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clara schumann

  • Pour l’amour de Clara

    Et si Johannes Brahms constituait à la fois un "aboutissement" de la musique classique et une esthétique inimitable ? Tels sont les propos, dans la présentation du disque The String Quartets, du violoncelliste Simon Iachemet du Quatuor Agate lorsqu’on l’interroge sur cette intégrale des Quatuors à cordes de Brahms. Les trois œuvres ont été terminées sur un laps de temps assez court, entre 1873 et 1876.

    Cet enregistrement de 2023 par le Quatuor Agate est une plongée dans ce qui se fait de mieux dans la musique romantique allemande du XIXe siècle. Osons le dire : il faut de l’athlétisme pour se lancer dans ce qui ressemble à un vrai marathon musical, tant la musique de Brahms concentre morceaux de bravoures, plages bouleversantes – pour ne pas dire tragiques – et nombreuses séquences virtuoses, à l’image du premier mouvement allegro du Premier Quatuor en do mineur op. 51.

    L’auditeur y retrouvera le romantisme exacerbé d’un compositeur qui a dû penser non pas à Clara Schumann mais à Agathe von Siebold pour sa "Romanze (poco adagio)", partie délicate et en forme de doux questionnements. Rien à voir avec les tourments intérieurs du troisième mouvement "Allegretto molto moderato e comodo". La complexité et l’exigence sont visibles dans cette partie qui illustre l’histoire d’un quatuor commencé en 1865 mais qui a mis près de huit ans avant d’être terminé puis joué pour la première fois. Ce quatuor se termine par un "Allegro" enlevé, mélodique et d’une harmonie impeccable, servi par un ensemble en verve et qui entend marquer l’aspect beethovenien et "autoritaire" de cette œuvre (c’est toujours Simon Iachemet qui le souligne). 

    Les quatre instruments se disputent le lead avec un mélange d’enthousiasme, de passion et de lyrisme

    Le Quatuor à cordes n°2 en la mineur op. 51 a été composé en 1873, dans la foulée de son premier quatuor, et un an après le Requiem allemand devenu historique. Il a été joué pour la première fois deux ans plus tard devant Clara Schumann à Vienne. Nous voici au cœur du cercle romantique européen.

    Sans doute Brahms n’a, à l’époque, plus rien à prouver. Cette œuvre n’a pas ce caractère impétueux et démonstratif du premier Quatuor à cordes. Il est plus lyrique et délicat, avec des moments où l’insouciance n’est pas absente ("Allegro non troppo"). L’auditeur sera sans doute frappé par la simplicité et l’économie de moyens pour l’"Andante". Brahms propose ici un mouvement cependant plus complexe qu’il n’y paraît. La ligne mélodique serpente onctueusement et les quatre instruments se répondent avec une grâce qui n’est pas dénuée de gravité. Le troisième mouvement, "Quasi minuetto, moderato", le plus court du deuxième quatuor, lorgne du côté du baroque. L’auditeur imaginerait non sans problème cette partie enlevée être jouée sur des instruments anciens. Brahms semble ici s’être pas mal amusé dans un mouvement qui semble être plus mozartien que beethovenien. Le "Finale" ("Allegro non assai") choisit le sérieux dans un mouvement construit comme une vraie aventure musicale et où les quatre instruments – les deux violons, l’alto et le violoncelle – se disputent le lead avec un mélange d’enthousiasme, de passion et de lyrisme. 

    Dans ce double album, le second disque est consacré pour l’essentiel au Quatuor à cordes n° 3 op. 67. Nous sommes en 1875 lorsque Brahms le compose. Il a quarante-deux ans et est en pleine maîtrise de son art. Il n’entamera sa première symphonie qu’un an plus tard. La musique de chambre n’a déjà plus de secret pour celui qui livre dans le premier mouvement "Vivace" (près de onze minutes tout de même) une véritable œuvre à part entière, une sorte de sonate aux multiples voix et lignes mélodiques, non sans accents modernes. Voilà qui rend l’interprétation du Quatuor Agate d’autant plus valeureuse.

    On invitera l’auditeur à s’arrêter sur le superbe et poignant "Andante". N’est-ce pas à Clara Schumann que s’adresse Johannes Brahms dans ce parfait exemple de création romantique ? On ne peut s’empêcher de citer ici l’extrait d’une lettre de 1856 qu’il a adressé à la veuve de Robert Schumann : "Ma bien-aimée Clara, je voudrais, je pourrais t’écrire tendrement combien je t’aime et combien je te souhaite de bonheur et de bonnes choses. Je t’adore tellement, que je ne peux pas l’exprimer…" Certes, au moment de la composition de l’œuvre nous sommes vingt ans plus tard, mais les sentiments de Johannes Brahms pour la femme de son ami semblent n’avoir jamais cessé, et ce jusqu’à la mort de cette dernière, un an avant le décès de Brahms en 1897. Parlons de romantisme encore avec le troisième mouvement "Agitato (allegretto non troppo)" dans lequel s’expriment les mouvements du cœur et de l’âme, ce qui en fait une partie tourmentée, pour ne pas dire poignante.

    Le dernier quatuor se termine de manière plus apaisée, "poco allegretto con variazioni". La maîtrise de Brahms est totale dans sa manière de se jouer des thèmes, de proposer un mouvement coloré et aux rythmes jaillissants. Équilibre serait le terme qui correspond le mieux à ce final en forme de douce consolation. Sans doute une autre déclaration d’amour à Clara Schumann.  

    Le quatuor de garçons offre un dernier cadeau à l’auditeur : la Romanze n°5 op. 118, une des six pièces pour piano écrite en 1893 dans les dernières années du compositeur. L’ensemble le propose ici dans une version pour quatuor, délicate, amoureuse et mélancolique. Est-il utile de précisé qu’il a été dédié à sa chère Clara qu’il n’a jamais oubliée ?

    Le Quatuor Agate sera en concert  seront en concert le lundi 18 mars à 20 heures au Théâtre de l’Atelier de Paris pour une soirée consacrée à Brahms – évidemment. 

    Johannes Brahms, The String Quartets, Quatuor Agate, Appassionato, le label, 2023
    https://quatuoragate.com
    https://www.facebook.com/quatuoragate
    https://www.instagram.com/quatuor.agate
    En concert le lundi 18 mars à 20h au Théâtre de l’Atelier
    1 place Charles Dullin, 75018 Paris
    https://www.theatre-atelier.com/event/concert-quatuor-agate

    Voir aussi : "Romantique et métaphysique Schumann"
    "Les Schumann en majesté"

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  • Les Schumann en majesté

    C’est un programme ambitieux et passionnant que propose le double album sobrement intitulé Collection Schumann, avec des œuvres pour violon de Robert Schumann et Clara Schumann. L’opus a été enregistrés en public à la salle Elie de Brignac-Arqana de Deauville entre avril et août 2022. La formation de chambre au cœur de cet opus est formée du violoniste Pierre Fouchenneret, du pianiste Théo Fouchenneret et de l’Orchestre Régional de Normandie placé sous la direction de Jean Deroyer pour la dernière œuvre, le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur.

    Cette Schumann Collection est pour l’essentiel consacrée à de la musique de chambre. Commençons par parler de Robert Schumann et des ses trois Fantaisies pour violon et piano, classiques, élégantes et surtout des parfaits exemples de ce qu’il y a de mieux dans le romantisme. Légèreté n’est pas forcément mièvrerie, aurait-on envie d’écrire à l’écoute du "Lebhaf, leicht". Ces fantaisies ouvrent avec aplomb et enthousiasme le double album.

    L’auditeur retrouvera ensuite avec plaisir la Sonate pour violon et piano n°3 en la mineur. Quel tempérament pour cette œuvre aux multiples arabesques sonores (le premier mouvement, "Ziemlich langsam – Lebhaft"), et au romantisme irrésistible ! Pas de doute, nous sommes dans la grande période romantique de ce XIXe siècle (le délicieux "Scherzo""Intermezzo"), avec un compositeur usant de multiples couleurs pour rendre cette sonate d’une richesse et d’une expressivité incroyable.

    L’auditeur fondera sans doute sur les délicates et bouleversantes Romances pour violon et piano op. 94, servies par un ensemble au diapason servant à merveille ces pièces finement travaillées. Que l’on pense à la deuxième fantaisie, "Einfach, innig".

    La Sonate pour violon et piano n°1 en la mineur op. 105 présente la particularité d’avoir été peu aimée du compositeur allemand qui déclarait en 1853 : "La première sonate ne me plaisait pas, c'est pourquoi j'en ai fait une seconde, dont j'espère qu'elle sera meilleure". Une deuxième sonate qui figure bien entendu dans l’album. Mais revenons à cette première sonate. Sans doute moins lumineuse que ce qu’il aurait souhaité, le compositeur s’inscrit dans un  registre très automnal, avec une œuvre moins passionnée que tourmentée (le premier mouvement "Mit leidenschaftlichem ausdruck"). On goûtera avec plus de plaisir le deuxième mouvement allegretto, à la belle légèreté. On trouvera dans cette sonate mal-aimée du compositeur un étonnant et moderne "Lebhaft", singulier mouvement aussi harmonieux que luxuriant, presque festif.

    Toujours chez Robert Schumann, saluons la bonne idée d’avoir inclus dans cette collection la Rêverie, Träumerei, tirée des Scènes d’enfants op. 15, par un Robert Schumann proposant une pièce géniale, mettant à l’honneur l’enfance – ce qui est assez nouveau pour l’époque. Simplicité, délicatesse, fragilité : cette Rêverie va à l’essentiel, sans artifice ni sensiblerie. Vous l’avez deviné : cela en fait une œuvre majeure pour cet enregistrement.

    L’histoire du Concerto pour violon retiré du catalogue officiel de Schumann mériterait à elle seule une chronique entière

    Pour ouvrir la seconde partie de cette Collection Schumann, c’est Clara Schumann qui est mise à l’honneur avec ses Trois Romances pour violon op. 22 dans lequel l’auditeur découvrira ou redécouvrira le génie d’une femme – elle et Robert Schumann étaient amoureux et mariés – s’inscrivant à plein dans le mouvement romantique. La texture de ces Romances – évidemment, le terme n’est pas anodin – laisse deviner, en dépit de leur brièveté, l’univers d’une compositrice subtile, exceptionnelle et capable d’émouvoir, même un siècle plus tard. Que l’on pense au premier mouvement tout en champagne, "Andante molto" mais aussi au formidable "Allegretto".

    Nous en parlions : la Sonate pour violon et piano n°2 op. 121, vantée par un Robert Schumann très crique envers la sonate précédente, est incluse dans cette collection schumanienne. On remarquera que le compositeur se déploie avec bonheur, tout en prenant son temps, à l’instar du premier mouvement "Ziemlich langsam Lebhaft" – plus de 14 minutes quand même –, véritable univers dans l’univers. On peut tout aussi bien parler de paysage musical dans le deuxième mouvement, "Sehr lebhaft", enlevé et vivant. L’auditeur sera sans doute surpris par le mouvement suivant, "Leise, einfach", commençant par des pizzicati d’une belle expressivité – modernes, aurions-nous envie d’ajouter – avant de se déployer vers une jolie berceuse. Voilà qui donne une des plus beaux mouvements de ce double album. Le quatrième mouvement, "Bewegt", retrouve une vigueur nouvelle, grâce aux jeux enthousiastes des frères Fouchenneret.

    L’opus se termine avec un grand orchestre, celui de Normandie dirigé par Jean Deroyer, pour le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur. Après la sobriété et l’intimité des sonates, fantaisies et autres romances, place à une œuvre majestueuse, dense et aux mille teintes, mais que le compositeur n’a jamais vu jouer de son vivant (il est mort en 1856, trois ans après l’écriture du concerto) et qui n’a été redécouverte qu’au milieu des années 30. L’histoire du Concerto pour violon, retiré du catalogue officiel de Schumann pendant des dizaines d'années, mériterait à elle seule une chronique entière, voire un film. L’œuvre se déploie avec majestuosité mais aussi noirceur (le premier mouvement, "In kräftigem, nicht zu schnellem Tempo"), avant un deuxième mouvement, le "Langsam", introspectif, méditatif, voire métaphysique. Le programme se termine avec le troisième mouvement du concerto ("Lebhaft, doch nicht schnell"), brillant et virevoltant.

    Les frères Fouchenneret prouvent par cette Collection Schumann leur  très grande complicité au service d’œuvres essentielles du répertoire romantique. 

    Schumann Collection : Œuvres pour violon /Violin Works, Pierre Fouchenneret (violon), Théo Fouchenneret (piano), Orchestre Régional de Normandie dirigé par Jean Deroyer, b.records, 2023
    https://www.b-records.fr
    https://pierrefouchenneret.com
    https://www.theofouchenneret.com
    https://www.orchestrenormandie.com

    Voir aussi : "Les paroles, la musique et le vieil homme"

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