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Satie Cool

Alors que nous fêtons tout juste les 100 ans de la mort d’Erik Satie (1866-1925), voilà que nous arrive, en guise d’hommage, un album d’adaptations jazz par Hervé Sellin de quelques uns des chefs d’œuvre du compositeur français le plus extravaguant et le plus incroyable de l’histoire.
Nous avions parlé il y a un an de cela de son album Fauré-Ravel, déjà des revisites jazz et déjà aussi des Jazz Impressions, tendant à prouver que les barrières entre genre ne demandaient qu’à tomber. Voilà qui est d’autant plus pertinent et excitant pour Erik Satie, génial et foutraque compositeur aux œuvres lentes et contemplatives. Mais comment le jazz et ses rythmes peuvent-ils s’emparer d’un compositeur moderne, admiré et toujours très actuel ?
Hervé Sellin y répond sur le terrain de son instrument fétiche, le piano. La magnifique valse Je te veux devient un titre jazz moins sensuel et romanesque que mélancolique. Hervé Sellin assume son parti pris de faire de ce classique une pièce contemporaine sortant quelque peu de la valse originelle – que l’on est certes en droit de préférer.
L’humour de Satie est restée dans la version de Sellin des Trois morceaux en forme de poire. Le jazzman se sert de la pièce originale pour en faire une "suite pour trois jazzmen improvisateurs". Erik Satie sourirait de voir sa création de 1903 prendre un tel lustre cool. Humour toujours avec ces Airs à faire fuir. Je parle bien du titre, espiègle, parce que ce morceau est d’une belle facture jazz pour une promenade des plus rafraîchissantes.
Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière
Après la visite de la 2e Gnossienne, moins épurée et réellement séduisante pour son nouveau rythme, parlons de ces fameuses Gymnopédies qui ont indéniablement fait la notoriété d’Erik Satie. La première, en particulier, archi-jouée et archi-enregistrée, se devait de sortir des sentiers battus. Hervé Sellin a fait le choix de complètement la réinventer. Cette première Gymnopédie garde sa profonde mélancolie et sa lenteur chevillée au corps. Hervé Sellin l’adapte non sans smooth, grâce à la flûte inspirée de Christelle Raquillet. Même réinvention pour la 2e Gymnopédie. Le jazzman assume de bousculer l’œuvre originale pour en faire une création à part entière, rythmée et avec ce je ne sais quoi de ce modernisme "satien". Imparable. La Gymnopedia proposé dans l’album est dédiée à Aldo Ciccolini qui fut le premier à enregistrer l’intégrale de la musique pour piano d’Erik Satie dans les années 60. Cette Gymnopedia se présente comme une vraie création originale. Hervé Sellin en fait une pièce délicate, marquant son respect pour un interprète capital dans l’histoire de Satie, tout comme dans la carrière d’Hervé Sellin.
Les Trois mélodies, une pièce souvent présente dans les anthologies sur Satie, portent ces mystérieux titres, Les Anges, Élégie et Sylvie. Trois chansons que l’on croirait post-impressionnistes, même si elles se teintent de sons et de rythmes jazz. Hervé Sellin parle de son désir au sujet de ces pièces d’avoir voulu "déshabiller et reconstruire les chanson", sans ostentation mais avec sincérité et une forme de romantisme.
Parlons des Avant-dernières pensées. Hervé Sellinn prennent le risque de faire de ces adaptations jazz des moments uniques entre classique, jazz et contemporain. L’accent mélodique, pour ne pas dire désespéré, de Satie prend tout son sens, y compris lorsqu’il se fait néo-romantique (Idylle). Humour rime avec amour dans son Aubade audacieuse et entêtante. Quant, à la Méditation qui vient compléter ces Avant-dernières pensées, elle devient un titre contemporain, méditatif et déconcertant.
Quoi de mieux qu’une Belle excentrique pour terminer un album rendant hommage d’une belle manière à Erik Satie, toujours aussi moderne, un siècle après sa mort. Cette "fantaisie sérieuse" (c’est le sous-titre trouvé par le compositeur) est une suite de danses parodiant les musiques du music-hall. C’est une œuvre tardive datant de 1921, commandée pour un ballet de la sulfureuse chorégraphe Caryathis. Pour cette artiste scandaleuse, il fallait une musique ne se prenant pas au sérieux, vivante et vivifiante. Satie s’est à l’époque influencée par le jazz. Il revient ici grâce au piano d’Hervé Sellin, pour la première suite Grande ritournelle. Une petite merveille et, pour beaucoup, une découverte. Satie aurait remercié Sellin pour ces revisites séduisantes.
Hervé Sellin, Erik Satie, Jazz impressions, IndéSens Calliope, 2025
https://hervesellin.com
https://indesenscalliope.com
Voir aussi : "Du classique, et que ça jazze !"
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