia Oneto Bensaid et le Quatuor Hanson, s'intéressent à la musique classique française du XXe siècle, avec des œuvres de Gabriel Fauré, Ernest Chausson, mais aussi une compositrice que l’on découvre, Charlotte Sohy. Voilà une sélection bienvenue, tant la musique classique n’en finit pas de sortir de ses archives des artistes féminines qui ont été "oubliées", en raison précisément de leur sexe. Chants nostalgiques est l'enregistrement public d'un concert à l'Estran de Guidel en mars 2022.
C’est la nostalgie qui est le fil conducteur de cet album, avec d’abord l’opus 81 de Gabriel Fauré, La Bonne chanson. Ce sont des airs généralement assez courts (le plus long fait un peu plus de trois minutes) qui ont été composés à partir de poèmes de Paul Verlaine. On retrouve le souffle et l'âme de Fauré et son sens mélodique, à commencer par le titre "Une sainte en son auréole", que Marie-Laure Garnier interprète avec flamme et sincérité. Célia Oneto Bensaid vient accompagner "Puisque l'aube grandit" pour donner du souffle à ce répertoire de musique française très XXe siècle fortement teinté de symbolisme ("La lune blanche").
Le néo-classique Fauré étonne avec "J'allais par des chemins perdus", un titre plus moderne, derrière lequel on peut discerner l'esprit de Darius Milhaud. Gabriel Fauré vient se livrer plus intimement encore avec le plus classique "J'ai presque peur, en vérité". Outre "Avant que tu ne t'en ailles", un rien désuet mais néanmoins charmant pour cet ode à la nature et à l'attente, Fauré fait le choix de la légèreté avec "Donc, ce sera par un clair jour d'été", dans lequel le compositeur semble faire le lien avec le romantisme, le classicisme à la française et la modernité. Précisons que morceau reprend des mesures de son Requiem dans ses dernières notes. "N'est-ce pas ?" frappe par sa modernité, à l'instar de "J'allais par des chemins perdus". La Bonne Chanson se terminer par le titre le plus long de l'opus, "L’hiver a cessé", plus complexe, dense et caractérisant un Gabriel Fauré indéfinissable autant que délicat.
Une vraie découverte : celle de la compositrice Charlotte Sohy
Autre compositeur à l'honneur dans cet enregistrement public : Ernest Chausson. Les Chants nostalgiques proposent sa "Chanson perpétuelle" op. 37, une œuvre d'adieu dans lequel le désespoir affleure, dans un classicisme tout français. Chausson se distingue avec son sens de la mélodie et sa plainte pour la mort du bien aimé qui "s'en est allé".
Parlons ensuite de la grande découverte de l’album : celle de la compositrice Charlotte Sohy (1887-1955). La musique classique est en train de se rendre compte qu'un vaste répertoire écrit par des femmes a été mis aux oubliettes. L'album Chants nostalgiques, à l'instar de l'association "Elles Women Composers" et un coffret dédié à son œuvre (La boîte à pépites), propose de découvrir Charlotte Sohy à travers ses Trois Chants nostalgiques (opus 7). Une œuvre nostalgique, oui, mais aussi sombre et mélancolique, composée sur des textes de Cyprien Halgan (1838-1896). Charlotte Sohy s'inscrit bien dans la tradition de la musique française ("Pourquoi jadis t'ai-je trouvé ?"), mais avec une modernité certaine dans son expressionnisme et dans sa manière de se libérer du carcan harmonique ("Le feu s'est éteint"). On a ici affaire à un opus crépusculaire que les interprètes s'approprient avec une grande sincérité ("Sous ce ciel d'hiver"). Ce qui est remarquable pour une œuvre peu connue et d'une compositrice qui ne l'est pas plus.
Retour à Ernest Chausson avec une transcription de Franck Vuillard de son "Poème de l'amour et de la mer", opus 19. Les trois chants, relativement longs (de deux minutes – un "Interlude" – à plus de quatorze minutes) font de cette œuvre un magnifique final. D'un très beau classicisme, que l'on pourrait dire néoromantisme, illustrent musicalement les poèmes symbolistes de Maurice Bouchar (1855-1929). Marie-Laure Garnier, le quatuor Hanson et Célia Oneto Bensaid font de ce "Poème de l'amour et de la mer" une œuvre tourmentée et vivante, non sans de bouleversants éclats instrumentaux ("Interlude"). On se laisse finalement bercer par la dernière chanson, "La mort et l'amour", singulière alliance, interprétée avec un mélange de légèreté et de nostalgie, justement.
Voilà qui clôt en beauté un album intelligent de découvertes et de redécouvertes classiques.
Il y a ces bandes dessinées (ou romans graphiques, c’est comme vous voulez) qui vous procurent le plaisir d’apprendre vraiment quelque chose.Le Siècle de Jeanned’Éric Burnand et Fanny Vaucher (paru aux éditions Antipode) en fait indubitablement partie.
Le public français doit absolument découvrir cet ouvrage venu de Suisse d’une belle ambition qui nous fait découvrir un pays voisin et ami dont nous connaissons finalement assez peu l’histoire.
Nous sommes en Suisse dans les dernières années du XVIIIe siècle. Jeanne vit dans une famille de la paysannerie pauvre du Pays de Vaud. La confédération helvétique regarde son voisin français avec inquiétude, panique ou au contraire envie et source d’inspiration : la Révolution française est en train de mettre à bas un régime hérité de la féodalité, régime très présent en Suisse au XIXe siècle.
C’est dans ce contexte qu’éclate une révolte largement héritée de la nuit du 4 août : celle des "Bourla-Papey", littéralement "brûleurs de papier". Le père de Jeanne fait partie de ces révolutionnaires helvétiques, bien décidés à remettre en cause un système inégalitaire. C’est le début d’un siècle de mouvements sociaux et révolutionnaires que retrace la BD d’Éric Burnand et Fanny Vaucher, à travers la vie d’une paysanne pauvre.
Jeanne et Eugénie sont les témoins de ces soubresauts que les pays européens ont connu suite à la Révolution française
Jeanne (mais aussi sa petite fille Eugénie qui découvre l’existence de son aïeule grâce à un long courrier) est un personnage fictif et c’est du reste son histoire familiale qui sert de trame au récit. De sa naissance dans un milieu de la paysannerie modeste à son départ vers l’Amérique du Sud, en passant par une éducation contrariée du fait de son sexe et un mariage corseté, le lecteur suit le parcours d’une Suissesse ordinaire dans un pays secoué par les mouvements révolutionnaires du XIXe siècle.
C’est du reste tout l’intérêt d’une BD qui montre un pays, souvent caricaturé un peu facilement comme calme, paisible et conservateur, être secoué par des revendications sociales : fin des privilèges, luttes entre révolutionnaires et partisans d’une Restauration, luttes contre le travail des enfants, limitations de la durée du travail, féminisme. Jeanne et Eugénie sont les témoins de ces soubresauts que les pays européens ont connu suite à la Révolution française.
Le Siècle de Jeanne est ponctué de pages éclairant tel ou tel personnage ou fait historique : l’avocat et révolutionnaire Claude Mandrot (1756-1835), la femme de lettres Germaine de Staël (1766-1817), la révolte des Bourla-Papey, le théoricien de la Restauration Charles-Louis de Haller (1768-1854) ou encore l’avocate Émilie Kempin-Spyri (1853-1901) qui a largement inspiré Eugénie/Jenny.
Si vous ajoutez à cela que cette BD se lit facilement et avec plaisir, vous risquez d’être convaincu de vous offrir ou d’offrir un livre de bonne facture et écrit avec intelligence et sans pathos.
C’est une Amérique que l’on n’a pas l’habitude de voir sur l’écran : celle des premières années du XIXe siècle, entre sa naissance sous Washington et le début de la guerre de Sécession. Pale Blue Eye, le film proposé en cé début d'année par Netflix plante son décor dans ces Etats-Unis là.
Nous sommes précisément en 1830, en plein hiver. Augustus Landor est un inspecteur civil que l’académie militaire de West Point – appelée à un destin prestigieux – contacte pour résoudre une affaire ennuyeuse qu’elle voudrait résoudre au plus vite et ne pas laisser fuiter. Landor est l’homme de la situation : taciturne et secret, accessoirement tourné vers la boisson, il vit seul après le décès de sa femme et la disparition de sa fille.
L’affaire qu’il doit résoudre est celle du suicide d’un jeune cadet à qui l’on a, par la suite, arraché le coeur. Au sein de l’Académie, iul trouve un soutien inattendu chez un autre cadet. Son nom ? Edgar Allan Poe qui se targue d’être poète et se révèle un détective très doué.
Un bon thriller doublé d’un film d’époque
Outre le cadre de The Pale Blue Eye – la jeune République étasunienne – la vraie bonne idée du film proposé par Netflix est de mettre en scène le célèbre auteur des Nouvelles extraordinaires que beaucoup d’écoliers ont lu dans leur jeunesse. Voilà ici un Edgar Allan Poe étonnant et attachant, joué par le formidable Harry Melling, l’ex Dudley d’Harry Potter, et que l’on a vu plus tard dans Le Jeu de la Dame.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule star du film : outre Christian Pale dans le rôle de Landor, on trouve également Gillian Anderson, Robert Duvall, Lucy Boynton et notre Charlotte Gainsbourg nationale dans un rôle finalement très secondaire.
Cette histoire de meurtres rituels transposée dans un univers gothique – pouvait-il en être autrement avec la présence de Poe ? – prend un tour inattendu à partir de la dernière demie-heure. Inutile bien sûr d’en dire plus. Un bon thriller doublé d’un film d’époque, cela ne se refuse pas. Et cela donne envie de relire le génial Edgar Allan Poe.
The Pale Blue Eye, thriller historique de Scott Cooper, avec Christian Bale, Harry Melling, Gillian Anderson, Robert Duvall, Lucy Boynton et Charlotte Gainsbourg, 2022, 128 mn, Netflix https://www.netflix.com/fr/title/81444818
Du tempérament, il en a Makja, comme il le prouve dans le premier titre de son EP Sessions vivantes II. "Tempérament" c’est du rock engagé à la Saez. Les pauvres, l’argent roi, "politicards en toc" : l’ex de The Voice saison 8 assène ses vérités et ses colères, avec une rage sincère et sans tricherie ("Roi Soleil").
Makja est une voix avec qui il faut compter qui sait se montrer brut autant que poétique, comme le prouve "Les saveurs du passé", un des meilleurs morceaux de ces deuxièmes Sessions vivantes. "Quand le texte vient de loin / Le silence devient flou / L’infime se faufile sous les feuilles".
L’hypersensibilité du chanteur est évident chez cet artiste chez qui on sent l’influence de Christophe Maé jusque dans le timbre de la voix ("Nos 2 mains").
Très grande qualité d’écriture de Makja
Majka propose une revisite inattendue de "Tout va bien" d’Orelsan, dans une version moins urbaine et plus acoustique. C’est, du reste, ce choix musical – violoncelle, guitare, batterie – qui fait le charme immense de cet album. Makja fait un choix musical audacieux dans sa manière de refuser l’électronique, les boîtes à rythme et les machines au profit d’une facture plus traditionnelle ("Yeux de rouille").
"Elle tangue" retrouve la fibre engagée de "Tempérament", qui est aussi le portrait d’un homme dont la mémoire vacille. On est là à mi-chemin entre un texte intimiste et un message universel et social : "Où sont tes pavés / Tes livres / Tes idées de France libre / Face à l’oubli rien n’est inné".
Preuve de la très grande qualité d’écriture de Makja, ce dernier a été lauréat en 2016, du Prix Centre des Écritures de Chanson-Voix du sud aux Rencontres d’Astaffort.
Le café philosophique de Montargis proposera une nouvelle séance le vendredi 20 janvier 2023 au Belman, à 19 heures. Le débat portera autour de ce sujet : " La peur est-elle mauvaise conseillère ?"
S'il est un sentiment partagé par tous les hommes c'est bien la peur. Ce réflexe ; au départ primaire et que l’on retrouve chez les animaux, est une réponse à une situation de danger ou à une impression de danger. La peur serait d'abord un mécanisme de défense. Pour autant, l'adage populaire affirme que la peur est mauvaise conseillère, en ce qu'elle pourrait constituer un frein à nos actions.
Qu'en est-il vraiment ? La peur pourrait-elle constituer un problème majeur pour nos existences, voire une aliénation ? Aurait-elle pour défaut principal de nous opposer au progrès et de nous empêcher d'aller vers les autres ? Il sera proposé aux participants de définir ce que l'on entend par peur. Y a-t-il des peurs communes pour tous les êtres humains ? La peur peut-elle être bénéfique et, justement, "bonne conseillère" ? Il sera également proposé de discuter sur l'angoisse dans l'existentialisme. N'ayez donc pas peur de vous rendre au Belman à Montargis (entrée par l’Hôtel de France), le vendredi 20 janvier 2023 au Belman, à 19 heures.
La participation libre et gratuite. Il est seulement demandé aux participants de commander au moins une consommation.
Café philosophique de Montargis "La peur est-elle mauvaise conseillère? " Le Belman, Hôtel de France, vendredi 20 janvier, 19H
Radical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).
La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots.L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause.
Nicolas Le Bault s’appuie sur l’actualité récente et les derniers progrès technologiques pour pointer du doigt les dérives du progrès que l’auteur résume ainsi, en reprenant des analyses du philosophe Jean Baudrillard : "Jean Baudrillard, bien avant l’avènement des réseaux sociaux, incombait à l’omniprésence des images et à la multiplication des répliques du réel la déréalisation progressive du monde". La disparition du monde réel, remplacé par des reproductions plus vraies que nature : voilà qui fait le premier danger de nos sociétés et qui est, selon l’auteur, encouragés par les GAFAM.
Un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx
Le livre de Nicolas Le Bault balaie, en un peu moins de cent pages, les problématiques économiques et sociaux de notre époque, avec un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx. Que l'on pense à cette citation : "[Le] haut-patronat et actionnaires ont réussi la double opération de rendre impossible la réponse des prolétaires à la lutte des classes".
Il est bien question de lutte des classes dans cet essai, de travailleurs, de prolétariat, d'inégalités et de richesse, mais il y a aussi les avatars de ce néo-libéralisme : l'ubérisation, l'auto-entreprenariat, l'automatisation mais aussi l'intelligence artificielle et le transhumanisme.
Nicolas Le Bault parle de "révolution culturelle transhumaniste" et comme un nouvel outil au service du capitalisme moderne. Si le lecteur peut être critique sur les pages consacrées au "soulèvement des peuples", Nicolas Le Bault est plus pertinent lorsqu'il parle de la "la civilisation de l'oubli" qu'il compare avec le mythe des Lotophages.
Évidemment, on tremble à la lecture de sombres prédictions ("[Dans] une économie automatisée, les hommes pourraient être tentés d'exterminer ceux dont le quotient intellectuel est inférieur à un certain niveau") tout autant qu'on se retrouve parfaitement en accord et ragaillardi par un vibrant appel à l'art et aux artistes.
Delphine Coutant est de retour pour son sixième et nouvel album. C’est un vrai univers en soi qu’elle propose, à l’image du titre de l’opus, 2 Systèmes Solaires. Pour écrire la partition pour octuor de cet opus, elle a étudié durant quatre ans l’écriture musicale, l’arrangement, l’orchestration au Conservatoire de musique de Nantes. Elle a été en résidence au Laboratoire de Planétologie et Géosciences de Nantes, au Planetarium de Nantes et aux réserves muséales du Muséum d’Histoire naturelle de Nantes.
Onirique et astral, l’artiste l’est assurément et l’assume sans conteste : "Mon manteau d’hiver s’étiole sur moi / Cette année lumière dure des mois", chante-t-elle dans "Mon Manteau d’hiver". Spatiale et terrestre, céleste et terrienne, Delphine Coutant balance, servie par un orchestre classique avec cordes et cuivres. Le texte écrit avec un grand sens de la justesse et de l’économie se joue du temps, des saisons, de l’espace, du minuscule et de l’infiniment petit : "Sous mon pull d’hiver poussent des camélias / Deux systèmes solaires se côtoient".
Sondant le mystère de la vie et avec une rare poésie, l’originaire de Saint-Nazaire se définissant comme une troubadour ("trobairitz") des temps modernes, fait d’une carrière ordinaire et d’un métier obscur le début d’un mystère : "Va dans la poussière / Tu as cent ans mile ans et l’âge sédimentaire". Et si l’artiste pouvait en être libéré ?
2 Systèmes Solaires frappe par l’intelligence de son écriture. On quitte l’univers pour aller jusqu’à une carrière et une recherche géologique. Le troisième titre propose de partir de la pierre brute pour aller vers la création du sculpteur, cet artisan travaillant "dans une parfaite gravité" ("La galaxie du sculpteur"). L’extrait suivant, "Méduse Pégase et nous", propose d’entrer dans le cœur de ces créations si loin et si proches de nous : "Et moi qui l’ai bien fréquentée, j’ai une forêt de genêts à mes cheveux noués". La musicienne s’appuie sur un orchestre classique, sauvage et impétueux.
Pour "La succulente", c’est un piano qui accompagne Delphine Coutant, dans la peau d’une habitante du désert américain de Chihuahua. Ce message sur l’environnement, sur "ce brasier qu’est la vie", est aussi un message d’espoir : "Je mets toute ma transcendance / Mon intelligence / Pour bien aimer cette folie".
Delphine Coutant est assurément d’un autre monde ou plutôt de tous les mondes
"La montagne bouger", plus pop, est de retour en France, avec une ballade dans l’ouest. Une nouvelle fois, la nature est plantée comme personnage principal et fantasmagorique : "Un océan d’eau salée / Sous la surface gelée / On a vu des feux de glace / Sortir des tiger stripes".
Delphine Coutant est assurément d’un autre monde ou plutôt de tous les mondes. 2 Systèmes Solaires peut se lire comme un grand livre de voyages, au souffle dépaysant, à l’instar du magnifique et magnétique "Le grand morcellement". Magnétique, magnifique et terrible tout à la fois : "Navires brise-glaces icebergs dérivants / Souffle de Neptune vents chocs et courants / Témoins de ma débâcle du grand morcellement". La qualité d’écriture et d’arrangements de la musicienne est évidente à travers ce morceau, tout comme elle se montre audacieuse et culottée dans "1 2 4 3 Ignition". Ce court morceau symphonique (une minute quarante) montre une musicienne nourrie d’influences néo-classiques.
On imagine Delphine Coutant comme une terrienne ne se sentant jamais aussi bien, à l’instar d’une enfant, que dans la nature, au milieu des éléments : "J’ai laissé l’herbe sécher / Et dans ce corps habité par le froid polaire / J’ai laissé l’herbe sécher" ("J’ai laissé faire"). Mais elle est aussi une grande amoureuse des astres, comme elle le confie dans le spectral "Mes heures d’univers", en français et... en latin : "Horas meas universi / Nares ad auras / Palpebarum pilos imbue" ("Les heures d’univers / Le nez en l’air / Rayonnement fossile / Imbibe mes cils").
Delphine Coutant vient clôturer son album avec un remarquable titre néo-classique et jazzy synthétisant en quelques vers une fin de monde et un bond dans le temps.
Delphine Coutant, 2 Systèmes Solaires, L’autre distribution, 2022 http://www.delphinecoutant.fr https://www.facebook.com/delphinecoutant.officiel En concert : Le 5 janvier 2023, Showcase Musique et Danse, Orvault (44), le 10 janvier à la Bibliothèque de Sotteville-les-Rouen (76) et le 13 janvier 2023 au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen (76)