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Histoire - Page 4

  • Quoi de neuf, encore, sur Louis XVI ?

    Que peut-on dire de nouveau sur la mort de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793 ? On serait tenté de répondre : pas grand-chose. Il est vrai que cet événement majeur, tant de l’histoire de France que celui de la Révolution, a été débattu, commenté, discuté, expliqué, étudié à l’école. Avant même de découvrir les premières pages de l'essai L'Exécution du roi - 21 janvier 1793 (éd. Perrin), n’importe quel lecteur sera surpris par le travail fourni par Jean-Clément Martin, l’un des spécialistes de la période : plus de 400 pages sur cette journée de janvier 1793, si l'on compte l’index et la bibliographie. On a connu des ouvrages plus brefs sur des périodes beaucoup plus longues. Voilà de quoi attiser la curiosité.

    L’auteur explique en préambule de son essai le sens du titre du livre : le mot "exécution" a été préféré aux termes de "mort" ou de "procès du roi" qui "euphémisent la réalité", comme il le dit. Le mot "exécution" est choisi car il "désigne une peine capitale appliquée après sentence d’un tribunal et évoque une destruction délibérée… en appliquant des règles et des procédures." Un terme qui est préféré à ceux de "régicide", "supplice", "assassinat" ou encore "martyr". Ce dernier terme est du reste développé en conclusion de l’ouvrage, lorsqu’il est question du traumatisme de ce son exécution.

    Le premier chapitre de l’essai présente le déroulé de cette journée du 21 janvier 1793 qui va relance la Révolution française selon les dires de Maximilien Robespierre et de Bertrand Barrère, député des Hautes-Pyrénées et Président de la Convention pendant le procès du roi à la fin de 1792. La mort du souverain, vécue comme un choc dans toute l’Europe, a, de fait, une portée politique majeure dans le pays.

    Là est justement est le cœur des propos de Jean-Clément Martin. Avec précision et en prenant de la hauteur, l’historien rappelle que jusqu’à sa fuite à Varenne le 20 juin 1791, Louis XVI se trouve dans une situation instable : "La monarchie subsiste, mais la royauté a disparu." Le roi a "une fonction de représentation supérieure", qui est illustrée par cette formulation : "La Nation, la Loi, le Roi." La fuite du roi et de sa famille au cœur de l’été 1791, avant qu’il ne soit rattrapé à Varenne, est un choc immense : le départ manqué de Louis XVI inquiète le pays et provoque des manifestations, téléguidées pour beaucoup par des clubs citoyens et les sans-culottes, en même temps qu’elle embarrasse l’Assemblée. Pour autant, appuie Jean-Clément Martin, "Varenne n’a pas été « la première marche de l’échafaud. »" Rappelons que cet événement important date de juin 1791, soit plus d’un an avant son procès et plus encore avant son exécution. Le 21 janvier 1793 ne s’est donc pas décidé le 20 juin 1791 comme on serait tenté de le penser, mais bien plus tard, au cours de l’été 1792.

    La "deuxième révolution"

    Ce que l’historien montre ce sont les divisions à la fois de l’opinion et des députés, alors que les guerres extérieures menées par les royaumes extérieurs menacent la France ("L’engouement guerrier est considérable"). De plus, "l’échiquier politique est (...) beaucoup plus divisé qu’on ne le croit" : royalistes, monarchiens (sic), jacobins, girondins… Il faut ajouter à cela les ultra-révolutionnaires, les sans-culottes et des rivalités personnelles. Jean-Clément Martin fait une série de descriptions précises du pays et de ses représentant. La France de 1792 est en proie à une véritable crise de nerfs. Personne n’est vraiment le maître du jeu, et encore moins le roi.

    1792, année capitale dans l’histoire de la révolution française, voit se succéder des journées révolutionnaires chaotiques, violentes et insurrectionnelles, marquées par l’instauration d’une Commune à Paris, "avec pouvoirs illimités pour sauver la Patrie". La suite, ce sont les massacres du 10 août, dont le roi sort indemne par miracle, mais qui marque aussi et surtout la fin de la Monarchie française (c'est "la deuxième révolution").

    L’historien montre les tensions entre les représentants de l’Assemblée Nationale, pris entre le roi et des insurgés, dont les sans-culottes, des citoyens ultrarévolutionnaires portés par l'envie de continuer la Révolution, contre leurs représentants, qu'ils désavouent. Ce qui se joue est cette question : continuer le mouvement de la Révolution ou installer une République stable ? La suite est l’emprisonnement du roi voté par les députés puis l’organisation de son procès, qui va faire l’objet de tractations importantes et de débats enflammés. 

    Plusieurs chapitres sont consacrés aux derniers mois de l’année 1792 au cours desquels se jouent des luttes politiques à la Convention et la création de "courants" plus ou moins lâches, à l’origine de ce que l’on appelé plus tard la gauche et la droite. Il faut ajouter à cela les désaccords parfois violents entre Province et Paris, centralisation et fédéralisme. Et c’est dans cette période tumultueuse que la première République est fondée, dans un climat confus.

    L’exécution du roi apparaît comme un événement beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, ce qui donne toute sa valeur à cet essai riche de détails, de faits, de destins et de discours parfois ambivalents. L’auteur parle de "l’ambiguïté de la politique de la Convention, conjuguant destruction et conservation." La passion autant que la politique jouent un rôle bien entendu important : "Le roi et tous ses prédécesseurs ont été victimes de la fascination que leurs personnes exerçaient sur leurs sujets." En prenant du recul sur cet événement qui continue de marquer notre pays, il fallait de la hauteur de vue et de l’intelligence pour le comprendre. C’est tout à l’honneur de Jean-Clément Martin d’en avoir montré.

    Jean-Clément Martin, L'Exécution du roi - 21 janvier 1793, éd. Perrin, 2021, 413 p.
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/lexecution-du-roi/9782262069889

    Voir aussi : "Thérésia versus Robespierre"

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  • Résistances

    France 2 a proposé cette semaine son documentaire L'Histoire secrète de la Résistance. Règle du replay oblige, il reste très peu de temps pour découvrir ce passionnant film de presque deux heures sur une des pages les plus sombres et les plus héroïques de l’histoire de France.

    Je parlais de documentaire. Il s’agit en réalité plutôt de docu-fiction, même si ce terme un peu fourre-tout ne fait pas vraiment honneur à la réalisation de Caroline Benarrosh.

    Grâce à des images et des écrits souvent inédits, la Résistance française devient compréhensible, aidée en cela par des reconstitutions fidèles et des acteurs et actrices incarnant personnalités connues ou anonyme.

    Le film suit quelques figures – le colonel Rémy, Pierre Fresnay, Berty Albrecht ou Georges Beaufils – avec dans l’optique de montrer les différents aspects de la Résistance (à telle enseigne que l’on peut parler de "Résistances" au pluriel) : comment ces réseaux fonctionnaient, quelle était leur idéologie et comment s’est passée leur fusion, sous la houlette de Jean Moulin, figure capitale de cette période.

    La grande qualité du film est de montrer des moments forts, trahissant la complexité de la période. On pense par exemple la rencontre entre Pierre Fresnay, responsable du réseau "Combat" et surveillé par Vichy et le ministre de l’intérieur Pierre Pucheu. On pense aussi les liens qui s’établissent entre le Colonel Rémy, alias Gilbert Renault, militant d’extrême droite et le communiste Georges Beaufils. Deux ennemis irréductibles en temps normal qui deviennent des alliés de circonstance.

    Dans ces récits où la grande histoire rencontre la petite histoire, il est question de destins hors normes, de gens ordinaires se lançant dans de l’espionnage, des actions de terrorisme ou de vraies batailles, derrière "une vie d’apparence normale", avec ces risques inouïes que sont les arrestations, les tortures, les déportations ou les exécutions. Le documentaire revient sur le premier acte de résistance, le 11 novembre 1940, avec une commémoration sauvage et interdite de l’armistice de la guerre 14-18. Que de chemin parcouru entre cet acte héroïque mais vain et le défilé organisé et filmé par 250 maquisards de l’Ain trois ans plus tard ! 

    Le Général de Gaulle a fait preuve d’un bluff incroyable

    Le documentaire ne tait pas le singulier silence des mouvements de résistance au sujet des juifs : après le succès d’une manifestation organisée nationalement par l’ensemble de la Résistance française, le 14 juillet 1942, la tragédie du Vel d’Hiv trois jours plus tard est "à peine évoquée par les publications résistantes." Sans doute ses dirigeants ne voulaient-ils pas aborder ce sujet trop sensible dans une France antisémite et se mettre à dos l’opinion, avancent les auteurs du documentaire.

    L'histoire secrète de la résistance est aussi et avant tout une lutte guerrière autant que politique autour de l’organisation de la Résistance et leur unification. Le documentaire raconte comment le Général de Gaulle a fait preuve d’un bluff incroyable pour fédérer des groupuscules qui communiquaient très peu entre nous. Le spectateur découvrira également comment la fusion avec les résistants communistes a pu se faire, et grâce à qui. Le documentaire revient également sur l’année 1943, année phare et capitale, marquée autant par la création du Conseil National de la Résistance et de l’Armée Secrète que par l’arrestation de Jean Moulin et de grandes figures de la Résistance.  

    De cet hommage au résistants célèbres ou anonymes, on retiendra, comme le dit un témoin, que "sans renier à leur conviction… tous se sont fondés dans le creuset d’une guerre pas comme les autres."

    L'histoire secrète de la résistance, documentaire français de Caroline Benarrosh,
    111 mn, 2021, France 2, présenté par Julian Bugier

    https://www.france.tv

    Voir aussi : "Colette, Lucie et Jean-Pierre"
    "Terrible sourire"
    "Naissance de Marcel Marceau"

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  • Zola au cœur de la Commune

    Voilà une sortie littéraire qui tombe à point. Alors que nous fêtons cette année les 150 ans de la Commune de Paris, Claude Sabatier propose le deuxième tome des Chroniques politiques d’Emile Zola (éd. Classiques Garnier), des articles qui couvrent les années 1871 et 1872. Une période importante, tourmentée et qui marque aussi le début de la IIIe République.

    De février 1871 à août 1872, Zola rédige, pour La Cloche les chroniques parlementaires envoyées de Bordeaux, puis de Versailles, qui analysent les débuts de la IIIe  République. Il rédige, pour Le Sémaphore de Marseille des lettres de Paris où il évoque le drame de la Commune. Ces comptes rendus politiques vont du pamphlet à la satire. En ces années charnières, ils résonnent des débats qui traversent une époque mouvementée – entre pacifisme et nationalisme, république et monarchie, province et Paris, libéralisme et ordre moral. Le journaliste élabore des motifs et des situations que le romancier développera ou transposera dans La Curée, Nana ou Son Excellence Eugène Rougon.

    Si vous n'aimiez que moyennement le Zola "romancier", vous le découvrirez sous un jour nouveau, sous une forme brève et éclatée, en journaliste fourbissant ses armes et son style avant le fameux "J'accuse" du 13 janvier 1898. Outre que le Zola des années 1871-1872 prépare ses futures grandes œuvres, l’auteur et journaliste porte dans ses chroniques parlementaires un regard lucide et aigu sur les combats politiques de son époque. La lecture de ces textes rares de Zola sont éclairées par la préface de Claude Sabatier, sans oublier les notices, éclairages historiques ou littéraires et nombreuses notes.

    Nous l’avons dit : voilà un livre qui tombe à point nommé !

    Émile Zola, présenté par Claude Sabatier, Chroniques politiques ,
    tome 2 (1871-1872)
    , éd. Classiques Garnier, 2021, 1144 p.

    https://classiques-garnier.com

    Voir aussi : "Zola, le journaliste politique"

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  • Colette, Lucie et Jean-Pierre

    C’est le documentaire surprise du moment. Il a bouleversé l’Académie des Oscars qui lui a décerné le prix du meilleur court-métrage documentaire. Réalisé par l’Américain Anthony Giacchino, Colette: The French resistance fighter confronting a été produit en France grâce à Alice Doyard.

    La Colette du titre est Colette Marin-Catherine, 90 ans, une ancienne résistante normande pendant la seconde guerre mondiale et qui a vu son frère Jean-Pierre, résistant lui aussi, arrêté et mourir au camp de concentration de Dora en Allemagne le 22 mars 1945.

    Marquée par cet événement, la vieille dame n’a cependant jamais visité aucun camp, désireuse qu’elle a été d’oublier cette période. Lucile Fouble, une lycéenne de 17 ans, décide de la contacter pour travailler sur un dossier historique en rapport avec cette période. Le film démarre par une visite de l’impressionnante Coupole dans le Nord, un ancien bunker de fusées V2 transformé en site historique remarquable. Lucile parvient à convaincre Colette d’effectuer un voyage en Allemagne, à Dora, là où est mort le frère de cette dernière en 1945, à peine plus âgé que la lycéenne.

    L’ancienne résistante "qui ne pleure jamais"

    Sitôt passée la frontière allemande, l’ancienne résistante "qui ne pleure jamais" fait tomber l’armure dont elle s’était caparaçonnée durant des années. La découverte du camp de concentration où des dizaines de milliers de déportés étaient transformés en esclaves pour construire les terrifiantes fusées V2 devient un de ces moments rares tout autant que pénibles. Les échanges, les confidences, les secrets jamais dévoilés, refont surface. Colette et Lucile s’en trouvent bouleversées. Nous aussi.

    Sur ce voyage mémoriel d’une vieille dame et d’une jeune lycéenne, Anthony Giacchino laisse parler ses témoins. La caméra suit avec grâce, tact et sensibilité une expérience indicible. 

    Le film est visible gratuitement sur Youtube et sur le compte de The Guardian.

    Colette: The French resistance fighter confronting, documentaire français d’Anthony Giacchino,
    avec Colette Marin-Catherine et Lucie Fouble, 2021, 24 mn 50

    https://www.youtube.com/watch?v=J7uBf1gD6JY

    Voir aussi : "Terrible sourire"

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  • Terrible sourire

    À l'occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation, le dimanche 25 avril, France 24 publie un nouveau webdocumentaire : Le sourire d’Auschwitz.

    En réalisant des recherches sur sa région d’origine, la Bretagne, Stéphanie Trouillard, journaliste à France 24, découvre la photo d’une déportée du Morbihan, Marie-Louise Moru, dite Lisette. Un cliché pris à Auschwitz sur lequel la jeune femme, étonnamment souriante, semble défier ses bourreaux. Cette attitude emplie de bravoure va inspirer une longue quête pour retracer le parcours tragique de cette résistante.

    Longtemps resté dans l’ombre, le destin de Lisette retrouve la lumière à travers des textes, photos et documents d’archives. 
    Journaliste à France 24, Stéphanie Trouillard s’est spécialisée depuis plusieurs années dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Quatre ans après la sortie du webdocumentaire multi-primé Si je reviens un jour, les lettres retrouvées de Louise Pikovsky, elle propose une nouvelle enquête sur cette période à l'occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation.

    Quatre chapitres composent le documentaire de Stéphanie Trouillard, Le sourire d’Auschwitz  : "Oser dire non", "La dénonciation", "Le convoi des 31 000"et "La reconnaissance". Le récit d’une Française ordinaire plongée en enfer pendant l’une des périodes les plus noires de notre histoire.

    Le documentaire est à découvrir sur le site de France 24.

    Stéphanie Trouillard,  Le sourire d’Auschwitz, webdocumentaire historique français, 2021
    Dimanche 25 avril 2021, France 24

    https://webdoc.france24.com/sourire-auschwitz/index.html

    Voir aussi : "Amandine Deslandes : "Je pense que l’on a fait de Simone Veil une icône féministe contre sa volonté"

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    Stéphanie Trouillard, journaliste à France 24

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  • Balles au pied

    Deux portraits, deux documentaires, deux personnalités exceptionnelles et deux joueurs de football légendaires. Hasard du calendrier télévisuel, Netflix et Canal+ proposent presque en même temps deux films qui vont passionner tous les amateurs de ballon rond.

    Le premier, consacré à notre "platoche" national, conte l’histoire – presque – ordinaire d’un petit gamin de Meurthe-et-Moselle devenu en quelques années le roi des stades, sans avoir pu toutefois toucher le nirvana (en l'occurrence une coupe du monde) avec son équipe nationale.

    Les plus âgés d’entre nous savent qu’avant que Michel Platini ne devienne l'un des pontes décrié du football européen, il fut un milieu de terrain au pied magique, élu par un magazine spécialisé comme le meilleur footballeur français du XXe siècle, devant Zinedine Zidane et Raymond Kopa. Il a rendu fou ses adversaires avec des coups francs venus d’une autre planète, et son génie lui a valu trois ballons d’or consécutifs, de 1983 à 1985.

    Jean-Marie Goussard a choisi pour son documentaire des archives non-commentées, donnant à son film un aspect brut, qui permet au spectateur de se régaler autant que de juger par lui-même la qualité d’un joueur qui n’a joué que dans trois équipes nationales (Nancy, le mythique Saint-Étienne et la Juventus de Turin). Cette relative fidélité fait de Platini "le dernier romantique", comme l’indique le sous-titre du film. Évidemment, le must du must de sa carrière exceptionnelle reste la demi-finale de 1982 contre l’Allemagne, un sommet du sport mais aussi de la dramaturgie, qui n'a pas laissé au joueur le mauvais souvenir que l'on penserait.

    Un sommet du sport mais aussi de la dramaturgie

    L’autre documentaire, sobrement intitulé Pelé, nous vient de Grande-Bretagne et parle lui aussi d’un génie du football – si ce n’est DU génie. Pelé, moins connu qu’on ne le croit, a droit à un portrait à la fois élogieux et nuancé. Le palmarès de Pelé fait rêver : trois coupes du monde avec l’équipe nationale, des dizaines de coupes nationales dont deux coupes intercontinentales et le championnat américain et pas moins de 1300 buts (dont un record de 8 buts pour un seul match). Le joueur accepte pour ce film de témoigner devant la caméra.

    C’est essentiellement sur ses coupes du monde que s’intéresse le réalisateur. Huit ans après le traumatisme de la finale perdue en 1950 à domicile contre l’Uruguay, en 1958 Pelé devient à 17 ans un héros national en remportant son premier titre important. Un titre que l’équipe nationale conserve quatre ans plus tard, même si Pelé se blesse et ne participe pas aux matches à élimination directe. En 1970, en fin de carrière, le Roi Pelé est de retour dans ce qui reste comme le sommet de sa carrière.  

    David Tryhorn et Ben Nicholas écornent malgré tout l’image de ce génie du ballon rond lorsqu’ils parlent de la manière dont Pelé a vécu la période de dictature militaire brésilienne de 1964 à 1985. Les témoins n’épargnent pas celui qui reste le Brésilien et le footballeur le plus connu au monde : il était "Incapable de contester, de critiquer" et "Il se faisait remarquer par son manque de prise de position politique", apprend-on de quelques témoins. Plus gênant encore, la coupe du monde gagnée en 1970 a constitué un inespéré coup de projecteur sur les dictateurs de cette "guerre sale".

    Sans pour autant refuser ces critiques, Pelé répond en joueur de foot qu’il fut : "Je ne pensais pas que je pouvais faire quelque chose… Je n’étais pas Superman, je ne faisais pas de miracle… Je suis absolument certain d’avoir bien plus aider le Brésil en jouant et en vivant comme je l’ai fait…"

    Platini, le dernier romantique, Documentaire français de Jean-Marie Goussard, 2021, 112 mn
    https://www.canalplus.com/articles/sports/platini-le-dernier-romantique
    https://www.canalplus.com/sport/platini-le-dernier-romantique/h/15754352_50001
    Pelé, documentaire britannique de David Tryhorn et Ben Nicholas, 2021, 108 mn
    https://www.netflix.com/fr/title/81074673

    Voir aussi : "Lev Yachine, l’araignée dorée" 

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  • Napoléon, l’homme qui ne meurt jamais

    Derrière ce titre hugolien, se cache une initiative bienvenue : parler du personnage historique le plus commenté cette année et dont la commémoration est la plus débattue.

    L’ensemble des émissions de Philippe Collin, "Napoléon, l’homme qui ne meurt jamais" propose de s’intéresser à un personnage historique majeur de notre histoire, amis aussi controversé. Dictateur ou unificateur du territoire ? Génie militaire ou monstre sanguinaire ? Réformateur moderne ou souverain tourné vers le passé ? Fossoyeur ou continuateur de la Révolution par d'autres moyens ? Peut-être un peu tout cela à la fois. 

    Les quatre premiers épisodes de cette série sont d’une très bonne facture et proposent une relecture intelligente, contrastée et passionnante d’un personnage qui reste encore profondément ancré dans notre inconscient collectif. Cela explique pourquoi la commémoration de sa mort laisse peu de personnes indifférentes.

    Les podcasts ne suivent pas la chronologie de Napoléon. Ainsi, le premier épisode, intitulé "La mort de l’aigle ou a naissance du mythe", parle de la mort de l'empereur déchu en 1821, du transport de sa dépouille de l’Île Sainte-Hélène en France, décidé singulièrement par le dernier roi de France Louis-Philippe mais du mythe de l’empereur, encore bien présent de nos jours. Comme le dit un spécialiste, lorsque nous balayons devant notre porte, lorsque nous devons enterrer nos morts six pieds sous terre, lorsque nous regardons nos grandes villes et les architectures néoclassiques (Bordeaux, Lyon), c’est l’héritage napoléonien qui est là, sans que nous en soyons conscients.

    Le deuxième épisode s’intéresse de son côté au clan napoléonien et à la manière dont cette famille corse a pris le pouvoir avec une logique et "une construction politique" intelligent et si possible sans violence, parce que la Révolution, avec ses excès, est passée par là ("On ne peut pas faire n’importe quoi").

    Plus étonnant, l’épisode suivant s’intéresse à la "la virilité à cheval ou l’image de l’homme puissant". "Napoléon incarne la bravoure militaire et la sobriété vestimentaire, qui ont défini le masculin pour les générations suivantes… Quant aux femmes, elles ont été cantonnées à la sphère domestique ou à la séduction mondaine", dit l’historien Jean-Clément Martin. Une réalité qui peut être nuancée par quelques femmes de son entourage au caractère bien trempé : sa première femme Joséphine de Beauharnais, mais aussi Juliette Récamier, Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine sa deuxième épouse, mais aussi Félicité de Choiseul-Meuse, la première auteure libertine de cette époque. 

    Essayer d’expliquer à la société  du XXIe siècle que Napoléon Bonaparte fut l’homme de son temps et que sa gloire fut immense

    L’auditeur sera enfin très certainement intéressé par l’émission s’intéressant à la célèbre campagne d’Égypte que la propagande a décrite comme une opération  autant militaire que scientifique. Les invités de Philippe Collin la décrivent comme ce qu’elle est : une guerre coloniale sur laquelle plane le modèle d’Alexandre le Grand. "Sévices sexuels, décapitations, exécutions sommaires : la campagne d’Égypte fut le théâtre de violences guerrières inouïes et pourtant ce n’est pas ce que l’on a retenu. Aujourd’hui ce périple napoléonien est avant tout associée à une expédition scientifique inédite". Ce modèle de propagande à des fins de politique intérieure est bien un conflit meurtrier mené par 35 000 hommes, mais aussi 170 savants, et qui va avoir des conséquences culturelles incalculables, comme le dit un  spécialiste : la campagne d’Égypte de 1798-1801, au piètre bilan militaire, marque surtout "le coup d’envoi d’un phénomène scientifique qui va être extrêmement rapide… le Mystère de l’Égypte ancienne est emporté. Il a vécu pendant 2000 ans."

    Ces émissions ont l’immense qualité de faire le point sur un personnage complexe. Et sur la question de la commémoration de Napoléon, Philippe Collin, âprement débattue, commente ainsi : "Il faut bien sûr commémorer ce bicentenaire et en profiter pour essayer d’expliquer à la société du XXIe siècle que Napoléon Bonaparte fut l’homme de son temps et que sa gloire fut immense, bien plus grande que celle de Washington aux États-Unis. Néanmoins la France de 2021 n’est plus celle de 1821. La société française a profondément changé, et rien ne nous interdit, bien au contraire, de questionner l’héritage napoléonien, sans oukase, uniquement à l’aide des historiens. Ne jamais juger le passé à l’aune du présent !"

    Napoléon, l’homme qui ne meurt jamais, série historique de  Philippe Collin
    en 9 épisodes, France Inter, en podcasts

    https://www.franceinter.fr/emissions/napoleon-l-homme-qui-ne-meurt-jamais

    Voir aussi : "Oh pop pop !"

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  • En suivant la route de Simone Veil

    C’est peu de dire que Simone Veil est une personnalité majeure de la Ve République. Femme politique dans un milieu masculin, elle est restée une personnalité populaire et admirée, y compris quatre ans après sa mort, en juin 2017. Une vraie référence, en dépit du fait qu’elle n’a été ni Présidente de la République, ni première ministre.

    Dans son ouvrage, Simone Veil, Mille Vies, Un Destin (éd. City), Amandine Deslandes revient sur le destin peu ordinaire de cette femme issue de la bourgeoisie parisienne "éclairée". L’enfance heureuse de la petite Simone Jacob, modelée par le patriotisme et la laïcité, n'est absolument pas déterminé par les origines juives de la famille, à telle enseigne qu’"elle aurait oublié qu’elle était juive sans la guerre."

    La grande rupture de sa vie est celle de l’Occupation et de sa déportation à Auschwitz puis Bergen-Belsen, avant une Marche de la Mort .

    La biographe consacre moins de 20 pages à cette expérience inhumaine et traumatisante, mais c’est cette période d’un an est essentielle pour comprendre le parcours d’une survivante, mais aussi une incomprise dans une France qui, après la seconde guerre mondiale, qui souhaite tourner au plus vite la page de l’Occupation et du génocide juif. La blessure indicible sera toujours là, d’autant plus que la jeune Simone ne s’est jamais considérée comme juive : "Simone Veil était entrée française dans les camps. Elle est ressortie juive."

    La sortie de la guerre est d’autant plus difficile que "les déportés raciaux n’ont pas eu le même traitement que les autres… sont considérés comme moins importants." De plus, Simone en vient à jalouser sa sœur, une survivante elle aussi, mais qui est passée par la Résistance et est considérée comme une héroïne. L’autre déchirure est un deuil : celle de Madeleine Jacob, surnommée "Milou", avec qui Simone a partagé les épreuves des camps. En 1952, après des études à Sciences-pop et la rencontre avec son futur mari Antoine Veil, Milou décède dans un accident de voiture.

    Les années suivantes sont celles d’une carrière dans la fonction publique autant que d’un engagement pour améliorer les conditions d’incarcération dans les prisons françaises. Les femmes détenues subissent des conditions pires que les hommes, constate Simone Veil : "L’administration  pénitentiaire m’a davantage empêchée de dormir que le ministère de la Santé !", commente-t-elle plus tard.

    "Simone Veil était entrée française dans les camps. Elle est ressortie juive"

    Elle est nommée ensuite à la direction des affaires civiles. Elle travaille sur le dossier de l’adoption et rédige un projet de loi révolutionnaire, plaçant l’enfant au centre du processus : "Sa plus grande fierté professionnelle… Elle regrettera toujours que la loi dénommée Veil soit sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) plutôt que [cette loi sur l’adoption]".

    1969 marque l’arrivée de Simone Veil dans le grand bain de la politique – masculine. Quelques années plus tard, le jeune Président élu, Valéry Giscard d’Estaing fait entrer Simone Veil dans son gouvernement pour lancer des réformes sociales. Et parmi ces réformes, il y a cette loi pour l’IVG, qui va être le vrai marqueur politique de cette femme politique atypique. Elle entre dans le gouvernement de Jacques Chirac avec qui, comme l’explique Amandine Deslandes, les relations – "une centriste et un anti-compromis" – ne vont jamais être simples : amitié, confiance et respect n’empêchent pas les manœuvres politiciennes, les désaccords, voire les coups bas.

    La réforme de l’IVG fait l’objet d’un chapitre particulièrement documenté. Amandine Deslandes décrit bien l’atmosphère révolutionnaire qui régnait au mi-temps des années 70, rendant indispensable une loi qui pouvait défriser les plus conservateurs : "Si tu ne règles pas ce problème dès le début du septennat, nous auront droit à un avortement sauvage devant l’Élysée !", prévint un témoin à une Simone Veil qui incarnait cette réforme capitale pour le droit des femmes.

    Sans doute s’agit-il là du point de départ d’une histoire passionnée entre la France et Simone Veil, dans la carrière passa ensuite par le Parlement européen. elle en fut une Présidente investie, comme le dit l’auteure. C'était une voix européenne qui portait haut des messages de paix, de réconciliation et de modération. 

    Figure charismatique à la parole portant loin, Simone Veil n’est pas une personnalité classique, comme le montre Amandine Deslandes : de nouveau ministre dans les années 90 sous le gouvernement de cohabitation de d'Edouard Balladur, c’est finalement moins comme responsable politique qu’elle a laissé sa trace que comme figure morale. Que l'on pense à ses fonctions de Sage au Conseil Constitutionnel puis à son élection à l'Académie française en 2008.

    Amandine Deslandes insiste bien entendu sur l’importance de son passé de déportée, qui fait d’elle une des gardiennes de la mémoire des victimes de la Shoah. L’autre combat majeur est celui pour le droit des femmes, qui lui fait dire : "Le bonheur des femmes est un des problèmes fondamentaux de notre société." Un combat plus que jamais d’actualité. On serait curieux aujourd’hui de l’entendre parler des combats féministes, alors qu’elle s’est éteinte quelques semaines avant le déclenchement du raz-de-marée #MeToo. 

    Amandine Deslandes, Simone Veil, Mille Vies, Un Destin, éd. City, 2021
    https://www.amandinedeslandes.fr
    https://www.facebook.com/amandine.deslandes.marseille
    http://www.city-editions.com
    http://simoneveil.fr

    Voir aussi : "La terreur au grand jour"

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