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Spectacles - Page 2

  • Pas de doute, il y a pire : absurde ? 

    Focus sur une pièce de théâtre visible en ce moment à la Comédie des 3 Bornes à Paris, 11e.

    Y’a pire ! – c’est le nom de la dernière création de Coralie Mennella – est un seul en scène dans lequel figure une galerie de personnages rencontrés chacun à un instant décisif de leur vie. C’est un regard porté sur ces situations absurdes ou cruelles qui parsèment notre société, au coin d’une rue, derrière une porte, au comptoir d’un bar : une pauvre petite dame écrasée sous les dettes, une jeune femme sur le point d’être interdit bancaire, une fumeuse, une alcoolique, une SDF pleine de poésie…

    L’absurdité est au centre du spectacle puisqu’elle est ce qui nous permet de prendre la distance nécessaire pour créer l’acte théâtral. Et puis, face au désarroi et au "seum", il reste toujours la force de dire : "Y’a pire".

    "Ouais j’ai tenté pleins de trucs différents, même l’indifférence. Mais ça fait pas la différence"

    "C’est justement parce que ce n’est pas inné que cela m’intéresse. Aller chercher le rire là où on ne l’attend pas et le rendre utile est un objectif que je me suis fixé. Le spectacle a donc ce but de vouloir soulager d’une lourdeur face à certains sujets. Nous voulons que le spectateur sorte de la salle en se disant qu’il a pu rire de quelque chose qui, habituellement, l’inquiétait ou bien le tourmentait" commente, non sans pertinence, Coralie Mennella, auteure et interprète de cette pièce.

    L’absurdité, un terme que le théâtre du XXe siècle connaît bien, est au centre d’Y’a pire ! S’il y a pire ailleurs, pourquoi ne pas en rire ? Coralie Mennella entend ainsi remettre les choses à leur place et jouer sur l’apaisement, via le rire. Le spectacle se veut donc humoristique, oui, mais aussi témoin d’une société qui va mal. Un choix artistique louable important mais aussi engagé : "Ouais j’ai tenté pleins de trucs différents, même l’indifférence. Mais ça fait pas la différence. Ça non, ça fait pas la différence. Y’a rien qui fait la différence".

    Y’a pire !, seul en scène de Coralie Mennella
    Comédie des 3 Bornes – 32 rue des Trois Bornes 75011 Paris – Tél. 01 43 57 68 29
    Jusqu'au 25 janvier 2023, tous les mercredis à 21h30
    Écrit et interprété par Coralie Mennella, mise en scène de Kadia Ouabi
    https://www.comediedes3bornes.com/yapire
    https://www.facebook.com/coraliemennella
    https://www.instagram.com/coraliemennella

    Voir aussi : "Du paradis à l’enfer"

    © Coralie Mennella

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  • Du paradis à l’enfer

    Quel est ce "rêve ridicule", au cœur de la pièce jouée à partir de cette semaine au Théâtre Dunois du 20 septembre au 1er octobre 2022 ? Le Rêve d’un Homme ridicule, adapté et mis en scène par Simon Pitaqaj, est librement inspirée du Rêve d’un homme ridicule, de L’Idiot, Des Frères Karamazov de Dostoïevski et du discours du Dictateur de Charlie Chaplin. La Compagnie Liria la propose en ce moment.

    Un homme ridicule, petit et médiocre, veut se donner la mort mais il rate son suicide de finit par s’endormir. Il rêve et, dans ce rêve, il parvient à se suicider et est conduit après sa mort sur une planète paradisiaque. Mais qui finit par devenir un enfer.

    Simon Pitaqaj a voulu saisir toute la dimension métaphysique de Dostoïevski qui s’est toujours intéressée à des questions essentielles : "Qu’est-ce que le libre-arbitre pour l'homme ? Quel choix est-il capable de faire pour sa propre vie ? Cet auteur métaphysique ne cesse d'en revenir à la condition humaine pour mieux la décrypter, la comprendre et l'écrire."

    Le Rêve d’un Homme ridicule entend interroger le spectateur sur ces prophéties de mondes meilleurs. Simon Pitaqaj poursuit : "Pour nous consoler, nous dirions, comme une évidence, que l’homme est ainsi fait. Qu’il est à la fois le créateur et le destructeur de son propre univers qu’il ne cesse de traiter avec ingratitude. Incapable d’admirer sans posséder ! Incapable de regarder sans toucher ! Je ne cesse de m’interroger et me demande : Est-ce qu’un jour l’homme prendra conscience de sa folie et de son comportement destructeur ?

    L’homme est ainsi fait, à la fois le créateur et le destructeur de son propre univers

    L’écrivain et dramaturge Jean-Baptiste Evette résume ainsi : "Trois lignes dramatiques se rencontrent et s’affrontent : au centre, l’homme ridicule que son inadéquation au monde fragilise et distingue à la fois, qui passe des ténèbres à la lumière du paradis, qui retombe dans les ténèbres, mais reste marqué par le souvenir de ce qu’il a vu, au point d’évoquer un instant la figure d’un messie. Il y a ensuite une deuxième ligne interprétée par des jeunes gens, garçons et filles, qui incarnent l’humanité d’avant la chute, en harmonie avec la nature, puis sa décomposition, sa corruption. Et enfin, un mystérieux homme noir, qui semble d’abord jouer le rôle du passeur, comme le batelier des enfers grecs, mais qui se révélera bientôt beaucoup plus inquisitorial et menaçant que ce dernier".

    Sous la direction de Simon Pitaqaj, Denis Lavant interprète le rôle central du Rêve d’un Homme ridicule où le spectateur retiendra notamment cette phrase en forme, d’appel : "Si on retrouvait l’union ? Union, qui ferait que chacun d’entre nous, tout en continuant de s’aimer plus que les autres, puissent vivre sans gêner son prochain. Vivre ainsi, tous ensemble, pour ainsi dire, dans une société de concorde ?"

    Cela se passera au Théâtre Dunois, jusqu’au 1er octobre.

    Le Rêve d’un Homme ridicule
    Adaptation et mise en scène de Simon Pitaqaj
    Théâtre Dunois du 20 septembre au 1er octobre 2022
    Compagnie Liria

    Scénographie : Simon Pitaqaj et Julie Bossard, avec : Denis Lavant, Arben Bajraktaraj, 
    Santana Susnja, Valéria Dafarra, Jeanne Guillon Verne, Gaëtan Poubangui,
    Séraphin Rousseau et Henry Lemaigre
    Mardi 20 septembre au samedi 24 septembre 2022 à 19 heures
    Dimanche 25 septembre 2022 à 16 heures
    Mardi 27 septembre au samedi 1er octobre 2022 à 19 heures
    https://www.theatredunois.org/la-saison/saison-2022-2023/le-reve-dun-homme-ridicule-2
    https://liriacompagnie.com

    Voir aussi : "Le bon dieu sans confession"

    Photo : Alexandra Camara

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  • Aux arts, citoyens !

    Un festival campagnard à Paris : voilà ce que propose l’événement "Aux Arts !" L'événement sera proposé les 3 et 4 septembre au Parc André Citroën dans le 15e arrondissement. Dans une arène faite en bottes de pailles, "Aux Arts !" proposera une plongée dans la culture afro-américaine, avec actualité olympique à deux ans des JO de Paris et un focus sur les nouveaux sports de l’olympisme : le breakdance et le skate. Projet labellisé "Olympiades culturelles", le festival programmera des concerts, de la danse et du fooding dans le parc André Citroën. Nous avons voulu interroger les organisateurs du festival au sujet de cette manifestation de la rentrée. 

    Bla Bla Blog – Bonjour. Musique, danse, sport, cuisine : ce sont les ingrédients du Festival « Aux Arts ! », qui aura lieu les 3 et 4 septembre prochain au Parc André Citroën, dans le quinzième. Quel est donc cet étrange événement ? 
    Aux Arts  –  “Aux Arts !”, est la déclinaison parisienne du festival Paris New York Heritage qui évolue depuis 6 ans dans le monde ! C’est un événement orienté vers la transition écologique. La musique live étant très polluante, comment en tant que producteur on peut participer à la transition écologique, comment peut- on produire plus propre ? Avec “Aux Arts !” on voulait travailler dans ce sens ! Cette année pour la deuxième édition du festival, le challenge est d’inclure le sport et l’idée de l’olympisme : “l’important c’est de participer !”

    "On s’installe sur la pelouse du Parc André Citroën, un lieu iconique, magique et on ramène 135 ballots de paille"

    On trouvait intéressant d’ouvrir le festival aux sports qui font parti des cultures Africaines et afro-Américaine (comme le breakdance et le skateboard) et de les associer à notre festival qui est autour des thèmes de la diaspora Africaine/ Afro-Américaine et des courants musicaux et culturels issus de ces cultures. C’est une alchimie originale. On aime bien relever des défis et être original, on est un festival à échelle humaine, on propose une expérience dans des bottes de paille avec un skate park, du breakdance, tout cela sur deux après-midi et soirées à la rentrée ! 

    BBB – Pourriez-vous nous parler du cadre où se déroulera le festival « Aux Arts ! » ? Si je vous dis que c’est la campagne qui s’invite à la ville, est-ce que je me trompe ?
    AA  – C’est en partie ça, mais pas tout à fait... On s’installe sur la pelouse du Parc André Citroën, un lieu iconique, magique et on ramène 135 ballots de paille et on crée une arène en bottes de paille !  Mais la programmation est assez urbaine : musique afro-caribéenne, musique hip-hop, dimanche block-party breakdance, skate… C’est un savant mélange de campagne et d’urbain ! On est dans un écrin de campagne dans un vaisseau en botte de paille !

    BBB – Quels artistes y verra-t-on ?
    AA  – Pour l’instant nous n’avons pas toute la programmation, mais nous pouvons vous confirmer la venue de Pat Kalla & le super mojo, Waahli, Raashan Ahmad et enfin Thaïs Lona (TBC) ! 

    Interview faite en juillet 2022

    Festival “Aux Arts !”, les 3 et 4 septembre 2022, Parc André Citroën , Paris 15e
    Évènement de Paris New York Heritage Festival
    https://www.pnyhfestival.com
    https://www.facebook.com/events
    https://www.instagram.com/pnyh_festival

    Voir aussi : "Rock stars en photographies"

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  • Lyrisme à Wissant

    Pour la cinquième fois, le lyrisme posera ses valises cet été à Wissant, dans le Pas-de-Calais, du du 1er au 12 août 2022. Mozart, Verdi ou encore Donizetti seront notamment mis à l’honneur pour cet événement que tous les amoureux du classique suivront avec intérêt. Au total, les Estivales Lyriques de Wissant proposeront plus de vingt concerts et représentations, allant du baroque au XXe siècle.

    Après un Faust de Gounod à la distribution internationale, suivra un des chefs d’œuvre de Mozart, Les Noces de Figaro, par la compagnie I Giocosi, dans la version qu’elle fit applaudir fin 2019 dans le cadre du festival de la Mairie du 11e à Paris. Après Così fan tutte précédemment et Don Giovanni l’an dernier, Wissant pourra désormais s’enorgueillir d’avoir proposé – et ce n’est pas si courant ! – l’entière "trilogie Da Ponte" de Mozart à ses estivants.

    Vrai "laboratoire musical"

    Verdi et Donizetti seront ensuite mis à l’honneur à travers plusieurs de leurs pages les plus célèbres interprétées par le baryton Marc Labonette. L’invité régulier de l’Opéra National de Paris parrainera pour l’occasion deux étonnantes jeunes sopranos d’avenir !

    Le festival se clôturera avec le concert des artistes de la masterclass. Preuve que ces Estivales de Wisant sont un vrai "laboratoire musical", des chanteurs et des chanteuses de renom s’y sont produits, que ce soit Julie Bailly, Yann Beuron, Jennifer Courcier, Sarah Defrise, Marc Labonnette, Gabrielle Philiponet ou Artavazd Sargsyan.

    Une raison supplémentaire pour s’intéresser à ce festival lyrique d’une belle fraîcheur.

    Estivales Lyriques de Wissant
    Wissant, du 1er au 12 août 2022 
    https://www.facebook.com/estivalesWissant

    Voir aussi : "La montée au Trégor"

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  • Le bon dieu sans confession

    Après deux ans d’absence, Dieu habite Düsseldorf revient au Théâtre Lucernaire à Paris, du 11 mai au 3 juillet 2022, du mercredi au samedi à 21h et les dimanches à 17H30.

    Les personnages, Monsieur 1 et Monsieur 2 reprennent du service, dans  une pièce stigmatisant une "société de contrôle loufoque, implacable et un peu foireuse", comme le disent les créateurs.

    Telle une représentation de La Divine Comédie – mais en plus moderne et en plus drôle – Dieu habite Düsseldorf » met en scène deux hommes, Monsieur 1 et Monsieur 2. Des êtres sans nom de famille, numérotés, purs produits d’un monde qui couve, trie et contrôle des inadaptés, des handicapés, des incompétents. Impuissants et lâches, ils déclinent le rapport dominant-dominé en saynètes burlesques. L’ensemble compose un catalogue d’incapacités en sept étapes poussées à leur paroxysme.

    Les influences sont à chercher du côté du cinéma ou des séries d’anticipation, à l’instar d’Orange mécanique ou de Black Mirror. Le cauchemar est omniprésent, tout comme l’humour noir, dans une série d’univers où le kitsch côtoie le clinique : un médecin vous handicape, le sexe n’est plus un organe génital mais un accessoire ménager ou on peut être empaillé vivant… Ambiance, ambiance…

    Cette farce étonnante est à découvrir au Lucernaire jusqu’au 3 juillet 2022 au Lucernaire.

    Dieu habitude Düsseldorf de Sébastien Thiéry, par Renaud Danner et Eric Verdun
    avec en alternance Manuel Durand

    Théâtre Lucernaire, Paris
    Du 11 mai au 3 juillet 2022, du mercredi au samedi à 21h et les dimanches à 17H30
    http://www.lucernaire.fr/theatre/3266-dieu-habite-dusseldorf.html

    Voir aussi : "Les Lettres de mon Moulin de Philippe Caubère"

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  • Mi-figue, mi-raisin 

    mozart,opéra,cosi fan tutte,opéra de paris,lorenzo da ponte,jacquelyn wagner,michele losier,cyrille dubois,philippe sly,paulo szot,ginger costa-jackson,opéra national de paris,philippe jordan,anne teresa de keersmaeker,compagnie rosasMal-aimé, faussement léger et finalement génial : Così fan tutte fait partie des œuvres majeures et tardives de Mozart (1790, soit un an avant sa mort). L’argument du livret de Lorenzo da Ponte est d’une grande simplicité :  Guglielmo et Ferrando se félicitent devant le cynique Alfonso de la fidélité de leurs fiancées, Fiordiligi, la promise de Guglielmo et sa sœur Dorabella, fiancée à Ferrando. Alfonso moque la naïveté des jeunes hommes et leur propose un pari : tester la fidélité des jeunes femmes grâce à un jeu de séduction et de travestissements :  Fiordiligi pourrait-elle tomber amoureuse de Ferrando et Dorabella de Guglielmo. La servante Despina accepte d’aider Alfonso à cette double supercherie.

    Voilà pour l’histoire, bien connue des fans de lyrique, qui savent aussi comment Mozart a su s’emparer de ce sujet léger, pour ne pas dire dépassé, pour composer une musique d’une fluidité, d’une élégance et d’une grâce inouïes, non sans ces moments où la douleur et le pathétique peuvent surgir derrière une mesure, une note ou un accent : que l’on pense à l’ouverture, au final du premier acte ("Si mora, sì, si mora") ou aux arias de Despina.

    L’Opéra de Paris en a proposé une interprétation inédite en 2017. L’orchestre était dirigé par Philippe Jordan sur une chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker. Cette version est disponible en DVD et Blu-ray chez Arthaus.

    Perplexité

    D’où vient cependant cette perplexité à la découverte de cette version du Così fan tutte, un opéra plus complexe que que l’on veuille bien le dire, comme le montre la fin – les noces des deux couples ?

    D’abord et avant tout, moins au décor (un entrepôt sans âme ) et à la mise en scène contemporaine – ce qui est maintenant monnaie courant, y compris et surtout dans les œuvres classiques – qu’à la chorégraphie.

    En faisant appel à la chorégraphe belge, l’Opéra de Paris a fat le choix d’un spectacle dans lequel le lyrisme serait étroitement lié à la danse. Et il est vrai que les danseurs et les danseuses font presque jeu également avec les chanteurs et chanteuses. C’est simple : ils fonctionnent en duo, soit muet, soit dansant.

    Ce qui est une bonne idée au départ devient un spectacle déroutant qui peut séduire comme il peut rendre hermétique. L’importance de ce Così fan tutte est donné autant aux voix qu’aux corps en mouvement, sur une scène vide.

    Il y a bien entendu la musique de Mozart, grâce à laquelle on pardonnera tout. Mais il faut aussi souligner l’interprétation pleine de verve de  Ginger Costa-Jackson dans le rôle de Despina. Disons-le : c’est elle sans doute la vraie grande surprise de ce Così fan tutte.

    Così fan tutte, opéra, Dramma giocoso de Wolfgang Amades Mozart, livret de Lorenzo da Ponte, avec Jacquelyn Wagner, Michèle Losier, Cyrille Dubois, Philippe Sly, Paulo Szot et Ginger Costa-Jackson, Arthaus, DVD, 2017
    Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, dirigé par Philippe Jordan
    Chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker
    Avec les danseurs et danseuses de la Compagnie Rosas
    https://www.operadeparis.fr/saison-17-18/opera/cosi-fan-tutte
    https://www.rosas.be/fr/productions/351-cosi-fan-tutte
    https://arthaus-musik.com/en/dvd/music/opera/media/details/Cosi_fan_tutte_3.html

    Voir aussi : "Toutes les mêmes, tous les mêmes"

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  • Deux pour le prix d’un

    Voilà à mon avis un des projets lyriques les plus étonnants de ces dernières années : proposer en une création unique deux opéras du XXe siècle, aussi éloignés l’un de l’autre que Le Château de Barbe Bleue de Béla Bartók et La Voix humaine de Francis Poulenc. Cette production de l'Opéra de Paris est disponible en DVD.

    Deux opéras du XXe siècle en un, composés à quelques dizaines d’années d’écart – 1918 pour l’un et 1959 pour l’autre – ayant pour unique point commun de parler de deux femmes piégées par l’amour et la mort : une épouse de Barbe Bleue et une amoureuse éconduite que Poulenc nomme simplement "elle", pour mieux en souligner l’universalité.

    Une création unique donc, favorisée par la durée courte de ces deux opéras : grosso modo une heure pour raconter deux tragédies, deux drames amoureux, qui nous parlent de tromperies, de personnages dupés et finalement de mort, à l’instar de l’opéra de Bartók, inspiré d’un célèbre conte.

    Krzysztof Warlikowski agence ces deux opéras, comme si l’un répondait à l’autre, au-delà des périodes difdérentes et de leur inconciliabilité apparente – l’adaptation d’un conte d’une part et un drame intimiste et moderne de l’autre. Il est vrai que pour Le Château de Barbe Bleue, le metteur en scène et l’opéra de Paris ont choisi un décor hyper moderne, délaissant le château traditionnel pour un intérieur clinique fait d’écrans HD, de canapé somptueux et de mobilier. Ce choix esthétique colle parfaitement avec le drame intimiste de Francis Poulenc.

    Le spectacle commence donc par Le Château de Barbe Bleue. Judith, jouée par une magnétique Ekaterina Gubanova électrisée, est follement amoureuse de son époux Barbe Bleue, l’inquiétant et torturé John Relyea. Tout juste mariée, la jeune femme découvre le château inquiétant du tueur légendaire. Bartók fait de cette demeure un être à part entière : "Ton château pleure", "C’est ton château qui soupirait", "Ton château saigne" : voilà ce que chante la nouvelle épouse de Barbe Bleue. Le lieu de ses crimes prend une figure métaphorique, pour ne pas dire psychanalytique : "J’assécherai les murs humides de mes lèvres" et "Les tristes pierres frémissent de plaisir" dit Judith à son mari, avant de réclamer de visiter le château pour découvrir ses secrets. Mal lui en prendra : "À présent il n’y aura plus que la nuit".

    Pour illustrer Le Château de Barbe Bleue, la mise en scène de Krzysztof Warlikowski s’appuie sur un décor glacial et inquiétant, traversé par des explosions de couleurs vives : la robe verte de Judith, la salle de torture rouge et les projections de sang sur les vidéos en noir et blanc de l’enfant. Le surréalisme et l’humour noir ne sont pas absents, à l’image de la boule de Noël, symbolisant l’empire dont se vante le meurtrier. Les projections d’extraits du film La Belle et la Bête de Jean Cocteau viennent donner un contre-point fabuleux à l’opéra de Bartók. Le metteur en scène veut aussi faire le lien avec le deuxième opéra, La Voix humaine, dont le livret a été écrit par Jean Cocteau lui-même. 

    Le moins que l’on puisse dire c’est que Barbara Hannigan donne complètement de sa personne

    Lorsque Le Château de Barbe Bleue s'achève sur l’image des victimes du criminel, une autre femme apparaît sur scène : Barbara Hannigan. La soprano canadienne, sans aucun doute l’une des plus grandes chanteuses lyriques du moment, porte à bout de bras l’œuvre de Poulenc, avec son audace, son engagement total, ses envolées bouleversantes ("J’ai eu un rêve...") et son expressivité, servie par une mise en scène tout aussi baroque. Le moins que l’on puisse dire c’est que Barbara Hannigan donne complètement de sa personne, comme elle l’avait montré dans Lulu de Berg, l’opéra où elle avait éclaboussé la scène de son talent exceptionnel.

    Cette version de La Voix humaine restera à coup sûr dans les annales. Pour ce mélodrame épuré – une jeune femme apprend au téléphone que son amant la quitte – Krzysztof Warlikowski choisit la même facture que sa mise en scène du Château de Barbe Bleue. Une audace récompensée : le spectateur oublie à quel point les opéras de Bartók et de Poulenc sont aussi éloignés l’un que l’autre.

    Contrairement aux représentations traditionnelles de La Voix Humaine, le téléphone est abandonnée dès le début de l’œuvre pour laisser voir une femme abandonnée et blessée, se refaisant à voix haute l’échange qu’elle a eue avec "lui".  En tailleur sombre, chaussures à talons hauts et fard à paupières dégoulinant, Barbara Hannigan traduit toutes les étapes de la rupture : la colère contre elle-même ("J’ai ce que je mérite") ou contre lui ("Regardez-moi cette vilaine petite gueule"), l’incompréhension ("Le coup aurait été trop brutal, tandis que là, j’ai eu le temps de m’habituer, de comprendre… Quelle comédie ?"), la rancœur ("Je te vois, tu sais"), la nostalgie ("Dans le temps, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l'impossible") et l’amour malgré tout (" Dépêche-toi. Coupe ! Coupe vite ! Coupe ! Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime…").

    La Voix humaine fait du téléphone une "arme effrayante", alors qu’une arme – une vraie, celle-là – gît non loin d’"elle". Tout comme Le Château de Barbe Bleue, l’amour et la mort se disputent la première place, avec encore une fois une chanteuse majeure, Barbara Hannigan, à qui le public de l’Opéra Garnier a réservé un triomphe en 2015. Triomphe évidemment mérité. 

    Béla Bartók et Francis Poulenc, Le Château De Barbe Bleue/La Voix Humaine,
    opéras hongrois et français, mise en scène de Krzysztof Warlikowski,
    avec Barbara Hannigan, Ekaterina Gubanova, John Relyea et Claude Bardouil,
    Orchestre de Paris dirigé par Esa-Pekka Salonen, Arthaus Musik, 2018

    Filmé en direct du Palais Garnier en décembre 2015
    https://www.operadeparis.fr
    https://www.barbarahannigan.com

    Voir aussi : "Barbara Hannigan est Lulu"

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  • Abominables additions

    Incendies, que ce soit la version théâtrale ou l’adaptation ciné de Denis Villeneuve, est de ces œuvres que l’on ne peut pas oublier. L’œuvre de Wajdi Mouawad, sans doute l’un des meilleurs dramaturges contemporains, officiant aujourd’hui au Théâtre National de la Colline, date de 2003 et a été transposée au cinéma sept ans plus tard, popularisant un drame bouleversant, dont nous ne dévoileront pas la fin.

    Incendies est une œuvre essentielle de notre époque, puisant ses sources autant dans l’actualité récente (dont la Guerre du Liban, le pays dont est originaire l’auteur mais qu’il a quitté pour le Canada) autant que dans les grandes tragédies antiques.

    Le récit commence dans le cabinet d’un notaire de Montréal qui ouvre devant Jeanne et Simon, des jumeaux trentenaires, le testament de leur mère, Nawal Marwan. Née au Moyen-Orient, cette dernière laisse des dernières volontés incompréhensibles à ses deux enfants : " Aucune pierre ne sera posée sur ma tombe / Et mon nom gravé nulle part." Elle demande aussi que sa fille, professeure de mathématiques, recherche son père qu’elle croyait mort et lui remette une enveloppe scellée. De même, elle demande à son fils Simon de chercher son frère, dont ils ignoraient tous l’existence. Comme pour Jeanne, Simon devra lui remettre une lettre. Soutenus par l’ami et notaire Hermine Lebel, Jeanne puis Simon partent à la recherche de  cette parenté et de leurs origines.

    Tout commence en réalité lorsque Nawal avait 14 ans… 

    Monstruosité

    On imagine la difficulté pour adapter au cinéma une telle pièce à la fois passionnante et aux multiples ramifications. Car plusieurs personnages sont en jeu : les jumeaux Jeanne et Simon pour commencer, mais aussi Nawal. Wajdi Mouawad suit l’histoire de sa tragédie, depuis son histoire d’amour avec un réfugié  jusqu’à la révélation de son terrible secret. Le film de Denis Villeneuve parvient à suivre le fil d’une enquête familiale, marquée par les tabous, les secrets et les grandes tragédies de l’histoire, sans que jamais la mention du Liban ("le pays") n’apparaisse.

    Ce choix de ne pas parler du pays d’origine de l’auteur fait d’Incendies une œuvre universelle qui nous parle des bourreaux, de leurs victimes, des innocents érigés en combattants et des anciens soldats devenant les dépositaires d’une mémoire qui finira pas surgir, insupportable, monstrueuse et absurde : "Pourquoi les miliciens ont-ils pendu les trois adolescents ? Parce que deux réfugiés du camp avaient violé et tué une fille du village de Kfar Samira. Pourquoi ces deux types ont-ils violé cette fille ? Parce que les miliciens avaient lapidé une famille de réfugiés. Pourquoi les miliciens l’ont-ils lapidée ? Parce que les réfugiés avaient brûlé une maison près de la colline du thym. Pourquoi les réfugiés ont-ils brûlé la maison ? Pour se venger des miliciens qui avaient détruit un puits d’eau foré par eux. Pourquoi les miliciens ont détruit le puits ? Parce que des réfugiés avaient brûlé une récolte du côté du fleuve au chien. Pourquoi ont-ils brûlé la récolte ? Il y a certainement une raison, ma mémoire s’arrête là."

    Le long-métrage de Denis Villeneuve scénarise avec tact et efficacité une histoire austère qui a surpris et marqué les spectateurs qui ont vu ce film. Le personnage de Sawda, le double et alter-ego de Nawal n’apparaît pas dans le film, ce qui n’enlève rien à la force poétique de la "femme qui chante". De même, la découverte du secret par Nawal elle-même (le tatouage) n'est pas dans la pièce. 

    La monstruosité est bien présente dans ces incendies qui s’embrasent au fur et à mesure de l’histoire, à l’image de la scène de bus attaquée dans le désert. La guerre devient cette chose indicible que les jumeaux doivent apprendre à côtoyer, comprendre, assimiler et intellectualiser, ce qu'illustre le propos final sur cette addition incompréhensible ("Un plus un, est-ce que ça peut faire un ?").

    Incendies est une œuvre fondamentale qui bouscule. Comme le rappelle Charlotte Farcet, en postface de l’édition de la pièce de théâtre proposée par Actes Sud et Leméac, Wajdi Mouawad dit ceci : "Qu’est-ce qu’une œuvre d’art aujourd’hui… L’art doit être cet os, cet événement immangeable sur lequel l’Histoire se brise les dents. Elle l’avale, mais alors l’art commence son œuvre radioactive dans le ventre de l’Histoire qui, empoisonnée, sera forcée de le recracher."

    Mais derrière cette monstruosité, il y a aussi cette porte ouverte vers l’avenir et la nécessaire réconciliation qui n’a nulle part été mieux dite que dans Incendies

    Wajdi Mouawad, Incendies, théâtre, éd. Actes Sud / Leméac, 2003, 120 p.
    Incendies, drame québécois de Denis Villeneuve, avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette et Rémy Girard, 2010, 130 mn
    https://www.wajdimouawad.fr
    https://www.facebook.com/LesFilmsSeville
    https://www.france.tv/films/2808933-incendies.html

    Voir aussi : "Lignées d’oiseaux"

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