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  • Renversante philosophie

    "Du grec anagramma,renversement de lettres’, l’anagramme est un mot formé à partir des lettres d’un autre mot, placées dans un sens différent." Voilà ce que rappellent les auteurs Raphaël Enthoven et Jacques Perry-Salkow dans l’étonnant et renversant ouvrage de philosophie Anagrammes pour lire dans les Pensées (éd. Actes Sud).

    L’art combinatoire est utilisé par le philosophe et le professeur pour cerner d’une autre manière concepts et auteurs philosophiques. Voilà un biais amusant, inventif et déculpabilisant pour entrer dans une matière parfois obscure. Jeux de mot, jeux de l’esprit : "L’anagramme, avec ses piquantes métamorphoses, se joue de nous, se joue d’un monde rempli d’apparences trompeuses et... prometteuses" dit Jacques Perry-Salkow en introduction – avec une première anagramme, par-dessus le marché.

    Quel autre domaine que la philosophie se prête le mieux aux anagrammes ? Comme le rappelle Raphaël Enthoven, "tout philosophe est un innocent de haute lutte, un résistant, un homme du soleil qui persiste à tenir pour énigmatique l’univers qui semble aller de soi." L’anagramme peut se voir comme une construction littéraire cryptée, où chaque mot peut être dévoilé par un autre qui lui donnerait une nouvelle clé de lecture.

    Concepts et auteurs philosophiques voient leurs mots anagrammés : "la matière" devient "ma réalité", "l’épreuve de philo du bac" peut se lire comme "l’approche bleue du vide", "le dépassement de soi" permet d’avoir "le monde à ses pieds", quant à ces comportements inconscients que sont "les actes manqués", ils "cassent le masque."

    Ouvrage d’éveil à la philosophie autant que recueil ludique, d’ouvrage de Raphaël Enthoven et Jacques Perry-Salkow ouvre des sas de réflexion : "Carpe diem" ? "Ça déprime" répond son anagramme. "Le baiser du soir" offrirait la "libido rassurée." "L’allégorie de la caverne de Platon" rend compte de ce qu’est "le réel vacant le long de la paroi."Quant à la sempiternelle question sur "l’avoir ou l’être", le renversement de lettres nous donne cette proposition lumineuse : "L’or ou la vérité."

    Les auteurs nous offrent aussi quelques anagrammes engagés. "Le sectarisme", "c’est la misère", "la solidarité" égale "droit d’asile", "le Front National" serait "l’entonnoir fatale", "le populisme" une "simple loupe", "le réchauffement climatique" "ce fuel qui tâche le firmament" et "Daesh" "Hadès."

    Les philosophes ont aussi droit à leur anagramme. "Monsieur Blaise Pascal" est "ce simple roseau si bancal", "Maître Lao-tseu" "l’âme artiste" et "Emil Cioran" est identifié à "l’acrimonie."

    Subtil, brillant, petit joyau philosophique et artistique, les auteurs osent des inventions audacieuses et miraculeuses. L’une des plus belles anagrammes de cet ouvrage s’empare d’une citation des Pensées de Blaise Pascal :"L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature mais un roseau pensant" devient "Où est l’homme traînant sa peur, auquel Pascal, frêle et usé, donna un sens sublime ?"

    Renversant.

    Raphaël Enthoven et Jacques Perry-Salkow, dessins de Chen Jiang-Hong,
    Anagrammes pour lire dans les Pensées, éd. Actes Sud, 2016, 155 p.

  • Troisième bougie pour Bla Bla Blog

    Bla Bla Blog fête aujourd'hui son troisième anniversaire.

    Près de 550 chroniques plus tard, le blog qui parle de littérature, de musiques, de cinéma ou de télé garde son tempo. Bla Bla Blog c'est une autre manière de parler de ce qui nous touche, parfois par des chemins de traverse, mais toujours avec passion et conviction.

    Pour les prochains balablas, il sera question de philosophie et d'anagramme avec Raphaël Enthoven, d'un focus sur HBO, la chaîne de télévision la plus révolutionnaire de ces vingt dernières années, de mathématiques, d'un retour sur Fishbach, l'une des révélations de la scène rock mais aussi d'une bande dessinée culottée et de haute-volée autour de l'érection (un indice, chez vous, avec le visuel en illustration)...

  • Eva-Léa, la coureuse de rêves

    Eva-Léa sort son premier EP en septembre prochain, avant une série de concerts à Paris. Qui est cette Eva-Léa ? Une fille d’ici et d’aujourd’hui qui, du haut de ses 27 ans, est bien décidée à faire une place au soleil sur la scène de la chanson française.

    Dans une pop acidulée aux délicates touches électroniques mais aussi 80’s, Eva-Léa propose six titres portés par une voix fraîche et posée avec une belle assurance.

    Dans Élégie, le premier titre que l’on pourrait qualifier d’"électro onirique", Eva-Léa ose, dans une veine gainsbourienne, une ode moderne et baudelairienne : “Le temps qui tonne et qui traîne me tue / Sous les nuages dans l’étang j’attends nue / Qu’un coup d’éclair me transforme en statue.

    Il est encore question d’influence de Serge Gainsbourg dans Baiser bleu. Portée par une instrumentation cristalline, la chanteuse emploie le parlé-chanté, cher à "l’homme à tête de chou", pour traiter de fantasmes et d’intoxication amoureuse, dans un texte précis comme un scalpel : "J’ai le compas dans l’œil je croque ta carrure / Avec toi je ne veux ni brouillons ni ratures / Ton regard de fusain nuit et jour à mes trousses / Là sur mes pages blanches je trace tes lignes en douce."

    Mais "l’intoxicated lady" sait aussi et surtout devenir une femme d’ici et d’aujourd’hui, comme elle le chante dans Je ne suis pas de celles : exigeante, sensible, libre (”Les qu'en-dira-t-on je les envoie valser”), une Carmen moderne qui serait éprise de séductions, de bonnes manières, de passions et de sensualités : “Je ne suis pas de celles / Qui se maquillent les yeux / Pour paraître plus belles / Mais pour pleurer un peu / Sans que ça ne se voie / Je tourne sur moi-même / Je m’arrêterai sur toi / Seulement si tu m’aimes.” Eva-Léa offre un magnifique titre sur la féminité, qui n’est pas sans faire écho à Je suis de celles de Bénabar, ce portrait d’une femme simple et paumée, caricaturant en creux son auteur. Aucune amertume ni trait grossier, par contre, chez Eva-Léa, femme jusqu’au bout des ongles : ”Je joue de mon talons / de mes talents cachés / À mes yeux du crayon / et les hommes à mes pieds.

    Mademoiselle Papillon, titre plus léger, s’adresse à une enfant par une sorte de grande sœur attentionnée et protectrice : "Ma jolie demoiselle / Mademoiselle Papillon / Moi je te ferai la courte échelle / Pour que tu captures un morceau de ciel.

    Dans Correspondance assurée, Eva-Léa s’engage dans une bossanova électro invitant l’auditeur au voyage et à la romance : Un jour sans crier gare / Tu seras là sur le quai / Évidence dans le regard / Correspondance assurée.

    Il est encore question de fuites dans le dernier titre Les Coureurs de rêves. Eva-Léa ne serait-elle justement pas une "coureuse de rêve” comme elle le chante elle-même ? Bien loin d’Élégie, la chanteuse parle de routines, de remords et des "manteaux ‘infortunes" : “Devant les journaux / Même refrain / Encore un café qui fume / Une journée de plomb de plus”. Il y a du Michel Berger dans cette réponse qu’offre Eva-Léa : "Si les coureurs de rêve / Ont une largueur d’avance / Au circuit du bonheur / C’est qu’au fond ils conservent / Le regard de l’enfance / Tout au fond de leur cœur.

    Eva-Léa est sans doute cela : coureuse de rêve, mais aussi fille d’ici et d’aujourd’hui, intoxicated lady, femme assumée, et bien entendu artiste à découvrir de toute urgence.

    Eva-Léa, premier EP, sortie prévue le 1er septembre 2017
    En concert le 16 septembre au SUNSET/SUNSIDE,
    le 17 octobre au Connétable (Paris)
    et le 25 novembre à La tête de chou (Paris),
    en compagnie de ses compères Florian Rousseau et Emmanuel Ducloux.

    https://www.difymusic.com/eva-lea

  • L'odyssée de Nicci, vers l'infini et au-delà

    Je vous ai trouvé une lecture idéale pour cet été. Je ne vous parle pas de polars, de romans historiques ou d’une guimauve sentimentale. Non, l’un des musts pour cet été est de mettre dans votre valise un livre de fantasy, et de la bonne si possible.

    Terry Goodkind a signé L’Épée de vérité, un cycle de 15 volumes (sans les préquelles), bien connu des amateurs de fantasy. La Maîtresse de la Mort est le premier volume de son nouveau cycle, Les Chroniques de Nicci.

    Cette Nicci, aux lointains airs de Daenerys Targaryen et au doux surnom de "Maîtresse de la Mort", est une magicienne apparue avec L’Épée de vérité. Elle devient le personnage principal de cette nouvelle série de Terry Goodkind.

    Accompagnée du sorcier Nathan Rahl, un autre revenant du précédent cycle, la magicienne a été chargée par le seigneur Richard Rahl de visiter les limites de l’empire connu – et au-delà. C’est en diplomate vers des terres inconnues que Nicci entend aussi tourner une page de sa propre existence et retrouver "sa vie et sa liberté".

    Les voyageurs entament la mission par la visite de Rouge, une voyante réputée. Le sorcier se voit délivrer son Livre de Vie, sensé contenir le passé et le l’avenir de son possesseur. Or, le futur des deux envoyés pourrait bien se situer dans un étrange lieu, Kol Adair, dans une zone de l’Ancien Monde.

    Ainsi commence cette première Chronique de Nicci. La magicienne et Nathan sont bientôt rejoints par un troisième compagnon, Bannon. Le voyage de ces ambassadeurs d’un nouveau genre devient une odyssée épique et picaresque dans des régions inconnues et reculées. L’aventure, les dangers, les rencontres impromptues et les morts brutales jalonnent ce premier volume passionnant où l’imagination de Terry Goodkind fait merveille : attaque de selka et de morts-vivants, découvertes de villes surnaturelles, raid d’esclavagistes Norukai, affrontement avec l’impitoyable Juge Suprême et, the last but not the least, la guerre contre les éléments naturels de vie et de mort à partir du Surplomb du Monde.

    Nicci, dangereuse et mystérieuse magicienne guerrière, porte à elle seule cette odyssée aux rebondissements incessants. Les derniers chapitres ouvrent même la porte non seulement à une suite mais aussi à un futur cycle : gageons que nous pourrons trouver en librairie d’ici quelques années de nouvelles chroniques autour des érudits et mémorialistes du Surplomb du Monde, Oliver et Peretta, chargés de faire le voyage inverse de celui de Nicci.

    En attendant, cette dernière production de Terry Goodkind ne trahit pas l’essence de la fantasy, la littérature de l’imaginaire par excellence. Tout y est : quête pour sauver le monde, luttes entre le bien le mal, héros attachants, messages édifiants ("Mes vœux, je fais en sorte qu'ils se réalisent, et ma chance je la fabrique", dit par exemple la magicienne), voyages initiatiques ("L'avenir et le destin dépendant à la fois du voyage et de la destination"), créatures fantastiques et civilisations créées de toute pièce. Ajoutez à cela quelques dragons, des femmes fatales, de l’humour et des dialogues vivants : Terry Goodkind offre à ses millions d’admirateurs le parfait compagnon de lecture et de voyages.

    Terry Goodkind, La Maîtresse de la Mort,
    Les Chroniques de Nicci
    , tome 1, éd. Bragelonne, 2017, 478 p.

    http://www.terrygoodkind.fr

  • Maîtres et servantes

    C’est LA série du moment, celle qui cumule les superlatifs : la plus audacieuse, la plus engagée, la plus dérangeante, la plus percutante et sans doute aussi la plus bouleversante. The Handmaid's Tale est un Everest télévisuel, créé par le showrunner Bruce Miller et porté à bout de bras par une Elisabeth Moss (À la Maison blanche, Madmen) capable de métamorphoses saisissantes, de la citadine rayonnante et lumineuse à l’esclave soumise et martyrisée.

    En 1990, une première adaptation avait été faite de La Servante écarlate, le best-seller canadien de Margaret Atwood, sorti en 1985, avec Volker Schlöndorff à la réalisation. Preuve que les temps ont changé, 17 ans plus tard, c’est la plateforme de VOD Hulu qui propose une nouvelle vision de cette œuvre de science-fiction engagée, cette fois dans une série de 10 épisodes. Vue son succès, une deuxième saison est d’ores et déjà en préparation.

    The Handmaid's Tale nous plonge dans une Amérique effrayante et méconnaissable. Une série de crises politiques, environnementales et démographiques ont porté des fondamentalistes au pouvoir. La République de Gilead, dictature mêlant patriarcat, puritanisme religieux et discours écologiques, a bouleversé de fond en comble la société américaine. Les premières victimes de cette révolution sont les femmes, qui ont été rabaissées au rang d’esclaves. La maternité a été élevée au rang d’obligation morale. La seule issue pour ces Américaines est être des mères au foyer soumises aux hommes, des domestiques asservies ou bien des reproductrices destinées à servir de mères porteuses pour les nombreux couples infertiles.

    Offred/ June (Elisabeth Moss) est une de ces servantes, contrainte par la société à se reproduire après des viols institutionnalisés et transformés en cérémonies sacrées. Les nombreux flash-back nous apprennent que June a été des années plus tôt une jeune Américaine heureuse, émancipée et heureuse avec son mari Luke (O. T. Fagbenle) et leur fille Hannah. Elle est logée chez un couple de notables, les Waterford. Le Commandant Fred Waterford (Joseph Fiennes) fait partie du premier cercle au pouvoir. Lui et sa femme Serena Joy (Yvonne Strahovski) ont été parmi les instigateurs de la révolution de Gilead.

    The Handmaid's Tale suit les pas d’Offred dans cette société hyper sécurisée, aseptisée, religieuse, écologique et violente. Les servantes, vêtues de leur traditionnel uniforme écarlate semblant tout droit sorti de l’époque des Pères pèlerins, ploient l’échine, survivent et souffrent. Pour ces femmes abaissées au rang d’esclaves, la sortie ne peut venir que de la fuite vers des pays libres comme le Canada ou la mort. Offred / June voit pourtant une autre issue se dessiner : la résistance.

    The Handmaid's Tale est un uppercut télévisuel qui interroge sur la fragilité des démocraties, le danger des idéologies et la domination masculine. Cette série de science-fiction est un vibrant plaidoyer pour le féminisme, l’engagement humaniste et le courage de la résistance contre les oppressions et les états d’urgence de tout poil.

    Alors que les populismes n’en finissent pas de frapper à la porte de nos démocraties et que la femme continue d’être une "variable d’ajustement", la série The Handmaid's Tale nous propose une piqûre de rappel bénéfique. Le spectateur risque de ne pas oublier de sitôt les regards apeurés, désespérés et effarés de June / Offred.

    The Handmaid's Tale, de Bruce Miller, avec Elisabeth Moss, Samira Wiley, Joseph Fiennes, Yvonne Strahovski et Max Minghella, saison 1, 10 épisodes, Hulu, USA, 2017, sur OCS

  • Un amour de banane

    Certains produits ont eu une importance historique et sociologique dépassant de beaucoup leur nature prosaïque. Cela a été le cas du sucre, du cacao mais aussi de la banane.

    Le fruit chéri des français, l’un des plus consommés et des plus appréciés, a fait l’objet de l'exposition "Extra ordinaire banane" au Musée portuaire de Dunkerque en 2016. Son succès inattendu – 17 000 visiteurs – a poussé les organisateurs à délocaliser cet événement dans plusieurs villes de France. Après une escale à Dieppe en avril dernier, "Extra ordinaire banane" posera ses bagages à Nantes à partir du 25 août. Le port nantais a accueilli le trafic de banane en provenance de Guinée et de Guadeloupe à partir des années 30, et ce pendant quatre décennies. À l’issue de ses escales sur la côte atlantique tout au long de l’année 2017, l’exposition achèvera sa tournée en 2018 en rejoignant les départements producteurs de la Martinique et de la Guadeloupe. 

    Deuxième fruit le plus consommé en France, véritable star de la culture populaire, du Banana Split de Lio à celle d’Andy Warhol pour le Velvet Underground, sans oublier le fameux Banana des Minions, la banane a pourtant grandi loin du climat européen.

    L’exposition gratuite sera présentée au Hangar à Bananes de Nantes du 25 août au 3 septembre 2017. Elle montrera comment ce fruit tropical fragile a pu être exporté vers les pays du Nord de l’Europe en questionnant les progrès du transport maritime et des conditions de manutention.

    "Extra ordinaire banane" propose de suivre le trajet de la banane à travers dix modules thématiques, intégrant même un parcours spécialement adapté aux plus jeunes. Une approche originale pour permettre au public de découvrir l’exposition de manière interactive.

    Outils de médiation conçus pour les plus jeunes, photographies, films, maquettes apporteront un éclairage étonnant sur un thème généreux. Comme chantait Lio avec gourmandise : "Si tu cherches un truc pour briser la glace / Banana banana banana..."

    "Extra ordinaire banane", Le Hangar à Bananes, Nantes,
    du 25 août au 3 septembre 2017

    Entrée gratuite
    Bananablog

  • L’étoile mystérieuse

    Il y a longtemps, très longtemps, dans une lointaine galaxie, clignotait une étoile distante de 1280 années-lumières. Elle défie aujourd’hui la communauté scientifique au point de laisser la porte ouverte à une théorie extraterrestre inattendue. La revue Pour La Science consacre un article passionnant à ce sujet.

    L’étoile de Boyajian, ou KIC 8462852, appelée aussi étoile de Tabby, du nom de la scientifique Tabetha Boyajian qui s’est penchée sur elle, a commencé à faire parler d’elle à l’automne 2014.

    À la chasse aux exoplanètes habitables, le télescope Keller y détecte des variations de lumières aléatoires et incompréhensibles. Tabby Boyajian remarque que la lumière de cette étoile jaune-blanc représentant 1,43 de la masse solaire, diminue jusqu’à 20 % de manière épisodique, et subit d’autres atténuations plus faibles et de manière plus aléatoire. Plus curieux encore, cette étoile aurait connu une baisse de sa luminosité d’environ 15 % au cours du dernier siècle. Les scientifiques connaissent l’influence du passage de planètes ou des taches stellaires. Pour autant, cela n’expliquerait pas ces mystérieuses variations sur le long terme comme sur le court terme. En 2016, un article très sérieux est publié sous le titre "Where’s the flux?" (en référence à l’expression populaire "what the fuck?"), article qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

    Les astronomes restent désorientés par ces "changements rapides" dans la luminosité de l’étoile de Tabby, une étoile somme toute normale, par sa taille, par son âge comme par son environnement : un peu plus grosse que le soleil, sans compagne stellaire à proximité et dépourvue d’activité magnétique anormale. Tout semblerait anodin sans ces étranges variations de lumières. Les scientifiques calculent que l’étoile a connu une diminution de luminosité sur au moins quatre ans et qu’elle subit des décrochages irréguliers sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Plusieurs hypothèses sont émises, sans qu’aucune n’emporte le morceau. Le magazine scientifique développe cinq premières explications bien connues des astrologues : un disque de poussières et de gaz ceinturant cette étoile de Tabby, un essaim de comètes, un nuages dans le milieu interstellaire ou dans le système solaire – voire une autre étoile se situant dans l’alignement de Tabby –, des variations stellaires intrinsèques ou des trous noirs. Cette dernière hypothèse tiendrait la corde, certes "tirée par les cheveux" mais somme toute raisonnable.

    Il reste ce sixième scénario : celui décrit par le physicien Freeman Dyson dans les années 60. Ce dernier avait imaginé que des civilisations extraterrestres évoluées seraient ou auraient été capables "d’envelopper" leur étoile de collecteurs solaires, des "sphères de Dyson", sortes de panneaux solaires spatiaux capables d’absorber une partie importante de la luminosité d’une étoile. Ce scénario a priori extravagant expliquerait la soudaine variabilité de l’étoile de Tabby.

    Cette mégastructure, digne de Star Wars, reste une hypothèse invérifiable mais diablement séduisante. Elle deviendrait beaucoup plus sérieuses si nos grandes oreilles parvenaient à détecter des signaux radio artificiels qui auraient été produits par cette construction extraterrestre. Faute de détection de ce genre, Tabetha Boyajian et ses homologues en sont réduits aux cinq scénarios classiques. À moins qu’une autre hypothèse ne vienne réduire à néant cette idée de sphère de Dyson et d’une technologie extraterrestre située à 1280 années-lumières.

    Kimberly Cartier et Jason Wright, "L’étrange étoile de Tabby",
    in Pour la Science, août 2017, pp. 54-61
    "Where’s the flux?"
    "Tabetha Boyajian: The most mysterious star in the universe", TED

  • Courts mais bons

    Et si la nouvelle était le genre littéraire de demain ? La France pinaille encore à donner la place qu’elle mérite aux histoires courtes, dans une époque pourtant où la rapidité, la concision et la brièveté sont élevés au rang de vertus. Et pourquoi pas en littérature ?

    Le Brésil est à suivre en modèle : depuis les années 60, la micro-nouvelle est en vogue. La maison d’édition parisienne Anacona, qui s’est donnée pour but d’ouvrir les Français aux auteurs brésiliens, vient de publier un de ces recueils : 100 Mensonges pour de vrai de Helena Parente Cunha, illustré par des dessins zen de Lucia Hiratsuka.

    Le lecteur français est invité à se plonger dans cet ensemble de 100 micro-nouvelles qui ont pour point commun la concision extrême, la précision et l’efficacité. De cinq lignes à une page et demi maximum, les histoires de Helena Parente Cunha racontent des tranches de vie (Un bon père), des destins esquissés en quelques mots (Rejetée) des descriptions de personnages extraordinaires (Rudesse), attachants (Remords), baroques (Les histoires du Coronel Titino Cravo) ou des saynètes frappantes (La jeune fille au tramway).

    Pas de blablas et aller à l’essentiel : voilà le leitmotiv de ces nouvelles très courtes. Là où un auteur développerait un sujet sur des centaines de pages (Fille unique), Helena Parente Cunha s’en tient à une concision d’une grande rigueur, jusqu’à faire de certains textes de petits contes (La vieille fille), des morceaux de proses poétiques (Oui, Non) ou de brillants exercices de style (Cycle). Certains de ces textes sont constituées de phrases nominales, voire d’une unique phrase : "Immobile, elle se tenait là, près de l’arrêt du bus, grise et flétrie, tenant la laisse du petit chien d’une main, de l’autre main portant à la bouche, avec ferveur, l’esquimau rose glacé, la langue gourmande" (Gourmandise).

    Les thèmes abordés dans ces nouvelles suivent au plus près des personnages ordinaires que l’auteure sait rendre magnifiques, terribles ou au contraire pitoyables. Dans Le Gros, le portrait caricatural d’un glouton bascule subitement dans un moment plein de grâce. À la Page décrit une dame élégante que les années ont délabrée. Orgueil blessé suit les pas d’une adolescente pauvre dans un internat prestigieux. Le bloggeur a une tendresse particulière pour Point noir, une micro-nouvelle géniale dans son propos comme dans son écriture : il s’agit d’une histoire à la fois banale et rarement traitée d’une jeune fille tentant de faire éclater un fichu point noir sur le menton de son petit ami. Sourire attendri garanti...

    Helena Parente Cunha parle dans ce recueil raffiné de solitude (L’Habitude), de cruautés (Les gamins de la rue de la Travessa), de la vie à deux (Fidélité), de pauvreté (Omission), de l’enfance (Quatre ans et demi), du temps qui passe (Féminité), de destins brisés (Timidement), de départs cruels (L’Adieu), de sexe (La Réponse) ou d’amour (Une vieille histoire de cœur).

    Courtes mais bonnes, ces micro-nouvelles à découvrir et à déguster. Une excellente manière d’entrer en douceur dans la littérature brésilienne contemporaine.

    Helena Parente Cunha, 100 Mensonges pour de vrai, ill. Lucia Hiratsuka, éd. Anacaona, coll. Epoca, 209 p., 2016

    http://www.anacaona.fr
    http://www.helenaparentecunha.com.br
    http://www.luciahiratsuka.com.br