Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dante

  • Résurrection

    Parlons, pour commencer, du label Présence Compositrices qui entend promouvoir et diffuser les femmes compositrices de toute époque et tout pays. Leur premier album proposé est une œuvre de Marie Jaëll,  Ce qu’on entend dans l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis, qu’interprète au piano Célia Oneto Bensaid. Bla Bla Blog avait découvert l’instrumentiste à l’occasion de son programme classique et contemporain Metamorphosis consacré à Philip Glass, Maurice Ravel et Camille Pépin – une compositrice, déjà.

    Le nouvel album de la pianiste est une vraie découverte ou redécouverte : celle de Marie Jaëll, tombée dans l’oubli. Née en 1846, Marie Jaëll-Trautmann, de son vrai nom, a été considérée comme une grande artiste et pédagogue par ses pairs, que ce soit César Franck, Gabriel Fauré ou Camille Saint-Saëns. Elle a été l’une des premières femmes admises à la Société des Compositeurs de Paris. Sa carrière s’est pourtant arrêtée à l’âge de 45 ans au profit de la recherche scientifique. Elle décède en 1925.

    Durant les dernières années du XIXe siècle elle compose les trois pièces pour piano Ce qu'on entend dans l'Enfer, Ce qu'on entend dans le Purgatoire et Ce qu'on entend dans le Paradis, d’après une lecture de la Divine Comédie de Dante. Tout comme le poète italien avait conçu son chef d’œuvre comme un triptyque littéraire, Marie Jaëll a fait le choix de l’équilibre : trois parties constituées de six morceaux chacune. Le piano de Célia Oneto Bensaid sert à merveille une création de la fin du XIXe siècle influencée par le romantisme et le classicisme. Chopin, Wagner et Schumann ne sont jamais très loin ("Poursuite").  

    Le piano de Célia Oneto Bensaid sert à merveille une création de la fin du XIXe siècle influencée par le romantisme et le classicisme

    L’auditeur appréciera le raffinement, et dans la composition et dans l’interprétation de Célia Oneto Bensaid. Que l'on pense au deuxième mouvement, "Raillerie" où la déambulation se fait par-delà la mort, sur la pointe des pieds et non sans un rire grinçant. Le classicisme de Marie Jaëll se pare aussi de teintes debussyennes, à l’image du morceau "Dans les flammes". Ce chant des enfers qu’est "Blasphèmes", expressionniste, darde un souffle ardent et satanique. Le sixième et dernier morceau consacré à l’enfer ("Sabbat") se fait plus diabolique encore avec sa danse de démons qui annonce le purgatoire.  

    La délicatesse et la retenue ouvrent la partie consacrée au purgatoire, justement, une partie qui frappe par ses tensions et ses changements de rythmes ("Remords"). Au mouvement "Pressentiments" vient répondre le mélancolique et douloureux "Désirs impuissants". Avec "Alanguissement", on trouve du romantisme wagnérien dans ce morceau jouant de l’hésitation et du contre-pied, comme un amour qui ne saurait s’exprimer. Le ravelien "Maintenant et jadis" et le tourmenté et "Obsession" viennent clôturer dans une acrimonie certaine cette deuxième partie de l’Enfer, avant "Obsession", composé comme une ritournelle obsédante.

    Pour les pièces consacrées au Paradis, Célia Oneto Bensaid nous emmène dans un univers faurien, paisible ("L’apaisement") où tout n’est qu’harmonie et volupté ("Voix célestes"). En digne représentante du classicisme français, Marie Jaëll ne peut cacher ses influences (Saint-Saëns, Ravel, Franck). Même lorsqu’il est question d’un "Hymne", la compositrice ne choisit pas la démonstration ni la virtuosité mais une berceuse réconfortante.

    L’auditeur remarquera l’écriture fine et subtile de "Quiétude". La mélancolie affleure dans ce qu’on entend du paradis, à l’instar de "Souvenance" venant précéder la conclusion mélancolique et triste ("Contemplation") de ce voyage métaphysique autant que romanesque. Un voyage servi par une Célia Oneto Bensaid concentrée, inspirée et ressuscitant une compositrice tombée dans l’oubli. 

    Marie Jaëll, Ce qu’on entend dans l’enfer, le purgatoire, le paradis,
    Célia Oneto Bensaid, piano, Label Présences Compositrices, 2022
    http://www.mariejaell.org
    https://www.celiaonetobensaid.com
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100039928732584

    https://www.presencecompositrices.com

    Voir aussi : "Album univers"
    "Camille Pépin, sans coup férir"
    "Dante, voyage au bout de l'enfer"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Dante, voyage au bout de l'enfer

    john freccero,dante,divine comédie,virgile,béatrice,boèce,platon,aristote,saint augustin,thomas d’aquin,clément d’alexandrie,philon d’alexandrie,homère,théologieQue nous reste-t-il à apprendre de Dante et de la Divine Comédie, cette œuvre phare de la littérature italienne, sinon mondiale ? Depuis sa parution au XIVe siècle, tout ou presque a été dit et commenté au sujet du récit poétique de Dante Alighieri, relatant son périple dans l’au-delà, guidé d’abord par Virgile, en partant de l’enfer ("Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate", "Laissez toute espérance, vous qui entrez"), jusqu’au purgatoire, puis au paradis où l’attend Béatrice, la femme qu’il a aimé depuis son enfance, qu’il a perdu et à qui il vouera le reste de son œuvre.

    John Freccero, universitaire américain spécialiste de Dante, a écrit une série d’articles sur la Divine Comédie, et ce sont ces articles qui ont été compilés pour former cet essai très impressionnant, Dante, une poétique de la conversion (éd. Desclée de Brouwer). D’abord publié en 1986 aux États-Unis, l’étude de John Freccero arrive enfin en France. Assez logiquement, les textes ont été classés non par date de leur publication, mais en suivant l’ordre du poème, en 17 chapitres, de l’enfer au paradis. Voilà qui donne à l’ensemble une belle cohérence en même temps qu’une solide rigueur scientifique.

    Voyage imaginaire, sinon terrifiant vers l’au-delà, la Divine Comédie est étudiée grâce à l’universitaire émérite sous l’angle d’un voyage intérieur "vers la vérité", en somme une quête à la fois religieuse et poétique qui permet au lecteur de 2019 de se replacer dans le contexte de l’homme de lettres du XIVe siècle que fut Dante nourri aussi bien de sources antiques que chrétiennes qui font sens ici : "Le pèlerin doit luter pour parvenir dans la caverne, où Platon suppose que commence ce voyage."

    "Le voyage de la Divine Comédie commence par une conversion" commente John Freccero au sujet des premiers chants de l’Enfer. S’appuyant sur Platon (Timée), Aristote, s. Augustin, Clément d’Alexandrie, Philon d’Alexandrie ou Jean l’Évangéliste, l’universitaire américain montre toute la portée allégorique de ce voyage du corps qui est aussi celui de l’âme. Avec une rare érudition, John Freccero fait se répondre "cosmos aristotélicien", théories du désir chez Platon et Aristote, réflexions sur les péchés chrétiens et propos sur la chute originelle pour parler de ces limbes que doit traverser le pèlerin.

    Roman autobiographique

    Assez singulièrement pour un tel ouvrage, John Freccero parle de la Divine Comédie comme d’un "roman autobiographique". Dante, pèlerin de l’au-delà, entame un voyage imaginaire, une épopée homérique au sens premier du terme (chapitre 8), qui est aussi celui d’un homme nourri aux sources religieuses du Moyen Âge. Ce périple surnaturel – parlons aussi de "conversion" – suit un mouvement circulaire que le chercheur américain développe avec précision dans le chapitre 4 de l’essai, avec toujours une somme impressionnante de références littéraires : Boèce, Platon, s. Thomas d’Aquin, Aristote ou Virgile, le guide de Dante jusqu’aux portes du paradis. Ces références font d’autant plus sens que John Freccero parle de l’importance de l’itinéraire intellectuel, artistique et poétique – dit autrement, pour reprendre Virgile, de "l’analogie entre la créativité divine et l’industrie humaine".

    Finalement quel est le but du voyage de Dante ? Certainement "une sorte de Mont de Parnasse" répond l’universitaire, qui développe assez longuement la célèbre citation de l’entrée aux enfers. Pour ardue que soit l’exégèse de John Freccero, elle permet au moins d’éclairer l’explication du terme de "Comédie" (Commedia), à mettre en corrélation, si l’on veut, avec cette ironie dont parle l’auteur : "l’enfer [comme] imitation du réel."

    L’expérience personnelle de l’auteur ("roman autobiographique") est bien entendu au cœur de la Divine Comédie, notamment dans le chant de la méduse (Enfer, chant IX), qui est aussi un chant d’amour pour Béatrice : "le mot « Amour » est donc le lien qui unit le ciel à la terre et le poète à son auditoire, contenant en lui-même la substance du poème". "La regénération du pèlerin", qui passera par le purgatoire avant d’atteindre le paradis, est aussi une construction poétique indissociable de la recherche mystique. John Freccero parle de "maturité poétique atteinte par Dante" lorsqu’il écrit son chef d’œuvre. Un chef d’œuvre à la fois mystique, poétique et littéraire dans lequel le voyage vers l’au-delà est aussi celui, allégorique, de la poésie, de la métaphysique, du conte philosophique et de la recherche artistique : "L’histoire du pèlerin conduit au moment où il acquiert le statut de conteur, de sorte que l’histoire que raconte la Divine Comédie est en partie l’histoire de la façon dont cette histoire a été écrite." Avec, pour muse, son amour de toujours, Béatrice.

    John Freccero, Dante, une poétique de la conversion
    éd. Desclée de Brouwer, CNL, 546 p., 2019

    https://www.editionsddb.fr/auteur/fiche/54102-john-freccero

    Voir aussi : "Death is not the end"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Du sex-appeal à réveiller les morts

    C’est un trip dessiné gothique que propose William Skaar avec Deanna et les Zombies (éd. Tabou). Un trip qui est aussi un conte érotique, baroque et horrifique dont l’héroïne est Deanna Carter. La pulpeuse jeune femme guide, par jeu, deux amies dans un cimetière. Mal lui en prend : en s’exhibant avec un insolent sex-appeal, ce sont des morts qu’elle réveille. Pour lui faire passer l’envie de venir les provoquer, ces zombis sont bien décidés à faire de la visiteuse d’un soir leur future victime. Pour sortir de ce mauvais pas, telle la Shéhérazade des Mille et une Nuits Deanna échange la promesse d’être épargnée quelques heures en échange d’histoires qu’elle entend bien prolonger encore et encore.

    Bien entendu, ce sont ces contes qui forment le cœur d’une bande dessinée qui ne se refuse rien. Ce que Deanna raconte n’est ni plus ni moins qu’un voyage infernal, depuis la recherche d’une mystérieuse clé d’argent dans le manoir de son grand-père jusqu’à la découverte du Carnigore. Sur ce chemin semé d’embûches, d’êtres pervers et de fantasmes, Deanna Carter croise la route d’un livre maléfique, le Carnomicon, d’une compagne de voyage tout aussi pulpeuse, Béatrice et d’êtres infernaux prêts à tout. Et surtout, elle pénètre dans un enfer dantesque, "un tableau vivant et démentiel." L’audace, la provocation, le sexe et l’humour noir sont dans chaque case de cette BD américaine proposée en France aux éditions Tabou.

    Un tableau vivant et démentiel

    Pour Deanna et les Zombis, William Skaar mélange sans vergogne le trash, le fantastique, le gore, des traditions mythologiques, la religion, le chamanisme et bien entendu de l'érotisme à tous les étages. Deanna est l’incarnation d’une sorcière sexy, moderne et chasseresse de morts-vivants, comme avant elle l'Anita Blake de Laurell K. Hamilton. Mais, à vrai dire, c’est vers d’autres sources qu’il faut chercher les influences de William Skaar : le dessinateur Richard Corben, l’auteur de pulps Richard Shaver, les classiques Sade et Dante, le romancier HP Lovecraft et son Cthulhu, Edgar Rice Burroughs, le créateur de John Carter, ou encore l’actrice Barbara Steele, pour ses rôles dans Le Masque du démon ou La Chambre des tortures.

    Le lecteur peut compter sur Deanna Carter, sur sa témérité comme sur son sex-appeal, pour venir à bout de morts-vivants, ou du moins les envoûter à sa manière, grâce à ce voyage plein de cris, de dangers et de plaisirs répugnants et honteux. C'est bon, la honte.

    William Skaar, Deanna et les Zombis, Les Mille et une Nuits des Morts-vivants,
    éd. Tabou, 2018, 80 p.

    http://carnigor.com
    https://www.facebook.com/will.skaar
    https://www.facebook.com/deannaofthedead

    Voir aussi : "Zombie, fais-moi peur"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partageztwittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • La montée au Trégor

    Gradus ad Parnassum : La montée au Parnase. Tel est le thème du 32e Festival de Lanvellec et du Trégor. C’est dans cette région du nord Bretagne qu’a lieu depuis 1986 ce festival d’automne autour de la musique ancienne, Renaissance et baroque.

    Un objet a été à l’origine de cet événement : l’orgue de Robert Dallam de Lanvellec, datant de 1653 et miraculeusement conservé. Il a été qualifié par Gustav Leonhardt comme un instrument "vivant, précis et frétillant."

    Cette année, les organisateurs ont placé lé Festival de Lanvelec et du Trégor sous le signe d’Orphée. Le fils de la Muse Calliope, symbole de l’alliance de la Musique et de la Poésie, est surtout connu pour être descendu aux Enfers dans l’espoir de récupérer sa jeune épouse Eurydice. Grâce à son chant extraordinaire, il parvient à charmer et convaincre les dieux, avant de perdre son amour lorsqu’il remonte à la surface de la terre.

    Jusqu’au 21 octobre, concerts, conférences et visites viendront se succéder entre Lanvellec et Guingamp sur le thème de cette figure mythologique, symbolisant l’alliance de la musique et de la poésie. Le prochain événement aura lieu le vendredi 12 octobre. Il s’agira d’une création, Dante Troubadour : la Montagne du Purgatoire à Loguivy-Plougras. Suivra le 13 octobre à Lannion une conférence sur Pétrarque et la musique de l’âme, puis, le même jour à Plouaret, des madrigaux interprétés par le Huelgas Ensemble. Après une conférence sur l’Ars Nova à Lannion le 14 octobre, le public pourra assister à une représentation de L’Apothéose de Lully par François Couperin, dont nous fêterons cette année le 350e anniversaire de la naissance. Le festival se clôturera en beauté le 21 octobre à Tréguier avec la représentation du premier opéra de l’histoire : L’Euridice de Giuilo Caccini.

    Pour les amateurs de musique renaissance et baroque, une montée vers le pays du Trégor s’impose cet automne.

    32e Festival de Lanvellec et du Trégor, jusqu’au 21 octobre 2018
    https://www.festival-lanvellec.fr/festival-dautomne