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Deux couples ont rendez-vous pour un dîner dans un restaurant très sélect d’Amsterdam. Le lecteur apprend très vite que deux de ses convives, Paul et Serge, sont des frères, accompagnés de leurs compagnes respectives, Claire et Babette.
L’objet de ce dîner nous sera révélé au fur et à mesure des pages. Sans dévoiler l’intrigue (pour avoir la surprise, évitez de lire le résumé en 4ème de couverture !), disons simplement qu’il sera question d’un problème familial et de la manière de le résoudre…
Un excellent roman néerlandais (et best-seller) qui nous fait entrer avec un ton grinçant dans la vie d’une famille apparemment ordinaire.
Et si finalement la vie ne serait qu’une loterie, du moins essentiellement ça ? Tel est le thème du dernier livre de Delphine Bell, justement nommé Loterie (éditions du Flair).
Chroniques, roman, récit autobiographique ou, mieux, autofiction ? Il y a sans doute de tout cela à la fois. L’auteure avait parlé dans ses précédents romans de la mort de son père (Roi et Toi), de sa mère (Dernière Liberté), avant de consacrer un journal sur son année de confinement (Inattendu) où sa famille, encore une fois, avait une place de choix. On n’est pas donc étonné qu’avec son dernier opus, Delphine Bell arpente son destin mais aussi les relations à la fois tendres, complexes et cruelles autour de ses parents, de son frère mais aussi – un peu – de son couple et de ses amis.
En trente-quatre chapitres plus un épilogue, l’écrivaine s’intéresse à des chiffres, celui d’un ticket de loterie qui vient basculer une vie. Elle s’interroge dans le "Pré-prologue" (sic) : "La vie est-elle une loterie ? J’écris sur le sens, l’extraordinaire qui se mêle à l’ordinaire, l’intime à l’universel".
Le livre commence là, avec des chapitres qui, chacun à sa manière, établissent ces moments de la vie où le hasard vient rythmer notre existence, un hasard que nous devons approprier, pour ne pas dire gérer. L’auteure se base sur sa propre existence, ses origines, sa nationalité, ses rêves d’enfance et d’adolescence, ses ambitions d’auteure, mais sans oublier les drames familiaux. Il y a aussi ces loteries inattendues pour une femme qui revendique ce "livre feel-good". Plusieurs chapitres sont en effet consacrés à la "loterie du bien-être et du zen". La narratrice profite d’une fortune lui tombant du ciel pour aller quelques jours à Cabourg avec son frère. Elle y parle de la "loterie de la thalassothérapie" et du "développement personnel". Delphine Bell se révolte contre des faux mages qui semblent prescrire "une vie avec du bon détergent". Sa réaction est cinglante : "Soyez un robot, un duplicata d’une fausse sérénité qui abrutit et surtout génère une montagne de bénéfices. Une secte de la plénitude établie et très rentable".
On est reconnaissants à Delphine Bell de n’être pas tombée dans les pièges de la littérature feel-good
On est reconnaissants à Delphine Bell de n’être pas tombée dans les pièges de la littérature feel-good. Elle n’est jamais aussi convaincante que lorsqu’elle se confie sur ses faiblesses, vraies ou supposée ("trop gentille"), sur ses blessures (la mort de ses parents), les instants qui la font chavirer (les amies) et ses cris de souffrance lorsqu’elle écrit à quel point sa mère lui manque. "La douleur m’a-t-elle fait grandir ?" finit par s’interroger Delphine Bell dans un des derniers chapitres, non sans perplexité d’ailleurs.
Loterie navigue entre promenade littéraire, passé et présent, rêve et réalité, monologues et conversations autour du "jeu du hasard". Une question est posée : "Qui a la roulette de la chance définitive ?" Cette interrogation devient cruelle lorsque l’auteure, sans citer son nom, parle de Gaspard Ulliel, un acteur à qui tout réussissait, qui fascinait dès son entrée dans une pièce, un homme comblé et décédé subitement d’un banal accident de ski.
Femme de lettres, Delphine Bell avoue son mépris des chiffres ("Absurdes, innombrables, presque vulgaires") et la loterie ("Une coterie"). Elle préfère largement se réfugier dans la philosophie ("C’est thérapeutique") mais aussi et surtout l’art, comme le montre la visite du musée de la faïence de Sarreguemines ("La mémoire élargit, et je trouve dans l’art un socle vertigineux. Je fouille, encore et encore"). Elle écrit encore : "Je m’y love avec facilité", même si l’art ne parvient pas à apaiser sa "faim".
La nostalgie sourd à chaque page de ce joli livre riche de ses digressions et de ses phrases poignantes : "Maman… Attends, j’ai encore des choses à te dire. S’il te plaît, attends…" Une phrase magnifique qui prend à la gorge. On sent Delphine Bell apaisée dans les deux dernières pages de son voyage entre réel et imaginaire. Et si la solution était dans la création, l’art, l’écriture, "l’invention", mais aussi l’humour, le soin aux autres et la tendresse ? "Allez, vous reprendriez peut-être un paquet d’amour, non ?"
Le concours connaîtra plusieurs éditions par an et sera alors ouvert à d’autres genres, tels que le roman policier et le feel good. Les 5 meilleurs textes seront publiés sur l’application Vivlio Stories. Le meilleur texte, élu par le jury et le grand public, fera l’objet de deux publications papier. L’auteur lauréat sera également invité à une tournée de dédicaces dans les librairies Cultura.
Voilà une occasion pour les auteurs en mal de reconnaissance de trouver une opportunité, des lecteurs et, pourquoi pas, des éditeurs.
Inspiration de la publication des mangas et des webnovels au Japon et en Corée
S’inspirant de la publication des mangas et des webnovels au Japon et en Corée, le concours Bookbuster valorisera un véritable parcours professionnel, avec différentes étapes de publication. Une fois déposés sur la plateforme de services aux auteurs de L’Écritoire, les textes passeront par une première phase de sélection menée par un jury de professionnels de l’édition. Cette phase récompensera les 5 meilleurs textes, qui seront alors publiés sous forme de série littéraire sur l’application Vivlio Stories, où le grand public pourra les découvrir gratuitement. La phase finale de sélection récompensera le meilleur texte, élu par le jury, avec l’aide du grand public.
Enfin, après une adaptation en format "livre", le texte fera l’objet de deux publications papier : d’abord en édition club chez France Loisirs, avec une durée d’exclusivité de 6 mois, puis aux Éditions du 123 pour une diffusion nationale en librairie.
L’auteur lauréat sera également invité à une tournée de dédicaces dans les librairies Cultura, l’immergeant ainsi dans le quotidien des auteurs professionnels.
Ce parcours étape-par-étape, par ailleurs proposé habituellement comme service aux auteurs sur l’Écritoire, sous le nom de « parcours Bestseller », sera exceptionnellement ouvert et gratuit dans le cadre du concours. Julien Simon, directeur éditorial de Vivlio Stories, explique le choix de ce type de concours : "La multiplication des formats de lecture, qu’ils soient physiques ou numériques, est une chance pour les lecteurs comme elle est une réelle opportunité pour les auteurs : elle permet d’exposer les œuvres à un public plus large, qui diversifie de plus en plus ses supports de lecture. C’est pourquoi il faut considérer la lecture dans sa globalité, sans opposer le streaming, l'ebook ou le papier."
En lisant cette biographie d’un des plus grands innovateurs de ces 40 dernières années, on ne peut qu’être impressionné par l’héritage que nous a laissé Steve Jobs : création du Macintosh (avec Steve Wozniak), fondation d’Apple, développement de Pixar (avec le dessin animé novateur à l’époque, Toy Story), création des iMac, iTunes, iPhone, iPod et iPad ou lancement des AppleStore.
Ni biographie autorisée ni biographie à charge, Walter Isaacson, grâce à de nombreuses interviews (dont plusieurs du principal intéressé), est parvenu à tracer un portrait haut en couleur de Steve Jobs. Tout en mettant en avant son instinct et son amour de l’innovation, l’auteur ne cache pas les zones d’ombre de l’ancien patron de la Pomme, notamment dans ses comportements autoritaires ou sa mauvaise foi légendaire.
Une personnalité intransigeante qui a pu choquer ceux qui ont vécu et travaillé avec lui mais qui lui a permis de rebondir à multiples reprises, faisant de lui un homme d’affaire exceptionnel : son éviction puis son retour à la tête d’Apple douze ans plus tard est en soi exemplaire, d’autant plus qu’il reprend en main une entreprise moribonde pour en faire le modèle économique que l’on connaît.
Le lecteur apprendra une foule d’informations au sujet de l’aventure d’Apple et de son fondateur : comment l’idée de l’interface du Mac fut allègrement volée à Xerox, pourquoi et comment Jobs fut jeté à la porte de sa propre entreprise en 1985, comment l’aventure de son autre projet NeXT fut à la fois un échec (sans doute l’un des rares de Jobs) et le fruit de son renouveau, comment Pixar dama le pion à Disney et fut le centre d’une guerre économique implacable ou pourquoi l’iPhone fut créé après l’iPod…
Dans cette biographie, quelques personnages sont au passage sévèrement étrillés par l’auteur : Jean-Louis Gaussée (créateur du système d’exploitation Be), Michael Eisner, l’ex Président de Disney et surtout Gil Amelio, ancien PDG d’Apple. Bill Gates est en comparaison plutôt ménagé. Une biographie passionnante qui se lit comme un bon roman.
Prix Goncourt 2023 avec Veiller sur Elle (éd. L’Iconoclaste), le romancier Jean-Baptiste Andrea a derrière lui seulement, dirions-nous, quatre romans, tous multi récompensés. Ajoutons à cela une carrière de scénariste et de réalisateur. De là sans doute les caractéristiques d’un livre à la fois très imagé et très cinématographique, en plus des qualités littéraires et poétiques indéniables de l’écrivain.
En 1986, un moine vit ses dernières heures, entouré de ses frères. On apprend que, non loin du vieil homme, est caché une statue remarquable dont on apprend très vite qu’il en est l’auteur. Le mourant se souvient. Flash-back. Nous sommes en Italie dans les premières années du XXe siècle. Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, est un enfant pauvre d’Italie du Nord que sa mère envoie chez un oncle sculpteur en Ligurie, dans le village de Pietra d’Alba.
L’enfant a en effet des dispositions indéniables, à telle enseigne qu’il parvient très vite à dépasser Zio Alberta qui doit se charger de son éducation. Une nuit, dans un cimetière, Mimo tombe sur Viola, la fille des Orsini, les aristocrates de la région. Elle a le même âge que lui, a des rêves plein la tête, la fortune de ses parents, une famille soudée mais aussi les corsets patriarcaux contre lesquels elle se bat. Le pauvre sculpteur minuscule – pour ne pas dire nain – et la jeune aristocrate convoitée s’entendent bien contre toute attente, et ce malgré les tourments de l’école et leur propre destin tourmenté. Bientôt, la réputation de Mimo prend de l’essor alors que la jeune fille reste cloisonnée dans le château familial.
Une histoire romanesque dans un pays qui ne l’est pas moins
Veiller sur Elle a été présenté comme une histoire romanesque dans un pays qui ne l’est pas moins – l’Italie. Il convient cependant de préciser, sans spoiler le livre, que Jean-Baptiste Andrea a d’abord imaginé l’histoire d’un garçon peu gâté la vie – physiquement et socialement – mais qui finit par trouver sa voie. Mieux, il rencontre une jeune femme que tout sépare a priori, mais qui va devenir son âme sœur. Mais n’en disons pas plus au sujet du couple Mimo-Viola.
Le Goncourt 2023 se veut l’antithèse des romans "intellos", même si l’auteur ne se prive pas de passages à l’écriture parfois sophistiquée – dans le bon sens du terme. La poésie n’est pas absente dans un livre qui balaie presque 40 ans de l’Histoire italienne remuée par le fascisme. Mimo va d’ailleurs en profiter, avant d’en recevoir les contrecoups.
Viola est l’autre personnage de ce film. Tour à tour charmante, insolente, insupportable, fragile, froide comme la pierre, combattante, rêveuse et ambitieuse, elle incarne le féminisme naissant dans une Italie machiste. Mimo, le sculpteur, va en garder un souvenir ineffaçable, jusque dans les pierres qu’il travaille. La fin du livre offre à cet égard une des plus jolies inventions qui soient.
Vue la carrière au cinéma et à la télévision de Jean-Baptiste Andrea (Dead End, La Confrérie des larmes, Big Nothing), gageons qu’il sera le premier à vouloir adapter sur grand ou petit écran son roman. Voilà qui promet.
Qu’on ne s’effraie surtout pas du pavé de cet essai. Plus de mille pages sur un sujet historique et qui a été tellement étudié, pour ne pas dire sillonné, qu’il semble être devenu un genre à part entière. Qu’est-ce qu’historien français Olivier Wieviorka peut-il apporter de neuf dans cette Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale parue il y a quelques mois aux éditions Perrin ?
Certes, le lecteur ne trouvera pas de révélations fracassantes sur cette terrible période de six années. L’auteur balaie les différentes phases de ce conflit mondial avec le regard d’un scientifique méthodique ayant à cœur de ne pas s’arrêter longuement sur tel ou tel pays, telle ou telle bataille, tel ou tel personnage, tel ou tel aspect sombre du conflit, à l’instar de l’idéologie nazie, de la Shoah ou encore de la Collaboration en France.
Reprenant les milliers de travaux sur la Seconde Guerre Mondiale, Olivier Wieviorka propose une synthèse qui rend cet essai aussi passionnant qu’un roman. La grande valeur de cette histoire de la Seconde Guerre Mondiale est de montrer en quoi ce conflit est marquant justement par son aspect universel. Loin de se cantonner au Reich nazi et à ses conquêtes proches, tous les fronts sont abordés, de l’Europe occidentale conquise presque entièrement – à l’exception notoire de la Grande Bretagne – au Pacifique, en passant par les batailles en Océanie, l’épouvantable sort de la Chine, sans oublier l’Afrique du Nord, la guerre sous-marine ou l’Opération Barbarossa contre la Russie communiste où l’on vit deux dictateurs, Staline et Hitler, s’affronter comme aucun autre pays auparavant, jusqu’à faire basculer la guerre du côté des Alliés.
Dans les premières pages, sur les origines du conflit, l’historien remet l’église au milieu du village en mettant en garde contre une vision erronée qui considérait que cette "guerre inutile", comme le disait Churchill, avait été provoquée par l’après Première Guerre Mondiale, des "bourdes diplomatiques" et un Traité de Versailles si humiliant qu’il rendait un futur conflit avec l’Allemagne inévitable. Olivier Wieviorka ne se leurre pas : "Le rôle joué par Adolf Hitler d’abord, par les dirigeants japonais ensuite, suffit à les désigner comme les principaux fauteurs d’un conflit" dont personne ne voulait et que les démocraties occidentales ont tenté d’empêcher.
"Le rôle joué par Adolf Hitler d’abord, par les dirigeants japonais ensuite, suffit à les désigner comme les principaux fauteurs d’un conflit"
Les presque trente chapitres qui suivent reprennent le cours d’un conflit qui, depuis l’Europe, s’est propagé en moins de deux ans, en guerre total, à la différence de la Grande Guerre. Total comme le totalitarisme de deux des protagonistes – Hitler et Staline. Total aussi comme le parti-pris d’Olivier Wieviorka d’aborder tous les aspects de cette période terrible : stratégiques, militaires, diplomatiques, idéologiques, sociales ou économiques.
Un large focus est fait sur une bataille devenue légendaire : celle du Débarquement et de la Bataille de Normandie. Mais l’auteur n’oublie pas ces autres événements peu connus, et pourtant sans doute aussi importants que l’opération Overlord : la Bataille de Koursk en 1943, avec son armada de chars et "les effectifs les plus considérables" du conflit. Sans oublier non plus Bagration, le pendant du Débarquement en Europe Orientale qui va être déterminant dans la victoire alliée.
La Shoah est traitée, bien évidemment, mais ni plus ni moins que les sujets militaires. Le lecteur découvrira par contre le sort fait à Varsovie lors et après son insurrection civile, alors que l’Armée Rouge est aux portes de la capitale polonaise. Olivier Wieviorka explique pourquoi Staline n’a pas épaulé la Résistance polonaise – pour des raisons bassement politiques – et a laissé envoyer à la mort près de 150 000 civils.
Le lecteur français découvrira sans doute les grands faits d’armes des batailles dans le Pacifique entre les États-Unis et le Japon, avec comme aboutissement les deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki puis l’armistice mettant fin au conflit total. Sur les deux explosions nucléaires, l’historien s’interroge sur la portée stratégique de ces deux explosions. Et si ce n’était pas elles qui avaient précipité la chute de l’Empire japonais ?
Après un bilan du conflit le plus meurtrier de l’Histoire – 60 à 70 millions de morts, des peuples et des pays dévastés, des civils durement frappés et des économies exsangues – Olivier Wieviorka parle des conséquences incalculables de cette guerre sur le long-terme. Ce qui ne veut pas dire que toutes les leçons ont été tirés des atrocités commises : "La fumée des crématoires d’Auschwitz n’a rien prémuni le monde contre les crimes à venir".
Ce livre rassemble deux livres de deux auteurs très différents : l’un, Marc-Aurèle, empereur romain de 161 à 180, incarna la figure du "philosophe-roi" cher à Platon. Le second, Épictète, ancien esclave syrien affranchi, a exercé comme professeur et philosophe stoïcien. C’est d’ailleurs le stoïcisme qui rassemble ces deux figures importantes de la philosophie.
Les deux ouvrages compilés dans ce livre sont tous les deux constitués de courts paragraphes - parfois même d’aphorismes pour Marc-Aurèle. Bien que ce dernier n’apporte pas de contribution décisive à cette doctrine, ses Pensées constituent une sorte de vade-mecum du stoïcisme, attitude d’autant plus remarquable de la part d’un empereur désireux d’accorder ses actions en accord avec son âme et avec la raison.
Le Manuel d’Épictète, lui, entend être, dans sa concision (30 pages environ), « une arme de combat qu’il faut toujours avoir à sa portée » comme le dit Simplicius, un des commentateurs de cet opuscule.
Une chose est sûre. Mattieu Lavagna et Michel Onfray ne passerons pas leurs vacances ensemble, comme aurait dit un journaliste sportif. Depuis le temps que le philosophe Michel Onfray truste les plateaux télé et propose sa "bonne parole", il fallait bien que quelques voix discordantes vienne susciter la polémique. C’est le cas avec cette Libre réponse à Michel Onfray proposé par les éditions Artège.
Ce n’est pas un mais plusieurs ouvrages qui intéressent le philosophe et théologien Matthieu Lavagna : Traité d’Athéologie (2005), Décadence, Vie et Mort du Christianisme (2017) et Anima (2023). Le tort de Michel Onfray ? Affirmer que Jésus n’a jamais existé, ni plus ni moins, et que sa vie n’est jamais qu’un mythe. C’est la "thèse mythiste", très ancienne, pour ne pas dire datée. Dès la préface, Matthieu Lavagna cogne, et dur : "Ce qui frappe dans la théorie d’Onfray, condensé de clichés éculés et de raccourcis simplificateurs, s’appuyant sur une bibliographie périmée, vieille d’au moins un siècle, c’est la méconnaissance profonde de l’exégèse moderne". Voilà qui est dit. La conclusion n’est pas moins virulente : Michel Onfray, tout engagé qu’il est pour la laïcité et l’athéisme, "nemaîtrise absolument pas les sujets qu'il aborde".
Les pieds dans le tapis
L’essai est composée en deux parties, la première, de loin la plus convaincante, tire à boulet rouge sur un philosophe qui semble avoir pris certaines libertés avec l’historiographie. Reprenant point par point les sources et surtout les affirmations du philosophe hypermédiatisé, Matthieu Lavagna remet l’église au milieu du village ! Oui, Jésus a bien vécu en Palestine, il y près de deux mille ans, et l’on sait même assez précisément ses dates de décès et de mort, ce qui est plutôt rare pour un personnage de cette période. Mieux, il est l’un des rares personnages antiques aussi bien documenté, et pas seulement par les sources chrétiennes, plus orientées, il est vrai. Flavius Josèphe, Tacite, Suétone ou Pline le Jeune, qu’on ne peut pas taxer de franchement disciples de Jésus, le mentionnent.
De longs passages sont consacrés aux écrits du Nouveau Testament dont l’orientation n’empêchent pas le sérieux, avec plusieurs auteurs différents ayant écrit peu de temps après la mort de Jésus. Matthieu Lavagna s’appuie sur des auteurs spécialisés, parfois non-croyants, et sur des recherches scientifiques, à l’instar de fouilles archéologiques.
La deuxième partie du livre, tout aussi intéressante, quoique plus polémique, s’intéresse à l’Église catholique, en tant qu’institution. Michel Onfray l’avait couvert de toutes les opprobres (Inquisition, manipulation des opinions, génocide indien après la découverte des Amériques, antisémitisme, silence pendant la Shoah). Matthieu Lavagna répond point pour point à ces accusations.
Non, le christianisme n’est pas misogyne, non la sexualité chrétienne n’est pas "névrosée" ou non les millions d’Indiens morts après le XVe siècle n’ont pas été dû à une évangélisation violente de l’Église de l’époque. Une section est consacrée aux conciles et aux canons, un sujet où Michel Onfray, moins théologien que philosophe, semble s’être largement pris les pieds dans le tapis. On retiendra aussi et surtout de longues pages sur l’Église pendant la seconde guerre mondiale et la Shoah, un sujet toujours brûlant mais au sujet duquel Matthieu Lavagna semble avoir une opinion bien arrêtée.
Essai enlevé, passionnant et remettant les pendules à l’heure, cette Libre réponse à Michel Onfray risque bien, justement, ne pas rester sans réponse par l’intéressé lui-même. La parole est à l’accusé.