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Contrairement à beaucoup d’EP, le Don’t Blame The Hammer du soulman John Milk ne comporte que deux titres, auxquels il faut quatre autre versions, dont deux instrumentaux. Le moins que l’on puisse dire est que le musicien a fait le choix de décliner avec délectation ces deux créations dans un mini-album (le nom ne pouvait pas être mieux choisi) en faisant se croiser, soul, blues, pop, électro reggae ou rythmes rap.
"Don’t Blame The Hammer" – littéralement : "Ne blâme pas le marteau" – s’inscrit dans la veine à la fois soul et blues : histoire parabolique dans un milieu populaire du sud américain ("Joe was a craftsman he was working hard..."), rythme lancinant, instruments traditionnels, voix puissante et chaude. John Milk semble venir tout droit du côté de la Ceinture dorée, avec ce supplément d’âme qui éclate dans sa version folk-rock ("Patchwork Remix") absolument incroyable. Outre un instrumental, le même morceau est décliné dans une autre version électro-pop, elle aussi séduisante.
Court mais bon
"Don't Blame The Hammer" est accompagné d’un clip réalisé par Hugo Carlier & John Milk dans lequel l’artiste, à la composition comme à la production, poursuit ses démons jusqu'au cœur de la nuit.
Producteur de soul jamaïcaine depuis déjà plusieurs années, travaillant avec du matériel analogique à bandes comme ses idoles du studios jamaïcains Studio One, Black Ark ou Channel One, John Milk compose et enregistre une musique à part, inspirée par les interprétations jamaïcaine du rythm and blues américain. Ce qu’il en ressort : une philosophie, à savoir faire de la contrainte technologique et de moyens limités une force, un vecteur de créativité et d’identité. Pari gagné !
L’autre single de l’EP est "Offline Love", également en version instrumental. Cette fois, le musicien choisit la veine reggae, mâtinée de rap, pour un morceau tout aussi chaleureux.
Ces chroniques d’un Allemand en France, Douce Frankreich de Frank Gröninger (éd. AlterPublishing), sont un hommage appuyé autant qu’un récit amoureux pour un pays – la France – à la fois attirant, fascinant, mais qui est aussi mal compris, sinon mal aimé. Qui peut le mieux en parler que précisément un étranger, qui a aujourd’hui la double nationalité ? L’auteur, Frank Gröninger, cite à ce sujet cette phrase de Kurt Tucholsky : "Un Allemand, il faut le comprendre pour l’aimer ; un Français il faut l’aimer pour le comprendre".
Frank Gröninger appartient à cette génération d’Allemands qui a connu les bouleversements des relations franco-germaniques : les traumatismes de la seconde guerre mondiale font encore partie des souvenirs familiaux, souvent avec des non-dits perturbants, et que les premiers voyages dans les années 80 d’un jeune homme dans ce "pays mystérieux" ne sont pas sans attirer méfiances, surprises et incompréhensions. Il est aussi de la génération ayant connu la chute du Mur de Berlin, la réunification et la construction européenne derrière le couple politique franco-allemand et le mandat d’Angela Merkel.
Depuis les premiers voyages scolaires jusqu’à l’installation définitive d’un citoyen européen né de l’autre côté du Rhin, Frank Gröninger relate ses découvertes de cet étrange pays qu’est la France, qui se targue d’être le pays du cinéma (tout en considérant que les classiques se limitent parfois aux Gendarme de Louis de Funès, aux Bronzés ou au Père Noël est une Ordure), un pays en retard dans le tri des déchets, un pays où "tous les français sont un peu pharmaciens/médecins dans l’âme", le pays des bises et des grèves ("Même dans un pays bordélique comme l’Italie ça n’existe pas !"). Le pays aussi où la nourriture est aussi importante que le sexe ("Ça me faisait rire car on se moque toujours des Allemands qui manqueraient de spontanéité et qui veulent tout planifier et pour le sexe les Français auraient-ils besoin d’un plan ? Il y a même des « films de cul ». Bizarre."). Et puis, il y a cette étrange relation entre Allemands et Français, faite de méfiance, d’incompréhension, mais aussi de fascination et de réelle sympathie.
L’Europe, les classes sociales, les mariages, les femmes, la culture, La mélancolie ou le cul
Les chroniques de Frank Gröninger, chronologiques, ne dressent pas le parcours de l’auteur mais préfèrent s’arrêter sur ses rencontres au cours de ses 40 ans de vie entre la France et l’Allemagne : du jeune homme au pair lorsqu’il était étudiant à l’enseignement à Sciences Po Paris comme appariteur, l’ENA, au lycée Henri IV (avec un Un voyage eu Europe de l’Est pas forcément très glorieux pour la prestigieuse école) et son travail de traducteur à l’Assemblée nationale, au Conseil d’État, dans des écoles de commerce, à Matignon, au Ministère de l’Économie, au Ministère de l’Agriculture et au Ministère des Affaires étrangères où il exerce toujours, comme il l’explique au début de son livre.
"Grâce à mes cours j’ai eu très vite un accès à « la France d’en haut », la France des grandes écoles, des concours…", dit-il. Pour autant, Frank Gröninger a aussi côtoyé la France dite "normale", celle des entreprises privées, des milieux populaires, des communautés immigrées où il a exercé comme "prof interculturel". Il témoigne, non sans émotion : "Je décidai de leur apprendre comment les préjugés naissent et qu’eux (et moi aussi) en avaient également. Ils venaient tous du 93, du « neuf trois », et avaient tous plusieurs « bagages » à porter."
Il parle aussi de cette "France qui n’existe plus, une France du passé, celle de Juliette Gréco, de Georges Moustaki, de Bardot et de Brassens."
Ces chroniques sont un peu moyen de faire passer quelques messages de tolérance et de compréhension entre les peuples : "Vous devez être conscients de l’image qu’on a de vous pour en jouer ou la contredire par vos gestes." Il y a encore cette remarque fort bien vue sur les incompréhensions encore présentes entre les deux pays anciennement ennemies : "Les Français pensaient que les Allemands n’avaient pas de savoir-vivre et ne pensaient qu’au travail. Les Allemands prenaient les Français pour des latins pas très sérieux qui arrivent en retard et veulent d’abord un café."
Douce Frankreich est un témoignage sur les liens indéfectibles entre deux pays anciennement ennemis, mais aussi un livre plein d’espoir, en ce qu’il montre que des traumatismes nationaux peuvent être surmontés. Le lecteur s’arrêtera par exemple avec intérêt sur une expérience de professeur qui s’est avérée délicate pour Franz Gröninger : Comment enseigner l’allemand dans une école juive lorsqu’on est précisément le premier Allemand y enseignant depuis la seconde guerre mondiale ?
300 pages ne sont pas de trop pour parler avec piquant, humour, mais aussi parfois sévérité, des préoccupations et des caractéristiques de la France et des Français d’aujourd’hui : la nationalité française, l’Europe, les classes sociales, les mariages, les femmes, la culture, La mélancolie ou le cul... Voilà qui rend sans doute notre pays si fascinant et étrange. Voilà aussi pourquoi Franz Gröninger a choisi d’en faire sa deuxième patrie : "Quoi qu’il advienne je resterai toujours « l’Allemand » aux yeux de la majorité des gens. Cela ne me gêne pas, car je suis conscient d’être assis « le cul entre deux chaises » pour parler français."
Le duo Octantrion a sorti cet automne le nouveau volet de son projet musical, sobrement intitulé : II. Ce nouvel opus devrait susciter de l’engouement, après le succès de leur précédent album, un auto-produit qui s’était hissé un temps dans le classement des meilleures ventes. La première édition a été par la suite remastérisée et augmentée de quatre nouveaux morceaux, baptisée 8, et sortie en 2018.
Pour ce deuxième volet, Eléonore Billy et Gaëdic Chambrier, soutenus par la contrebasse de Jean-Philippe Viret (lauréat d‘une victoire de la musique en 2011) proposent un voyage dans la culture, les légendes, l’histoire et la mythologie des pays du Nord, à l’instar du premier titre, "Bältares Långdans", une création contemporaine tissée à partir d’un chant traditionnel suédois. Les deux musiciens français s’approprient des instruments traditionnels – nyckelharpa suédois, hardingfele norvégien, cistre basse nordique, mandoloncelle et guitare-harpe – au service d’une musique que l’on croirait venir de la nuit des temps.
C’est aussi "Hugin" et sa guitare syncopée, "Ragnarök", un hommage aux légendes nordiques avec une ballade tirée du folklore islandais ou encore "The Dead King", un chant mélancolique en anglais qui en hommage au corbeau-roi empalé sur un pieu, un morceau repris en fin d’album. La thématique du corbeau, comme symbole des cultures païennes vikings, sert de fil rouge à ce disque. Cet autre morceau, "Munin", fait la part belle à la mythologie scandinave en se centrant sur Munin, le second corbeau d’Odin.
Octantrion se nourrit d’influences culturelles évidentes
Octantrion se nourrit d’influences culturelles évidentes, en y mêlant le folk ("Strömkarlen Selar"), la pop ( "The Dead King Radio Edit"), le classique ("Element [Vilya]") et bien entendu le traditionnel ("Munin"). Quatre contrepoints, les "Element", ponctuent l’album en proposant des respirations "elfiques" sur les quatre éléments fondamentaux que sont l’air, le ciel, l’eau et la terre.
Sur les quinze morceaux de l’opus, dix compositions originales côtoient cinq traditionnels suédois et islandais réarrangés. Outre "Bältares Långdans", il faut citer "En Gång När Jag Ska Dö", une ballade folk mêlant le traditionnel suédois, la pop et la folk, dans ce chant sur la mort et sur l’amour : "Un jour, quand je serai mort, les gamins viendront sur ma tombe et me diront quelle fille m’a aimé." Le morceau "Chaman", qui aurait pu donner son nom à l’album, est issu lui aussi d’un chant traditionnel islandais pour un nouveau voyage aux sonorités étranges.
Ce nouvel album d’Octantrion fait le pont entre les traditions ancestrales et notre monde moderne, à l’instar d’"Against The Wind", plus pop pour ce morceau comme balayé par les vents glacés du nord et qui a été composé par Anne Hytta. C’est Olivier Derivière qui signe "Father" pour cette cette interprétation de la légende d’Amicia et Hugo, avec les instruments de la nyckelharpa et de la citole.
Le voyage inattendu d’Octantrion se veut un vrai dépaysement géographique et temporel. Pari réussi.
Derrière Célestin, se cache Sébastien Rambaud, le batteur du duo Fills Monkey. C’est en solo qu’il s’est lancé il y a quelques années, sous le nom de Célestin, un personnage "sincère" et qui lui ressemble beaucoup, comme il le dit lui-même. Après un premier album, Poussière de luxe, le voilà de retour bientôt avec un deuxième album et un nouveau single, "Miss lune".
Célestin impose son image d’artiste mêlant la poésie, l’introspection, l’ironie et l’engagement. "Miss Lune", savant dosage de chanson française et d’électro, est le portrait d’un homme bien dans son époque ("Ça peut vous sembler bizarre mais j’ai pas les pieds sur lune") et qui recherche son alter-ego : une "lunienne pour balade au clair de terre".
Célestin accompagne son nouveau single d’un clip de Geoffroy Virgery qui n’est pas sans rappeler l’univers de Jean-Baptiste Mondino.
Le deuxième album de Célestin est attendu pour 2022.
Il y a bien longtemps de ça, dans une tribu bien patriarcale comme il le faut, vivait Tréponème, une intrépide, audacieuse et ambitieuse héroïne qui n’avait jamais pu montrer ses talents de guerrière. Voilà pour la situation du nouveau volume de la saga de BD Débiles & Dragon de Biglio, Manu et Albo (éd. Shockdom). La jeune femme doit à la tradition d’être recluse au village dans des tâches domestiques ou bien servir de concubine. Et être fille du chef Gunman, pas plus évolué que ses congénères mâles, n’est pas forcément un avantage supplémentaire.
Tréponème n’est pas dupe de cette injustice traditionnelle, ce que sa mère Perestrojka dit en ces termes : "Toujours le même merdier. Les hommes chassent. Les femmes s’occupent des huttes. Ou pire encore des morveux". Alors que Perestrojka est invitée à nettoyer la tente du chaman Ötzi, elle apprend de sa bouche la légende d’une guerrière, Fallope, qui a renversé l’ordre patriarcal en ramenant un objet mystérieux, l’œuf d’or du Mégathérium magique. Une statue a été érigée en son honneur, mais cette statue a disparu sous des ronces avec le temps. Retrouver cette statue et renouveler l’exploit de Fallope pourrait bien être la solution du respect du genre féminin.
Anachronismes, humour, clins d’œil aux auteurs, un soupçon d’érotisme
Anachronismes, humour, clins d’œil aux auteurs, un soupçon d’érotisme : ce nouveau volume de Débiles & Dragons n’a pas froid aux yeux. Le tout dans une bande dessinée qui fait alterner les points de vue chronologiques et les héroïnes qui deviennent interchangeables : Tréponème, Perestrojka et Fallope. L’enjeu du récit est une improbable chasse à la statue et d’un animal mystérieux, le Cosmos-Favone, situé dans les profondeurs de Toncoeur (sic). Pour arriver à rétablir l'honneur des guerrières, 100 ans après l’aventure de Fallope, Trémonème aura besoin aussi des hommes, trois guerriers, Dioxine, Houblon et Akkacielle. Ils ne seront pas de trop pour affronter l’ignoble Assioma.
Mais les auteurs font surtout de cette bande dessinée une contribution bourrée d’humour à destination des guerrières de toutes les époques qui s’ignorent, qui n’osent l’être ou bien qui se sentent exclues par un patriarcat toujours présent. Et rien que cela, ça mérite notre respect.
Voilà un disque absolument parfait pour les fêtes de fin d’année : Yves Carini propose en ce moment son album de reprise The Way You Are, au parfum délicieux et hors du temps : celui des comédies musicales, des grands orchestres et des crooners romantiques.
Pour son projet musical, constitué de neuf reprises et de deux inédits ("Sous les Mains d’Elsa" et le public "Savoir faire"), Yves Carini s’est entouré des meilleurs arrangeurs, notamment Jorge Calandrelli, producteur, arrangeur qui cumule six Grammy Awards, avec à son crédit tous les albums de Tony Bennett. À ses côtés, on retrouve aussi Randy Waldman, arrangeur et pianiste de Barbra Streisand et qui a travaillé notamment avec Frank Sinatra. Avec de telles collaborations, The Way You Are ne pouvait que se parer de couleurs jazz et crooner. "L’album s’écoute comme un spectacle de Broadway", confie à ce sujet le musicien frenchy.
L’auditeur trouvera dans cet album des reprises tombant sous le sens, à l’exemple du fameux "Hymne à l’amour" d’Édith Piaf, du succès international "Eye In The Sky" des The Alan Parsons Project ou encore du tube intersidéral "Just The Way You Are" qu’avaient chanté Billy Joel, Barry White ou Bruno Mars.
L’incroyable reprise de "Saint Claude" de Christine and The Queens
La première surprise vient de la reprise du désormais classique "Un homme heureux", une revisite dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog. Yves Carini abandonne la ballade murmurée, timide et plaintive de William Sheller pour un titre alliant recherche amoureuse, mélancolie et espoir. Il faut entendre comment Yves Carini choisit de chanter le droit au bonheur et à l’amour sur un rythme jazzy, avec la guitare brillante de Larry Koonse qu’il faut absolument mentionner ici.
L’auditeur français découvrira sans doute le standard de jazz italien "Estate", composé par Bruno Martino et popularisé par Joao Gilberto. Avec cette reprise d’Yves Carini, nous voilà dans La Dolce Vita. Il n’y a qu’à fermer les yeux pour se retrouver dans le film de Federico Fellini, avec Marcello Mastroianni et Anita Ekberg, une nuit à Rome. Quoi de plus romantique ?
On est toujours dans l’amour avec la version singulière de "Love Me Like You Do" d'Ellie Goulding. Le crooner français fait même une version française et romantique ("Aime-moi comme tu es") de ce titre qui a illustré la bande originale de Cinquante Nuances de Grey !
Yves Carini sait surprendre son public avec l’incroyable reprise de "Saint Claude" de Christine and The Queens. Le musicien reprend une scène grise et cruelle vécue à Nantes par la chanteuse pop française pour en faire l’histoire d’une rencontre envoûtante. Il colore le tube de Christine and The Queens d’un rythme jazz audacieux, au point d’en faire un standard digne de Broadway. Qui l'eût cru ?
Après cette revisite ébouriffante et désarçonnante qui ne laissera personne indifférent, Yves Carini propose une reprise aussi classique qu’élégante des "Mots bleus", dans une mélancolie très smooth.
Il y a de l’impressionnisme jazz dans le nouvel album de Giovanni Mirabassi, Pensieri Isolati, sorti cet automne. Impressionnisme mais aussi romantisme, non sans des éclairs modernes et contemporains, à l’instar de l’extrait "Un peu comme cette époque". Car contemporain, l’album l’est indéniablement dans son parti pris de proposer des morceaux résolument dans leur époque.
Prenez "The Healing Waltz" : cette valse à la fois douloureuse et miraculeuse est servie par le piano virtuose de Giovanni Mirabassi et des improvisations éblouissantes. Le pianiste italien est capable de mixer les impressions, les couleurs et des sonorités variant de la mélancolie à l’espoir, en passant par les tourments, le romantisme et le spleen. Cette valse est aussi le portrait d’un artiste malade puis guéri, comme il le confie lui-même : "La valse de la guérison. J’ai composé ce thème alors que j’étais moi-même malade, et il porte bien son nom. L’idée de l’album est née en même temps que ce premier morceau".
Pensieri Isolati s’écoute comme un témoignage jazz sur l’une des périodes les plus hallucinantes de notre époque : celle de la pandémie et du confinement qui a immobilisé le monde pendant plusieurs mois ("Un peu comme cette époque", "What's new", "Le libre arbitre", "Behind the white door"). Giovanni Mirabassi a imaginé son opus comme le tableau d’une solitude et le fruit d’une période comme suspendue en raison de la crise sanitaire : "Je me suis échappé de mon confinement, d’un air conspirateur toutes les semaines, pour enregistrer un bout de ma solitude et le mettre de côté pour demain, lorsque le brouhaha du monde aura repris le dessus", dit-il d’ailleurs.
Comme si la musique s’ébrouait pour revenir à la vie
"Pensées isolées" est l’un des titres qui illustre le mieux l’album. À la facture sombre, le morceau exprime cette vie ne cherchant qu’à quitter la solitude confinée. Si une seule expression pouvait définir Pensieri Isolati, se serait sans doute celle du "voyage intérieur" ("Seascape"), alternant spleen, frustration, envie mais aussi résistance et dynamisme, comme si la musique s’ébrouait pour revenir à la vie et vers la lumire.
Giovanni Mirabassi propose d’autres étonnants et séduisants titres : un chant amoureux et mélancolique, "Canta che ti passa", un singulier et sensuel "Reactionnary Tango" et une chanson française – la seule de l’album, "Où voulez-vous que je m’assoie", en bonus de cet album intime et personnel, comme le commente le musicien : "J’ai profité de cette brèche dans l’espace-temps pour faire un disque de mélodies intimes, certaines composées par mes soins et d’autres non, telles des fulgurances de ma jeunesse musicale, du temps d’avant le temps d’avant, lorsque je n’imaginais pas un jour enregistrer des disques, parcourir les cieux et jouer pour les gens".
Cet album a été la base d’un spectacle créé en coproduction avec le Théâtre du Châtelet et le Centre Événementiel et Culturel de Courbevoie en octobre 2021.
S’il y a un album qui a attisé cet automne notre intérêt c’est bien celui-là : Arwāh Hurra, le deuxième album de Sarāb, un groupe créé à partir de la rencontre entre la chanteuse franco-syrienne Climène Zarkan et du guitariste Baptiste Ferrandi. Pour ce projet musical, les six musiciens de Sarāb ont invité le percussionniste Wassim Hallal, le joueur de saz Abdallah Abozekry ou encore l'auteur de SF Alain Damasio.
"Sarāb" signifie "mirage" en arabe. Il est vrai que cette fusion rare entre musique arabe, jazz et pop-rock occidental apparaît comme un sémaphore étrange, presque irréel, mais tellement intéressant !
Prenez par exemple "Yally shaghalt al bāl" ("Celui qui occupe mes pensées"), le titre qui ouvre l’album. On assiste là à un métissage enivrant de world music de chanson française arabe et de pop rock. Climène Zarkan chante avec un romantisme exacerbé "celui qui hante toutes mes pensées / Si seulement j'étais dans tes pensées".
Dans sa course aux recherches de sons, Sarāb ose avec "Lilliths' Samaii" un électro rock éclairé par la voix incroyable de Climène Zarkan, se brisant aux trois-quarts du morceau pour s’aventurer dans du son heavy métal, donnant au morceau l’éclat d’un diamant noir incandescent.
Après ce moment à couper le souffle, "Yā Snīn Hubbī" propose un morceau de jazz arabe mâtiné d'électronique pour créer un univers bariolé et passionné, qui est aussi une rencontre entre les influences occidentales et les sons orientaux.
La liberté est le maître-étalon de ce deuxième opus
"Il y a une erreur sur le nom étranger" : ainsi commence "Nahnu Haraq" ("Étranger est un verbe"), morceau engagé avec la prosodie d'Alain Damasio et ce cri : "Au nom de quoi empêcher les gens d'aller de voler de voguer d'une rive à l'autre ?" Ce titre, tout comme les deux interludes "Reminiscence", font définitivement d’Arwāh Hurra un opus construit comme un concept album dans lequel il est question d’amour, d’humanité, de traditions, d’hypermodernité, de poésie, de liberté, de féminisme et de réflexions sur le futur.
La musique hyper créative n’est pas en reste, que ce soit le rock arabe et urbain "Mā Bahwad Had", avec la voix toute en circonvolutions, en puissance et en audace de Climène Zarkan, le "Choral", une ballade toute orientale, sensuelle et exotique, portée par une orchestration délicate et ramassée, le morceau pop et jazz "Tikhūnūh", toujours en arabe ou encore "Collapse – Inhiār", une curiosité mêlant traditions arabes, création contemporaine, jazz, rock et électronique, dans un titre sombre et claustrophobe.
L’auditeur trouvera dans "Zidnī bi farte al hubb" un son plus traditionnel comme venu du fond des temps avant de s'envoler vers une joie communicative.
"Arwah hurra - Âmes libres" vient clôturer de la meilleure des façons l’album avec cette ballade au piano à la facture classique. On atterrit tout en douceur, non sans un riff de guitare inattendu et un bonus surprise, si on la curiosité d’attendre la fin du morceau.
Est-il encore utile d’ajouter pour conclure que la liberté est le maître-étalon de ce deuxième opus d’une richesse incomparable ?