Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

fascisme

  • Les maîtres du ghetto

    Émotions fortes pour The King, cette série polonaise mêlant allègrement histoire de mafia, tableaux de la Pologne d’avant-guerre et immersion dans la société juive de l’époque, quelques années avant qu’elle ne soit annihilée par la barbarie nazie. 

    Le "roi" de cette série est Kaplica, un militant communiste à la tête d’une pègre prospérant à Varsovie. Nous sommes en 1937. La Pologne est en effervescence et en crise. Les mouvements d’extrême-droite sont de plus en plus remuants et n’hésitent pas à troubler l’ordre public. Communistes et fascistes s’affrontent au cours de batailles de rue, et la mafia tenue par Kaplica n’est pas en reste.

    Mais ce fameux Kaplica pense aussi à sa succession, à qui sera roi à la place du roi. Jakub Szapiro, boxeur juif, marié et père de deux enfants, fait figure d’héritier naturel, lui qui a été pour ainsi dire adopté par le chef de la pègre. Mais un autre homme est bien décidé à succéder à Kaplica : Janusz Radziwilek, homme de main sans foi ni loi et trafiquant notoire. Une lutte de pouvoir commence, troublée par la pression de groupuscules fascistes comme par les remords de Jakub suite à l’assassinat d’un débiteur juif ruiné. 

    Lutte de pouvoir

    Le spectateur de The King est invité à bien s’accrocher dans cette plongée infernale. Crimes, tortures et exécutions sauvages côtoient trafics en tout genre, prostitution et règlements de comptes. Ce récit en huit épisodes réserve son lot de surprises, de tensions et de renversements de point de vue. Dès l’épisode 2, la série dessine une autre manière de comprendre l’histoire, car s’il est bien question de mafia, l’enjeu principal est le destin de ces hommes et de ces femmes, à l’aube de la tragédie qui s’apprête à fondre sur la Pologne et en particulier sur les Juifs.

    Michal Zurawski, dans le rôle de Jakub Szapiro, tient la série à bout de bras, à telle enseigne qu’il apparaît comme le vrai souverain. Tour à tour impitoyable, généreux, capable d’humanité mais aussi de traîtrise, il évolue tout au long de l’histoire jusqu’à une fin elliptique. Soulignons aussi le soin donné aux reconstitutions historiques.

    The King prouve aussi que la télé européenne cache de bonnes pépites, puisant largement leur inspiration dans l’histoire tourmentée du XXe siècle, comme l’a prouvé la grande série Babylon Berlin.  

    The King, série polonaise de Lukasz M. Maciejewski,
    avec Michal Zurawski, Arkadiusz Jakubik, Aleksandra Pisula,
    Lena Gora, Mikolaj Kubacki, Piotr Pacek, Borys Szyc et Pawel Wolak,
    saison 1, 2020, Canal+

    https://www.canalplus.com/series/the-king/h/16671751_50001

    Voir aussi : "Crimes et chaos à Berlin"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Gino Bartali, Juste Champion

    Exceptionnels destin et carrière que ceux de Gino Bartali !

    Les fans de cyclisme connaissent le champion et ses deux victoires au Tour de France, l’une en début de carrière en 1938 et l’autre à la toute fin, dix ans plus tard, en 1948, alors que le champion italien va sur ses 40 printemps. L’exploit est encore inégalé à ce jour.

    La performance est d’autant plus remarquable que la carrière du cycliste a été stoppée net par la seconde guerre mondiale, et là est justement le cœur de la bande dessinée de Julian Voloj et Lorena Canottiere, Gino Bartali, Un champion cycliste parmi les Justes (éd. Marabulles).

    Figure sportive autant qu’héroïque, Gina Bartali naît en Italie dans un village près de Florence. Ses origines modestes le destinent à une existence modeste – maçon comme son père ou ouvrier agricole comme sa mère. Mais c’est le vélo, qu’il découvre jeune, qui le passionne. Côtoyer son cousin Armando mais aussi et surtout son ami Giacomo Godbenberg ont un impact décisif sur son existence et sur sa vie. D’abord parce que la bicyclette a eu une place prépondérante dans les jeunes années de ces garçons, et aussi en raison des origines juives du petit Giacomo, fils d’expatriés russes.

    Rapidement, de courses amateurs en critériums semi-professionnels, Gino Bartali excelle dans les courses à vélo, jusqu’à obtenir ses premiers prix. Sport déjà populaire, le cyclisme est également vu comme une arme idéologique et patriotique dans l’Italie mussolinienne.

    Attachant et comme invulnérable

    Compétiteur dans l’âme, Gino Bartali arrive au Tour de France 1937 comme favori mais il lui faut attendre un avant avant de remporter le Maillot Jaune. Il est le deuxième Italien à remporter la plus importante course du monde. C'est pain bénit pour Mussolini qui rêve de faire de Bartali un des nouveaux héros italiens, "mais dans son pays, le fait qu’il n’encense pas le fascisme et qu’il ne mentionne pas le Duce dans son discours de remerciement fut remarqué."

    Ce premier acte de courage n’est pas le dernier pour celui qui est le plus grand sportif italien de son époque. Sa carrière est cependant compromise avec la seconde guerre mondiale, et contre toute attente, Gino Bartali choisit de se mettre au service de la Résistance et de la lutte contre l'antisémitisme.

    Les fans de cyclisme se précipiteront sur cette bande dessinée élégante et sensible consacrée à une des figures majeurs du vélo, double vainqueur du Tour de France et véritable héros dans son pays. Gino Bartali a été un peu oublié de ce côté des Alpes et cette BD est un excellent moyen de se souvenir de lui, de son parcours, de ses choix et de sa carrière qui aurait pu être bien différente sans le conflit mondial de 39-45 et des dictatures nazies et fascistes du XXe siècle.

    Sur un scénario dense et héroïsant le champion péninsulaire, Lorena Canottiere, Grand Prix Artemisia 2018 pour l’album Verdad, utilise des couleurs pastel rose et orangées. Il y a une certaine douceur, pour ne pas dire naïveté, dans les traits de ses personnages. En dépit de la dureté de cette période, les événements les plus tragiques sont évoquées avec pudeur pour ne garder que l’essence de l’athlète italien, attachant, héroïque, généreux et comme invulnérable. 

    Julian Voloj et Lorena Canottiere, Gino Bartali, Un champion cycliste parmi les Justes,
    éd. Marabulles, 2021, 128 p.

    https://www.yadvashem.org/fr/justes/histoires/bartali.html

    Voir aussi : "Le philosophe aux plateaux"
    "Lev Yachine, l’araignée dorée"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Qu’est-ce que le fascisme ?

    Dans son essai Reconnaître le Fascisme (éd. Grasset), Umberto Eco écrit ceci : "L’Ur-fascisme est toujours autour de nous, parfois en civil. Ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire « Je veux rouvrir Aushwitz ». Hélas, la vie n’est pas aussi simple. L’Ur-fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes."

    Fruit d’un discours tenu à l’Université de Columbia en 1995, avant d’être publié en anglais puis en italien, Reconnaître le Fascisme est un opuscule qui a le mérite de mettre à plat quelques vérités sur une idéologie plus moderne – hélas ! – que jamais. Encore qu’idéologie n’est pas le terme approprié. Comme le dit Umberto Eco, "le mot fascisme [est] devenu une synecdoque, la dénomination pars pro toto de mouvements totalitaires différents."

    Alors, qu’est-ce sur le fascisme ? L’intellectuel italien rappelle qu’il a des origines et une histoire bien connues : l’Italie mussolinienne née en 1922 avec la Marche sur Rome et morte dans les décombres de la seconde guerre mondiale en avril 1945. Ce fascisme initial, dit l’auteur, "offrit ensuite à tous les mouvements analogues une sorte d’archétype commun." Le fascisme italien, le nazisme ou le franquisme ont des différences notables qui les rend bien identifiables. Cependant, ajoute Umberto Eco, "Le fascisme s’adapte à tout parce que même si l’on élimine d’un régime fasciste un ou plusieurs aspects, il sera toujours possible de le reconnaître comme fasciste. Enlevez lui l’impérialisme et vous aurez Franco ou Salazar ; enlevez le colonialisme et vous aurez le fascisme balkanique..."

    Umberto Eco en vient à définir un "fascisme primitif et éternel", qu’il nomme l’Ur-fascisme, commun à des mouvements politiques hétéroclites. Ces archétypes sont au nombre de 14 : le culte de la tradition, le refus du modernisme, le culte de l’action pour l’action ("Penser est une forme d’émasculation"), le refus de toute critique, la recherche du consensus (et "la peur de la différence"), l’appel aux classes moyennes frustrées, le nationalisme et l’obsession du complot, "les disciples doivent se sentir humiliés par la richesse ostentatoire et la force de l’ennemi", la recherche d’une guerre permanente contre un ennemi intérieur et extérieur, l’élitisme, le culte de l’héroïsme, le rôle important du sexe et du machisme, le "populisme qualitatif" et l’utilisation d’une "novlangue."

    Avec concision, clarté et un sens de l’engagement louable, l’intellectuel italien, décédé l’an dernier, dresse le portrait d’un danger, avançant souvent masqué. Umberto Eco entend ainsi "rediaboliser" des partis et des mouvements tentés par la respectabilité : "Notre devoir est de démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes – chaque jour, dans chaque partie du monde."

    Umberto Eco, Reconnaître le Fascisme, éd. Grasset, 2017, 52 p.
    "Umberto Eco, un mélange"
    Narjas Zatat, "A philosopher listed the 13 most common features of fascism -
    How many do you recognise?"

  • Il est de retour

    Il est de retour. Qui ? Adolf Hitler. Quand ? De nos jours.

    Voici le pitch étonnant et provocateur de ce best-seller allemand. Timur Vermes choisit d'aller droit au but dans cette satire au vitriol : soixante-dix ans après sa mort, sans que le lecteur ne sache pourquoi, l'ancien chancelier nazi se réveille au milieu d'un terrain vague, pour découvrir une Allemagne en paix et bien différente de ce qu'il connaissait : une femme est au pouvoir, la démocratie est bien installée, l'Europe est en paix, les Turcs ont pignon sur rue et les citoyens allemands ont perdu tout sens de combativité. L'ancien Führer décide de se remettre sur le devant de la scène, aidé en cela par une société de production. Après s'être familiarisé très facilement avec les moyens de communication modernes (smartphone, Internet, etc), il s'offre une tribune à la télévision et sur Internet et s'avère efficace en diable. Et, contre toute attente, son discours reçoit une large écoute.

    Un roman engagé qui ne prend aucune pincette pour dénoncer la montée des extrémismes, le populisme, la démagogie et la crédulité ambiante. 

    Timur Vermes, Il est de Retour, éd. Belfond, 406 p.